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20/06/2024 | FRANCE | N°22/00464

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 20 juin 2024, 22/00464


S.A.S. TSI PRODUCTION Techni Service Industrie Production





C/



[H] [R]





























C.C.C le 20/06/24 à



-Me PETIT

-Me PIBAROT

















Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 20/06/24 à:



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 20 JUIN 2024



MINUTE N°



N° RG 22/00464 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F7SL



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHALON SUR SAONE, section IN, décision attaquée en date du 01 Juin 2022, e...

S.A.S. TSI PRODUCTION Techni Service Industrie Production

C/

[H] [R]

C.C.C le 20/06/24 à

-Me PETIT

-Me PIBAROT

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 20/06/24 à:

-Me LAURENT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 20 JUIN 2024

MINUTE N°

N° RG 22/00464 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F7SL

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHALON SUR SAONE, section IN, décision attaquée en date du 01 Juin 2022, enregistrée sous le n° F 20/00268

APPELANTE :

S.A.S. TSI PRODUCTION Techni Service Industrie Production

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Maître Cyril LAURENT, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[H] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Maître Franck PETIT, avocat au barreau de DIJON, Maître Franck PIBAROT, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 mai 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, président de chambre,

Fabienne RAYON, présidente de chambre,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Juliette GUILLOTIN,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Juliette GUILLOTIN, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

M. [H] [R] a été embauché le 8 novembre 2004 par la société TECHNI SERVICES INDUSTRIE PRODUCTION (ci-après société TSI) par un contrat de travail à durée déterminée en qualité de meuleur-monteur.

A compter du 1er avril 2005, la relation de travail s'est poursuivie à durée indéterminée.

Les 18 et 23 octobre 2019, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 6 suivant, assorti d'une mise à pied à titre conservatoire.

Le 14 novembre 2019, il a été licencié pour faute grave.

Par requête du 30 octobre 2020, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône aux fins de requalifier son licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et faire condamner l'employeur aux conséquences indemnitaires afférentes.

Par jugement du 1er juin 2022, le conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône a accueilli l'ensemble de ses demandes.

Par déclaration formée le 5 juillet 2022, l'employeur a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions du 5 octobre 2022, l'appelante demande de :

- réformer 'en toutes ses dispositions le jugement évoqué en ce qu'il a' :

* jugé que la rupture du contrat de travail n'était justifiée ni par une faute grave, ni par une cause réelle et sérieuse,

* condamné la société à verser à M. [R] les sommes de 3 592 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 359 euros au titre des congés payés afférents, 7 266 euros à titre d'indemnité de licenciement, 12 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- juger que le 'licenciement pour faute' intervenu par lettre du 14 novembre 2019, est parfaitement justifié,

- le débouter de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement et de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- le débouter du surplus de ses demandes,

- le condamner à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux éventuels dépens,

- débouter M. [R] de toutes demandes, fins et prétentions contraires.

Aux termes de ses dernières conclusions du 23 décembre 2022, M. [R] demande de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la rupture du contrat de travail n'est ni justifiée par une faute grave ni par une cause réelle et sérieuse,

- rejeter les demandes de la société TSI,

- faire droit à ses demandes,

- dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société à lui verser les sommes suivantes :

* 7 266 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 3 592 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 359 euros au titre des congés payés afférents,

- l'infirmer en ce qu'il lui a été alloué la somme de 12 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société TSI à lui verser la somme de 23 346 euros à titre de dommages-intérêts

- condamner la société TSI à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur le bien fondé du licenciement :

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave commise par le salarié.

Il est constant que lorsque les juges considèrent que les faits invoqués par l'employeur ne caractérisent pas une faute grave, ils doivent rechercher si ces faits n'en constituent pas moins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La lettre de licenciement du 14 novembre 2019, laquelle fixe les limites du litige, est rédigée dans les termes suivants :

'[...] Ce vendredi 18 octobre 2019, lors d'échanges avec un représentant de cette même société, vous vous êtes soudainement énervé, faisant alors preuve d'une violence verbale inadmissible et proférant à l'encontre de cette personne, différentes insultes. Ce comportement n'a pas manqué d'interpeller les salariés de [Z] se trouvant là. Monsieur [L], le Chargé d'Affaires en lien avec celle-ci, présent sur le site mais dans un autre service est immédiatement intervenu. En vain, plusieurs personnes ont tenté de vous raisonner et de vous calmer. Face à votre attitude et surtout la virulence de vos propos à l'égard de ce représentant de notre client, il vous a été demandé de quitter les lieux. Après entretien avec la direction de TSI PRODUCTION votre mise à pied conservatoire vous a alors été confirmée par Monsieur [L].

Si le client a pris acte de notre démarche à ce titre, il s'est aussitôt manifesté pour nous faire part de son mécontentement, considérant en effet ces agissements comme inacceptables.

Ils le sont d'autant plus qu'en ce début d'année, vous étiez déjà à l'origine d'une violente altercation avec l'un de vos collègues. A la suite de ces premiers faits, nous avions d'ailleurs fait part de notre insatisfaction et vous avions invité à adopter une conduite professionnelle conforme aux attentes et aux obligations issues de votre contrat de travail. Nous avions en outre fait le choix, à l'époque de ne plus vous affecter sur le même chantier avec le collaborateur concerné et pour éviter toute difficulté [...]. (pièce n°3)

M. [R] conteste la faute grave qui lui est reprochée aux motifs que :

- au jour du licenciement il avait plus de quinze ans d'ancienneté et durant cette période il n'a jamais fait l'objet de la moindre sanction disciplinaire,

- l'employeur évoque dans la lettre de rupture une altercation qui serait survenue avec l'un de ses collègues de travail en début d'année 2019 sans autre précision et aucune procédure disciplinaire n'a été engagée contre lui à ce titre, de sorte que cet élément ne peut sérieusement être retenu comme un antécédent disciplinaire,

- concernant les faits du 18 octobre 2019, c'est lui qui a été victime de l'agressivité de M. [W], employé intérimaire de la société [Z]. Il n'a été à l'initiative d'aucune insulte et n'a fait que répondre à l'agression verbale injustifiée de celui-ci,

- la lettre de licenciement est imprécise dans son libellé, l'employeur n'indiquant pas les propos prétendument insultants qu'il aurait tenu, se contentant de propos rapportés,

- il n'avait aucune raison de s'en prendre à M. [W] et l'employeur a considéré que les propos de celui-ci et ceux de deux salariés de la société [Z], qui n'ont pas été témoins directs, étaient la réalité sans émettre le moindre doute. Pour autant, le déroulé des faits aurait du inviter l'employeur à plus de prudence avant de prononcer le licenciement,

- l'employeur est taisant sur l'enquête qu'il a pu mener après l'incident, notamment s'il a, ou non, entendu d'autres salariés,

- le 18 octobre 2019 vers 10h, M. [W] est venu vers lui et a exigé qu'il cesse de travailler sur la pièce qu'il devait finir le jour même. N'ayant pas accepté sa réponse négative car il estimait qu'il «commandait», il s'est emporté contre lui et l'a verbalement agressé avant de quitter les lieux et d'aller dire à l'un de ses supérieurs qu'il venait d'être insulté. Devant terminer une pièce urgente, il n'a pas estimé nécessaire d'interrompre son travail pour se plaindre des mots de M. [W] et a continué sa mission en pensant que l'incident était clos. Ce n'est que deux heures plus tard environ, en rejoignant les autres salariés de la société TSI pour la pause déjeuner, que son supérieur M. [L] l'a invité à 'dégager',

- l'employeur ne prouve rien et ne cesse de se contredire dans l'exposé des faits, de sorte qu'il doit en être tiré les conséquences légales et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- dès lors que deux heures après sa discussion avec M. [W] il a été appelé par M. [L] pour s'entendre dire 'tu dégages', l'employeur est mal venu à faire valoir que le conseiller syndical l'aurait invité lors de l'entretien préalable à ne pas s'expliquer puisque la société TSI avait, de par son attitude, déjà manifesté sa volonté de rompre le contrat de travail, et ce dès la convocation à l'entretien préalable puisqu'il écrit clairement que les faits dénoncés sont la réalité sans user du conditionnel,

- le conseiller du salarié présent lors de l'entretien préalable atteste que 'ce 6/11/2019 nous avons été reçus par deux membres de la direction d'une façon peu courtoise. Les échanges ont été de courte durée. Il a été reproché à Monsieur [R] de façon très succincte qu'il avait commis une faute grave. Aucun détail précis et compréhensible lui été donné. Monsieur [R] n'a pas pu s'exprimer sur les faits. Ainsi l'employeur n'a pas voulu en réalité recueillir les observations de Monsieur [R]. Monsieur [R] n'a pas pu s'exprimer sur ces faits. [...] j'ai manifestement eu l'impression que la décision de rompre était déjà prise' (pièce n°7),

- pour la première fois en cause d'appel, l'employeur verse la déclaration de M. [W] alors que les faits datent du 18 octobre 2019 et une attestation d'un prétendu témoin (M. [D]) dont il prétend ne pas avoir eu connaissance avant. Or il était déjà surprenant que les quelques salariés de la société TSI présents le 18 octobre 2019 n'aient pas été interrogés immédiatement et deux ans et demi après les faits il n'est pas crédible que l'un d'eux se soit 'fort opportunément manifesté' pour établir une attestation visant à accréditer la thèse de son employeur alors qu'il venait d'être condamné en Justice,

- M. [A] n'a pas été témoin direct d'insultes, ne faisant que reprendre les propos rapportés par M. [O],

- l'employeur fait état dans la lettre de licenciement de faits totalement erronés et se contredit,

- M. [D] prétend en 2022 avoir été témoin direct des insultes prétendument proférées en 2019 alors que jusque là il n'avait jamais été cité dans la procédure et que seuls M. [W] et lui-même étaient présents lors de leur discussion. Il s'inscrit donc en faux contre les déclarations du témoin dont la valeur probante ne sera pas retenue, ce d'autant qu'elle n'est même pas rédigée de façon manuscrite et il ignore tout des circonstances dans lesquelles cet écrit a été obtenu. Il est donc demandé à la cour d'écarter ce témoignage en ce qu'il ne répond pas aux conditions prévues par l'article 202 du code de procédure civile.

Au titre de la charge de la preuve qui lui incombe, l'employeur indique que :

- M. [R] tente de minimiser ses responsabilités en se présentant comme victime de l'agressivité 'd'un dénommé Nordine' et prétend que l'altercation survenue, reconnue, s'inscrit dans un contexte particulier avec notamment des instructions contradictoires. S'il conteste toute violence verbale, il avance paradoxalement qu'il n'aurait fait que répondre à une agression verbale. Cette présentation ne correspond pas à la réalité des faits, ce qu'illustrent les interprétations qu'il donne à certaines situations,

- il a déjà été impliqué dans une altercation avec un de ses collègues de travail, M. [K], à [Localité 4] en janvier 2018. Aux fins d'apaisement, la société n'avait pas souhaité retenir contre l'un ou l'autre une mesure disciplinaire mais à la demande du client, M. [R] a été affecté à

[Z] au Creusot (pièce n°12),

- lors de l'entretien préalable, M. [R] a considéré qu'il était en droit de s'affranchir des règles de sécurité applicables, de ne pas prendre en considération les consignes données pour utilisation des places de stationnement, refusant expressément de respecter les règles applicables, ce qui n'a pas manqué d'interpeller les personnes confrontées à ce comportement (pièce n°11). Lors de l'exposé des griefs, M. [F], conseillé du salarié, lui a précisé qu'il n'avait pas l'obligation de s'expliquer, démarche rendant l'entretien sans intérêt (pièces n°12 et 13),

- le 18 octobre 2019, M. [R] travaillait au sein de l'atelier usinage du site [Z] qui emploie habituellement plusieurs personnes de la société TSI dans le cadre de prestations de services. M. [W], en charge du suivi de la production pour la société [Z], exerçait au sein du même atelier et supervisait la réalisation des missions de chacun. Si comme il le prétend des instructions contraires lui ont été données par M. [W], il suffisait à M. [R] d'en faire la remarque, de solliciter des explications complémentaires et au besoin d'échanger avec M. [L] ou le chef d'équipe de la société TSI pour que soient fixées les priorités. Or il s'est soudainement énervé et a agressé verbalement son interlocuteur, en proférant à son encontre différentes insultes. Des membres de l'encadrement ont été immédiatement alertés. M. [O], responsable atelier usinage, a été informé del'altercation entre ces deux salariés et s'est empressé d'interroger M. [W] qui lui a confirmé que des insultes avaient été proférées à son encontre par M. [R] (pièce n°8). M. [A], responsable contrôle au sein de la société [Z], a aussitôt contacté M. [L] pour l'informer de l'incident (pièce n°9). Arrivé sur les lieux, M. [L] a interrogé M. [R] pour connaître les raisons de l'altercation. Celui-ci a d'abord refusé de s'expliquer puis, reconnaissant la réalité de l'incident, il a prétendu qu'il n'avait fait que répondre à une agression verbale,

- après recherches, la société a pu recueillir les coordonnées de M. [W]. Interrogé sur l'incident et sur son origine, il en expose clairement les circonstances (pièce n°14),

- M. [D], présent dans l'atelier au moment de l'incident, confirme que le 18 octobre 2019, M. [W] a demandé à M. [R] de venir avec lui pour lui montrer les travaux à effectuer au sein d'un atelier mécanique, ce qu'il a refusé puis, s'énervant, a traité M. [W] de 'connard' et l'a menacé dans des termes dépourvus de toute ambiguïté ('je vais te niquer'), propos accompagnés de gestes (pièce n°15),

- tenue à une obligation de sécurité à l'égard de son salarié, la société [Z] a immédiatement demandé à la société TSI d'inviter M. [R] à quitter les lieux. Il a ensuite fait l'objet d'une mesure de mise à pied conservatoire.

En premier lieu, la cour rappelle qu'en application de l'article L.1235-2 du code du travail, faute pour le salarié d'avoir formé auprès de l'employeur une demande de précision quant aux motifs de la lettre de licenciement induit qu'une telle insuffisance, si elle était établie, ne prive pas à elle seule le licenciement de cause réelle et sérieuse, ouvrant seulement droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire.

En l'espèce, M. [R] n'ayant formulé aucune demande en ce sens, il ne saurait arguer d'une quelconque irrégularité à ce titre au soutien de sa prétention à voir requalifier son licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, s'agissant de l'attestation de M. [D] dont il est demandé qu'elle soit écartée des débats, les prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas édictées à peine de nullité et le rejet de cette pièce ne saurait être prononcé qu'autant que l'irrégularité alléguée consacrerait, dans le cas d'espèce, l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à l'intimé, ce qu'il n'allègue pas ni ne démontre, se bornant à en critiquer le contenu et la tardiveté. Par ailleurs, l'auteur de cette attestation est clairement identifié et nonobstant le caractère dactylographié de son attestation, sa signature est manuscrite et se trouve authentifié par la production d'une pièce d'identité. Ces éléments n'autorisent pas à considérer que cette attestation n'offre aucune garantie et ne permet pas de se forger une conviction sur la réalité et sincérité des faits dont il est attesté.

De même, l'attestation de M. [W] ne saurait être considérée comme dépourvue de valeur probante du seul fait qu'elle aussi est tardive et qu'il est partie prenante de l'altercation.

Ensuite, s'agissant du moyen tiré du fait que la société TSI aurait, par son attitude, manifesté sa volonté de rompre le contrat de travail avant même la convocation à l'entretien préalable et rédigé la lettre de convocation à celui-ci en des termes explicites, la cour considère que celui-ci s'analyse en une contestation du licenciement au motif qu'il aurait été verbal. Néanmoins, étant rappelé que la manifestation d'une intention ne doit pas se confondre avec la notification d'une décision, il convient de rechercher si l'employeur a effectivement manifesté sa volonté de mettre fin au contrat de travail du salarié. Sur ce point, jusqu'à sa mise à pied l'employeur n'a pas interdit au salarié l'accès à l'entreprise, l'ayant seulement invité à quitter les lieux en raison d'une altercation qui venait de survenir et que M. [R] admet, même s'il soutient que les rôles sont inversés. En outre aucun document de fin de contrat n'a été établi à ce stade, il ne lui a pas été demandé de restituer ses outils de travail et il n'est pas démontré que la rupture effective du contrat lui a été formellement notifiée, M. [R] comme le conseiller qu'il l'a assisté lors de l'entretien préalable, procédant à cet égard par voie d'interprétation. Il s'en déduit que le moyen n'est pas fondé.

Enfin, aucune disposition légale n'impose à l'employeur de procéder à une enquête sur les faits qui lui sont rapportés.

Sur le fond, il ressort des pièces produites et plus particulières des attestations de témoins directs (MM. [W] et [D] - pièces n°14 et 15) ou indirects (MM. [O], [A], [L], [X], [Y] et Mme [B] - pièces n°8 à 13) le récit précis, circonstancié et concordant d'une altercation survenue le 18 octobre 2019 au cours de laquelle, peu important la raison qui l'explique et le motif qu'il l'a déclenchée, M. [R] a été verbalement agressif et insultant à l'égard de M. [W], salarié de la société FRAMATOM cliente de son employeur.

A l'inverse, le récit contraire de M. [R] n'est corroboré par aucun élément et celui-ci n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause le contenu des attestations pré-citées, lequel ne saurait être remis en cause aux seuls motifs qu'il s'agit de propos rapportés, dès lors que leur récit est concordant, ou tardifs.

En conséquence des développements qui précèdent, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la réalité ou la pertinence du précédent invoqué par l'employeur, la cour considère que le comportement agressif et insultant de M. [R] le 18 octobre 2019 à l'égard d'un salarié d'une entreprise cliente importante de son employeur caractérise une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a requalifié le licenciement de M. [R] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et accueilli les demandes de M. [R] afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, lesquelles seront rejetées.

Par ailleurs, dès lors que le licenciement est fondé sur une faute grave, il s'induit également que nonobstant l'absence de demande des parties à cet égard, le jugement déféré qui a ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement payées au salarié licencié dans la limite de six mois d'indemnités et dit qu'une copie certifiée conforme du jugement sera adressée à Pôle Emploi sera infirmé

II - Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement déféré sera infirmé sur ces points.

M. [R] sera condamné à payer la somme de 1 500 euros à la société TSI au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La demande de M. [R] au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée,

M. [R] succombant, il supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône du 1er juin 2022,

Statuant à nouveau et y ajoutant

DIT que le licenciement de M. [H] [R] est fondé sur une faute grave,

REJETTE les demandes de M. [H] [R] afférentes à licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE M. [H] [R] à payer à la société TECHNI SERVICES INDUSTRIE PRODUCTION la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de M. [H] [R] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [H] [R] aux dépens de première instance et d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024, signé par M. Olivier MANSION, président de chambre et Mme Juliette GUILLOTIN, greffier.

Le greffier Le président

Juliette GUILLOTIN Olivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00464
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;22.00464 ?
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