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04/06/2024 | FRANCE | N°23/01589

France | France, Cour d'appel de Dijon, 1re chambre civile, 04 juin 2024, 23/01589


[E] [N] épouse [G]



[Z] [T] [G]



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SAS EOS FRANCE



















































































































Expédition et copie exécutoire délivré

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COUR D'APPEL DE DIJON



1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 04 JUIN 2024



N° RG 23/01589 - N° Portalis DBVF-V-B7H-GKLJ



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : jugement du 14 novembre 2023,

rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône - RG : 23/00007









APPELANTS :



Madame [E] [H] [N] épouse [G]

née le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 14] (71)

[Adresse 5]

[Localité...

[E] [N] épouse [G]

[Z] [T] [G]

C/

SAS EOS FRANCE

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 04 JUIN 2024

N° RG 23/01589 - N° Portalis DBVF-V-B7H-GKLJ

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : jugement du 14 novembre 2023,

rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône - RG : 23/00007

APPELANTS :

Madame [E] [H] [N] épouse [G]

née le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 14] (71)

[Adresse 5]

[Localité 4]

Monsieur [Z] [T] [G]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 12] (71)

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentés par Me Claude POLETTE, membre de la SCP ARGON-POLETTE NOURANI - APPAIX AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 4

INTIMÉE :

SAS EOS FRANCE, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège :

[Adresse 8]

[Localité 9]

représentée par Me Véronique PARENTY-BAUT, membre de la SELAS ADIDA & ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, postulant, vestiaire : 38

assistée de Me Ludovic BUISSON, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 avril 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre,

Sophie BAILLY, Conseiller,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT,

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 04 Juin 2024,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte authentique du 21 décembre 2009, les époux [Z] [G] / [E] [N] ont solidairement emprunté à la Caisse d'Epargne de Bourgogne-Franche Comté un capital de 95 000 euros destiné à l'acquisition d'un local commercial formant le lot n°60 de l'immeuble dénommé '[Adresse 11]' sis [Adresse 6] et [Adresse 2], à [Localité 13], cadastré section BR n°[Cadastre 7].

Ce prêt assorti d'intérêts au taux intial de 4,20 %, révisable, était remboursable en 180 mensualités et il était garanti par une inscription du privilège de prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle sur le bien dont il avait permis l'achat.

Par lettres recommandées du 25 juillet 2011, dont les époux [G] ont accusé réception le 27 juillet 2011, la Caisse d'Epargne les a mis en demeure de régulariser les impayés du prêt s'élevant à 2 804,21 euros, échéance du 5 août 2011 comprise, dans les plus brefs délais, en précisant qu'à défaut de paiement pour le 10 août 2011, la déchéance du terme du prêt sera acquise.

Par lettres recommandées du 14 mai 2012, dont les époux [G] ont accusé réception le 16 mai 2012, la Caisse d'Epargne les a mis en demeure de payer, au plus tard pour le 29 mai 2012, la somme de 7 729,80 euros, correspondant pour l'essentiel aux échéances impayées du prêt échues du 20 juillet 2011 au 20 avril 2012 ; elle indiquait qu'à défaut de paiement, elle allait procéder à la déchéance du terme du prêt.

Par lettres recommandées du 14 septembre 2012, dont les époux [G] ont accusé réception le 21 septembre 2012, la Caisse d'Epargne leur a notifié la déchéance du terme du prêt en les informant que sa créance s'élevait à 98 947,05 euros, outre intérêts au taux du prêt.

Le 3 avril 2017, les époux [G] et la Caisse d'Epargne ont conclu un 'plan d'apurement' aux termes duquel les époux [G] reconnaissaient devoir la somme de 116 901,81 euros au titre du prêt du 21 décembre 2009 et s'engageaient à l'apurer selon un échéancier annexé au dit plan. Il était stipulé que :

- en cas de non-respect de ce plan, l'accord serait de plein droit caduc sans mise en demeure préalable, rendant la créance intégralement et immédiatement exigible en principal, intérêts, frais et accessoires,

- cet accord n'emportait pas novation des clauses et conditions du contrat initial, ni des rapports juridiques antérieurs.

Le 26 janvier 2022, la Caisse d'Epargne a cédé sa créance sur les époux [G] au Fonds commun de titrisation Foncred V, qui a désigné la société Eos France comme l'entité en charge du recouvrement des créances cédées.

Par courriers du 5 avril 2022, qui n'ont pu parvenir à leurs destinataires, la Caisse d'Epargne et la société Eos France informaient chacun des époux [G] de cette cession de créance d'un montant global à cette date de 85 027,11 euros, dont 81 783,47 euros de principal et leur indiquaient qu'à l'avenir les règlements et correspondances devaient être adressés à la société Eos France.

Par acte du 18 octobre 2022, la société Eos France a fait délivrer aux époux [G] un commandement de payer la somme de 115 986,49 euros, arrêtée au 18 août 2022, valant saisie immobilière du local commercial acquis le 21 décembre 2009.

Ce commandement a été publié le 2 décembre 2022.

Par acte du 13 janvier 2023, la société Eos France a fait assigner les époux [G] à l'audience d'orientation du 14 mars 2023.

Par jugement d'orientation du 14 novembre 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône a :

- déclaré irrecevables toutes les fins de non-recevoir émises par les époux [G] à l'encontre d'Eos France

- débouté les époux [G] de toutes leurs prétentions,

- constaté que les conditions requises par les articles L.311-2, L.311-4 et L.311-6 du code des procédures civiles d'exécution sont réunies,

- ordonné la vente forcée du bien saisi à l'audience du 13 février 2024,

- fixé le montant de la mise à prix à 37 000 euros,

- fixé les modalités de visite de l'immeuble,

- dit que le créancier poursuivant procédera à la publicité de la vente conformément aux dispositions de l'article R.322-31 du code des procédures civiles d'exécution,

- dit que le montant retenu pour la créance de la société Eos France est de 115 986,49 euros outre mémoire en principal, intérêts et accessoires,

- dit qu'en application de l'article R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution, aucune contestation ni aucune demande incidente ne pourront être formées après l'audience d'orientation et après le jugement à peine d'irrecevabilité, à moins qu'elles ne portent sur des actes de procédure postérieurs à ceux-ci,

- ordonné la publication du jugement à la diligence du créancier poursuivant.

- débouté les parties de toutes leurs demandes pour le surplus,

- dit que les dépens seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.

Par déclaration du 21 décembre 2023, les époux [G] ont interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 9 janvier 2024, la première présidente de la cour les a autorisés à assigner la société Eos France à jour fixe pour l'audience du 2 avril 2024.

L' assignation délivrée le 22 janvier 2024 a été remise au greffe de la cour le 4 février 2024.

Aux termes du dispositif de leurs conclusions notifiées le 28 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions, les époux [G] demandent à la cour, au visa de l'article 122 du code de procédure civile, des articles L.311-2, L.311-4 et L.311-6 et R.322-21 du code des procédures civiles d'exécution, et des articles 1231-1 et suivants du code civil, de réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

' in limine litis, déclarer irrecevable la présente action engagée par la société Eos France pour défaut de qualité à égir

' à titre principal,

- prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière en date du 18 octobre 2022 en raison de l'absence d'exigibilité de la créance

- prononcer la nullité de l'ensemble de la procédure subséquente et notamment des assignations délivrées le 13 janvier 2023,

- ordonner la radiation du commandement et des inscriptions de privilège,

' à titre subsidiaire,

- condamner la société Eos France à leur verser une indemnité équivalente à la somme qu'elle sollicite au titre des intérêts de retard au taux contractuel de 4,20 % sur échéances impayées et capital restant dû, arrêté au 18 août 2022, soit 21 944,44 euros,

- fixer en conséquence le montant de la créance de la société Eos France à la somme de 94 042,05 euros,

- les autoriser à vendre amiablement le bien saisi,

' en tout état de cause, condamner la société Eos France aux entiers dépens et à leur payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 28 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien de ses prétentions, la société Eos France demande à la cour, au visa des articles L.311-1 et suivants et R.311-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, de l'article 564 du code de procédure civile, de l'article D.214-227 du code monétaire et financier et des articles 2240 et 2231 du code civil, de :

- in limine litis, juger irrecevable comme nouvelle la demande de dommages-intérêts formée à son encontre,

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- débouter les époux [G] de l'ensemble de leurs demandes,

- renvoyer les parties devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône pour la fixation des modalités de publicité de la vente forcée et de la date de l'audience d'adjudication,

- dans l'hypothèse où une vente amiable serait autorisée,

. fixer le montant du prix en deçà duquel l'immeuble ne peut être vendu eu égard aux conditions économiques du marché ainsi que, le cas échéant, les conditions particulières de la vente,

. juger que ces prix seront nets de toutes charges et seront intégralement consignés, nonobstant les obligations du notaire de payer divers frais et la plus-value éventuelle sur le produit de la vente,

. dire que les débiteurs devront rendre compte au créancier poursuivant, sur simple demande, des démarches accomplies à cette fin conformément à l'article R. 322-22 du code des procédures civiles d'exécution,

. rappeler que la vente amiable se déroulera conformément au cahier des conditions de vente et que l'acte notarié de vente ne pourra être établi que sur consignation des prix et des frais de la vente auprès de la Caisse des dépôts et justification du paiement des frais taxés conformément à l'article L. 322-4 du code des procédures civiles d'exécution,

. taxer les frais de poursuite à la charge de l'acquéreur,

. juger que, conformément à l'article 37 B du décret du 2 avril 1960, l'avocat poursuivant ayant déposé le cahier des conditions de vente aura droit, indépendamment des frais préalables et de la rémunération de tout autre intervenant, à un émolument fixé conformément à la série S1 coefficient 2 de l'article 23 du décret du 20 avril 2011 modifiant le décret du 16 mai 2006 modifiant lui-même le décret du 8 mars 1978 portant tarif des notaires,

. renvoyer les parties devant le juge de l'exécution en charge des saisies immobilières du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône afin que l'affaire soit rappelée dans un délai qui ne peut excéder quatre mois,

. dire et juger qu'après l'audience de rappel de l'article R. 322-25 du code des procédures civiles d'exécution et si les conditions de cet article sont réunies, le juge de l'exécution ordonnera au notaire chargé de la vente, le transfert des fonds consignés à la Caisse des dépôt, après le jugement constatant la vente, au séquestre désigné conformément au cahier des conditions de vente,

- en toutes hypothèses,

. condamner les époux [G] au paiement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

. dire que les dépens et les frais de greffe de première instance et d'appel seront pris en frais privilégiés de vente, qui comprendront notamment le coût de la visite et des divers diagnostics immobiliers et de leur réactualisation, dont distraction au profit de la SELAS Adida et Associés, société d'avocats aux offres de droit.

A l'audience du 2 avril 2024, la cour a invité les parties à produire en cours de délibéré :

- les documents suivants :

. les mises en demeure de juillet 2011 et de mai 2012, ce qui a été fait par l'intimée le 29 avril 2024,

. l'intégralité du contrat du 21 décembre 2009, ce qui a également été fait par l'intimée le 29 avril 2024,

. l'intégralité de l'échéancier annexé au plan d'apurement du 3 avril 2017, ce qui n'a pas été fait,

- leurs observations sur le caractère abusif de la clause de déchéance du terme du plan d'apurement d'avril 2017, ce que les époux [G] ont fait par note du 25 avril 2024 mais ce que la société Eos France n'a pas fait dans sa note du 29 avril 2024 qui n'évoque que les conditions de la déchéance du terme du contrat du 21 décembre 2009.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualité à agir de la société Eos France

Les époux [G] soutiennent que la société Eos France ne dispose pas de la qualité pour agir à leur encontre, en raison d'une part de l'absence de notification de la cession de créance intervenue entre la Caisse d'Epargne et le FCT Foncred V et d'autre part de l'absence de preuve de la représentation de ce fonds par l'intimée.

' Sur la notification de la cession de créance aux époux [G]

Les appelants invoquent les dispositions de l'article 1324 du code civil selon lesquelles la cession de créance n'est opposable au débiteur, s'il n'y a consenti, que si elle lui a été notifiée ou s'il en a pris acte et ils font observer que le courrier conjoint de la Caisse d'Epargne et de la société Eos France daté du 5 avril 2022 leur a été adressé à [Localité 13], alors que la Caisse d'Epargne savaient depuis au moins le mois de janvier 2020 qu'ils ne résidaient et ne travaillaient plus dans cette ville, mais à [Localité 10], ce qui est exact.

Toutefois, la cession de créance intervenue est soumise aux dispositions des articles L.214-169 à L.214-175 du code monétaire et financier.

Or, il résulte de l'article L.214-169, V de ce code que :

- d'une part, la cession de créance peut s'effectuer par la seule remise d'un bordereau dont les énonciations et le support sont fixés par décret

- d'autre part, dans ce cas, la cession de créances prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autre formalité, et ce quelle que soit la loi applicable aux créances et la loi du pays de résidence des débiteurs.

Ce texte déroge aux dispositions de l'article 1324 du code civil.

En l'espèce, le premier juge a vérifié que le bordereau était conforme aux dispositions réglementaires, ce que les époux [G] ne discutent d'ailleurs pas et ce qui suffit à leur rendre opposable la cession de créance.

' Sur la représentation du FCT Foncred V par la société Eos France

L'article L.214-172 du code monétaire et financier dispose en son alinéa 1 que lorsque des créances, sont transférées à l'organisme de financement, leur recouvrement continue d'être assuré par le cédant ou par l'entité qui en était chargée avant leur transfert mais que toutefois, à tout moment, tout ou partie du recouvrement de ces créances peut être assuré directement par la société de gestion en tant que représentant légal de l'organisme ou peut être confié par elle, par voie de convention, à une autre entité désignée à cet effet.

Il ressort de la pièce 7 du dossier de l'intimée que le FCT Foncred V, représenté par la société France Titrisation, sa société de gestion, a confié à la société Eos France le recouvrement des créances cédées, parmi lesquelles celle à l'encontre des époux [G].

Il résulte de tout ce qui précède que la fin de non-recevoir, tirée du défaut de qualité à agir, soulevée par les appelants doit être rejetée.

Sur ce point, le jugement dont appel est confirmé.

Sur l'exigibilité de la créance

Aux termes de l'article L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution, un créancier ne peut procéder à une saisie immobilière que s'il détient un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.

En l'espèce, l'acte authentique du 21 décembre 2009, revêtu de la formule exécutoire, constitue un titre exécutoire constatant une créance.

Malgré la déchéance du terme du prêt notifiée le 14 septembre 2012, cette créance a cessé d'être exigible à compter du 3 avril 2017, date à laquelle la Caisse d'Epargne a soumis à l'acceptation des époux [G] le plan d'apurement qu'ils produisent en pièce 3 de leur dossier. Ce plan comporte trois articles :

- l'article 1 intitulé 'Objet' par lequel les époux [G] ont reconnu devoir à la Caisse d'Epargne la somme de 116 901,81euros, outre frais, accessoires et intérêts jusqu'à parfait règlement,

- l'article 2 intitulé 'Modalités de remboursement' ainsi rédigé : 'Jusqu'à apurement de la dette, le client s'engage à respecter les modalités de remboursement définies par l'échéancier ci-annexé', échéancier qui n'a été produit que de manière incomplète, sur la période de mai 2017 à avril 2020,

- l'article 3 intitulé 'Exigibilité des sommes dues' : ce titre confirme que la créance de la Caisse d'Epargne n'était plus exigible à compter du 3 avril 2017 ; cet article stipule qu'en cas de non-respect du plan d'apurement, l'accord sera de plein droit caduc sans mise en demeure préalable, ce qui aura pour effet de rendre la créance intégralement et immédiatement exigible.

Il ressort des pièces produites aux débats tant par l'intimée (pièce 3) que par les appelants que :

- en exécution du plan d'apurement du 3 avril 2017, ils ont payé 250 euros par mois de mai 2017 à janvier 2022, soit jusqu'à la cession de créance,

- ayant déménagé à [Localité 10], les époux [G] avaient conservé un compte auprès de la Caisse d'Epargne de Bourgogne Franche-Comté, qui n'enregistrait que deux mouvements de fonds par mois : un premier au crédit par lequel les époux [G] viraient une somme permettant au compte d'être créditeur de 250 euros ; un second au débit par lequel la Caisse d'Epargne prélevait la somme de 250 euros,

- à compter de février 2022, soit dès la cession de créance, alors que les époux [G] ont continué à virer chaque mois la somme permettant de payer ce qu'ils devaient en exécution du plan d'apurement du 3 avril 2017, la Caisse d'Epargne a cessé de prélever la somme de 250 euros par mois, si bien que le solde du compte est resté créditeur de 250 euros en février et qu'il est devenu créditeur de 500 euros en mars et de 750 euros en avril 2022,

- dès le 5 mai 2022, les époux [G], manifestement soucieux d'honorer leurs engagements, ont adressé un courriel à la Caisse d'Epargne, doublé d'un courrier, rappelant leurs appels téléphoniques restés sans réponse et interrogeant la banque sur les nouvelles modalités de paiement à mettre en oeuvre pour continuer à respecter le plan du 3 avril 2017, courriel 'revenu non distribué' et courrier demeuré sans réponse.

La société Eos France estime qu'en raison de la défaillance des époux [G] dans l'exécution du plan du 3 avril 2017 et en application de l'article 3 de ce plan, elle détient une créance à nouveau exigible.

Il convient de rappeler que la caducité du plan d'apurement avait pour objet de sanctionner la défaillance des époux [G].

Mais, en l'espèce, les raisons pour lesquelles les époux [G] n'ont pas respecté les engagements pris dans le plan du 3 avril 2017 ne leur sont pas imputables.

C'est en raison du comportement du créancier initial qu'était la Caisse d'Epargne que les époux [G] n'ont techniquement pas pu tenir les engagements pris dans le plan du 3 avril 2017.

Puis c'est en raison de l'envoi du courrier du 5 avril 2022 à une adresse où elle savait que les époux [G] ne pourraient pas être touchés, y compris s'ils avaient initialement conclu avec la poste un contrat d'acheminement de leur courrier à [Localité 10] dès lors que leur déménagement datait de plus de deux ans, et enfin du silence qu'elle a conservé à leur égard, que la Caisse d'Epargne ne leur a pas permis de savoir qu'il convenait d'adresser leurs règlements à la société Eos France.

Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la société Eos France venant aux droits de la Caisse d'Epargne ne peut pas de bonne foi se prévaloir de l'article 3 du plan d'apurement du 3 avril 2017, ce d'autant que cet article revient à prononcer une nouvelle déchéance du terme sans aucune mise en demeure préalable.

Or, il est jugé notamment par la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt du 8 décembre 2022 C-600/21) et la Cour de cassation (Civ 1ère 22 mars 2023 n°21-16.476) qu'une telle clause, en ce qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment des débiteurs exposés à une aggravation soudaine des conditions de remboursement de leur dette, est abusive et doit être répute non écrite, étant observé qu'en l'espèce, si préalablement à la délivrance du commandement valant saisie immobilière, la société Eos France avait adressé aux époux [G] une mise en demeure de payer, dans un délai raisonnable, la somme de 2 250 euros, correspondant aux mensualités impayées de février à octobre 2022, il est probable qu'ils auraient pu, dans ce délai, régulariser la situation, dans la mesure où ils disposaient déjà, a minima, de 750 euros sur leur compte conservé auprès de la Caisse d'Epargne de Bourgogne Franche-Comté.

Il résulte de tout ce qui précède que la société Eos France ne peut pas opposer aux époux [G] la caducité du plan d'apurement du 3 avril 2017 et ne justifiait donc pas, à la date du 18 octobre 2022, d'une créance exigible pour le recouvrement de laquelle elle pouvait engager une saisie immobilière.

Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a constaté que les conditions requises par l'article L.311-2 du code des procédures civiles d'exécution étaient réunies lors de la délivrance du commandement aux fins de saisie immobilière.

Il convient donc d'annuler ce commandement et d'ordonner sa radiation, ce qui entraîne par voie de conséquence l'annulation de toute la procédure subséquente.

Il n'y a en revanche pas lieu d'ordonner la radiation des inscriptions du privilège de prêteur de deniers, prétention au soutien de laquelle les époux [G] n'articulent d'ailleurs aucun moyen.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance, comprenant tous les frais de la procédure de saisie immobilière, et les dépens d'appel doivent être supportés par la société Eos France.

Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile ne sont réunies qu'en faveur des époux [G] auxquelles la cour alloue la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Eos France soulevée par les époux [Z] [G] / [E] [N],

L'infirme en toutes ses autres dispositions critiquées,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Dit que le 18 octobre 2022, lors de la délivrance du commandement valant saisie immobilière, la société Eos France ne justifiait pas détenir une créance exigible à l'encontre des époux [Z] [G] / [E] [N] ;

En conséquence, annule le commandement du 18 octobre 2022 et toute la procédure subséquente,

Ordonne la radiation de ce commandement, aux frais de la société Eos France,

Déboute les époux [G] de leur demande de radiation des inscriptions de privilège,

Condamne la société Eos France aux dépens de première instance, comprenant tous les frais de la saisie, et aux dépens d'appel,

Condamne la société Eos France à payer aux époux [G] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/01589
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;23.01589 ?
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