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18/06/2024 | FRANCE | N°23/01342

France | France, Cour d'appel de Dijon, 1re chambre civile, 18 juin 2024, 23/01342


SA AXA FRANCE



C/



SARL LE CHAVOT







































































































Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON



1ère Chambre Civil

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ARRÊT DU 18 JUIN 2024



N° RG 23/01342 - N° Portalis DBVF-V-B7H-GJGF



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : jugement du 07 juillet 2021, rendu par le tribunal de commerce

de Besançon - RG : 2021 844 - sur renvoi après cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Besançon

rendu le 26 janvier 2022 - RG : 21/1449 - par un arrêt de la Cour de cassation rendu le

12 octobre 2023 - pourvoi n°K 2...

SA AXA FRANCE

C/

SARL LE CHAVOT

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 18 JUIN 2024

N° RG 23/01342 - N° Portalis DBVF-V-B7H-GJGF

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : jugement du 07 juillet 2021, rendu par le tribunal de commerce

de Besançon - RG : 2021 844 - sur renvoi après cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Besançon

rendu le 26 janvier 2022 - RG : 21/1449 - par un arrêt de la Cour de cassation rendu le

12 octobre 2023 - pourvoi n°K 22-13.759

APPELANTE :

SA AXA FRANCE IARD, agissant poursuites et diligences de son Président Directeur Général domicilié es qualités de droit au siège :

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Fabrice CHARLEMAGNE, membre de la SCP BEZIZ-CLEON - CHARLEMAGNE-CREUSVAUX, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 17

INTIMÉE :

SARL LE CHAVOT, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège :

[Adresse 1]

[Localité 2]

non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 avril 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

Bénédicte KUENTZ, Conseiller,

Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT,

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 11 Juin 2024 pour être prorogée au 18 Juin 2024,

ARRÊT : rendu par défaut,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SARL Le Chavot exploite un restaurant pizzeria à [Localité 5].

Le 16 juillet 2016, elle a souscrit auprès d'Axa un contrat d'assurance multirisque professionnelle garantissant notamment les conséquences financières de l'arrêt d'activité. Selon les conditions particulières du contrat, cette garantie a été étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à l'assuré ;

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication. Il est stipulé en caractères majuscules que sont exclues les pertes d'exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.

La société Le Chavot expose que suite à l'arrêté pris le 14 mars 2020 par le ministre des solidarités et de la santé et au décret du 29 octobre 2020 pris par le Premier ministre, le restaurant qu'elle exploite a été fermé du 14 mars au 2 juin 2020 puis du 29 octobre 2020 au 19 mai 2021.

Ayant vainement sollicité auprès d'Axa la mise en oeuvre de la garantie pertes d'exploitation, elle l'a fait assigner, par acte du 2 avril 2021, devant le tribunal de commerce de Besançon, qui par jugement du 7 juillet 2021 :

- a dit réputée non écrite et inopposable à la société Le Chavot la clause contractuelle d'exclusion,

- a condamné la société Axa France Iard à payer, à titre provisionnel, à la société Le Chavot la somme de 30 000 euros à valoir sur l'indemnité définitive, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification du jugement,

- s'est réservé le pouvoir de liquider l'astreinte,

- a ordonné, aux frais avancés de la société Chavot, une mesure d'expertise judiciaire afin essentiellement de déterminer ses pertes d'exploitation, garanties contractuellement pendant les périodes de fermeture administratives prescrites par les mesures réglementaires prises pour faire face à l'épidémie de Covid 19, en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés, des charges économisées et supplémentaires, des subventions, PGE, primes et indemnités reçues ou à recevoir,

- a sursis à statuer sur le montant définitif de l'indemnisation due à la société Le Chavot dans l'attente du rapport d'expertise,

- a réservé les dépens,

- a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- a ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Le tribunal de commerce a motivé sa décision comme suit : 'L'utilisation dans la clause d'exclusion du mot épidémie, terminologie aux contours équivoques, induit une ambiguïté dans la portée de ladite clause de nature à entacher le caractère formel qu'elle doit revêtir en application des dispositions de l'article L.113-1 du code des assurances. / Ainsi l'absence de toute définition, contractuelle ou légale, du terme épidémie a pour conséquence de contraindre les parties à interpréter la portée de la clause d'exclusion, à défaut de pouvoir déterminer, sur la base des pièces versées au dossier, leur commune intention. / Il résulte de l'article 1190 du code civil, nonobstant l'article 1103 du même code que dans Ie doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé. / Il ressort de ce qui précède que la clause d'exclusion litigieuse, par les difficultés d'interprétation qui découlent de sa rédaction ambigüe et insuffisamment précise, doit être interprétée en faveur de l'assuré. / Au surplus, en visant la circonstance de la fermeture concomitante d'un autre établissement dans le même ressort géographique que celui de l'assuré pour cause d'épidémie sans avoir clairement indiqué à l'assuré ce que cette notion recouvrait, la clause d'exclusion ne peut être qualifiée de formelle au sens de l'article L.113-1 du code des assurances.'

Par déclaration du 19 juillet 2021, la société Axa France Iard a interjeté appel de ce jugement, dont tous les chefs étaient expressément critiqués.

Par arrêt du 26 janvier 2022, la cour d'appel de Besançon :

- a confirmé le jugement dont appel,

Y ajoutant,

- a complété la mission d'expertise,

- a débouté la société Axa de sa demande pour frais irrépétibles et l'a condamnée du même chef à payer à la société Le Chavot la somme de 2 000 euros,

- l'a condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et, pour ces derniers, a accordé aux avocats qui l'ont demandé le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

La cour a motivé sa décision comme suit : La clause litigieuse, 'en ce qu'elle se réfère à des faits et circonstances définis avec précision, en l'occurrence l'existence simultanée d'un autre établissement fermé pour le même motif dans le département, constitue une exclusion formelle et limitée au sens de l'article L.113-1 du code des assurances. Elle n'encourt donc, à ce titre, ni le réputé non écrit, ni l'inopposabilité. / La clause litigieuse n'encourt pas davantage de sanction par application de l'article 1170 du code civil dans la rédaction invoquée, suivant laquelle toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite, ce texte entré en vigueur le 1er octobre 2016 étant inapplicable à un contrat signé antérieurement. / En revanche, il se déduit de l'article 1131 du code civil dans sa rédaction ancienne applicable au contrat, suivant laquelle l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet, qu'est réputée non écrite la clause limitative de réparation, ou de garantie, qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 22 octobre 1996, 93-18.632, dit Chronopost, et Cour de cassation, chambre commerciale, 29 juin 2010, 09-11.841, dit Faurecia). / En l'espèce, l'obligation essentielle contractée par l'assuré, qui est de se garantir contre les pertes d'exploitation causées par une fermeture administrative pour épidémie, est contredite par la clause litigieuse laquelle, en réduisant la garantie au cas infinitésimal d'une fermeture administrative pour épidémie imposée au seul assuré pour tout le département, la vide concrètement de sa substance.'

La société Axa France Iard a formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 12 octobre 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Besançon rendu le 26 janvier 2022, aux motifs suivants :

'Vu l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article L. 113-1 du code des assurances :

7. Selon le premier de ces textes, l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.

8. Il résulte du second que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

9. Sur le fondement de ce dernier texte, la Cour de cassation juge qu'une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire (2e Civ., 1er décembre 2022, pourvois n°21-19.341, n°21-19.342, n°21-19.343, n°21-15.392, publiés ; 2e Civ., 19 janvier 2023, pourvoi n°21-21.516, publié).

10. Il en résulte que la validité des clauses d'exclusion de garantie, régie par ce texte spécial qui exige qu'elles ne vident pas la garantie de sa substance, ne peut être cumulativement examinée au regard de l'article 1131 du code civil.

11. Pour réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie et condamner l'assureur à payer une provision, l'arrêt retient, d'abord, que cette clause est formelle et limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, et qu'elle ne peut être réputée non écrite ou inopposable à ce titre.

12. Il énonce, ensuite, qu'il se déduit de l'article 1131 du code civil, qu'est réputée non écrite la clause limitative de réparation, ou de garantie, qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur.

13. L'arrêt retient enfin, d'une part, que l'obligation essentielle contractée par l'assuré était une garantie des pertes d'exploitation causées par une fermeture administrative pour épidémie, d'autre part, que la clause litigieuse, en réduisant la garantie au cas infinitésimal d'une fermeture administrative pour épidémie imposée au seul assuré pour tout le département, la vide de sa substance.

14. En statuant ainsi, après avoir jugé que la clause d'exclusion de garantie était formelle et limitée, sur le fondement de l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé, par fausse application, le premier texte susvisé.

Par déclaration du 20 octobre 2023, la société Axa France Iard a saisi la présente cour, devant laquelle la Cour a renvoyé l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé.

Par acte du 9 novembre 2023, la société Axa France Iard a signifié sa déclaration de saisine et l'avis de fixation à bref délai du 7 novembre 2023 à la société Le Chavot qu'elle a assignée pour le 9 avril 2024. Cet acte a été délivré selon les dispositions de l'article 656 du code de procédure civile.

' Aux termes du dispositif de ses conclusions remises au greffe le 19 décembre 2023 et signifiées à la société Le Chavot par acte du 26 décembre 2023 également délivré selon les dispositions de l'article 656 du code de procédure civile, conclusions auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien de ses prétentions, la société Axa France Iard demande à la cour au visa notamment des articles 1103, 1170 et 1192 du code civil et des articles L.113-1 et L.121-1 du code des assurances, de déclarer son appel recevable et bien-fondé, et y faisant droit, de :

' à titre principal,

' infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion,

Statuant à nouveau,

' juger que l'extension de garantie aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion qui est applicable en l'espèce,

' juger que cette clause d'exclusion

- respecte le caractère formel exigé par l'article L.113-1 du code des assurances,

- ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et respecte le caractère limité de l'article L.113-1 du code des assurances et qu'elle ne prive pas son obligation essentielle de sa substance au sens de l'article 1170 du code civil,

En conséquence,

' juger applicable en l'espèce la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie,

' débouter la société Le Chavot de l'intégralité des demandes qu'elle a formées à son encontre et la condamner à lui restituer les sommes perçues au titre de l'exécution du jugement du 7 juillet 2021,

' à titre subsidiaire, juger que le montant de la condamnation ne pourra pas excéder la somme de 18 605 euros,

' en tout état de cause, condamner la société Le Chavot :

' à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Ben Daoud, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

' La société Le Chavot n'a pas constitué avocat.

Conformément à l'article 634 du code de procédure civile, elle est réputé s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elle avait soumis à la cour d'appel de Besançon dans ses conclusions du 25 novembre 2021.

Aux termes du dispositif de ces conclusions, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien de ses prétentions, la société Le Chavot demande à la cour, au visa des articles 1103, 1170 et 1171, 1188 à 1191 du code civil et de l'article L.113-1, alinéa 1 du code des assurances, de :

' confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- débouté la société Axa de l'intégralité de ses prétentions,

- condamné la société Axa à l'indemniser provisionnellement,

- ordonné une expertise judiciaire,

' infirmer le jugement sur le quantum de la provision,

En conséquence,

' condamner la société Axa France Iard à lui payer la somme de 55 000 euros à titre de provision, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir,

' se réserver expressément en tant que de besoin la faculté de liquider cette astreinte,

' condamner la société Axa France Iard aux entiers dépens de première instance et d'appel et à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture est intervenue le 9 avril 2024 juste avant l'ouverture des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En l'espèce, il est constant que les périodes au titre desquelles la société Le Chavot demande l'exécution du contrat la liant à Axa, sont des périodes durant lesquelles la fermeture de son fonds de commerce a été imposée par une décision émanant d'une autorité administrative compétente, extérieure à l'assurée, et motivée par la lutte conte la propagation du virus Covid - 19, transmettant une maladie contagieuse à l'origine d'une épidémie.

Les conditions d'application de la garantie 'pertes d'exploitation' souscrite sont donc réunies.

Mais la société Axa oppose à la société Le Chavot la clause d'exclusion selon laquelle ne sont pas garanties les pertes d'exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.

Il est constant que la décision ayant conduit à la fermeture du restaurant de la société Le Chavot a contraint à la fermeture de très nombreux autres fonds de commerce, notamment de restauration, dans le département du Doubs, si bien que cette clause d'exclusion a en l'espèce vocation à s'appliquer, sous réserve de sa validité contestée par l'assurée.

La société Le Chavot soutient que la clause d'exclusion que la société Axa lui oppose n'est ni formelle ni limitée car elle vide de sa substance l'obligation de l'assureur.

Elle fait valoir que la clause d'exclusion ne peut être dissociée de la clause de garantie, dès lors que sa référence à une 'cause identique' renvoie aux événements à l'origine de la décision de fermeture administrative, soit une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication.

Elle observe que dans le contrat, le terme 'épidémie' n'a pas été défini et rappelle qu'au sens commun du terme, une épidémie touche un grand nombre de personnes dans une même région.

Elle soutient que le contrat qui garantit les pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative pour cause d'épidémie tout en excluant cette garantie dans le cas où l'épidémie provoque la fermeture d'un seul autre établissement, quelle que soit sa nature de son activité, dans le même département est obscure.

Elle ajoute que la clause d'exclusion a une portée illimitée car elle vide de sons sens la garantie 'pertes d'exploitation pour fermeture administrative' décidée en raison d'une épidémie ou d'une maladie contagieuse, dans la mesure où la décision de fermeture prise pour un tel motif touchera nécessairement plusieurs établissements dans un même département.

Enfin elle relève que consciente de la difficulté, la société Axa lui a soumis une proposition d'avenant excluant de la garantie 'pertes d'exploitation pour fermeture administrative' les pandémies et tout risque impactant au même moment une autre entreprise du même département.

Pour sa part, la société Axa soutient que la clause d'exclusion est claire et ne nécessite aucune interprétation, dès lors qu'elle ne laisse place à aucune incertitude quant à sa volonté d'écarter la garantie lorsque la décision de fermeture administrative affecte concomitamment, dans le même département et pour une même cause, notamment pour une cause d'épidémie, un autre établissement que celui de l'assuré.

Elle observe qu'aucun des termes employés par la clause d'exclusion ne relève d'un vocabulaire spécialisé, notamment celui de l'assurance et qu'ainsi la clause est aisément compréhensible par tous, même en l'absence de définition contractuelle du mot 'épidémie', les critères de l'exclusion de la garantie étant indépendants de la cause à l'origine de la décision de fermeture administrative.

Elle ajoute que le caractère limité de la clause d'exclusion ne peut pas s'apprécier au seul regard de l'épidémie de Covid -19 et qu'il convient de l'apprécier en fonction de ce qui subsiste de la garantie, une fois la clause d'exclusion mise en oeuvre, en rappelant que ce qui est garanti est le risque de fermeture administrative frappant individuellement chaque assuré.

Enfin, elle fait observer que la proposition d'avenant qu'elle a soumis à la signature de son assuré ne constitue pas un aveu d'inopposabilité de la clause litigieuse.

Il résulte de l'article L. 113-1 du code des assurances que seules les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

A titre liminaire, la cour observe que le caractère formel et limité de la clause litigieuse doit s'apprécier au seul regard des stipulations du contrat dans lequel elle figure, sans aucun égard pour les modifications envisagées voire effectivement apportées à ce contrat.

' Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

En l'espèce, il est exact que la clause d'exclusion de garantie renvoie nécessairement par la mention 'cause identique' à la clause de garantie et à l'événement ayant conduit à la décision de fermeture administrative.

Toutefois, cet événement, en l'espèce une épidémie, est sans influence sur la mise en oeuvre de l'exclusion de garantie, laquelle ne dépend que de la circonstance suivante : un autre établissement que celui de l'assuré est, dans le même département fermé en exécution d'une décision administrative fondée sur le même événement que la décision s'imposant à l'établissement de l'assuré.

Ainsi l'absence de définition contractuelle du mot 'épidémie' est sans incidence sur la compréhension de la clause d'exclusion.

' Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

En l'espèce, la garantie couvre le risque de pertes d'exploitation consécutives, non pas à une épidémie, mais à une décision de fermeture administrative ordonnée à la suite de l'un des cinq événements suivants : une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie, une intoxication.

Ainsi, quand bien même la clause d'exclusion de garantie aurait pour effet de ne pas garantir les pertes d'exploitation consécutives à une décision de fermeture administrative ordonnée en raison d'une épidémie, telle celle du Covid -19, elle maintient dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une décision de fermeture administrative motivée par l'un des quatre autres événements ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion.

Il résulte de tout ce qui précède qu'il convient d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de débouter la société Le Chavot de toutes ses demandes.

La cour rappelle que le présent arrêt vaut titre de restitution des sommes versées à la société Le Chavot par l'appelante en vertu de l'exécution provisoire du jugement du 7 juillet 2021 et qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de la société Axa tendant à condamner son assurée à lui restituer lesdites sommes.

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d'appel doivent être supportés par la société Le Chavot.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ne peut pas être accordé à Maître Ben Daoud qui n'est pas l'avocat postulant de la société Axa devant la présente cour.

Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile ne sont réunies qu'en faveur de la société Axa. Mais les circonstances particulières de l'espèce et l'équité conduisent la cour à laisser à sa charge l'intégralité des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 juillet 2021 par le tribunal de commerce de Besançon,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Déboute la SARL Le Chavot de toutes ses demandes,

La condamne aux dépens de première instance et d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Ben Daoud,

Déboute la SA Axa France Iard de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que le présent arrêt vaut titre de restitution des sommes versées par la SA Axa France Iard à la SARL Le Chavot en vertu de l'exécution provisoire du jugement infirmé.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/01342
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;23.01342 ?
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