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20/06/2024 | FRANCE | N°22/00500

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 20 juin 2024, 22/00500


S.A.S.U. JRS FIBER BRENIL





C/



[R] [K]



Etablissement Public POLE EMPLOI BOURGOGNE FRANCHE-COMTE







C.C.C le 20/06/24 à



-Me BRAYE

-Me GERBAY

-Me GESLAIN





Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 20/06/24 à:



-Me LEJEUNE




















































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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 20 JUIN 2024



MINUTE N°



N° RG 22/00500 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F7ZB



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section IN, décision attaq...

S.A.S.U. JRS FIBER BRENIL

C/

[R] [K]

Etablissement Public POLE EMPLOI BOURGOGNE FRANCHE-COMTE

C.C.C le 20/06/24 à

-Me BRAYE

-Me GERBAY

-Me GESLAIN

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 20/06/24 à:

-Me LEJEUNE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 20 JUIN 2024

MINUTE N°

N° RG 22/00500 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F7ZB

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section IN, décision attaquée en date du 05 Juillet 2022, enregistrée sous le n° 20/00400

APPELANTE :

S.A.S.U. JRS FIBER BRENIL prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Me Aurélie LEJEUNE de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de DIJON, Maître Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉS :

[R] [K]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Anais BRAYE de la SELARL DEFOSSE - BRAYE, avocat au barreau de DIJON

Etablissement Public POLE EMPLOI BOURGOGNE FRANCHE-COMTE prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Anne GESLAIN de la SELARL DU PARC - CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de DIJON substituée par Maître Pauline CORDIN, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 mai 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Olivier MANSION, Président de chambre chargé d'instruire l'affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, président de chambre,

Fabienne RAYON, présidente de chambre,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Juliette GUILLOTIN,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Juliette GUILLOTIN, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [K] (le salarié) a été engagé le 30 octobre 2017 par contrat à durée déterminée en qualité de conducteur d'engins par la société JRS Fiber Brenil (l'employeur) puis le contrat s'est poursuivi en contrat à durée indéterminée.

Il a été licencié le 2 décembre 2019 pour faute grave.

Estimant ce licenciement infondé, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes qui, par jugement du 5 juillet 2022, a dit ce licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur au paiement de diverses sommes.

L'employeur a interjeté appel le 15 juillet 2022.

Il conclut à l'infirmation du jugement et sollicite le paiement de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande également le rejet des demandes formées par Pôle emploi.

Le salarié demande la confirmation du jugement et le paiement de

2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'établissement public Pôle emploi Bourgogne Franche-Comté intervient volontairement et demande le remboursement de la somme de 3 389 euros avec les intérêts au taux légal et 450 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties les 17 octobre 2022, 13 février et 15 mars 2024.

MOTIFS :

La cour constate l'intervention volontaire de Pôle emploi.

Sur le licenciement :

Il appartient à l'employeur qui s'en prévaut à l'appui du licenciement de démontrer la faute grave alléguée.

En l'espèce, la lettre de licenciement reproche au salarié une faute grave consistant en un état d'imprégnation alcoolique sur le lieu de travail soit un manquement grave à la discipline générale et aux règles de sécurité rappelées dans le règlement intérieur.

Le salarié soutient qu'il avait déjà été sanctionné pour les mêmes faits avant le licenciement et que le contrôle d'alcoolémie prévu par le règlement intérieur n'a pas respecté les modalités conventionnelles, la direction ayant refusé la réalisation d'un second test et le test initial a été réalisé à l'aide d'un éthylotest chimique dont il n'est pas possible de s'assurer de la conformité au décret n°2015-775 du 29 juin 2015 et à la norme CE.

Au fond, le salarié conteste la faute grave reprochée.

Sur le premier point, le principe ne bis in idem s'oppose à ce qu'un même fait fautif soit sanctionné plusieurs fois.

Ici, le salarié soutient qu'il a été sanctionné par une mise à pied verbale prononcée le 16 novembre 2019 lorsqu'il a été raccompagné à son domicile ainsi que le lendemain lorsqu'il s'est présenté, à 21 heures, à son poste de travail et qu'il lui a été demandé de rentrer chez lui.

Il ajoute que la mise à pied conservatoire est intervenue par lettre du 18 novembre, réceptionnée le 19 novembre et que la mise à pied intervenue auparavant est nécessairement disciplinaire.

L'employeur répond que la mise à pied verbale du samedi 16 novembre a été immédiatement suivie par la mise en oeuvre de la procédure de licenciement dès le lundi 18 novembre.

Le principe de non-cumul des sanctions ne fait pas obstacle au prononcé d'une mise à pied conservatoire pendant le déroulement de la procédure de licenciement, cette mise à pied devant alors être immédiatement suivie de l'engagement de la procédure de licenciement, sauf circonstances le justifiant.

Ici, la mise à pied d'une durée indéterminée a été prononcée verbalement le samedi 16 novembre après constat du test positif d'alcoolémie, comme en attestent MM. [T] et [I].

La procédure de licenciement a été initiée dès le lundi 18 novembre suivant par l'envoi d'un lettre valant engagement par l'employeur de la procédure de licenciement et confirmation de la mise à pied conservatoire.

Il importe peu que le salarié se soit présenté sur le lieu de travail le dimanche à 21 heures, craignant qu'un abandon de poste lui soit reproché.

Il en résulte que la mise à pied du 16 novembre est conservatoire et ne constitue pas une sanction disciplinaire.

Le salarié ne peut donc valablement se prévaloir de l'application du principe susvisé.

Sur la validité du contrôle d'alcoolémie, il convient de relever que le règlement intérieur interdit aux salariés en état d'ivresse d'entrer ou de séjourner sur les lieux de travail.

L'article 2.2.5 de ce règlement stipule que : 'Dans tous les cas où l'imprégnation alcoolique du salarié est susceptible de constituer un danger pour lui et/ou pour son environnement (personnes ou biens), l'employeur se réserve le droit de recourir à l'alcootest pour vérifier le taux d'alcoolémie ; le taux limite toléré étant celui retenu par les pouvoirs publics en matière de prévention des accidents routiers.

Ce recours à l'alcootest, qui a pour objet de prévenir ou de faire cesser immédiatement une situation dangereuse, est limité aux salariés occupés à l'exécution de certains travaux ou à la conduite de certaines machines, travaux ou conduite pour lesquels l'état d'ébriété est de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger. Le liste des travaux et machines demeurera ci-après en annexe du présent règlement intérieur.

Le test de dépistage peut, à la demande de l'intéressé, s'effectuer en présence d'un tiers et/ou faire l'objet d'une contre-expertise (par l'utilisation d'un deuxième test dans les 15 minutes)...'

La liste vise, notamment, le pilotage de la ligne séchoir, broyeur ou chaudière.

Ce règlement est conforme aux dispositions de l'article R. 4428-21 du code du travail.

Il est démontré que le salarié devait intervenir, le 16 novembre, sur une chaudière comme en témoignent MM. [T] et [B].

Mme [X] atteste que ce jour, le salarié avait du mal à articuler et qu'elle a senti une très forte odeur d'alcool en se reprochant de lui pour lui faire la bise et lui dire bonjour.

MM. [W] et [B] témoignent dans le même sens, soit une forte odeur d'alcool en s'approchant du salarié.

M. [T], le chef d'équipe, alerté par M. [B], se rend sur place et constate que le salarié sent fortement l'alcool et avertit le directeur, M. [I], qui se déplace.

Celui-ci demande au salarié s'il a consommé de l'alcool. En raison de la réponse négative donnée, il lui demande de se soumettre à un test de dépistage d'alcoolémie, ce que le salarié accepte.

MM. [I] et [T] décrivent, de façon concordante, la mise en oeuvre du test, soit un contrôle préalable de la date de péremption du test, la réalisation du test qui s'est avéré positif et l'absence de demande de réalisation d'un autre test de la part du salarié.

Par ailleurs, M. [I] atteste que le salarié lui a confirmé être allé au bar à quelques kilomètres du site, avant sa prise de poste.

Le test permet de retenir un taux d'alcool supérieur à 0,25 milligramme d'alcool par litre d'air expiré.

L'argument du salarié portant sur le refus de l'employeur de réaliser un second test ne résulte que de sa propre affirmation. Il est combattu par les témoignages de MM. [I] et [T] qui confirment qu'aucune demande n'a été faite en ce sens, peu important que la lettre de licenciement ne précise pas que le salarié n'a pas sollicité la mise en oeuvre d'un second test.

De plus, le salarié rappelle les articles 3 et 4 du décret n°2015-775 du 29 juin 2015 pour soutenir qu'il n'est pas établi que ce test répondait aux conditions d'identification du fabricant et qu'il ait été conforme à la norme CE.

Si l'employeur produit une photographie d'un emballage d'éthylotest et une notice d'utilisation, il n'est pas possible, comme le soutient le salarié, de s'assurer qu'il s'agit de l'emballage du test utilisé le 16 novembre.

Toutefois, les deux témoignages précités permettent de vérifier que la date de validité du test a été contrôlée et que ce test n'était pas périmé.

Par ailleurs, ce test est présumé conforme à la réglementation et aux normes applicables, en l'absence d'élément contraire et alors que l'article 4 du décret précité dispose que : 'Sont réputés satisfaire aux dispositions de l'article 3 les produits qui sont :

1° Soit conformes aux normes dont les références sont publiées au Journal officiel de la République française...

2° Soit conformes à un modèle bénéficiant d'une attestation de conformité aux exigences de fiabilité et de sécurité du présent décret, délivrée à la suite d'un examen de type par un organisme français ou d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Turquie, accrédité pour les essais des produits mentionnés à l'article 1er par le Comité français d'accréditation (COFRAC) ou par un autre organisme d'accréditation signataire de l'accord multilatéral pris dans le cadre de la coordination européenne des organismes d'accréditation...'.

Au fond, le salarié soutient que la direction le licencier en raison du caractère 'dérangeant' des critiques émises concernant les pratiques de pollution des sols et des eaux mises en oeuvre au sein de l'entreprise.

Toutefois, ces affirmations ne reposent sur aucun élément et la faute grave reprochée, d'une autre nature, est matériellement vérifiable.

Le salarié ajoute qu'il n'était pas ivre avant d'arriver sur le lieu de travail à 21 heures ayant bu un whisky en apéritif et une verre de vin en dînant, aux alentours de 19 heures.

Plusieurs personnes attestent de ce que le salarié n'a bu que deux verres lors de ce repas.

Le salarié admet qu'à la suite de ce repas, il s'est rendu dans un bar mais qu'il a consommé trois cafés ce que la gérante de l'établissement confirme.

Cependant, tous ces témoignages sont sans portée dès lors qu'ils ne permettent pas de vérifier une éventuelle consommation d'alcool avant 19 heures ou entre 20 heures 15 et 21 heures et traduisent une subjectivité pour apprécier un état d'alcoolémie, d'où la nécessité de recourir à un test chimique qui s'est avéré positif.

Enfin, ce comportement traduit une mise en danger des personnes et des biens.

La faute grave sera retenue et le licenciement prononcé n'est pas disproportionné par rapport à la faute commise, alors que l'employeur est débiteur d'une obligation de sécurité envers les autres salariés et que le salarié était affecté sur un poste à risque et identifié comme tel par le règlement intérieur.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a retenu un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a indemnisé le salarié à ce titre.

Sur les rappels de primes :

L'employeur demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a accordé un rappel sur la prime de performance et un rappel sur la prime de présence et d'exemplarité.

Sur la prime de performance, il indique que cette prime était subordonnée à la présence du salarié dans l'entreprise le 31 décembre 2019, ce qui n'était pas le cas en raison du licenciement intervenu le 2 décembre 2019.

Le salarié répond que cette prime a été mise en place pour l'année 2019 et que son absence au 31 décembre résulte d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cependant, dès lors que le licenciement a été reconnu fondé sur une cause réelle et sérieuse et que le salarié n'était pas présent dans l'entreprise au moment de son versement, cette prime n'est pas due.

Il en va de même pour la prime de présence et d'exemplarité 2019/2020 versée en juin 2020 pour les salariés présents dans les effectifs le 31 mai 2020.

Le jugement sera donc également infirmé à ce titre.

Sur les autres demandes :

1°) Les demandes de Pôle emploi deviennent sans objet dès lors que le licenciement repose sur une faute grave avérée.

2°) Les demandes formées au visa de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Le salarié supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :

- Constate l'intervention volontaire de l'établissement public Pôle emploi Bourgogne Franche-Comté ;

- Infirme le jugement du 5 juillet 2022 ;

Statuant à nouveau

- Dit que le licenciement de M. [K] repose sur une faute grave ;

- Rejette toutes les demandes de M. [K] ;

Y ajoutant :

-Rejette les autres demandes ;

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

- Condamne M. [K] aux dépens de première instance et d'appel ;

Le greffier Le président

Juliette GUILLOTIN Olivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00500
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;22.00500 ?
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