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06/06/2024 | FRANCE | N°22/00389

France | France, Cour d'appel de Dijon, 2 e chambre civile, 06 juin 2024, 22/00389


SA CREDIT LOGEMENT



C/



[N] [C]



[P] [V]



































































































Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON



2ème Chambre

Civile



ARRÊT DU 06 JUIN 2024



N° RG 22/00389 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F5HB



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : au fond du 28 février 2022,

rendue par le tribunal judiciaire de Dijon - RG : 19/002243









APPELANTE :



SA CREDIT LOGEMENT, agissant poursuites et diligences d'un représentant légal en exercice domicilié au siège social sis :

[Adresse 4]

[Localité 5]



représentée par...

SA CREDIT LOGEMENT

C/

[N] [C]

[P] [V]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 06 JUIN 2024

N° RG 22/00389 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F5HB

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 28 février 2022,

rendue par le tribunal judiciaire de Dijon - RG : 19/002243

APPELANTE :

SA CREDIT LOGEMENT, agissant poursuites et diligences d'un représentant légal en exercice domicilié au siège social sis :

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me Delphine HERITIER, membre de la SCP LDH AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 16

INTIMÉS :

Monsieur [N] [C]

né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 6] (21)

Madame [P] [V]

née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 6] (21)

domiciliés tous deux : [Adresse 3]

représentés par Me Jean-Eudes CORDELIER, membre de la SELAS LEGI CONSEILS BOURGOGNE, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 31

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mars 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Leslie CHARBONNIER, Conseiller. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Marie-Pascale BLANCHARD, Président de Chambre,

Sophie BAILLY, Conseiller,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG,

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 06 Juin 2024,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Président de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé du 30 janvier 2012, la SCI Covi a emprunté auprès du Crédit Lyonnais (LCL) la somme de 154 737 euros remboursable en 324 mensualités.

Par actes séparés du 2 février 2012, M. [N] [C] et Mme [P] [V] se sont portés cautions de la SCI Covi à hauteur de 177 947,55 euros.

Par acte du 4 janvier 2012, le Crédit Logement s'est porté caution de la SCI Covi au profit du Crédit Lyonnais à hauteur de 154 737 euros.

La SCI Covi n'a pas réglé les échéances du 21 mai 2015 au 21 février 2016.

Le Crédit Logement a été amené à payer au Crédit Lyonnais, en ses lieu et place, le montant de ces échéances et une quittance subrogative lui a été délivrée le 24 mars 2016 pour la somme de 10 065,51 euros.

La SCI Covi n'a pas non plus réglé les échéances suivantes de mars à juin 2016 et le Crédit Lyonnais a prononcé la déchéance du terme le 3 juin 2016.

Le Crédit Logement a été amené à régler à la banque l'intégalité du solde de la créance.

Une deuxième quittance subrogative a été délivrée au Crédit Logement le 12 juillet 2016 pour la somme de 162 290,71 euros.

Les cautions, M. [N] [C] et Mme [P] [V], ont été mis en demeure de payer la somme de 172 510,55 euros, par lettres recommandées du 30 juin 2016.

Le Crédit Logement a assigné la SCI Covi et obtenu sa condamnation par jugement du 21 janvier 2019 à lui régler la somme de 171 080,63 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2016. La SCI Covi n'a pas relevé appel de cette décision.

Par acte du 24 juillet 2019, il a assigné les cautions devant le tribunal de grande instance de Dijon aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 176 226,78 euros, outre intérêts légaux.

Par jugement du 28 février 2022, le tribunal judiciaire de Dijon a :

- débouté la SA Crédit Logement de ses demandes contre Mme [V] et M. [C],

- condamné le Crédit Logement aux dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

Le Crédit Logement a relevé appel de ce jugement par déclaration du 29 mars 2022.

Selon conclusions notifiées le 06 janvier 2023, il demande à la cour de:

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Dijon du 28 février (RG : 19/02243) en ce qu'il :

- l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,

- l'a condamné aux dépens,

ce faisant,

- condamner solidairement M. [N] [C] et Mme [P] [V] à lui payer la somme de 176 226,78 euros (171 080,63 + 4 260,28 + 885,87) outre intérêt au taux légal à compter du 11 juillet 2017,

- condamner solidairement M. [N] [C] et Mme [P] [V] au paiement de la somme de 1 500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [N] [C] et Mme [P] [V] aux entiers dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés par la S.C.P LDH Avocats, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Selon conclusions d'intimés notifiées le 20 février 2023, M. [N] [C] et Mme [P] [V] demandent à la cour, au visa de l'article L. 331-1 du code de la consommation, de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Dijon du 28 février 2022,

- débouter la SA Crédit Logement de ses entières fins et prétentions,

- la condamner à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet de leurs moyens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 20 février 2024.

Sur ce la cour,

Les cautions, pour s'opposer à la demande en paiement du Crédit Logement, soulèvent toujours à hauteur de cour, la disproportion de leurs engagements au moment de leur conclusion.

Le Crédit Logement rétorque que, dans le cadre du recours personnel de la caution, le débiteur principal ne peut pas opposer à la caution les exceptions qu'il aurait pu opposer au créancier principal sauf les cas visés à l'article 2308 du code civil.

Or, comme l'a justement rappelé le premier juge, la sanction prévue par l'article L. 341-4, devenu L332-1 du code de la consommation, alors applicable, prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs, lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire (C. Cass chambre mixte 27 férvier 2015, pourvoi n°13-13.709, 1re Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-17.325).

La disproportion est une exception personnelle à la caution, qui est opposable erga omnes, toute solution contraire conduisant à priver l'article L341-4 du code de la consommation de son efficacité.

Ainsi, c'est à juste titre que le premier juge a apprécié le moyen de la disproportion soulevé par les cautions.

Selon l'article L341-4 du code de la consommation, alors applicable, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Le non respect du principe de proportionnalité est sanctionné par la déchéance de la garantie encourue par le créancier, le cautionnement disproportionné étant totalement privé d'efficacité.

La disproportion doit s'apprécier, d'une part, au moment de la formation du contrat et, d'autre part, le cas échéant, au moment où la caution est appelée.

S'il appartient à la caution qui entend opposer à la banque les dispositions de l'article L341-4 du code de la consommation, de rapporter la preuve du caractère disproportionné de son engagement par rapport à ses biens et revenus au jour de celui-ci, c'est au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion d'établir qu'au moment où il l'appelle le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation.

Doivent être pris en compte non seulement les revenus de la caution, mais aussi tous autres biens formant son patrimoine, notamment ses immeubles.

Le critère n'est ni le degré de liquidité du patrimoine, ni le taux d'endettement tel qu'il est usuellement pris en compte en matière d'octroi de crédit.

Tous les biens formant le patrimoine de la caution doivent être pris en compte, y compris le logement de la famille qui, sauf exceptions, n'est pas insaisissable.

Parmi les éléments d'actif du patrimoine, doivent aussi être pris en compte les parts sociales ou actions détenues par la caution dans la société débitrice et son compte courant d'associé.

Pour l'appréciation de la valeur des parts sociales détenues par la caution il doit être tenu compte du passif social.

Pour les partenaires unis par un PACS ou les concubins, seul le patrimoine personnel de celui qui s'est porté caution doit être pris en compte, y compris, le cas échéant, la moitié des biens leur appartenant indivisément.

Pour apprécier la disproportion manifeste d'un engagement au regard de son patrimoine, il faut évidemment imputer sur l'actif existant l'ensemble des obligations ou engagements incombant au débiteur au jour du cautionnement contesté, tels que ses charges de famille, les crédits en cours, ainsi que les engagements en qualité de caution précédemment souscrits.

Au sens du texte susvisé et de la jurisprudence subséquente, une disproportion manifeste au regard des facultés contributives de la caution, est une disproportion flagrante et évidente pour un professionnel normalement diligent entre, d'une part, les engagements de la caution, d'autre part, ses biens et revenus.

Il est rappelé qu'aucun texte ne fait obligation à une banque de faire préalablement compléter par la caution, personne physique, une fiche de renseignements relative à ses biens et revenus, ce postulat n'étant d'ailleurs pas remis en cause par les intimés.

A l'intar du premier juge, il est relevé au vu de l'avis d'impôt 2012 sur les revenus 2011 que la situation de revenus des cautions au jour de leurs engagements, soit le 2 février 2012, était la suivante :

- 16 771 euros pour M. [C], soit 1 397 euros par mois,

- 17 560 euros pour Mme [V], soit 1 463 euros par mois.

Le Crédit Logement soutient que M. [C] est, depuis le décès de son père, survenu en novembre 2011, propriétaire indivis d'un immeuble situé [Adresse 7] à [Localité 6] évalué à 1 500 000 euros ainsi que de deux appartements situés [Adresse 8] évalués à 210 000 euros.

Or, il est établi que les appartements situés quai [R] [D] ont été attribués par un legs à Mme [X] [E] veuve [C] en pleine propriété.

En rechanche, quand bien même, cette dernière serait usufruitière de la totalité du bien situé [Adresse 7], M. [N] [C] n'en reste pas moins titulaire d'1/4 en nue-propriété (la nue-propriété étant partagée avec ses trois soeurs).

Peu importe que M. [C] n'ait pas eu une connaissance précise de ce patrimoine au moment de son engagement ni que celui-ci soit difficilement réalisable, sa part en nue-propriété doit être prise en compte et peut être fixée, comme il l'indique, à 17,5% de la valeur du bien situé [Adresse 7], l'usufruitière étant alors âgée de 79 ans (soit une part en usufruit de 30%).

M. [C] ne produit pas l'état liquidatif de la succession permettant de contredire l'évaluation de ce bien annoncée par le Crédit Logement.

Par ailleurs, les intimés étaient détenteurs de 100% des parts sociales de la SCI Covi, laquelle détenait un immeuble d'habitation situé à Talant.

S'il ressort d'une procédure précédente que la valeur de ce bien avait pu être estimée à 438 000 euros en 2015, aucun élément ne permet de vérifier la valeur de celui-ci en février 2012, à la date des engagements de cautionnement, si ce n'est que l'immeuble a finalement été vendu dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la SCI Covi au prix de 304 000 euros en fin d'année 2020.

En revanche, les parts de Mme [V] dans la SARL GDS Côte d'or, spécialisée dans les fonds de placement et entités financières similaires, au capital social de 30 000 euros, ne sauraient être prises en compte dans l'appréciation de la disproportion de son engagement dès lors que cette société a été créée en 2013, soit postérieurement au cautionnement dont il est question.

Par suite, dès lors que le prêt souscrit avait pour objet d'achever les travaux dans quatre appartements destinés à la location, il s'en déduit qu'au moment des engagements des cautions, la SCI Covi ne percevait aucun revenu locatif.

Concernant les charges supportées par les cautions au moment de leur engagement, il est constant que chacun des intimés était antérieurement engagé en qualité de caution auprès du Crédit Agricole au titre des quatre autres prêts souscrits par la SCI Covi, en cours de règlement en février 2012, et à hauteur de :

- 191 100 euros au titre du prêt de 147 000 euros souscrit le 29 décembre 2009,

- 13 000 euros au titre du prêt de 10 000 euros souscrit le 29 décembre 2009,

- 66 625 euros au titre du prêt de 51 250 euros souscrit le 06 janvier 2011,

- 61 100 euros au titre du prêt de 47 000 euros souscrit le 29 décembre 2009,

soit des engagements antérieurs à hauteur de 331 825 euros.

Il est établi que M. [C] avait, en outre, souscrit personnellement un prêt de 6 000 euros auprès de la banque HSBC qu'il remboursait depuis mai 2010 par mensualités de 90,47 euros, selon offre de prêt, le tableau d'amortissement produit ne correspondant pas au prêt concerné.

De son côté, Mme [V] remboursait depuis le 30 décembre 2009 un prêt de 10 500 euros souscrit auprès du Crédit Agricole selon échéances mensuelles de 171,30 euros, la dernière étant attendue au 15 décembre 2015.

Il résulte de ce qui précède qu'en se portant caution en février 2012 pour un montant de 177 947 euros, alors qu'elle était déjà engagée à hauteur de 331 825 euros au titre de cautionnements antérieurs, eu égard à ses revenus et à la valeur modérée de ses parts sociales dans la SCI Covi (dont la valeur de l'immeuble ne pouvait excéder 400 000 euros en 2012 et se trouvait grevée par quatre autres prêts dont le solde excédait 230 000 euros), parts dont elle ne disposait que de la moitié, son nouvel engagement souscrit le 2 février 2012 était manifestement disproportionné à ses revenus et patrimoine qui ne pouvaient le couvrir.

Quand bien même l'immeuble sis [Adresse 7] serait valorisé à 1 500 000 euros à l'époque de l'engagement, la part en nue-propriété revenant à M. [C] sur cet immeuble cumulée à la valeur des parts sociales qu'il détenait pour moitié dans la SCI Covi en février 2012 ne suffisaient pas à couvrir le montant des engagements cumulés.

C'est donc de manière légitime que le premier juge a considéré que les cautions démontraient parfaitement que leur cinquième engagement au bénéfice de la SCI Covi était manifestement disproportionné à leurs biens et revenus.

Le Crédit Logement prétend démontrer que la situation des emprunteurs lors de l'appel du cautionnement leur permet de faire face à leur engagement puisqu'ils vont percevoir le solde du prix de vente.

C'est par des motifs pertinents que la cour fait siens que le premier juge relevant que le Crédit Logement ne justifiait pas des revenus des cautions au jour de l'assignation, que la société GDS dont Mme [V] était gérante était alors en difficulté (pour avoir été finalement placée en liquidation judiciaire le 15 juin 2021 clôturée pour insuffisance d'actif le 29 mars 2022), que la vente de l'immeuble appartenant à la SCI Covi, au prix de 304 000 euros, allait servir essentiellement à apurer son passif, en a déduit fort justement que le Crédit Logement ne démontrait pas que les intimés étaient en capacité d'honorer leurs engagements de caution au moment où ils ont été appelés, précision étant donnée qu'il n'est nullement établi que ces derniers aient perçu une quelconque somme sur cette vente.

Le jugement déféré est donc confirmé en toutes ses dispositions.

Le Crédit Logement, succombant, est condamné aux dépens d'appel.

Partie tenue aux dépens, il est condanmé à verser aux intimés une indemnité de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne la SA Crédit Logement aux dépens d'appel,

Condamne la SA Crédit Logement à payer à M. [N] [C] et Mme [P] [V] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 2 e chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00389
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;22.00389 ?
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