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20/06/2024 | FRANCE | N°22/00473

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 20 juin 2024, 22/00473


[R] [V]



[F] [J] veuve [V], en qualité d'administratrice légale de son fils mineur [E] [W] [V]



[T] [V],es-qualité d'héritière de M. [R] [V]



[O] [V], es-qualité d'héritière de M. [R] [V]





C/



S.A.S. ROSET





















C.C.C le 20/06/24 à



-Me MEUNIER

-Me LIGIER















Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 20/06/24 à:


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-ME DELDON



































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 20 JUIN 2024



MINUTE N°



N° RG 22/00473 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F7TU



Décision déférée à la Cour : Jugement Au ...

[R] [V]

[F] [J] veuve [V], en qualité d'administratrice légale de son fils mineur [E] [W] [V]

[T] [V],es-qualité d'héritière de M. [R] [V]

[O] [V], es-qualité d'héritière de M. [R] [V]

C/

S.A.S. ROSET

C.C.C le 20/06/24 à

-Me MEUNIER

-Me LIGIER

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 20/06/24 à:

-ME DELDON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 20 JUIN 2024

MINUTE N°

N° RG 22/00473 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F7TU

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHALON SUR SAONE, section EN, décision attaquée en date du 04 Juillet 2022, enregistrée sous le n° 21/00021

APPELANTS :

[R] [V]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représenté par Me Jean-charles MEUNIER de la SELAS ADIDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE substituée par Maître Véronique PARENTY-BAUT, avocat au barreau de DIJON

[F] [J] veuve [V], en qualité d'administratrice légale de son fils mineur [E] [W] [V]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Me Jean-charles MEUNIER de la SELAS ADIDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE substituée par Maître Véronique PARENTY-BAUT, avocat au barreau de DIJON

[T] [V],es-qualité d'héritière de M. [R] [V] décédé

[Adresse 5]

[Localité 4]

PORTUGAL

non représentée

[O] [V], es-qualité d'héritière de M. [R] [V] décédé

[Adresse 5]

[Localité 4]

PORTUGAL

non représentée

INTIMÉE :

S.A.S. ROSET prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au barreau de LYON, Me DELDON Gérard, de la SELARL CJA SOCIAL, avocat au barreau de SAINT ETIENNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 mai 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, président de chambre,

Fabienne RAYON, présidente de chambre,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Juliette GUILLOTIN,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Juliette GUILLOTIN, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

M. [R] [V] a été embauché par la société ROSET le 6 juillet 2009 par un contrat à durée indéterminée en qualité de directeur régional secteur Est et Nord, statut cadre, position II, 1er échelon, coefficient 780 de la convention collective nationale de la fabrication de l'ameublement.

Il a été successivement placé en arrêt de travail pour maladie du 6 mars au 12 mai 2019, du 25 novembre 2019 au 6 janvier 2020 et du 20 février 2020 au 30 avril 2021.

Le 7 décembre 2020, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 16 décembre 2020.

Le 13 janvier 2021, il a été licencié pour absences prolongées et répétées perturbant l'organisation de l'entreprise et nécessitant son remplacement définitif.

Par requête du 27 janvier 2021, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône aux fins de requalifier son licenciement en un licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, et condamner l'employeur aux conséquences indemnitaires afférentes, outre des dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement.

Par jugement du 4 juillet 2022, le conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Par déclaration formée le 7 juillet 2022, le salarié a relevé appel de cette décision.

Informé du décès du salarié le 13 juillet 2022, le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 10 novembre 2022, constaté l'interruption de l'instance dans l'attente de l'intervention volontaire ou forcée des ayants droit du défunt et imparti à la société de procéder aux formalités de mise en cause de tous les ayants droit du défunt dans le délai de 15 jours sous peine de radiation.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 20 avril 2024, Mme [F] [J], veuve [V], agissant en qualité d'héritière et conjoint survivant de M. [R] [V] et en qualité d'administratrice légale de la personne et des biens de son fils mineur [E] [W] [V], également héritier de M. [R] [V], intervenants volontaires, demandent de :

- réformer le jugement déféré,

- déclarer recevable et fondée l'intervention volontaire de Mme [F] [J] agissant en qualité d'héritière et de conjoint survivant de M. [R] [V] décédé le 13 juillet 2022 et en qualité d'administratrice légale de la personne et des biens de son fils mineur [E] [W] [V], également héritier de M. [R] [V],

- condamner à titre principal la société ROSET à lui payer ou à la succession de M. [V] la somme de 69 383 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

à titre subsidiaire,

- condamner la société ROSET à lui payer ou à la succession de M. [V] la somme de 60 721 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

en toute hypothèse,

- condamner la société ROSET à lui payer ou à la succession de M. [V] la somme de 5 782 euros à titre de dommages-intérêts pour non- respect de la procédure de licenciement,

- condamner la société ROSET à lui payer ou à la succession de M. [V] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions du 27 février 2023, la société ROSET demande de :

à titre principal,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- débouter M. [V] de toutes ses demandes,

à titre subsidiaire, si la cour considère que la lettre de licenciement est insuffisamment motivée, limiter l'indemnisation à hauteur d'un mois de salaire.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur le bien fondé du licenciement :

a) Sur la validité du licenciement et les dommages-intérêts pour licenciement nul :

Il résulte des dispositions de l'article L.1132-1 du code du travail qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

En application de l'article L. 1134-1du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, si le salarié développe longuement divers arguments visant à contester le bien fondé du motif de son licenciement (carence de l'employeur à démontrer en quoi son absence prolongée ou ses absences répétées ont effectivement entraîné une perturbation dans le fonctionnement normal de l'entreprise rendant nécessaire son remplacement définitif, absence de remplacement définitif, caractère précipité du licenciement), la cour constate que ses prétentions au titre d'un licenciement nul en raison d'une discrimination directe ou indirecte en lien avec son état de santé résultent uniquement de l'affirmation selon laquelle c'est 'bien évidemment' son état de santé et ses arrêts maladie qui sont à l'origine de la rupture, affirmation non corroborée par aucun élément utile et qui en tout état de cause ne saurait résulter du seul fait que le 11 octobre 2020 il a informé son employeur de sa maladie et qu'un mois plus tard il lui a été indiqué qu'une rupture était envisagée.

Il y a donc lieu de considérer que ces éléments, pris dans leur ensemble, ne laissent pas supposer l'existence d'une discrimination. Sa demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

b) Sur le bien-fondé du motif de licenciement :

L'article L. 1132-1 du code du travail fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé, ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé non par l'état de santé du salarié mais par la situation objective de l' entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées de l'intéressé, celui-ci ne pouvant toutefois être licencié que si les perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement total et définitif par l'engagement d'un autre salarié.

Le salarié soutient que la société ROSET ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la perturbation engendrée par ses absences sur le bon fonctionnement de l'entreprise rendant nécessaire son remplacement définitif à la date du licenciement en janvier 2021, se contentant à cet égard de considérations générales.

Il ajoute que :

- en dépit de son état de santé, il a maintenu le contact avec son réseau et a repris le travail en janvier et février 2020 pour participer au salon professionnel 'maison et objets' auquel la société ROSET participait,

- il n'a pas été remplacé à titre définitif pour toute la période de ses premières absences pour arrêt maladie,

- la société ROSET se garde de produire ses données financières alors qu'elles démontrent l'absence de perturbation et même que les affaires sont restées florissantes (pièces n°14 et 15),

- la société admet que 'le directeur régional n'a pas une action directe dans les ventes réalisées dans les concessions et l'organisation mise en place peut fonctionner sur la lancée durant plusieurs semaines', de sorte que rien ne l'obligeait à procéder à son remplacement définitif en extrême urgence avant son retour de maladie. Son licenciement a donc été totalement précipité dès que la société a eu connaissance de sa maladie, ce d'autant qu'une solution avait été trouvée par l'embauche en contrat à durée déterminée M. [N],

- les 25 février et 31 mars 2021, un médecin hospitalier et le médecin du travail ont conclu pour le premier à l'absence de contre-indication à la poursuite de son activité professionnelle et pour le deuxième à son aptitude sous conditions d'aménagements (véhicule automatique adapté avec commandes au volant, utilisation des transports en train lorsque c'est possible, télétravail 1 à 2 jours par semaine, limitation des temps de déplacement si possible en adaptant le secteur d'intervention - pièces n°11 et 16).

L'employeur oppose pour sa part que :

- la convention collective de l'ameublement prévoit une garantie d'emploi en cas de maladie

de 2 mois pour une ancienneté comprise entre 5 et 15 ans. M. [V] a été placé en arrêt de travail pour maladie du 6 mars au 12 mai 2019, du 25 novembre 2019 au 6 janvier 2020 et du 20 février 2020 au 30 avril 2021 (pièce n°9), de sorte que la garantie d'emploi a été respectée,

- dans le cadre de son activité, la société a partagé la France en trois secteurs géographiques, le secteur Ouest étant confié à M. [V]. Sur leur secteur géographique respectif, les directeurs régionaux sont chargés de toute opération se rattachant à la diffusion, à la vente et à la présentation en magasin des produits commercialisés par la société (pièces n°10 et 11), faisant le lien constant entre la direction commerciale et les concessionnaires sur le terrain. Chargé de suivre de façon régulière les concessionnaires, les conseillers, de les guider, de répondre à leurs interrogations, de les aider dans la réalisation des ventes, de les accompagner en cas de difficulté, de veiller au respect des normes qualitatives et d'identité visuelle que transmet le concessionnaire des meubles de la ligne Roset et au respect par les concessionnaires des engagements pris en matière de produits concurrents, le directeur régional permet l'application de la politique commerciale définie par le directeur commercial et fait remonter à la société toutes les observations des concessionnaires. Si les concessionnaires sont laissés trop longtemps sans contact régulier, les liens se distendent et la société perd une partie de la maîtrise de son réseau de magasins. Enfin, un directeur régional ne peut être remplacé par un salarié sous contrat à durée déterminée du fait du temps nécessaire pour le former aux produits de la société et à la politique commerciale et marketing qu'elle impose aux magasins,

- à la date du licenciement, sur trois directeurs régionaux deux étaient en arrêt de travail pour maladie de longue durée (M. [I] sur le secteur Sud, M. [V] sur le secteur Est),

- par le fait du hasard, un ancien directeur régional de la société, M. [N], a fait acte de candidature pour le secteur Sud et a été embauché par un contrat à durée déterminée le 19 octobre 2020 pour remplacer M. [I] puisqu'il connaissait à la fois les produits mais également la politique commerciale et pouvait de ce fait le remplacer sans difficulté, ce qui n'aurait pas été le cas d'une personne sans connaissance ni de la société ni des produits, ni des concessionnaires ni de la politique commerciale (pièce n°12),

- compte tenu de l'absence de M. [V] sur le secteur Est, il a été demandé à M. [N] d'assurer, en plus du suivi du secteur Sud, d'intervenir ponctuellement en fonction des urgences sur le secteur Est afin d'aider les concessionnaires ponctuellement en difficulté,

- l'annonce qui a été faite de l'arrivée de M. [N] sur le secteur Est avait pour seul objectif de rassurer les concessionnaires en difficulté le temps de recruter un nouveau directeur régional, ce que l'intéressé confirme (pièce n°13),

- la jurisprudence n'impose pas à l'employeur de prouver que l'absence prolongée d'un salarié entraîne de graves conséquences mais seulement que cette absence perturbe le fonctionnement normal de l'entreprise. A cet égard, la lettre de licenciement souligne clairement que '[...] au regard de vos missions qui nécessitent une parfaite connaissance de l'entreprise et du réseau commercial, il ne nous est pas possible de vous remplacer par des contrats précaires. Aussi, et pour tenter de pallier partiellement aux conséquences de vos absences, nous avons sollicité à la fois vos collègues de travail mais également votre responsable. Malheureusement, cette situation, non seulement ne permet pas un suivi cohérent du réseau commercial dont vous avez la charge, mais de plus nuit à la fois à la qualité attendue par nos clients et au développement de notre activité' et considérer que l'absence de longue durée d'un directeur régional est sans incidence sur le fonctionnement de l'entreprise revient à affirmer que ce poste est inutile,

- les interventions ponctuelles par des collègues de travail ou par le directeur commercial ne remplacent pas le travail de fond réalisé par le directeur régional,

- du fait de la crise sanitaire et des deux confinements, les magasins ont été fermés durant plusieurs mois et ce n'est que le 27 novembre 2020 que l'activité a pu reprendre. Il était à cette date important que les concessionnaires puissent être accompagnés dans la réouverture afin de reprendre, si possible, une activité « normale »,

- M. [V] a été remplacé par l'embauche de M. [A] au poste de directeur régional dans le cadre d'un contrat à durée indéterminé sur le secteur Est (pièce n°14)

et conclut que les trois conditions posées par la jurisprudence sont parfaitement remplies, de sorte que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, étant observé que le respect de la garantie conventionnelle d'emploi par la société ROSET n'est pas discuté, pas plus que les périodes pendant lesquelles M. [V] a été placé en arrêt de travail pour maladie entre mars et mai 2019 (3 mois), novembre 2019 et janvier 2020 (1 mois) et de février 2020 au 30 avril 2021 (14 mois), il ressort des pièces produites que le remplacement définitif du salarié absent a été effectué sur le secteur Est qui était le sien par l'embauche de M. [A] par un contrat à durée indéterminée à partir du 11 janvier 2021 et qu'auparavant il avait été demandé à M. [N], embauché temporairement pour remplacer un autre directeur régional absent, de prendre en charge une partie des attributions de M. [V] sur le secteur Est.

L'affirmation du salarié selon laquelle M. [N] aurait été embauché pour le remplacer sur son poste est donc erronée.

Dès lors, peu important que celui-ci ait ensuite été conservé à durée indéterminée en binôme de M. [I] sur le secteur Sud, la cour considère que la condition d'un remplacement définitif du salarié absent est remplie.

S'agissant des perturbations sur le fonctionnement normal de l'entreprise, il résulte de la fiche de poste produite que les responsabilités confiées à un directeur régional sont très importantes, diverses et qu'elles couvrent un large spectre d'activités commerciales en lien avec les concessionnaires.

Etant rappelé qu'à la date d'engagement de la procédure de licenciement en décembre 2020 M. [V] était absent de façon continue depuis le mois février précédent et de façon discontinue depuis le mois de mars 2019, cette absence prolongée -en partie compensée par les autres salariés et surtout par l'embauche temporaire de M. [N] aux même fonctions mais sur un autre secteur en lui demandant d'assurer également le remplacement, au moins ponctuellement, de M. [V] - implique nécessairement non seulement une charge de travail supplémentaire pour celui-ci, laquelle ne peut objectivement être pérennisée, mais aussi une perturbation du fonctionnement normal de l'entreprise, le remplaçant temporaire ne pouvant assurer sur son secteur l'intégralité des fonctions normalement dévolues au directeur régional, qui plus est dans le contexte de la crise sanitaire de 2020 qui a ajouté d'autres perturbations. L'affirmation du contraire revient à considérer que le poste précédemment occupé par M. [V] était inutile, ce que celui-ci ne soutient pas.

Au surplus, si la société ROSET indique effectivement dans ses conclusions que 'il est bien évident qu'une absence de quelques semaines n'a pas d'incidence directe et immédiate sur le chiffre d'affaires des concessionnaires et l'organisation mise en place peut fonctionner sur sa lancée', l'affirmation de M. [V] qu'il s'agit d'un aveu que son remplacement n'était pas nécessaire, ou en tout cas précipité, travestit la véritable signification de cette phrase qui n'est qu'un simple rappel de bon sens. En outre, le fait que le chiffre d'affaire ne soit pas affecté par son absence, au delà d'être expliqué par l'employeur, n'est pas exclusif des perturbations alléguées.

En conséquence des développements qui précèdent, étant par ailleurs relevé que dès lors que le licenciement est fondé sur des absences répétées et prolongées et non sur une quelconque inaptitude, les pièces médicales produites, qui plus est postérieures au licenciement, sont sans objet, la cour considère que la société ROSET démontre suffisamment que du fait de l'absence prolongée du salarié, son fonctionnement normal a été perturbé entraînant la nécessité de procéder à son remplacement total et définitif par l'engagement d'un autre salarié.

Le jugement déféré qui a jugé que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse sera donc confirmé, y compris en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire du salarié au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

II - Sur l'irrégularité de la procédure :

M. [V] soutient que la procédure de licenciement n'a pas été respectée dans la mesure où il a été convoqué à l'entretien préalable par un simple courrier électronique du 7 décembre 2020 (pièce n°7) et sollicite en conséquence la somme de 5 782 euros à titre de dommages-intérêts correspondant à un mois de salaire (pièce n°10).

L'employeur oppose que si l'article L.1232-2 du code du travail impose de convoquer le salarié dont il envisage le licenciement par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, la loi n'impose pas un avis de réception, l'accusé de réception permettant seulement d'éviter toute contestation sur la date de présentation et de retrait du courrier.

Il ajoute que la Cour de cassation n'a jamais considéré que le défaut de recommandé ou de courrier remis en mains propres était une formalité substantielle et qu'il convient en tout état de cause d'utiliser un moyen permettant d'apporter la preuve de la réception de la convocation, ce qui est le cas en l'espèce puisque conformément à ce qui lui a été demandé dans le courrier électronique , M. [V] en a accusé réception (pièce n°6) et plusieurs échanges sont ensuite intervenus au sujet de l'entretien préalable. Ainsi, l'accusé de réception d'un courrier électronique non contesté est la preuve que le salarié a bien été informé et qu'il a eu le temps nécessaire pour préparer l'entretien. La réglementation a ainsi été parfaitement respectée et M. [V] doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts.

L'article L.1232-2 pré-cité dispose en son deuxième alinéa que la convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge.

En l'espèce, il est constant que la convocation de M. [V] lui a été adressée par un simple courrier électronique auquel il a répondu également par voie électronique.

Toutefois, si ce moyen répond à l'exigence d'un écrit, il ne permet en revanche pas de déterminer avec certitude la date de réception de la convocation, la date d'ouverture du courrier électronique ni même l'identité de la personne qui en a pris connaissance et y a répondu.

Par ailleurs, le fait que le salarié ait nécessairement eu connaissance de cette convocation puisqu'il s'est présenté à l'entretien n'est pas de nature à couvrir l'irrégularité.

Toutefois, il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l'existence et l'évaluation de celui-ci relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.

En l'espèce, il ressort des pièces produites que si M. [V] n'a pas assisté à l'entretien préalable ce n'est aucunement du fait de cette irrégularité, le salarié ayant dans un premier temps indiqué par courrier électronique ne pas pouvoir répondre à cette convocation pour raison médicale, puis en refusant la nouvelle date proposée par l'employeur. Dès lors, en l'absence de préjudice, la demande à ce titre sera rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

III - Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement déféré sera confirmé sur ces points.

La demande de M. [V] au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée,

M. [V] succombant au principal, il supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône du 4 juillet 2022,

Statuant à nouveau et y ajoutant

REJETTE la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [F] [J], veuve [V], agissant en qualité d'héritière et conjoint survivant de M. [R] [V] et en qualité d'administratrice légale de la personne et des biens de son fils mineur [E] [W] [V], également héritier de M. [R] [V], aux dépens de première instance et d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024, signé par M. Olivier MANSION, président de chambre et Mme Juliette GUILLOTIN, greffier.

Le greffier Le président

Juliette GUILLOTIN Olivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00473
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;22.00473 ?
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