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30/05/2024 | FRANCE | N°22/00676

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 30 mai 2024, 22/00676


S.N.C. BDVF agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social





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Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 30/05/24 à:

-Me [F]





C.C.C délivrées le 30/05/24 à :

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 30 MAI 2024



MINUTE N°



N° RG 22/00676 - N° Portalis DBVF-V-B7G-GBN4



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section IN, décisi...

S.N.C. BDVF agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social

C/

[N] [Z]

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 30/05/24 à:

-Me [F]

C.C.C délivrées le 30/05/24 à :

-Me [W]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 30 MAI 2024

MINUTE N°

N° RG 22/00676 - N° Portalis DBVF-V-B7G-GBN4

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section IN, décision attaquée en date du 13 Septembre 2022, enregistrée sous le n° 21/00227

APPELANTE :

S.N.C. BDVF agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Anne GESLAIN de la SELARL DU PARC - CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de DIJON substituée par Maître Laurent BESSE, avocat au barreau de BESANCON

INTIMÉ :

[N] [Z]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Anais BRAYE de la SELARL DEFOSSE - BRAYE, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Avril 2024 en audience publique devant la Cour composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre, Président,

Fabienne RAYON, Présidente de chambre,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Jennifer VAL,

ARRÊT rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Jennifer VAL, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

M. [N] [Z] a été embauché par la société BDVF le 26 juin 2017 par un contrat à durée indéterminée à temps complet en qualité d'aide conducteur d'engin.

Le 11 janvier 2021, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 20 suivant assorti d'une mise à pied à titre conservatoire.

Le 25 janvier suivant il a été licencié pour faute grave.

Par requête du 16 avril 2021, il a saisi le conseil de prud'hommes de Dijon aux fins de requalification du licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de l'employeur aux conséquences indemnitaires afférentes, outre le paiement de diverses sommes salariales et indemnitaires et à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail.

Par jugement du 13 septembre 2022, le conseil de prud'hommes de Dijon a accueilli l'essentiel des demandes du salarié.

Par déclaration formée le 12 octobre 2022, la société BDVF a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions du 22 mars 2024, l'appelante demande de:

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

* dit recevable et bien-fondé les demandes de M. [Z],

* fixé la moyenne des salaires à 2 343,16 euros bruts,

* liquidé l'astreinte fixée le 20 mai 2021 par le bureau de conciliation et d'orientation, fixé le montant de cette astreinte à 250 euros,

* condamné la société BDVF à lui payer les sommes suivantes :

- 1 447,70 euros bruts à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires, outre 144,77 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 1 246,32 euros nets à titre d'indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos,

- 1 232,40 euros bruts à titre de rappel de salaire sur majoration heures de nuit, outre 123,24 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* dit que la société BDVF a manqué à son obligation de sécurité et l'a condamnée à lui payer la somme de 2 500 euros nets à titre de dommages-intérêts,

* dit que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

* condamné la société BDVF à lui payer les sommes suivantes :

- 4 686,33 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 468,63 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 2 099,08 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,

- 973,83 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire du 11 au 25 janvier 2021, outre 97,38 euros bruts au titre des congés payés afférents - 8 000 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 850 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonné la remise d'un bulletin de salaire établi conformément aux dispositions du jugement à intervenir,

* ordonné le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à M. [Z] du jour de son licenciement au jour du prononcé du présent jugement, dans la limite de six mois,

* débouté la société BDVF de sa demande reconventionnelle,

* dit que chaque partie supportera ses propres dépens,

- juger irrecevable ou à tout le moins, infondée la demande de M. [Z] tendant à la liquidation de l'astreinte ordonnée par le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Dijon au terme de sa décision du 20 mai 2021,

- juger que M. [Z] n'a pas eff ectué les heures supplémentaires prétendument accomplies,

- juger que M. [Z] a pleinement été remplis de ses droits en matière de rémunération de l'ensemble des heures de travail qu'il a effectivement pu accomplir pour le compte de la société BDVF,

- juger que la société BDVF n'a absolument pas manqué aux obligations de sécurité et de loyauté auxquelles elle était tenue vis-à-vis de M. [Z],

- juger que le licenciement pour faute grave est parfaitement fondé et justifié,

pour le surplus,

- confirmer le jugement déféré,

- débouter M. [Z] de l'intégralité de ses demandes,

- le condamner à rembourser à la société BDVF la somme totale de 11 593,39 euros nets perçue au titre de l'exécution provisoire de droit de la décision frappée d'appel,

- condamner M. [Z] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions du 26 mars 2024, M. [Z] demande de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

* jugé que la société BDVF a manqué à l'obligation de sécurité,

* jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et lui a alloué les sommes suivantes : - 1 447,70 euros bruts à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre 144,77 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 1 246,32 euros nets à titre d'indemnité compensatrice de contreparties obligatoires en repos,

- 1 232,40 euros bruts à titre de rappel de salaire sur majorations sur heures de nuit, outre 123,24 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 4 686,33 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 468,63 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 2 099,08 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,

- 973,83 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 97,38 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 850 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la remise d'un bulletin de salaire modifié et le remboursement des allocations chômage à Pôle Emploi dans la limite de 6 mois,

* débouté la société BDVF de ses demandes,

- l'infirmer en ce qu'il a :

* limité la liquidation de l'astreinte à la somme de 250 euros,

* limité les condamnations prononcées aux sommes suivantes :

- 2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour méconnaissance de l'obligation de sécurité, contre 6 000 euros sollicités,

- 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, contre 10 600 euros sollicités,

* débouté M. [Z] du surplus de ses demandes,

- condamner la société BDVF à lui payer la somme de 11 300 euros selon décompte arrêté au 5 avril 2023 à titre de liquidation de l'astreinte prononcée par le bureau de conciliation par décision du 20 mai 2021,

- juger que la société BDVF s'est rendue coupable de travail dissimulé et la condamner à lui payer la somme de 14 058,96 euros nets au titre de l'indemnité visée à l'article L.8823-1 du code du travail,

- condamner la société BDVF à lui payer les sommes suivantes :

* 3 414,62 euros bruts à titre d'indemnité de compensation des temps de grands déplacements, outre 341,46 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 215 euros nets à titre de rappel de salaire au titre des retenues opérées, outre 21,50 euros nets au titre des congés payés afférents,

- juger que la société BDVF a fait preuve de déloyauté dans l'exécution de ses obligations,

- la condamner à lui payer la somme de 6 000 euros nets à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la méconnaissance de l'obligation de sécurité et de la déloyauté de l'employeur,

- condamner la société BDVF à lui payer les sommes suivantes :

* 10 600 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- débouter la société BDVF de ses demandes, fins et conclusions.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur la liquidation de l'astreinte :

Rappelant que par décision du 20 mai 2021 le bureau de conciliation a ordonné à la société BDVF de transmettre au salarié les rapports hebdomadaires de travail de janvier 2018 à janvier 2021, les rapports de géolocalisation des 2 véhicules immatriculés [Immatriculation 8] et [Immatriculation 9] de janvier 2018 à janvier 2021, les rappels à l'ordre concernant la nécessité de remplir les rapports hebdomadaires et une attestation Pôle Emploi modifiée faisant état des salaires bruts, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du mois suivant la notification, M. [Z] soutient que l'employeur n'a pas satisfait à cette injonction par la transmission, le 25 juin 2021, de 114 pages de rapports hebdomadaires de travail, d'un courrier électronique de la société VERIZON CONNECT du 8 juin 2021 indiquant '[qu'il] n'est pas possible de récupérer les données de géolocalisation des véhicules immatriculés EK 46 EP et EV 989 AQ supérieur à une durée de 3 mois' et de deux convocations adressées aux salariés de la société pour des réunions qualité sécurité environnement les 6 septembre 2019 et 2 juillet 2021, ainsi qu'un compte rendu de réunion de crise du 13 avril 2015 et un autre de la réunion du 6 septembre 2019.

Selon lui, il ne peut être sérieusement prétendu que la communication des rapports de géolocalisation des deux véhicules serait impossible sur la base d'un courrier électronique de la société VERIZON CONNECT dans la mesure où, en application de la délibération de la CNIL du 4 juin 2015, les données de géolocalisation des véhicules pouvaient être conservées durant 5 ans lorsqu'elles permettent le suivi du temps de travail du salarié. Or de l'aveu même de la société, les véhicules géolocalisés 'permettent, tout simplement, aux salariés (') de se rendre sur leurs chantiers d'affectation et d'en revenir' (page 28 de ses conclusions devant le conseil de prud'hommes) et donc de connaître les amplitudes quotidiennes de travail du salarié, ce qui était d'autant plus utile, voire indispensable, que la société expose dans le cadre de la discussion sur les heures supplémentaires que les rapports journaliers des chefs de machine ne permettent pas d'évaluer précisément le temps de travail des salariés.

Il ajoute que :

- tous les rapports hebdomadaires n'ont pas été produits, plusieurs semaines étant manquantes (semaines 1, 32, 33 et 52 de 2018, semaines 1, 32, 33, 34 et 52 de 2019, semaines 1, 2, 4, 11 à 34, 36 à 42, 41 à 43 et 49 de 2020 et semaines 1 à 4 de 2021), soit 43 rapports manquants et ceux-ci ne concernent pas uniquement des semaines au cours desquelles il n'a pas travaillé. Et l'argument, non démontré, selon lequel les supérieurs du salarié rechignent toujours à établir de façon constante et sérieuse des rapports hebdomadaires ne constitue pas une justification à sa carence,

- les prétendus rappels à l'ordre faits à M. [Z] concernant la nécessité de remplir les rapports hebdomadaires ne sont pas non plus produits, seulement deux convocations à des réunions ne contenant aucun rappel. Le compte rendu de la réunion du 13 avril 2015 indiquant que 'les rapports hebdomadaires envoyés à [K] sont incomplets et doivent être mieux remplis' ne peut caractériser un rappel à l'ordre adressé à M. [Z] ou à son chef d'équipe, le salarié n'étant pas encore embauché à cette date, et celui de la réunion qualité sécurité environnement du 6 septembre 2019 ne fait quant à lui aucunement état d'un tel rappel à l'ordre.

Il sollicite en conséquence la liquidation de l'astreinte pour la période du 22 juin 2021 à la date de l'arrêt à intervenir, soit la somme de 32 650 euros selon décompte arrêté au 5 avril 2023.

La société BDVF oppose que :

- à l'issue de l'audience du bureau de conciliation et d'orientation du 20 mai 2021, il lui a été ordonné de communiquer à M. [Z] divers documents, ce qu'elle a fait après un travail de recherche relativement conséquent impliquant d'interroger un prestataire extérieur en charge de la gestion de la géolocalisation de ses véhicules (pièces n°1 et 2). Si la production de tous les rapports de géolocalisation n'a pas été possible c'est parce qu'il n'est pas possible de récupérer des données antérieures à 3 mois, le délai de 5 ans prévu par la délibération de la CNIL du 4 juin 2015 ne s'imposant à l'employeur que dans l'hypothèse où les données de géolocalisation permettent d'assurer le suivi du temps de travail du salarié, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, le contrôle du temps de travail se faisant sur la base de rapports hebdomadaires de travail par les chefs de machine, ce que M. [Z] n'ignore pas puisque pour déterminer son temps de travail et chiffrer le quantum de ses heures supplémentaires, il a sollicité la communication de ses rapports hebdomadaires de travail,

- concernant les 43 rapports hebdomadaires de travail qu'elle n'a pas produit, la société BDVF a été contrainte de rappeler, en diverses occasions, à ses chefs de machine l'obligation d'établir ces rapports mais ceux-ci rechignent toujours à le faire. En outre, certains rapports manquants concernent des semaines où M. [Z] ne travaillait pas, de sorte que seuls 8 rapports sont effectivement manquants,

- concernant les rappels à l'ordre au sujet de l'établissement des rapports hebdomadaires de travail qui lui auraient été adressés, M. [Z] n'a pas personnellement pu faire l'objet de tels rappels puisque la mission d'établir ces rapports incombe aux chefs de machine,

- les alinéas 2 et 3 de l'article L.131-2 du code des procédures civiles d'exécution disposent que l'astreinte est provisoire ou définitive. L'astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n'ait précisé son caractère définitif. Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu'après le prononcé d'une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l'une de ces conditions n'a pas été respectée, l'astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire,

- l'article L.131-2 du même code dispose que l'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir. Or en l'espèce le conseil de prud'hommes n'est plus saisi de l'affaire et ne s'est pas réservé le pouvoir de liquider l'astreinte prononcée. La cour n'a donc pas vocation à liquider l'astreinte prononcée par la juridiction de première instance,

- l'article L.131-4 alinéa 1 et 3 du même code dispose que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés rencontrées pour l'exécuter. L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère, de sorte que si la cour s'estime compétente pour liquider l'astreinte , celle-ci peut être supprimée dans la mesure où le juge qui statue sur la liquidation d'une astreinte provisoire doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte qu'elle porte au droit de propriété du débiteur au regard du but légitime qu'elle poursuit (Cass. Civ. 2ème 20 janvier 2022, n°19-23.721). Or en l'espèce, l'essentiel des productions sollicitées par le salarié avaient pour finalité principale de lui permettre de chiffrer une demande de rappel de salaire pour des heures supplémentaires qu'il a finalement arrêtée à hauteur de 1 447,70 euros bruts, outre les congés payés afférents, alors que sa demande au titre de la liquidation de l'astreinte à hauteur de 32 650 euros au 5 avril 2023.

a) sur la compétence de la cour d'appel :

L'article L.131-3 du code des procédures civiles d'exécution dispose que l'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir.

En l'espèce, il ressort des pièces produites que le 20 mai 2021, le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Dijon a ordonné à la société BDVF de transmettre au salarié divers documents sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du mois suivant la notification de sa décision, astreinte que la formation de jugement de cette même juridiction, laquelle demeurait donc saisie, a ensuite liquidée dans son jugement du 13 septembre 2022 dont il est interjeté appel.

En conséquence, par l'effet dévolutif de l'appel, la cour est nécessairement compétente pour statuer sur l'appel interjeté contre le jugement qui a lui-même liquidé l'astreinte prononcée par le bureau de conciliation.

Le moyen n'est donc pas fondé.

b) Sur l'astreinte provisoire liquidée par le conseil de prud'hommes :

Selon l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, tel qu'interprété à la lumière de l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l' astreinte provisoire est liquidée en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Elle est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

Le juge saisi d'une demande de liquidation ne peut se déterminer qu'au regard de ces seuls critères.

L' astreinte , en ce qu'elle impose, au stade de sa liquidation , une condamnation pécuniaire au débiteur de l'obligation, est de nature à porter atteinte à un intérêt substantiel de celui-ci. Elle entre ainsi dans le champ d'application de la protection des biens garantie par ce protocole.

Il en résulte que le juge qui statue sur la liquidation d'une astreinte provisoire doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte qu'elle porte au droit de propriété du débiteur au regard du but légitime qu'elle poursuit.

Dès lors, si l' astreinte ne constitue pas, en elle-même, une mesure contraire aux exigences du protocole en ce que, prévue par la loi, elle tend, dans l'objectif d'une bonne administration de la justice, à assurer l'exécution effective des décisions de justice dans un délai raisonnable, tout en imposant au juge appelé à liquider l' astreinte , en cas d'inexécution totale ou partielle de l'obligation, de tenir compte des difficultés rencontrées par le débiteur pour l'exécuter et de sa volonté de se conformer à l'injonction, il n'en appartient pas moins au juge saisi d'apprécier encore, de manière concrète, s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l' astreinte et l'enjeu du litige.

En l'espèce, étant observé que le premier juge n'a pas précisé son caractère définitif de sorte que l'astreinte est considérée comme provisoire, il ressort des conclusions et pièces des parties que la société BDVF admet ne pas avoir été en mesure de produire la totalité des éléments qu'il lui avait été fait injonction de produire.

Néanmoins, celle-ci justifie d'une impossibilité matérielle de le faire s'agissant des rapports de géolocalisation, étant observé que si la délibération de la CNIL du 4 juin 2015 permettait à l'employeur de conserver ces données 5 ans, ce n'était qu'une possibilité et non une obligation. En outre, le délai de 5 ans ne s'applique qu'aux données collectées aux fins de suivi du temps de travail du salarié, ce qui n'est pas le cas de la société BDVF qui use pour ce faire de rapports journaliers rédigés par les chefs de machine.

S'agissant des rapports hebdomadaires de travail, nonobstant le fait que la carence des chefs de machine à les établir ne saurait l'exonérer de sa responsabilité à cet égard, la cour relève que l'employeur a, dans une large mesure, répondu à l'injonction qui lui était faite, la plupart des rapports manquants portant sur des semaines où le salarié ne travaillait pas, de sorte que seul 8 rapports utiles à la solution du litige sur les 157 devant être produits sont manquants.

Par ailleurs, il ne saurait être fait grief à l'employeur de ne pas avoir produits des rappels à l'ordre concernant la nécessité de remplir les rapports hebdomadaires puisqu'il ressort de l'examen de ceux produits qu'ils sont établis par les chefs de machine, ce que M. [Z] n'était pas. L'employeur peut donc à juste titre opposer qu'il lui a été demandé de produire des pièces qui n'existent pas.

En conséquence de ces développements, la cour considère que la société BDVF a donc respecté l'injonction qui lui était fait dans la mesure de ce qu'il lui était possible de faire, de sorte que la liquidation de l'astreinte sera réduite à zéro euro, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

II - Sur les heures supplémentaires :

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

M. [Z] soutient qu'il ressort de l'analyse de ses bulletins de paye que la société BDVF ne lui a jamais rémunéré d'autres heures supplémentaires que les 4 heures supplémentaires contractualisées, soit 17,33 heures à 125 % par mois (pièce n°6). Or, la lecture des rapports hebdomadaires en sa possession à la date de dépôt de la requête introductive d'instance (pièce n°7) démontre que sa charge de travail était bien plus importante et qu'il réalisait habituellement largement plus de 39 heures par semaine.

Il ajoute :

- d'une part que 43 rapports hebdomadaires sur les 157 que la société devaient communiquer sont manquants et que 25 semaines ne sont pas exploitables dans la mesure où les horaires de prise et de fin de poste ne sont pas renseignés, l'employeur s'étant contenté d'y inscrire une durée quotidienne de travail de 7,8 heures sans rapport avec la réalité,

- d'autre part que plusieurs de ces documents comportent des mentions manuscrites apposées postérieurement à leur édition tendant à occulter des heures de travail ou à faire état d'un temps de coupure inexistant afin de déduire des heures de travail devant être rémunérées,

- enfin que l'employeur n'apporte aucun élément remettant en cause les horaires de travail reproduits sur ces fiches,

et sollicite en conséquence le paiement de la somme de 1 447,70 euros, outre 144,77 euros au titre des congés payés afférents selon décompte produit en pièces n°8.2.

La cour considère que ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

A cet égard, après avoir rappelé d'une part les règles de preuves applicables en matière de rappel de salaire pour des heures supplémentaires et d'autre part qu'en l'absence de disposition légale ou conventionnelle contraire les jours fériés, les arrêts de travail pour maladie et les congés payés ne peuvent être assimilés à du temps de travail effectif et donc pris en compte dans la détermination de l'assiette de calcul des droits à majoration et à bonification en repos pour heures supplémentaires, l'employeur oppose que :

- M. [Z] ne saurait prétendre à des heures supplémentaires au cours de semaines durant lesquelles seraient survenus des jours fériés, des jours de congés payés ou des jours d'arrêt de travail,

- les rapports hebdomadaires de travail, sur la base desquels il fonde ses demandes, sont établis par le chef de machine et sont supposés mentionner de façon très précise les horaires de travail accomplis par l'ensemble des membres de l'équipage mis à sa disposition au cours de chaque journée de travail, ainsi que les horaires des diverses coupures contractuellement et conventionnellement prévues. Même si tel n'est pas le cas, l'ensemble des salariés de la société ont bien évidemment bénéficié de ces coupures, ce qui pour M. [Z] représente 90 minutes de pause journalières pouvant, le cas échéant, être fractionnées en fonction des contraintes horaires d'intervention imposées par les clients,

- la société a été contrainte de rappeler ces exigences à l'occasion de diverses réunions mais il s'est avéré que les chefs de machine n'étaient pas disposés à remplir correctement et sérieusement les rapports hebdomadaires de travail,

- M. [Z] ne saurait sérieusement faire croire qu'il effectuait des journées continues de travail sans la moindre pause ou coupure et si tel avait été le cas, il est surprenant que cela n'ait jamais engendré le moindre mouvement de revendication ou de protestation de la part des salariés,

- la comparaison des rapports hebdomadaires de travail produits par M. [Z] avec ceux communiqués par la société permet de constater plusieurs erreurs :

* 29 février 2018 : mention d'une arrivée sur la machine à 7h30 et d'un départ de la machine à 13h alors que cette journée n'a pas été travaillée en raison des intempéries,

* 17 mars 2018 : mention d'une arrivée sur la machine à 6h15 et d'un départ de la machine à14h30 alors que cette prestation de travail n'a pas été effectuée,

* 20 mars 2018 : mention d'une arrivée sur la machine à 10h et d'un départ de la machine à12h alors que cette prestation de travail n'a pas été effectuée,

* 23 mars 2018 : mention d'une arrivée sur la machine à 10h et d'un départ de la machine à11h alors que cette prestation de travail n'a pas été effectuée,

* 27 mars 2018 : mention d'une arrivée sur la machine à 13h30 et d'un départ de la machine à16h30, alors que cette prestation de travail n'a pas été effectuée,

* 28 mars 2018 : mention d'une arrivée sur la machine à 9h30 et d'un départ de la machine à 13h alors que cette prestation de travail n'a pas été effectuée,

* 29 mars 2018 : mention d'une arrivée sur la machine à 15h et d'un départ de la machine à17h alors que cette prestation de travail n'a pas été effectuée,

* 30 mars 2018 : mention d'une arrivée sur la machine à 16h et d'un départ de la machine à 20h alors que cette prestation de travail n'a pas été effectuée,

* 10 avril 2018 : mention d'une arrivée sur la machine à 17h et d'un départ de la machine à 20h alors que cette prestation de travail n'a pas été effectuée (pièces n°3 et 17),

- si certains rapports hebdomadaires de travail ne mentionnent pas les horaires de prise et de fin de poste, c'est uniquement en raison de l'absence de sérieux de la part des chefs de machine dans leur établissement, ce qui implique d'admettre que ces rapports hebdomadaires de travail n'assurent pas une retranscription fidèle et fiable des temps de travail réels des membres d'équipage, ce qui leur a été rappelé (pièce n°4). Mais même s'ils ne représentent pas un décompte incontestable du temps de travail effectif du salarié, il s'avère que seulement 29 des 114 rapports hebdomadaires de travail communiqués font état d'une durée hebdomadaire de travail supérieure à 39 heures et que, parmi ces 29 rapports, 22 ne font état d'aucune coupure hebdomadaire. En outre, 85 rapports font état d'une durée hebdomadaire de travail inférieure à 39 heures,

- les rapports hebdomadaires de travail communiqués permettent de constater que M. [Z] a été en mesure de bénéficier de nombreuses journées de récupération afin de compenser les dépassements ponctuels de sa durée hebdomadaire de travail,

- dans le contexte particulier de la pandémie de Covid 19, M. [Z] a été placé en activité partielle du 18 mars au 23 août 2020, de sorte qu'il n'est pas susceptible d'avoir réalisé la moindre heure supplémentaire au cours de cette période,

- le décompte des heures travaillées et des heures rémunérées figurant au bas de chacun des bulletins de salaire permet de constater qu'au terme de chaque année civile, il a été rémunéré du total des heures effectuées, les heures payés étant même toujours supérieures au heures effectuées,

- M. [Z] lui reproche de ne pas produire des rapports hebdomadaires de travail concernant des semaines lors desquelles il n'a absolument pas travaillé, de sorte que seuls 8 rapports hebdomadaires de travail font défaut et non pas 43.

Néanmoins, la cour relève que l'employeur, sur qui pèse la charge le contrôle des heures de travail effectuées par le salarié, ne produit à cette fin aucun élément utile, admettant même dans ses conclusions que les rapports hebdomadaires de travail sur lesquels il se fonde ne sont en réalité pas fiables, défaut auquel il lui appartenait de remédier de manière effective, peu important que les chefs de machine aient été récalcitrants, ce qui ne saurait l'exonérer de sa responsabilité à cet égard.

L'employeur ne saurait non plus arguer de l'absence du salarié durant certaines semaines alors que les rapports d'activité des semaines concernées sont manquants et qu'aucun élément ne corrobore cette affirmation.

Il ne saurait d'ailleurs se prévaloir 'd'erreurs' dans le décompte des heures supplémentaires alléguées sur la seule base de rapports hebdomadaires de travail rectifiés, voire raturés manuellement a posteriori, sans élément de nature à confirmer l'indication que 'cette prestation de travail n'a pas été effectuée'.

De même, alors qu'il est constant que la charge de la preuve que les temps de pause sont effectivement pris par le salarié lui incombe exclusivement, il ne justifie à cet égard d'aucun élément utile et ne saurait là encore se défausser de sa responsabilité sur la carence des chefs de machine ni sur l'argument, en tout état de cause inopérant, selon lequel si tel n'avait pas été le cas les salariés, dont M. [Z], n'auraient pas manqué de s'en plaindre.

Par ailleurs, l'employeur ne saurait arguer de la prise de 'nombreuses journées de récupération' afin de compenser les dépassements ponctuels de la durée hebdomadaire de travail dès lors que l'article 3.8 de la convention collective applicable prévoit que les heures supplémentaires ordinaires sont payées conformément aux dispositions légales, réglementaires et conventionnelles, seules les heures supplémentaires exceptionnelles effectuées après avis des représentants du personnel et avec l'accord de l'inspection du travail ouvrant droit à un repos compensateur selon l'article 3.6 de cette même convention.

Enfin, le fait d'une part que le salarié a été placé en activité partielle du 18 mars au 23 août 2020, et d'autre part que le décompte annuel des heures travaillées et des heures rémunérées attestent qu'il a été rémunéré du total des heures effectuées, n'est pas exclusif de la réalisation des heures supplémentaires alléguées.

En conséquence des développements qui précèdent, la cour considère que M. [Z] est bien fondé à réclamer le paiement des heures supplémentaires effectuées entre le 19 février 2018 et 28 novembre 2020 selon décompte produit par lui. Le jugement déféré qui lui a accordé la somme de 1 447,70 euros à ce titre, outre 144,77 euros au titre des congés payés afférents sera confirmé.

III - Sur les contreparties obligatoires en repos :

Au visa des articles L.3121-30, L.3121-38 et D.3171-11 du code du travail, M. [Z] soutient qu'en raison de la carence de l'employeur, il n'a pas pu bénéficier des heures de repos ouvertes par le dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires.

Sur la base de 234,75 heures supplémentaires effectuées en 2018 et 225,96 en 2019, soit respectivement 54,75 heures et 45,96 heures au-delà du contingent annuel de 180 heures, il sollicite la somme de 1 246,32 euros à titre d'indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos.

L'employeur oppose que M. [U] n'a pas accompli les heures supplémentaires auxquelles il prétend, de sorte que sa demande d'indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos n'est pas fondée.

Il ajoute que le calcul du salarié est erroné dès lors qu'elle emploie habituellement moins de 20 salariés (pièce n°1) et la somme éventuellement dûe s'établie à 623,16 euros.

Il résulte des développements qui précèdent que les prétentions de M. [Z] au titre des heures supplémentaires effectuées en 2018 et 2019 sont fondées, de sorte qu'il est également bien fondé à réclamer le paiement d'une indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos pour les heures effectuées au delà du contingent annuel conventionnel.

Selon l'article L.3121-38 du code du travail, à défaut d'accord la contrepartie obligatoire sous forme de repos mentionnée à l'article L. 3121-30 est fixée à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné au même article L.3121-30 pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés, l'effectif salarié et le franchissement du seuil de vingt salariés étant déterminés selon les modalités prévues à l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale.

En l'espèce, la société BDVF comptant moins de 20 salariés, il sera alloué à M. [Z] la somme de 566,49 euros à ce titre, outre 56,65 euros au titre des congés payés afférents, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

IV - Sur les majorations pour travail de nuit :

Au visa de l'accord du 22 décembre 2011 annexé à la convention collective, M. [Z] soutient que les heures de nuit doivent faire l'objet d'une majoration de 50 % et l'analyse des rapports hebdomadaires produits démontre qu'il a réalisé 512 heures de nuit en 2018, 480,23 heures en 2019 et 174,5 heures en 2020, de sorte qu'il aurait du percevoir 2 785,35 euros en 2018, 2 701,38 euros en 2019 or il n'a perçu respectivement que 2 410,52 euros et 1 843,81 euros, soit un restant du de 1 232,40 euros, outre 123,24 euros au titre des congés payés afférents.

A titre subsidiaire, il sollicite qu'une expertise soit ordonnée pour chiffrer le montant des rappels sur heures supplémentaires et heures de nuit.

Rappelant que les heures de nuit sont les heures de travail accomplies entre 21h et 6h, l'employeur oppose que M. [Z] fonde sa demande sur la seule base des rapports hebdomadaires de travail qu'elle produit or ceux-ci ne reflètent pas fidèlement la durée et les horaires de travail réels du salarié. En outre, l'article 5 de l'avenant du 22 décembre 2011 à la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics prévoit que les majorations pour heures supplémentaires, heures exceptionnelles de nuit et travail exceptionnel du dimanche et des jours fériés ne se cumulent pas, seule la majoration la plus favorable étant alors appliquée.

C'est sur cette base que la société détermine le montant des salaires dus à ses salariés et M. [Z] a été pleinement rempli de ses droits à cet égard et il ne fournit aucun décompte fiable de ses différentes demandes de rappels de salaire, décomptes devant nécessairement tenir compte de l'ensemble des règles, y compris conventionnelles, applicables.

L'article 3 de l'avenant pré-cité distingue le travail de nuit programmé du travail de nuit exceptionnel. Pour le premier, il est prévu que les heures de travail comprises dans la période 21 heures à 23 heures et la période 5 heures à 6 heures sont majorées de 30 % et celles comprises dans la période 23 heures à 5 heures sont majorées de 50 %. Pour le deuxième, il est prévu que lorsque les ouvriers sont amenés à travailler au-delà de l'horaire journalier habituel par suite d'une prolongation exceptionnelle de l'horaire de travail ou d'un décalage exceptionnel de cet horaire (déraillements, incidents, travaux nécessaires à la sécurité, etc.), les heures de travail effectif comprises entre 21 heures et 6 heures donnent lieu à une majoration de 100 %. Les horaires de travail ne devront pas dépasser 12 heures par poste. La nuit du dimanche au lundi est celle du repos hebdomadaire normal. Si elle est travaillée, les heures sont majorées de 100 %. Le paiement des majorations sera effectué dans le mois de réalisation ou au plus tard le mois suivant.

L'article 5 suivant prévoit que les majorations pour heures supplémentaires, heures exceptionnelles de nuit et travail exceptionnel du dimanche et des jours fériés ne se cumulent pas. La majoration la plus favorable sera appliquée

Sur ce point, la société BDVF ne justifie d'aucun élément de nature à contredire le décompte du salarié figurant dans le corps de ses écritures, se bornant à lui opposer que les rapports hebdomadaires d'activité sur lesquels il se fonde ne sont pas fiables, alors que dans le cadre de son obligation d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées, ce qui inclut le décompte des heures de nuit, il lui appartenait de veiller à la fiabilité de ces rapports.

Par ailleurs, il ne saurait être ignoré que l'article 5 excluant le cumul des majorations ne s'applique qu'au travail de nuit exceptionnel, et non au travail de nuit programmé. L'employeur ne démontrant pas que les heures alléguées par le salarié à ce titre relevaient d'un travail exceptionnel, le moyen n'est pas fondé.

En conséquence des développements qui précèdent, il sera alloué à M. [Z] la somme de 1 232,40 euros au titre des majorations des heures de nuit, outre 123,24 euros au titre des congés payés afférents, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

V - Sur le travail dissimulé :

Au terme de l'article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé, a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L. 8221-5 2° du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, peu important que M. [Z] ne se soit pas manifesté auparavant auprès de son employeur pour signaler une quelconque difficulté concernant l'accomplissement d'heures supplémentaires non rémunérées, et nonobstant le fait que les prétentions du salarié à titre de rappel de salaire pour des heures supplémentaires soient fondées, la mention sur les bulletins de paye d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui qui a été réellement effectué ne relève pas d'une volonté avérée de dissimulation d'emploi salarié de la part de la société BDVF mais d'une carence dans l'établissement et le suivi des rapports hebdomadaires de travail à laquelle elle n'a pas utilement remédié.

Le rejet de la demande d'indemnité pour travail dissimulé s'impose donc, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

VI - Sur l'indemnisation des temps de grands déplacements :

Au visa des articles 8.10, 8.11 et 8.13 de la convention collective applicable définissant les grands déplacements des ouvriers, les indemnités et les remboursements de frais applicables, M. [Z] soutient qu'il aurait dû bénéficier d'une indemnité égale à 50 % du salaire horaire pour chaque heure de trajet effectuée pour se rendre sur les chantiers éloignées en début de semaine, et pour en revenir en fin de semaine, somme qui n'a pas été versée par l'employeur.

Sur la base des rapports hebdomadaires produits par l'employeur établissant que 613,75 heures de trajets n'ont pas été indemnisées, il sollicite la somme de 3 414,62 euros à ce titre, outre 341,46 euros au titre des congés payés afférents (pièces n°9 et 10).

L'employeur oppose que :

- le contrat de travail prévoit le versement d'une indemnité de grand déplacement d'un montant de 74 euros par jour,

- l'analyse des rapports hebdomadaires de travail du mois d'avril 2018 et du bulletin de salaire correspondant permet de constater que celui-ci a perçu 25 indemnités de grands déplacements alors qu'il a effectué 20 grands déplacements (pièce n°3 et 5). Dans la mesure où ces rapports sont parfois remis avec retard à la responsable comptabilité-paie, les indemnités versées se trouvent nécessairement reportées sur la paye du mois suivant. D'ailleurs la société est malheureusement contrainte de rappeler systématiquement, à chacune des réunions qualité-sécurité-environnement avec les chefs de machine, la nécessité de transmettre sans délai les rapports hebdomadaires de travail à la responsable comptabilité-paie,

- certains rapports hebdomadaires de travail produits par M. [Z] sont erronés puisqu'ils font parfois mention de prestations de travail qui n'ont en réalité pas été effectuées,

- nonobstant le fait que certaines régularisations ont été effectuées a posteriori, il ne saurait être contesté que M. [Z] a bien perçu le nombre d'indemnités de grands déplacements, auxquelles il pouvait valablement prétendre,

- M. [Z] se méprend manifestement sur le sens et la finalité de l'article 8.13 sur la base duquel il fonde sa demande d'indemnisation des temps de grands déplacements dès lors que l'indemnité de 50% a uniquement vocation à compenser les frais complémentaires que peut impliquer le déplacement et cette indemnité n'est pas due lorsque les frais sont directement remboursés par l'entreprise, ce qui est le cas en l'espèce puisque la société met à disposition de chacune de ses équipes qui doit effectuer un déplacement professionnel un véhicule de service ainsi qu'une carte carburant et un badge de télépéage. M. [Z] ne peut donc solliciter le bénéfice de l'indemnité compensatrice égale à 50 % de son salaire horaire telle que prévue par l'article 8.13 pré-cité.

A titre liminaire, la cour relève que la société BDVF conclut au rejet de la demande de M. [Z] aux fins de paiement d'indemnités de grands déplacement qu'en réalité il ne sollicite pas, sa demande étant circonscrite aux indemnités de compensation des temps de grands déplacements. Ses développements à cet égard sont donc sans objet.

S'agissant de l'indemnisation des temps de grands déplacements, l'article 8.13 de la convention collective applicable prévoit que l'ouvrier envoyé en grand déplacement par son entreprise, soit du siège social dans un chantier, ou inversement, soit d'un chantier dans un autre, reçoit, indépendamment du remboursement de ses frais de transport, et notamment de son transport par chemin de fer en 2e classe, pour les heures comprises dans son horaire de travail non accomplies en raison de l'heure de départ ou de l'heure d'arrivée, une indemnité égale au salaire qu'il aurait gagné s'il avait travaillé, pour chaque heure de trajet non comprise dans son horaire de travail, une indemnité égale à 50% de son salaire horaire, sans majoration ni prime, compensatrice des frais complémentaires que peut impliquer le voyage de déplacement, sauf si ces frais sont directement remboursés par l'entreprise. L'ouvrier indemnisé dans les conditions précisées ci-dessus qui n'est pas déjà en situation de grand déplacement bénéficie de l'indemnité journalière de grand déplacement à compter de son arrivée au lieu du déplacement jusqu'à son départ du même lieu

En l'espèce, étant rappelé que la demande de M. [Z] porte non pas sur l'indemnité de grand déplacement prévue par les articles 8.10 et 8.11 précités mais sur l'indemnité de temps de voyage prévue par l'article 8.13, laquelle s'applique au premier et au dernier trajet qui encadre chaque grand déplacement, la cour relève que la société BDVF ne justifie d'aucun élément de nature à contredire le décompte du salarié, se bornant à lui opposer que les rapports hebdomadaires d'activité sur lesquels il se fonde ne sont pas fiables dès lors qu'il lui appartenait de veiller à la fiabilité de ces rapports.

De même, il ressort des développements qui précèdent que l'affirmation selon laquelle certaines prestation de travail n'ont pas été effectuées n'est corroborée par aucun élément utile, les rapports hebdomadaires de travail rectifiés, voire raturés manuellement a posteriori, étant insuffisants à cet égard.

Sur le fond, nonobstant le fait que ce texte prévoit que l'indemnité est versée indépendamment du remboursement de ses frais de transport, il convient d'observer que l'indemnité égale à 50% du salaire horaire que réclame M. [Z] concerne, de fait, les heures de trajet non comprises dans son horaire de travail. Or ce texte ajoute que cette indemnité, calculée sans majoration ni prime, compense les frais complémentaires que peut impliquer le voyage de déplacement sauf si ces frais sont directement remboursés par l'entreprise.

Dès lors qu'il ressort de la procédure que M. [Z] bénéficiait d'un véhicule de service et que la société BDVF précise, sans être contredite, qu'elle mettait à disposition de chacune de ses équipes en déplacement une carte carburant et un badge de télépéage, la cour considère que M. [Z] ne saurait prétendre au paiement de cette indemnité particulière, en sus de l'indemnité de grand déplacement prévue au contrat de travail.

La demande sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

VII - Sur les retenues pour acompte :

M. [Z] expose que chaque début de mois, l'employeur lui versait une avance au titre des frais de déplacement susceptibles d'être exposés au cours du mois (frais d'hôtel, de restauration - pièce n°17), sommes déduites du salaire en fin de mois sous la mention acompte (pièce n°6) et soutient que le montant des retenues a excédé le montant des acomptes versés.

Il ajoute qu'en novembre et décembre 2020, le montant de deux contraventions à 135 euros ont été retenues sur son salaire, ce qui est interdit par la jurisprudence.

Il sollicite en conséquence un rappel de salaire à hauteur de 215 euros selon décompte figurant dans le corps de ses conclusions.

L'employeur conclut au rejet de la demande aux motifs que :

- le salarié réclamait initialement 1 225 euros avant finalement de réévaluer sa demande à hauteur de 215 euros,

- l'acompte constitue normalement un paiement anticipé par rapport à l'échéance normale de paye, il correspond à un travail déjà effectué et se distingue en cela des avances sur salaire. Les retenues d'acomptes pratiquées au cours des années 2019 et 2020 correspondaient bien à des reprises de paiements anticipés de rémunération au profit du salarié en cours de mois et ce en fonction de la prestation de travail d'ores et déjà accomplie. Ces retenues d'acompte ne correspondaient donc aucunement à une quelconque reprise d'avances sur frais de déplacement que le salarié allait être amené à avancer au cours du mois. Si tel avait été le cas, les bulletins de salaire n'auraient pas fait mention d'acomptes mais d'avances sur frais de déplacements,

- la société met à disposition de chacune de ses équipes qui doit effectuer un déplacement professionnel un véhicule de service ainsi qu'une carte carburant et un badge de télépéage, précisément pour éviter que ses salariés ne fassent l'avance de frais de déplacement,

- les retenues d'acomptes pratiquées correspondent strictement à l'ensemble des paiements anticipés de rémunération dont il a pu bénéficier et ce à sa demande expresse (pièces n°5, 7 à 11).

Selon l'article L.3242-1 du code du travail, la rémunération des salariés est mensuelle et indépendante, pour un horaire de travail effectif déterminé, du nombre de jours travaillés dans le mois. Le paiement mensuel neutralise les conséquences de la répartition inégale des jours entre les douze mois de l'année. Pour un horaire équivalent à la durée légale hebdomadaire, la rémunération mensuelle due au salarié se calcule en multipliant la rémunération horaire par les 52712 de la durée légale hebdomadaire. Le paiement de la rémunération est effectué une fois par mois. Un acompte correspondant, pour une quinzaine, à la moitié de la rémunération mensuelle, est versé au salarié qui en fait la demande. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux salariés travaillant à domicile, aux salariés saisonniers, aux salariés intermittents et aux salariés temporaires.

En l'espèce, il ressort des bulletins de paye produits que figure en déduction du salaire versé une retenue pour 'acompte' à l'exclusion de tout autre intitulé. Sur ce point, M. [Z] ne justifie d'aucun élément utile de nature à contredire cet intitulé au profit d'une avance sur frais de déplacement, la production d'un courrier électronique isolé du 12 mars 2020 demandant une 'avance de frais de déplacement de nuit' et l'indication que d'autres salariés bénéficient des mêmes 'avances' étant à cet égard insuffisantes.

Par ailleurs, l'employeur justifie par différentes pièces comptables que le total des retenues effectuées correspond aux total des acomptes versés au salarié tels que figurant sur les relevés de compte sous l'intitulé 'VIR MOMO ACOMPTE'.

En revanche, étant rappelé que l'employeur ne peut procéder à une retenue sur salaire pour récupérer le montant d'une contravention causée par le salarié, la cour constate que sur les bulletins de paye de novembre et décembre 2020 figure la mention d'une retenue sur salaire pour acompte 'dont pv', ce qui implique que la somme ainsi retenue ne se limite pas à l'acompte initialement versé. La société BDVF ne formule aucune observation à cet égard.

Le montant retenu à ce titre figurant dans les pièces de l'employeur (90 euros), il sera alloué à M. [Z] la somme de 180 euros à ce titre, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

VIII - Sur le manquement à l'obligation de sécurité et l'exécution déloyale du contrat de travail :

Au titre d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, M. [Z] soutient que :

- l'analyse des rapports hebdomadaires produits révèle que les durées maximales de travail quotidiennes et hebdomadaires telles que définies par l'article 3.7 de la convention collective applicable ont été régulièrement été dépassées (pièce n° 7),

- il n'a pas bénéficié des temps de pause minimaux tels que définis par l'article L.3121-16 du code du travail, l'article 6 de l'accord du 12 juillet 2006 relatif au travail de nuit et l'article 3.18 de la convention collective,

- il a alterné les périodes de travail de jour et de nuit, a été soumis à une charge de travail importante sans bénéficier des temps de repos obligatoires, sans considération pour la préservation de son état de santé, pour sa sécurité,

- il a été confronté à des conditions de travail dangereuses faute de disposer des équipements de protection individuels nécessaires au travail sur voies ferrées, plus particulièrement des masques et un casque anti bruit. En outre, chaussures de sécurité étaient dans un état d'usure important (pièce n°18),

- lors de la reprise du travail à la suite du premier confinement, les mesures de protection adaptées n'ont pas été prises par l'employeur, les salariés étant réunis à 3 ou 4 pour effectuer des trajets dans le véhicule de service.

Au titre d'un manquement de l'employeur à son obligation de loyauté, M. [Z] soutient que :

- l'employeur n'a pas rémunéré l'ensemble de ses heures de travail et s'est dispensé d'appliquer les dispositions conventionnelles prévoyant l'indemnisation des temps de trajets,

- il a très régulièrement reçu ses bulletins de salaire et son salaire en retard, et ses revendications se sont soldées par des remarques déplacées de la personne en charge d'établir les payes (pièce n°13),

- l'employeur ne s'est jamais soucié d'organiser les élections de représentants du personnel au sein de la société.

Il sollicite en conséquence la somme globale de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts,'toutes causes de préjudices confondues'.

L'employeur conclut au rejet de cette demande aux motifs que :

S'agissant de l'obligation de sécurité :

- les dispositions de l'accord du 12 juillet 2006 relatives au travail de nuit que M. [Z] revendique ne lui sont pas applicables puisque l'article 2 de cet accord précise que 'est considéré comme travailleur de nuit, pour application du présent accord, le salarié accomplissant, au moins deux fois par semaine dans son horaire habituel au moins trois heures de travail effectif quotidien entre 21 heures et 6 heures, ou effectuant, au cours d'une période quelconque de 12 mois consécutifs, au moins 270 heures de travail effectif entre 21 heures et 6 heures'. Or s'il arrivait parfois à M. [Z] de travailler entre 21 heures et 6 heures, l'examen de ses rapports hebdomadaires de travail démontre que cela n'était aucunement systématique,

- les rapports hebdomadaires de travail ne sauraient assurer une retranscription fidèle et fiable de son temps de travail réel et ne sauraient valablement démontrer des dépassements réguliers des durées quotidiennes et hebdomadaires maximales de travail,

- concernant les temps de pauses, M. [Z] revendique des dispositions conventionnelles qui ne s'appliquent pas à lui. Si l'article 3.18 de la convention collective applicable prévoit notamment que 'sans préjudice des dispositions légales ou réglementaires applicables aux travaux pénibles ou insalubres, les ouvriers eff ectuant les travaux présentant un caractère de pénibilité énumérés ci-dessous bénéficient suivant les cas, d'une ou de plusieurs interruptions quotidiennes de travail égales à 10 % du temps de travail pénible eff ectué, selon des modalités fixées après consultation des représentants du personnel et qui, le cas échéant, pourront faire l'objet d'un accord d'entreprise. Cette interruption est rémunérée et considérée comme du temps de travail effectif. Les travaux concernés sont : utilisation manuelle d'outillage vibrant (marteau-piqueur, brise-béton, perforateur, vibreur à ballast, outillage pneumatique) [...]', ce n'était pas son cas puisqu'il était aide conducteur d'engin. En outre, les rapports hebdomadaires de travail n'étaient pas correctement établis par les chefs de machine et ne mentionnent pas les

différentes coupures dont l'ensemble de ses salariés bénéficiaient pourtant incontestablement et ne sont donc pas de nature à attester d'un quelconque non-respect des temps de pause,

- l'article 3.12 de la convention collective applicable prévoit expressément une possibilité de dérogation à l'organisation habituelle de la semaine de travail sur 5 jours consécutifs et ce, en cas de circonstances imprévisibles, pour des travaux urgents en raison de la sécurité ou de la sauvegarde de l'outil ou de l'ouvrage. En pareille hypothèse, l'article 3.13 pose le principe d'un repos compensateur d'une durée égale aux heures effectuées en plus des 5 jours de travail hebdomadaires au profit du salarié concerné. Compte tenu de son secteur d'activité particulier, la société est parfois contrainte à intervenir dans les circonstances imprévisibles envisagées par l'article 3.12 de la convention collective applicable et les salariés concernés bénéficient alors d'une récupération, ainsi qu'en attestent les rapports hebdomadaires de travail de M. [Z],

- M. [Z] procède par affirmation s'agissant de l'alternance de périodes de travail de jour et de nuit, d'une charge de travail importante sans bénéficier des temps de repos obligatoires, d'avoir été confronté à des conditions de travail très dangereuses faute de disposer des équipements de protection individuelle ou l'absence de mesures de protection adaptées à la suite du premier confinement. L'ensemble des salariés disposent des équipements de protection individuelle, et leur port obligatoire a été rappelé aux chefs de machine lors de la réunion de crise du13 avril 2015 (pièce n°4) et lors de la réunion qualité-sécurité-environnement du 6 septembre 2019 (pièce n°6),

- rien ne permet de s'assurer que les chaussures prises en photo sont celles mises à la disposition de M. [Z],

- la société a mis en oeuvre l'ensemble des préconisations gouvernementales dans le contexte particulier de la pandémie.

S'agissant de l'obligation de loyauté :

- les heures de travail et les temps de trajets prétendument non rémunérés font d'ores et déjà l'objet de demandes distinctes de rappels de salaire et celles-ci ne sont absolument pas justifiées et ne sauraient dès lors servir de fondement à une demande supplémentaire de dommages-intérêts pour déloyauté,

- bien que prétendant avoir très régulièrement reçu son salaire en retard, M. [Z] ne produit qu'un seul et unique échange de courriers électroniques concernant une demande de versement d'avance de frais de déplacement de nuit et non de paiement de son salaire,

- concernant les prétendues remarques déplacées de la responsable comptabilité-paie, la cour jugera si le courrier électronique produit d'un tel registre eu égard au contexte particulier dans lequel il été adressé. Manifestement, M. [Z] s'offusque des remarques prétendument déplacées lorsqu'il en est le destinataire mais aucunement lorsqu'il en est l'auteur,

- l'absence d'organisation d'élection des représentants du personnel ne participe pas d'une éventuelle exécution déloyale du contrat de travail individuel d'un salarié.

Néanmoins, il résulte des développements qui précèdent que la société BDVF a omis de payer à M. [Z] l'intégralité des heures de travail effectuées ainsi que les temps de trajets de grands déplacements, ce qui caractérise une exécution déloyale du contrat de travail.

A cet égard, l'analyse des rapport hebdomadaires produits, que la société BDVF ne saurait contester au motif qu'ils ne sont fiables dès lors qu'il lui appartenait de veiller à leur fiabilité, démontrant outre l'absence de pause, que les durées maximales de travail quotidiennes et hebdomadaires définies par la convention collective applicable ont été régulièrement été dépassées, implique nécessairement un préjudice dont M. [Z] est bien fondé à réclamer l'indemnisation.

En conséquence des développements qui précèdent, il lui sera alloué la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

IX - Sur le bien fondé du licenciement :

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave commise par le salarié.

Il est constant que lorsque les juges considèrent que les faits invoqués par l'employeur ne caractérisent pas une faute grave, ils doivent rechercher si ces faits n'en constituent pas moins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La lettre de licenciement du 25 janvier 2021 est rédigée dans les termes suivants :

'[...] Pendant la période de vos congés de fin d'année, vous avez utilisé le véhicule de société sans nous demander l'autorisation. De plus vous l'avez prêté à votre compagne, elle ne pas partie de notre société et surtout, votre épouse n'était pas assurée. Lors de notre entretien vous avez explicitement reconnu les faits. Dans ce contexte, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave. Il prend effet, sans préavis, à la date de ce courrier. [...]' (pièce n°15)

M. [Z] admet pour sa part avoir utilisé le véhicule de service durant ses congés payés mais précise que cette utilisation ne peut être considérée comme fautive dès lors que cette pratique était habituelle et que l'employeur le savait et la tolérait (pièce n°11). En revanche, il conteste avoir prêté ce véhicule à son épouse, ajoutant qu'il n'a jamais reconnu ce prétendu prêt lors de l'entretien préalable.

Au titre de la charge de la preuve qui lui incombe, l'employeur indique et produit les éléments suivants :

- le salarié a reconnu les faits lors de l'entretien préalable du 20 janvier 2021, ce que confirment l'attestation de M. [X] (pièce n°23) et le courrier électronique qu'il a lui-même adressé à M. [C] le 13 janvier 2021 (pièce n°14),

- à la différence d'un véhicule de fonction, le véhicule de société mis à la disposition d'un salarié doit uniquement être utilisé pour effectuer des trajets ayant une nature strictement professionnelle,

- en prêtant ce véhicule à son épouse, M. [Z] a pris un risque encore plus conséquent car celle-ci n'était pas couverte par l'assurance souscrite pour ce véhicule,

- ce n'est pas M. [Z] qui a conduit le véhicule afin d'emmener son épouse au travail puisque l'un de ses collègues, qui habite à proximité, a informé l'employeur de cette utilisation abusive du véhicule, permettant à M. [C] de se rendre sur le lieu de travail de Mme [Z] à l'EHPAD 'l'été Indien' à [Localité 7] pour y constater la présence du véhicule sur le parking du personnel, tous feux éteints et sans aucune personne à l'intérieur (pièces n°18 et 19),

- la société n'a jamais toléré l'usage personnel des véhicules de société. Si tel avait été le cas, elle aurait confirmé cette tolérance par un écrit remis au salarié et requalifié ce véhicule en véhicule de fonction avec attribution d'un avantage en nature correspondant afin de se prémunir des conséquences d'un éventuel contrôle URSSAF,

- l'analyse des contraventions produites par le salarié à la lumière des rapports hebdomadaires de travail et des bulletins de salaire permet de constater que celles-ci ont été dressées à l'occasion de déplacements professionnels (pièces n°3, 5 et 20).

S'agissant du premier grief relatif à l'usage d'un véhicule de service à des fins personnelles, la cour relève en premier lieu que la mise à disposition par l'employeur à M. [Z] d'un véhicule n'est pas discuté par les parties.

Par ailleurs, il ressort d'un courrier électronique du 13 janvier 2021, quelques jours avant la tenue de l'entretien préalable du 20, que M. [Z] s'est explicitement excusé auprès de son employeur pour l'utilisation du dit véhicule pendant ses vacances 'parce que son véhicule personnel était tombé en panne et [que] mon épouse devait se rendre sur son lieux de travail à [Localité 7]' (pièce n°14).

M. [Z] ne saurait par ailleurs se prévaloir d'une quelconque tolérance de l'employeur à cet égard au seul motif qu'il n'ignorait pas cet usage et n'a pas donné de suite aux contraventions dont il a fait l'objet. En effet, étant précisé qu'il ne sera pas tenu compte du document rédigé en langue allemande puisqu'aucune des parties n'a jugé utile de le faire traduire, la cour considère que du fait de ses horaires variables et parfois tardifs, le seul fait que le salarié ait été contrôlé en excès de vitesse à [Localité 10] le 23 octobre 2017 à 21h54, à [Localité 5] le 23 mai 2019 à 16h07, à [Localité 6] le 7 octobre 2020 à 20h50 et à [Localité 6] le 8 octobre 2020 à 19h41, n'implique pas que l'employeur ne pouvait ignorer qu'à ces dates et heures il n'était pas ou plus en service. Il s'en déduit que le moyen n'est pas fondé et la faute caractérisée.

S'agissant du prêt du dit véhicule à son épouse, la cour constate avec le salarié qu'il ne saurait se déduire du courrier électronique précité une quelconque reconnaissance de ce prêt, M. [Z] se contentant d'expliquer pourquoi il a fait un usage personnel de ce véhicule pendant ses congés, pas qu'il l'a prêté à son épouse.

Néanmoins, si l'attestation de M. [X] affirmant qu'il a également admis ce fait lors de l'entretien préalable ne suffit pas à elle seule pour caractériser ce grief, la cour relève que cette affirmation est corroborée par la production d'une photo, certes non datée mais transmise dans un courrier électronique du 7 janvier 2021, ce qui implique qu'elle a été prise au plus tard à cette date (pièce n°19), démontrant qu'un véhicule de la société BDVF est stationné, tout feux éteints et sans personne visible à bord, sur le parking de l'EHPAD 'l'Eté Indien' à [Localité 7] où travaille son épouse, les grilles du parking visibles sur la photo étant les mêmes que celles tirée du site Google Maps figurant l'établissement. Dès lors, peu important que le nom du salarié qui a révélé la présence du véhicule sur place ne soit pas mentionné, il se déduit de ces éléments concordants que le grief relatif au fait d'avoir prêté le véhicule de service à son épouse est caractérisé.

Toutefois, sans remettre en cause l'ensemble des faits reprochés à M. [Z], il ne saurait être ignoré que celui-ci justifiait à la date du licenciement de 3 années complète d'ancienneté et n'avait auparavant jamais été sanctionné, de sorte que ces circonstances sont de nature à amoindrir leur gravité. De plus, cet usage irrégulier mais ponctuel d'un véhicule de service n'est pas d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

En conséquence, il y a lieu de considérer que la faute grave alléguée n'est pas caractérisée mais que les faits reprochés au salarié justifient une cause réelle et sérieuse de licenciement, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

En conséquence d'un licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, et sur la base d'une ancienneté de 3 ans et 8 mois, durée du préavis comprise, et d'un salaire moyen de référence s'établissant à la somme de 2 142,46 euros (moyenne la plus favorable sur 3 mois), il sera alloué à M. [Z] les sommes suivantes:

- 4 284,93 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 963,91 euros à titre d'indemnité de licenciement,

le jugement déféré étant infirmé sur ce point,

- 973,83 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire du 11 au 25 janvier 2021, outre 97,38 euros au titre des congés payés afférents.

le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

Sa demande à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera quant à elle rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

S'agissant par ailleurs de la demande de la société BDVF au titre du remboursement de la somme de11 593,39 euros versée à M. [Z] au titre de l'exécution provisoire de droit de la décision frappée d'appel, il n'y a pas lieu de statuer sur celle-ci, le présent arrêt constituant le titre ouvrant droit à restitution.

S'agissant enfin de la condamnation de la société BDVF à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage payées à M. [Z] du jour de son licenciement au jour du prononcé du présent jugement dans la limite de six mois d'indemnités, le licenciement étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, il sera infirmé sur ce point.

X - Sur les demandes accessoires :

- sur la remise documentaire :

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a ordonné à la société BDVF de remettre à M. [Z] un bulletin de salaire rectifié.

- sur les intérêts au taux légal :

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a précisé que conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de la société BDVF devant le bureau de conciliation et d'orientation, soit le 20 avril 2020, pour toutes les sommes de nature salariale et à compter du prononcé du jugement pour toute autre somme, ce conformément à la demande de l'employeur.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement déféré sera confirmé sur ces points sauf en ce qu'il a laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

La société BDVF sera condamnée à payer à M. [Z] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour,

La demande de la société M. [G] au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée,

La société BDVF succombant pour l'essentiel, elle supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Dijon du 13 septembre 2022, sauf en ce qu'il a :

- condamné la société SNC BDVF à payer à M. [N] [Z] les sommes suivantes :

* 1 447,70 euros bruts à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires, outre 144, 77 euros au titre des congés payés afférents,

* 1 232,40 euros à titre de rappel de salaire sur majoration sur heures de nuit, outre 123,24 euros au titre des congés payés afférents,

* 973,83 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire, outre 97,38 euros au titre des congés payés afférents,

* 850 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande d'indemnité pour travail dissimulé,

- rejeté la demande d'indemnité de temps de grands déplacements,

- rejeté la demande de rappel de salaire pour retenues injustifiées,

- précisé que conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de la société SNC BDVF devant le bureau de conciliation et d'orientation, soit le 20 avril 2020, pour toutes les sommes de nature salariale et à compter du prononcé du jugement pour toute autre somme,

- ordonné à la société SNC BDVF de remettre à M. [N] [Z] un bulletin de salaire établi conformément aux dispositions du jugement,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

REDUIT la liquidation de l'astreinte à la somme de zéro euro,

CONDAMNE la société SNC BDVF à payer à M. [N] [Z] les sommes suivantes :

- 566,49 euros au titre des contreparties obligatoires en repos, outre 56,65 euros au titre des congés payés afférents,

- 180 euros à titre de rappel de salaire pour retenues injustifiées,

- 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail,

DIT que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société SNC BDVF à payer à M. [N] [Z] les sommes suivantes :

- 4 284,93 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 963,91 euros à titre d'indemnité de licenciement,

REJETTE la demande de M. [N] [Z] à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande de la société SNC BDVF au titre du remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire de droit,

CONDAMNE la société SNC BDVF à payer à M. [N] [Z] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

REJETTE la demande de la société SNC BDVF au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société SNC BDVF aux dépens de première instance et d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024, signé par M. Olivier MANSION, président de chambre et Mme Jennifer VAL, greffier.

Le greffier Le président

Jennifer VAL Olivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00676
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.00676 ?
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