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25/04/2024 | FRANCE | N°22/00637

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 25 avril 2024, 22/00637


[I] [Z]





C/



S.A. ENGIE ENERGIE SERVICES



































Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 25/04/24 à:



-Me LEJEUNE









C.C.C le 25/04/24 à



-Me LLAMAS

-Me GERBAY



































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NO

M DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 25 AVRIL 2024



MINUTE N°



N° RG 22/00637 - N° Portalis DBVF-V-B7G-GA7V



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section IN, décision attaquée en date du 30 Août 2022, enregistrée sous le n° 20/00615



APPELAN...

[I] [Z]

C/

S.A. ENGIE ENERGIE SERVICES

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 25/04/24 à:

-Me LEJEUNE

C.C.C le 25/04/24 à

-Me LLAMAS

-Me GERBAY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 25 AVRIL 2024

MINUTE N°

N° RG 22/00637 - N° Portalis DBVF-V-B7G-GA7V

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section IN, décision attaquée en date du 30 Août 2022, enregistrée sous le n° 20/00615

APPELANT :

[I] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Félipe LLAMAS de la SELARL LLAMAS ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

S.A. ENGIE ENERGIE SERVICES, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Fanny LEJEUNE de la SCP ZIELESKIEWICZ ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, Maître Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mars 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Olivier MANSION, président de chambre chargé d'instruire l'affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, président de chambre,

Fabienne RAYON, présidente de chambre,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Juliette GUILLOTIN

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Juliette GUILLOTIN, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [Z] (le salarié) a été engagé le 7 juillet 1992 par contrat à durée indéterminée en qualité d'agent technique par la société Engie énergies services (l'employeur).

Il a été licencié le 26 août 2020 pour faute grave, à la suite d'un refus de rétrogradation.

Estimant ce licenciement nul, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes qui, par jugement du 30 août 2022, a rejeté toutes ses demandes.

Le salarié a interjeté appel le 22 septembre 2022.

Il demande l'infirmation du jugement, l'annulation de la lettre du 30 juin 2020 et le paiement des sommes de :

- 9 669 euros d'indemnité de préavis,

- 966,90 euros de congés payés afférents,

- 27 809,47 euros d'indemnité de licenciement,

- 62 848,58 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul ou, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse,

- 10 000 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de prévention,

- 10 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- les intérêts au taux légal avec capitalisation,

- 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur conclut à la confirmation du jugement et sollicite le paiement de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA les 30 août 2023 et 6 février 2024.

MOTIFS :

Sur la rétrogradation envisagée du 30 juin 2020 :

Il est constant que l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à une sanction disciplinaire le 10 juin 2020.

A l'issue de cet entretien, l'employeur a adressé au salarié une lettre datée du 30 juin où il indique qu'il envisage une rétrogradation disciplinaire et ajoute que cette sanction modifiant le contrat de travail, le salarié a le droit de la refuser.

Cette même lettre précise qu'elle constitue une proposition de sanction et ne constituera une sanction que si le salarié l'accepte dans le délai prévu.

Le salarié a refusé cette sanction, de sorte qu'elle n'a pas été prononcée et l'employeur l'a convoqué à un nouvel entretien préalable qui, cette fois-ci, a été suivi d'un licenciement pour faute grave.

Le salarié soutient que cette sanction est nulle dès lors qu'il n'a pas reçu les informations nécessaires pour apprécier la portée de celle-ci et que le délai d'une semaine laissé pour sa réponse n'est pas conforme à l'article 12 de la convention collective nationale des ouvriers, employés et techniciens et agents de maîtrise de l'exploitation d'équipements thermiques et de génie climatique du 7 février 1979 qui prévoit un délai de 15 jours pour toute modification substantielle du contrat de travail.

L'employeur conteste cette analyse.

L'examen de ces moyens est inutile dès lors que cette sanction n'a pas été prononcée et que le salarié ne demande pas l'indemnisation d'un préjudice sur ce point.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la demande d'annulation 'du courrier de rétrogradation disciplinaire du 30 juin 2020" dès lors que cette lettre ne fait pas grief, en l'absence de sanction prononcée.

Sur le licenciement :

Le salarié soutient que les faits sont prescrits, conteste, à titre subsidiaire, les griefs reprochés et invoque la nullité du licenciement en application des dispositions de l'article L. 1226-13 du code du travail.

1°) L'article L. 1332-4 du code du travail dispose que : 'Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales'.

Ce délai commence à courir dès lors que l'employeur a eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits.

L'employeur peut prendre en compte de faits antérieurs de deux mois à la sanction, s'il s'agit de comportement se poursuivant dans ce délai.

En l'espèce, le salarié soutient qu'à l'exception des faits du 3 août 2020, les autres faits sont prescrits dès lors que la lettre de rétrogradation n'a pas eu pour effet d'interrompre la prescription disciplinaire et que l'employeur devait notifier la sanction dans le délai d'un mois à compter de l'entretien préalable du 10 juin 2020, en application des dispositions de l'article R. 1332-2 du code du travail.

L'article R. 1332-2 précité dispose, dans l'alinéa 2, que : 'La décision est notifiée au salarié soit par lettre remise contre récépissé soit par recommandée, dans le délai d'un mois prévu par l'article L. 1332-2".

Mais, là encore, aucune sanction n'a été prononcée, de sorte que la référence à ce délai est sans emport.

Par ailleurs, le salarié n'invoque aucune autre cause de prescription alors que les faits invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement se sont poursuivis.

2°) Il appartient à l'employeur qui s'en prévaut à l'appui du licenciement de démontrer la faute grave alléguée.

En l'espèce, la lettre de licenciement reproche au salarié quatre griefs : l'insatisfaction de clients qui ont refusé l'intervention du salarié, des problématiques de productivité et de performance au travail, le non-respect des obligations réglementaires quant à la traçabilité de ses interventions, la tenue de propos menaçants.

Le salarié rappelle qu'il était en arrêt de travail pour cause de maladie professionnelle depuis août 2020 et qu'en l'absence de faute grave, le licenciement sera nul.

Il conteste, au fond, les griefs reprochés.

Sur le premier point, l'employeur indique que M. [R] a reçu des plaintes des clients Adexpharma et Inventiva, le premier remettant en cause la négociation du contrat si le salarié intervient toujours sur le site, selon l'attestation de Mme [T] et le second ne souhaitant plus du salarié comme contremaître sur le site en cas de renégociation du contrat.

Par ailleurs, il résulte de l'entretien préalable que le salarié a admis avoir pris contact avec M. [C] de la société Adexpharma sur sa mise en cause.

De plus, Mme [T] atteste également que M. [O], un autre contremaître, a dû rattraper le travail non effectué par le salarié sur le site d'Adexpharma.

Ce grief est établi.

Sur le deuxième point, l'employeur se reporte à la seule attestation de Mme [T] qui est un témoignage indirect des propos de M. [O] et reste conditionnel quant au reproche formulé par M. [A], responsable du site Delpharm.

Sur le troisième grief, l'employeur rappelle que le salarié devait conduire et surveiller les installations, représenter l'entreprise sur son périmètre et respecter les engagements vis à vis des clients.

Il ajoute que le salarié ne remplissait pas les fiches de suivi, dématérialisées depuis janvier 2020, et que les fiches papier n'étaient pas correctement remplies.

M. [D] dans un mail du 9 juin 2020 relève une erreur, M. [K] note, le 9 juin 2020, une omission en ce que le cahier de chaufferie n'est pas à jour chez le client Smurfit, ainsi que chez le client SK le 9 juin, selon l'attestation de Mme [T].

Sur le dernier grief, l'employeur se reporte au mail de M. [D] du 10 août 2020 qui, lors d'une conversation avec le salarié, a entendu celui-ci en parlant de M. [R], son supérieur hiérarchique : 'ça va pas se terminer comme ça, je sais où il habite, je vais le trouver et le coincer, et quand je l'aurai trouvé je m'occuperai de lui. J'aime pas qu'on me prenne pour un con' et : 'vu dans l'état que je vais le mettre il ne sera plus en mesure d'aller porter plainte'.

M. [O] atteste également que le 17 avril 2020 lors d'une discussion dans le bureau commun avec le salarié, celui-ci lui a dit : 'con, tu ne comprends rien' d'une façon blessante et humiliante.

Il importe peu que M. [O] ait été sanctionné de façon moins lourde que le salarié à la suite de cette dispute, ce que l'employeur pouvait faire dans l'exercice de son pouvoir de sanction.

Par ailleurs, le salarié n'établit pas de pression avant ce licenciement puisque l'employeur pouvait avoir recours à une contre-visite le 12 décembre 2019 et faire remettre par huissier un document d'information à ce titre.

De même l'absence de visite médicale dans le mois suivant celle du 17 juin 2020 n'a pas d'incidence dès lors que le salarié était en arrêt de travail à cette date, tout comme le message enregistré par le salarié le 13 juillet 2020 et dont il n'est pas possible d'identifier avec certitude les intervenants.

Il résulte de l'ensemble des griefs ci-avant retenus que la faute grave est caractérisée par le cumul des fautes et le caractère réitéré de certaines d'entre elles.

Il n'y a donc pas lieu de rechercher si le salarié était ou non en arrêt de travail pour cause de maladie professionnelle au moment du licenciement dès lors que celui-ci repose sur une faute grave.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demande du salarié en paiement de diverses sommes au titre d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse.

Sur les autres demandes :

1°) Le salarié demande des dommages et intérêts pour préjudice moral résultant à la fois d'une exécution fautive du contrat de travail et du caractère vexatoire de la rupture.

Sur le premier point, le salarié se reporte à des pressions exacerbées, à la modification contractuelle imposée et à une tentative préalable de sanction.

Cependant, il a été retenu dans les motifs qui précèdent l'absence de toute pression comme celle de modification du contrat de travail au titre de la rétrogradation.

De plus, aucune rétrogradation n'a été prononcée et la tentative de l'employeur à ce titre n'est pas fautive, faute de preuve en ce sens.

Sur le second point, le salarié procède par voie d'affirmation et ne démontre pas de circonstances vexatoires entourant le licenciement ni, au surplus, de lien de causalité avec le préjudice moral allégué.

La demande sera rejetée et le jugement confirmé.

2°) L'article L. 4121-1 du code du travail dispose que : 'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes'.

L'article L4121-2 dispose que : ' L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants:

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs'.

Il incombe à l'employeur d'établir qu'il a exécuté cette obligation.

Ici, le salarié soutient que l'employeur a manqué à son obligation de prévention en ne donnant aucune suite sérieuse à l'alerte du 20 mai 2020, en raison de l'altercation avec M. [O].

Toutefois, contrairement à ce que prétend le salarié, l'employeur a réagi puisque M. [O] a été mis en garde à la suite de son comportement, peu important que cette mise en garde soit ou non une sanction, dès lors qu'elle traduit une réaction de la part de l'employeur.

De plus, l'employeur a justifié de l'absence de visite médicale dans le mois suivant celle du 17 juin 2020 en raison de l'arrêt de travail du salarié et aucune 'stratégie de déstabilisation ayant pour conséquence directe une dégradation' de l'état de santé du salarié n'est avérée.

La demande sera donc rejetée et le jugement confirmé.

3°) La demande relative aux intérêts au taux légal avec capitalisation devient sans objet.

4°) Les demandes formées au visa de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Le salarié supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :

- Confirme le jugement du 30 août 20202 sauf en ce qu'il statue sur les dépens ;

Y ajoutant :

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes;

- Condamne M. [Z] aux dépens de première instance et d'appel ;

Le greffier Le président

Juliette GUILLOTIN Olivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00637
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;22.00637 ?
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