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28/05/2024 | FRANCE | N°23/00772

France | France, Cour d'appel de Dijon, 1re chambre civile, 28 mai 2024, 23/00772


[F] [K]



C/



Compagnie d'assurance PACIFICA

MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LORRAINE

































































































Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON>


1re chambre civile



ARRÊT DU 28 MAI 2024



N° RG 23/00772 - N° Portalis DBVF-V-B7H-GGUK



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : jugement du 16 janvier 2020

rendu par le tribunal judiciaire d'Epinal - RG : 18/1235 -

après un arrêt de la cour d'appel de Nancy rendu le 28 juin 2021 - RG : 20/713 -

cassé par un arrêt du 09 février 2023 de la cour de cassation- pourvoi n...

[F] [K]

C/

Compagnie d'assurance PACIFICA

MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LORRAINE

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

1re chambre civile

ARRÊT DU 28 MAI 2024

N° RG 23/00772 - N° Portalis DBVF-V-B7H-GGUK

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : jugement du 16 janvier 2020

rendu par le tribunal judiciaire d'Epinal - RG : 18/1235 -

après un arrêt de la cour d'appel de Nancy rendu le 28 juin 2021 - RG : 20/713 -

cassé par un arrêt du 09 février 2023 de la cour de cassation- pourvoi n° 162 F-B

APPELANTE :

Madame [F] [K]

née le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 9]

[Adresse 1]

[Localité 8]

Assistée de Me Olivier MERLIN, avocat au barreau d'EPINAL, plaidant, et représentée par Me Elise MARCHAND, membre de la SELARL ELISE MARCHAND, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 111

INTIMÉES :

Compagnie d'assurance PACIFICA

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentée par Me Edouard CHARLOT-JACQUARD, membre de la SELARL CHARLOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de HAUTE-MARNE

MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LORRAINE

[Adresse 4]

[Localité 5]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 mars 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

Bénédicte KUENTZ, Conseiller,

Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 14 Mai 2024 pour être prorogée au 28 Mai 2024,

ARRÊT : réputé contradictoire,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 20 septembre 2007, M. [L] [B] a souscrit auprès de la société Pacifica un contrat d'assurance garantissant les conséquences dommageables des accidents de la vie pour lui-même, sa compagne Mme [F] [K] et leur fils [E] né le [Date naissance 3] 2006.

Suite à la naissance du second fils du couple, le 29 juin 2011, M. [B] a souscrit un avenant à ce contrat afin d'en étendre la couverture à tous les membres de la famille.

Le 15 décembre 2012, Mme [F] [K], qui exploite en son nom personnel un élevage de chevaux depuis 2009, a été victime d'un accident de la vie privée au titre duquel elle entend obtenir l'exécution du contrat 'garantie des accidents de la vie' souscrit par M. [B].

La société Pacifica a confié l'expertise de Mme [K] au docteur [X] qui a déposé son rapport le 27 juin 2014.

Mme [K] a obtenu, par ordonnance du 8 avril 2015 rendue par le juge des référés du tribunal de grande instance d'Epinal, la désignation d'un expert judiciaire, le docteur [R] qui a déposé son rapport le 8 septembre 2015.

Par acte du 26 décembre 2016, Mme [K] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance d'Epinal aux fins d'obtention d'une provision indemnitaire de 200 000 euros.

L'ordonnance rendue le 2 août 2017, qui allouait à Mme [K] une provision de 46 928,57 euros, a été frappée d'appel.

Par arrêt du 19 juin 2018, la cour d'appel de Nancy a débouté Mme [K] de sa demande.

Par acte du 24 mai 2018, Mme [K] a fait citer la société Pacifica devant le tribunal de grande instance d'Epinal. Elle a appelé en la cause son organisme de sécurité sociale, la MSA de Lorraine.

Par jugement du 16 janvier 2020, le tribunal judiciaire d'Epinal a :

' fixé comme suit les préjudices subis par Mme [K] suite à l'accident du 15 décembre 2012 :

- 12 000 euros au titre des souffrances endurées,

- 11 400 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 1 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

- 23 581,20 euros au titre du préjudice spécifique d'agrément

- 51 360 euros au titre de l'aide humaine,

- 22 804,27 euros au titre de l'incidence professionnelle,

' constaté que la société Pacifica avait déjà versé à Mme [K] la somme globale de 14 100 euros à titre de provisions,

' condamné en conséquence la société Pacifica à verser à Mme [K] la somme de 108 535,47 euros, outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

' débouté Mme [K] du surplus de ses demandes,

' déclaré le jugement commun à la MSA de Lorraine,

' condamné la société Pacifica

- aux dépens, en ceux compris les frais de l'expertise ordonnée en référé,

- à verser à Mme [K] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

' ordonné l'exécution provisoire du jugement à hauteur de 50 000 euros.

Mme [K] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 20 mars 2020.

Par arrêt du 28 juin 2021, la cour d'appel de Nancy a :

' confirmé les dispositions du jugement déféré relatives

- à l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique permanent

- aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

' infirmé les autres dispositions du jugement déféré

Et statuant à nouveau,

' fixé comme suit les préjudices de Mme [K] :

- 18 000 euros au titre des souffrances endurées,

- 70 000 euros au titre du préjudice spécifique d'agrément,

- 67 862,50 euros au titre de l'aide humaine,

- 112 146,75 euros au titre de la perte de gains futurs,

- 737 874,60 euros au titre du retentissement économique,

' après déduction des provisions déjà servies à hauteur de 14 100 euros, condamné la société Pacifica à payer à Mme [K] la somme de 991 783,85 euros,

' dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,

' condamné la société Pacifica aux dépens et à payer à Mme [K] une indemnité de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de celle allouée en première instance,

' débouté Mme [K] de ses autres demandes.

La SA Pacifica a formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt, auquel elle faisait grief d'avoir fixé le préjudice d'agrément à 70 000 euros, la perte de gains futurs à 112 146,75 euros et le retentissement économique à 737 874,60 euros et de l'avoir condamnée à payer la somme globale de 991 783,85 euros, après déduction de 14 100 euros de provisions.

Par arrêt du 9 février 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Nancy mais seulement en ce qu'il a fixé les préjudices de Mme [K] à la suite de l'accident du 15 décembre 2012 à la somme de 112 146,75 euros au titre de la perte de gains futurs et à la somme de 737 874,60 euros au titre du retentissement économique, et condamné la société Pacifica à payer à Mme [K] la somme de 991 783,85 euros à titre d'indemnisation, déduction faite des provisions de 14 100 euros.

Statuant au visa du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, la Cour a jugé que :

- pour allouer à Mme [K] une somme au titre du « retentissement économique définitif après consolidation », l'arrêt, après avoir relevé que celle-ci avait choisi de conserver son emploi mais était devenue incapable d'effectuer toutes les tâches physiques qu'elle exécutait avant l'accident, retient que cette diminution de ses aptitudes physiques, qui implique l'aide d'un tiers, justifie l'octroi d'une somme calculée sur la base du coût horaire d'embauche d'un salarié, capitalisée pour l'avenir,

- en statuant ainsi, alors que pour allouer à la victime une somme distincte au titre de sa perte future de revenus personnels, elle avait pris en considération la diminution du bénéfice annuel de l'exploitation de la victime, qui inclut nécessairement le surcoût de charges lié à l'embauche d'un salarié, la cour d'appel, qui a indemnisé deux fois le même préjudice, a violé le principe susvisé.

Sur ces points, l'affaire et les parties ont été remises dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt de la cour d'appel de Nancy et renvoyées devant la présente cour, que Mme [K] a saisie par déclaration du 14 juin 2023.

Aux termes du dispositif de ses conclusions n°4, notifiées le 11 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien de ses prétentions, Mme [K] demande à la cour, au visa notamment des articles 1103 et suivants et 1190 et 1191 du code civil et 133-2 du code de la consommation, et des conditions générales du contrat 'garantie des accidents de la vie' éditées en 2007, de :

' déclarer sa demande recevable et bien fondée,

' juger que la liste des postes de préjudices indemnisables des 'conditions générales de vente' de janvier 2007 du contrat 'Garantie Accidents de la Vie' de la société Pacifica n'est pas limitative et qu'ainsi, elle est bien fondée à réclamer l'indemnisation de tous les préjudices de droit commun dont l'incidence professionnelle,

' en tout état de cause et ce quelles que soient les conditions générales que la cour considérera comme applicables, déclarer que le plafond de ce contrat ne lui est pas opposable,

' condamner la société Pacifica à lui verser la somme de 1 527 461,19 euros au titre de l'incidence professionnelle compte tenu des différentes composantes qui la constituent, à savoir l'obligation d'être remplacée pour l'exécution des tâches devenues totalement ou partiellement impossibles, la pénibilité accrue au travail et la dévalorisation sur le marché du travail,

' ordonner que ces indemnisations produisent intérêts à compter du 22 juillet 2016 et que ces intérêts doivent être assortis de l'anatocisme à compter du 22 juillet 2017, en vertu des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil,

' condamner la société Pacifica :

- aux entiers dépens de l'instance, actes et procédures d'exécution y compris les droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement dans l'éventualité d'un recouvrement forcé,

- à lui verser la somme de 7 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure pendante devant la juridiction de céans,

' débouter la société Pacifica de ses autres demandes.

Aux termes du dispositif de ses conclusions n°3, notifiées le 11 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien de ses prétentions, la SA Pacifica demande à la cour, au visa notamment de l'article 625 du code de procédure civile, de :

' réformer le jugement du tribunal judiciaire d'Epinal du 16 janvier 2020 en ce qu'il a indemnisé l'incidence professionnelle alléguée par Mme [K]

Et statuant à nouveau de ce chef,

' débouter Mme [K] de l'intégralité de ses demandes formées au titre de l'incidence professionnelle, des frais irrépétibles et des intérêts,

' constater qu'elle ne formule aucune demande au titre des pertes de gains futurs,

' déclarer irrecevables ses demandes relatives à la pénibilité accrue au travail et à la dévalorisation sur le marché du travail comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée,

' en conséquence, fixer l'indemnité réparatrice des préjudices subis par Mme [K] à 168 862,50 euros se décomposant comme suit :

. 67 862,50 euros au titre de l'aide humaine,

. 18 000 euros au titre des souffrances endurées,

. 70 000 euros au titre du préjudice d'agrément spécifique

. 11 500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

. 1 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

' constater qu'en exécution de l'arrêt cassé, elle a réglé à Mme [K] la somme principale de 1 018 783,85 euros en ce comprises la provision de 14 100 euros et celle de 50 000 euros versée au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement dont appel,

' constater que sa créance de restitution s'élève à 849 921,35 euros soit 1 018 783,85 euros - 168 862,50 euros

Subsidiairement, sur l'appréciation de la perte de revenus alléguée,

' ordonner une expertise comptable, réalisée par tout expert spécialisé en matière de comptabilité agricole, à l'effet de déterminer quels ont été les revenus réels de Mme [K] de 2009 à 2019, tirés de l'exploitation de l'élevage de la Vallée, et déterminer les causes des variations de revenus qu'il aura constatées sur la période,

' surseoir à statuer dans l'attente du résultat de l'expertise ordonnée,

' condamner Mme [K] aux dépens et à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Avec l'accord des parties, la clôture est intervenue le 12 mars 2024 juste avant l'ouverture des débats.

MOTIVATION

Sur les stipulations contractuelles applicables

Les juridictions de fond qui ont précédemment statué se sont référées aux conditions générales du contrat dans leur édition de janvier 2009, seules invoquées par les parties, notamment par Mme [K] qui les produisait et les produit toujours en pièce 0.1 de son dossier.

Devant la présente cour, Mme [K] revendique pour la première fois l'application des conditions générales du contrat dans leur édition de janvier 2007 qu'elle a obtenues de la société Pacifica le 2 janvier 2024 et qu'elle produit en pièce 0.11 de son dossier.

La cour relève qu'aucune de ces deux pièces ne comporte la signature de M. [B], souscripteur du contrat 'Garantie des accidents de la vie', si bien qu'il ne peut être tiré aucune conséquence de l'absence de signature des conditions générales de janvier 2009 que Mme [K] demande à la cour de ne pas appliquer au seul motif qu'elles n'étaient pas celles en vigueur au jour de la prise d'effet du contrat.

Il ressort des faits constants énoncés ci-dessus que le contrat liant M. [B] à la société Pacifica a fait l'objet d'un avenant postérieurement au 29 juin 2011, date à laquelle les conditions générales de janvier 2007 n'étaient plus applicables, celles de janvier 2009 leur ayant été substituées.

M. [B] avait parfaitement connaissance des 'nouvelles' conditions générales du contrat dont un exemplaire lui a été manifestement remis, puisque Mme [K] a été en mesure de les produire dès l'engagement de la procédure en première pièce de son dossier.

L'accident dont Mme [K] a été victime étant survenu le 15 décembre 2012 soit postérieurement à cet avenant, elle n'est pas fondée à revendiquer l'application des conditions générales de janvier 2007.

Selon les conditions générales de janvier 2009 (page 15), les postes de préjudices susceptibles d'être indemnisés sont limitativement énumérés par le contrat et ils sont évalués selon les règles de droit commun.

Sur la demande indemnitaire de Mme [K] à hauteur de 1 527 461,19 euros

La cour rappelle que :

' devant le tribunal judiciaire d'Epinal, Mme [K] réclamait la somme globale de 1 574 716,77 euros au titre du retentissement économique de l'accident du 15 décembre 2012, demande examinée au titre :

- d'une part de la perte de revenus professionnels futurs pour laquelle aucune indemnité ne lui avait été allouée

- d'autre part de l'incidence professionnelle, fixée à 30 000 euros et indemnisée à hauteur de 22 804,27 euros après imputation des indemnités journalières servies par la MSA après sa consolidation.

' devant la cour d'appel de Nancy, Mme [K] réclamait 347 157,21 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs et 1 298 663,45 euros au titre de l'incidence professionnelle et il lui avait été alloué 112 146,75 euros au titre de la perte de gains futurs et 737 874,60 euros au titre du retentissement économique.

La demande qu'elle forme devant la présente cour ne tend qu'à l'indemnisation de l'incidence professionnelle 'caractérisée par trois aspects' :

- l'obligation pour Mme [K] d'être remplacée pour l'exécution de certaines tâches professionnelles devenues totalement et partiellement impossibles pour elle en raison des séquelles de l'accident du 15 décembre 2012 : à ce titre, elle réclame 1 368 744,62 euros

- la pénibilité accrue au travail au titre de laquelle elle réclame 50 000 euros

- la dévalorisation sur le marché du travail au titre de laquelle elle réclame 119 914,10 euros.

La cour relève que l'incidence professionnelle n'est pas l'un des postes de préjudice listés en page 15 des conditions générales de janvier 2009.

Dans la liste des préjudices garantis, le seul poste de préjudice tendant à l'indemnisation du préjudice professionnel, au sens générique du terme, post-consolidation est celui de 'la perte de gains professionnels futurs' ainsi défini : 'le retentissement économique définitif, après consolidation, sur l'activité professionnelle future de la victime entraînant une perte de revenus ou son changement d'emploi'.

Cette définition contractuelle est claire et n'a nul besoin d'être interprétée si bien que Mme [K] ne peut pas utilement invoquer les dispositions de l'article L. 133-2 du code des assurances et des articles 1190 et 1191 du code civil.

Par ailleurs, la stipulation selon laquelle les préjudices sont évalués selon le droit commun n'a d'incidence que sur les modes de liquidation des préjudices mais n'a ni pour objet, ni pour effet d'écarter les définitions contractuelles des préjudices garantis, limitativement énumérés.

En conséquence, Mme [K] n'est pas fondée à soutenir que la définition contractuelle de la perte de gains futurs recouvre les deux postes de préjudice que sont, au sens de la nomenclature Dintilhac la perte de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle.

Il résulte de ce qui précède que Mme [K] ne peut obtenir une indemnisation que si elle justifie d'une part d'un changement d'emploi ou d'autre part d'une perte de revenus.

Sur la demande au titre de l'obligation d'employer un palefrenier

C'est parce que Mme [K] n'entend pas changer d'emploi qu'elle estime devoir employer un palefrenier pour accomplir les tâches qu'elle ne peut plus, totalement ou partiellement, réaliser elle-même.

L'emploi d'un palefrenier qui génère une augmentation des charges de l'exploitation peut avoir une incidence sur le montant des revenus que Mme [K] tire de son élevage de chevaux.

Ce n'est donc que de manière indirecte que la nécessité d'employer un palefrenier pour maintenir l'activité agricole de Mme [K] pourrait ouvrir droit à indemnisation.

Sa demande tendant à être indemnisée à hauteur des charges d'exploitation à exposer pour financer cet emploi ne peut en conséquence pas prospérer.

En l'espèce, la cour relève que depuis le 27 juin 2014, date de sa consolidation, soit depuis presque 10 ans, Mme [K] a pu maintenir son activité alors qu'elle ne justifie nullement avoir employé un palefrenier, ne serait-ce que de manière temporaire ou à temps partiel.

Par ailleurs, l'analyse des bilans comptables de l'exploitation de 2009 à 2019 (pièces 3-14 du dossier de Mme [K]) et le tableau récapitulatif établi par Mme [K] en page 7 de ses conclusions révèlent que depuis sa consolidation en juin 2014, il n'existe pas une corrélation évidente entre d'une part, les conséquences professionnelles des séquelles de l'accident du 15 décembre 2012 et d'autre part les résultats de l'exploitation et les revenus qu'elle en tire. En outre, alors qu'en 2019, le bénéfice agricole est à nouveau positif, Mme [K] n'a pas communiqué les bilans de 2020 à 2023.

Enfin, alors qu'il lui appartient d'établir la perte de revenus qu'induirait l'emploi d'un palefrenier, Mme [K] ne produit aucun élément, notamment comptable, permettant d'établir ne serait-ce que le principe d'un tel préjudice, étant observé que l'embauche d'un salarié pourrait par ailleurs conduire à une modification du fonctionnement de l'exploitation et avoir également une incidence favorable sur son chiffre d'affaires.

Dans ces circonstances, la cour qui n'entend pas ordonner une expertise afin de pallier la carence probatoire de Mme [K], la déboute de sa demande indemnitaire présentée à hauteur de 1 368 744,62 euros.

Sur les demandes au titre de la pénibilité accrue au travail et de la dévalorisation sur le marché du travail

La société Pacifica soutient que ces demandes sont irrecevables car elles se heurtent à l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 28 juin 2021, ayant débouté Mme [K] des demandes indemnitaires présentées à ce double titre.

Toutefois, devant la cour d'appel de Nancy, comme devant la présente cour, ces demandes n'étaient pas présentées distinctement mais ne constituaient que des éléments de la demande plus globale formée au titre de l'incidence professionnelle.

La cour d'appel de Nancy a requalifié cette demande globale présentée à hauteur de 1 298 663,45 euros et elle n'y a que partiellement fait droit.

Or, la disposition de l'arrêt du 28 juin 2021 allouant la somme de 737 874,60 euros à Mme [K] au titre du 'retentissement économique' ayant été cassée et annulée, aucune autorité de chose jugée ne peut lui être attachée.

La fin de non-recevoir soulevée par la société Pacifica ne peut donc pas être accueillie.

La pénibilité accrue au travail et la dévalorisation sur le marché du travail n'entraînent aucune perte effective de revenus pour Mme [K] et elles ne l'ont pas conduit à changer d'emploi. En conséquence, elles ne peuvent ouvrir droit à indemnisation.

Il résulte de ce qui précède qu'il convient d'infirmer le jugement rendu le 16 janvier 2020 par le tribunal judiciaire d'Epinal en ce qu'il a fixé à 22 804,27 euros le poste de préjudice de l'incidence professionnelle et statuant à nouveau de débouter Mme [K] de sa demande indemnitaire au titre de ce poste de préjudice et de sa demande accessoire relative aux intérêts moratoires.

Les demandes de la société Pacifica tendant à 'constater' qu'elle a versé à Mme [K] l'intégralité des indemnités fixées notamment par l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 28 juin 2021 et qu'elle détient à l'encontre de Mme [K] une créance de restitution ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, sur lesquelles la cour doit statuer.

La cour rappelle seulement que le présent arrêt vaut, au profit de la société Pacifica, titre exécutoire lui permettant de plein droit d'obtenir la restitution des sommes indument perçues par Mme [K] au titre de l'exécution provisoire du jugement du 16 janvier 2020 et des dispositions cassées et annulées de l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 28 juin 2021 et emporte obligation de payer les intérêts à compter du jour de sa notification.

Sur les frais de procès

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de la présente instance doivent être supportés par Mme [K].

Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile ne sont donc réunies qu'en faveur de la société Pacifica. En équité, la cour laisse à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement rendu le 16 janvier 2020 par le tribunal judiciaire d'Epinal en ce qu'il a fixé à 22 804,27 euros le préjudice de Mme [F] [K] au titre de l'incidence professionnelle,

Statuant à nouveau sur ce point,

Déboute Mme [F] [K] de sa demande indemnitaire présentée au titre de l'incidence professionnelle à hauteur de 1 527 461,19 euros outre intérêts,

Rappelle que le montant des indemnités dues à Mme [K] par la société Pacifica s'élève en conséquence aux sommes suivantes, ne tenant aucun compte des provisions qui lui ont été servies :

' selon les dispositions définitives du jugement du 16 janvier 2020

- 11 400 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, somme que la société Pacifica accepte de porter à 11 500 euros,

- 1 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

' selon les dispositions définitives de l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 28 juin 2021

- 18 000 euros au titre des souffrances endurées,

- 70 000 euros au titre du préjudice spécifique d'agrément,

- 67 862,50 euros au titre de l'aide humaine,

Rappelle que le présent arrêt vaut titre de restitution des sommes indûment versées à Mme [K] par la société Pacifica au titre de l'exécution provisoire des décisions visées ci-dessus,

Condamne Mme [K] aux dépens de l'instance,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00772
Date de la décision : 28/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-28;23.00772 ?
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