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18/06/2024 | FRANCE | N°22/00639

France | France, Cour d'appel de Dijon, 1re chambre civile, 18 juin 2024, 22/00639


S.A.S. SUCHOTEL



C/



S.A. GENERALI

































































































Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON



1re chambre civile



ARRÊT D

U 18 JUIN 2024



N° RG 22/00639 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F6OE



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : jugement du 22 avril 2022,

rendu par le tribunal de commerce de mâcon - RG : 2021J00040











APPELANTE :



S.A.S. SUCHOTEL

[Adresse 4]

[Localité 2]



Assistée de Me Etienne RIONDET, membre de la SELARL RIONDET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, plaidant, et représentée par Me ...

S.A.S. SUCHOTEL

C/

S.A. GENERALI

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

1re chambre civile

ARRÊT DU 18 JUIN 2024

N° RG 22/00639 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F6OE

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : jugement du 22 avril 2022,

rendu par le tribunal de commerce de mâcon - RG : 2021J00040

APPELANTE :

S.A.S. SUCHOTEL

[Adresse 4]

[Localité 2]

Assistée de Me Etienne RIONDET, membre de la SELARL RIONDET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, plaidant, et représentée par Me Michèle LOISY, avocat au barreau de MACON, postulant

INTIMÉE :

S.A. GENERALI prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social :

[Adresse 1]

[Localité 3]

Assistée de Me Philippe-Gildas BERNARD, membre du cabinet NGO JUNG & PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, plaidant, et représentée par Me Vincent CUISINIER de la SELARL DU PARC - CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, postulant, vestiaire : 91

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 avril 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

Bénédicte KUENTZ, Conseiller,

Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 11 Juin 2024 pour être prorogée au 18 Juin 2024,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Suchotel, qui exploite un hôtel à [Localité 2] sous l'enseigne 'Hôtel Ibis Budget', a souscrit auprès de la société Generali un contrat 'Groupe' n°AM752238/C4573 à effet du 25 mai 2018.

Ce contrat, qui couvre les risques liés à l'activité 'Hôtel avec ou sans restaurant', prévoit sous certaines conditions une indemnisation au bénéfice de l'assuré au titre des pertes d'exploitation résultant d'une fermeture administrative.

Afin de lutter contre le développement de l'épidémie de Covid-19, le gouvernement a pris deux arrêtés les 14 et 15 mars 2020 ordonnant la fermeture de certaines catégories d'établissements recevant du public.

Un décret n°2020-260 du 16 mars 2020 a par ailleurs interdit, hors circonstances limitativement énumérées, les déplacements des personnes hors de leur domicile.

La société Suchotel s'estimant couverte, en application de la police souscrite, pour les pertes d'exploitation subies dans ce contexte, elle a adressé par l'intermédiaire de son conseil une déclaration de sinistre à la société Generali le 17 novembre 2020.

La société Generali a répondu le 5 mai 2021 qu'elle refusait toute mobilisation du contrat.

Un décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020 a prononcé de nouvelles mesures interdisant à certains types d'établissements de recevoir du public.

La société Suchotel a ainsi procédé le 10 mars 2021 à une deuxième déclaration de sinistre pour la période de novembre 2020 à janvier 2021.

En l'absence de suite favorable donnée à ses demandes, la société Suchotel a saisi le tribunal de commerce de Mâcon par une assignation du 14 juin 2021, aux fins de voir condamner la société Generali à lui verser les sommes de 126 624 et 48 054 euros, et subsidiairement, pour obtenir l'organisation d'une mesure d'expertise et le versement d'une avance sur indemnité de 87 000 euros.

Aux termes d'un jugement du 22 avril 2022, le tribunal de commerce de Mâcon a rejeté la demande de mobilisation de la police d'assurance de la société Generali, et a en conséquence débouté la société Suchotel de ses prétentions financières, la condamnant au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société Suchotel a relevé appel de cette décision le 20 mai 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 14 mars 2024, la société Suchotel demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1104 du code civil, ainsi que de l'article 1190 du même code, de :

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Mâcon du 22 avril 2022 en ce qu'il :

a rejeté sa demande de mobilisation de la police d'assurance pour la couverture de la perte d'exploitation de l'hôtel Ibis Budget situé à [Localité 2],

l'a déboutée de ses demandes de paiement des sommes de 126 624 euros et 48 054 euros au titre de la perte d'exploitation,

l'a déboutée de sa demande d'avance sur indemnité pour la somme de 87 000 euros,

a rejeté la demande d'expertise judiciaire,

a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

l'a condamnée à payer à la société Generali la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

l'a condamnée aux entiers dépens de l'instance

En conséquence, statuant à nouveau,

- juger que la police d'assurance Generali est mobilisable pour l'ensemble de ses activités,

- condamner la société Generali à lui payer la somme de 126 624 euros au titre de la perte d'exploitation subie lors du premier confinement,

- condamner la société Generali à lui payer la somme de 48 054 euros au titre de la perte d'exploitation subie lors du deuxième confinement,

Subsidiairement,

- désigner tel expert qu'il plaira aux fins d'évaluer contradictoirement la perte d'exploitation qu'elle a subie pendant les deux périodes considérées ayant commencé à courir à compter du 15 mars jusqu'au 15 juin 2020 puis du 29 octobre 2020 au 29 janvier 2021, l'expert pouvant notamment se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à sa mission, et entendre tout sachant,

- juger que les frais d'expertise seront à la charge de Generali,

En tout état de cause,

- condamner Generali à verser, à titre d'avance sur indemnité, la somme de 90 000 euros,

- condamner Generali à verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et la procédure d'appel,

- condamner Generali en tous les dépens.

En ses dernières écritures notifiées le 20 mars 2024, la société Generali IARD demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Mâcon du 22 avril 2022 en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- débouter la société Suchotel de ses demandes formées à son encontre,

A titre subsidiaire,

- constater que la société Suchotel ne justifie pas du montant de ses demandes,

En conséquence,

- débouter la société Suchotel de ses demandes formées à son encontre,

A titre infiniment subsidiaire,

- mettre à la charge de la société Suchotel les frais d'expertise judiciaire,

- dire que l'expert judiciaire désigné devra évaluer l'indemnisation de la société Suchotel telle que découlant des polices d'assurance liant les parties et de manière plus générale, suivre le principe indemnitaire, principe d'ordre public prévu à l'article L. 121-1 du code des assurances,

En tout état de cause,

- condamner la société Suchotel à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées des parties pour un exposé complet de leurs moyens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 21 mars 2024.

MOTIFS

Sur la mobilisation de la garantie

En application de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En outre, il résulte des dispositions de ce même code afférentes à l'interprétation des contrats que :

- le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes ; lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation (article 1188) ;

- dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion, contre celui qui l'a proposé (article 1190) ;

- on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation (article 1192).

En l'espèce, la police d'assurance n°AM752238/C4573 souscrite par la société Suchotel auprès de la société Generali inclut une garantie 'Perte d'exploitation après fermeture administrative, telle que : intoxication alimentaire, sinistre RC, épidémie'.

A ce titre, le contrat comporte en page 13 une clause intitulée 'FERMETURE ADMINISTRATIVE' libellée comme suit : ' Nous garantissons au titre du chapitre 'soutien financier' de l'annexe 100 % pro 'hôtel restaurant', le paiement d'une indemnité résultant de l'interruption totale ou partielle des activités de l'Assuré, consécutive à la fermeture totale ou partielle d'un établissement assuré, par suite d'une décision des autorités compétentes'. (mention soulignée dans le contrat)

Il résulte de la lecture de cette clause que la mobilisation de la garantie suppose que soient réunies trois conditions, à savoir :

- une interruption totale ou partielle des activités de la société Suchotel,

- une interruption résultant d'une fermeture totale ou partielle de l'établissement,

- une fermeture par suite d'une décision des autorités compétentes, cette dernière condition donnant lieu à des interprétations divergentes par les parties.

Il sera tout d'abord observé que les établissements classés en catégorie 'O' (hôtel, pension de famille, résidence de tourisme), dont relève l'hôtel exploité par la société Suchotel, ne figurent pas dans la liste des établissements recevant du public ayant fait l'objet d'une fermeture administrative ordonnée aux termes de l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, ni de l'arrêté du 15 mars 2020 le complétant.

Par ailleurs, si l'article 40 du décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire a interdit d'accueillir du public aux 'établissements de type O : hôtels, pour les espaces dédiés aux activités de restauration et de débits de boisson', l'appelante ne justifie ni même n'allègue l'existence d'un tel espace dédié à une activité de restauration ou de débits de boisson au sein de son établissement.

En outre, si certains préfets ont été amenés à prendre des arrêtés ordonnant la fermeture des établissements hôteliers situés au sein de leur département, tel n'a pas été le cas dans le département de la Saône-et-Loire.

Ainsi, l'établissement exploité par la société Suchotel n'a pas fait l'objet d'une fermeture expressément ordonnée par une décision émanant du ministère des solidarités et de la santé ou de l'autorité préfectorale.

L'appelante fait toutefois valoir que la condition tenant à 'la fermeture par suite d'une décision des autorités compétentes' doit s'entendre d'une fermeture qui est, non pas l'objet de la décision administrative, mais sa conséquence économique logique et obligée.

Elle relève à cet égard que l'activité hôtelière s'est trouvée directement et profondément impactée par les restrictions de toute nature imposées par les textes réglementaires, et notamment par le décret n°2020-60 du 16 mars 2020 qui a interdit, sauf exceptions strictement définies, le déplacement de toute personne hors de son domicile.

Elle soutient que la fermeture de son établissement, qui résultait d'une obligation de gestion dictée par l'absence de clientèle, était ainsi bien la conséquence d'une décision des autorités compétentes, justifiant la mise en oeuvre de la garantie 'perte d'exploitation'.

Il ressort cependant de la lecture de la clause litigieuse, dont la rédaction est claire et non ambiguë, que la condition tenant à 'la fermeture par suite d'une décision des autorités compétentes' implique que la fermeture ait été ordonnée par décision administrative, comme cela résulte très clairement de son intitulé qui énonce en caractère gras et en lettres capitales 'FERMETURE ADMINISTRATIVE'.

Or, les mesures prises par les autorités administratives compétentes de limitation des déplacements des personnes physiques ont, certes, réduit les activités hôtelières, et entraîné une baisse de fréquentation, ayant justifié par ailleurs l'octroi de diverses aides financières de l'Etat, mais ces mesures ne peuvent pas être assimilées à une décision de fermeture administrative des hôtels.

Ainsi, comme le fait valoir la société Generali, la décision de fermeture de l'établissement hôtelier découle uniquement d'un choix de gestion, dicté par les circonstances et non par une décision des autorités administratives compétentes.

De même, la société Suchotel ne saurait valablement soutenir que la notion de fermeture administrative s'entendrait de la seule fermeture visée par l'article L. 3332-15 du code de la santé publique ' sanctionnant une faute intentionnelle ou dolosive insusceptible d'être garantie et privant de ce fait l'obligation de l'assureur de sa substance ', sauf à ajouter une condition non stipulée au contrat d'assurance, lequel ne comporte aucune référence à cette disposition légale.

Ainsi, la condition relative à la fermeture par suite d'une décision des autorités compétentes exigée par la garantie 'Fermeture administrative' de l'hôtel n'étant pas remplie, c'est à juste titre que le tribunal de commerce de Mâcon a retenu que la garantie de la société Generali n'était pas mobilisable pour la perte d'exploitation subie par la société Suchotel.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté cette dernière de l'intégralité de ses prétentions.

Sur les frais de procès

Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Suchotel aux dépens et au paiement d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Suchotel, qui succombe en son recours, sera en outre tenue aux dépens d'appel.

L'équité ne commande en revanche pas de condamner cette dernière à payer à la société Generali, qui peut seule y prétendre, une somme au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Suchotel aux dépens d'appel,

Rejette les demandes d'indemnité fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00639
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;22.00639 ?
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