Société [7]
C/
Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Haute-Saône (CPAM)
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 18/04/24 à :
-Me BONTOUX
C.C.C délivrées le18/04/24 à :
-CPAM de Haute-Saône(LRAR)
-Société [7](LRAR)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 18 AVRIL 2024
MINUTE N°
N° RG 22/00312 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F6DC
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Pole social du TJ de DIJON, décision attaquée en date du 07 Avril 2022, enregistrée sous le n° 19/1732
APPELANTE :
Société [7]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Ayant pour avocat, Me Xavier BONTOUX de la SAS BDO AVOCATS LYON, avocat au barreau de LYON dispensé de comparaître en vertu d'une demande adressée par mail reçu le 08 février 2024
INTIMÉE :
Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Haute-Saône (CPAM)
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté par Mme [M] [N] (Chargée d'audience) en vertu d'un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme [R] [D], chargé d'instruire l'affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Fabienne RAYON, Présidente de chambre,
Olivier MANSION, Président de chambre,
Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller,
GREFFIERS : Sandrine COLOMBO lors des débats
Jennifer VAL lors de la mise à disposition
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Fabienne RAYON, Présidente de chambre, et par Jennifer VAL, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La société [7] s'est vue notifier, par lettre datée du 29 avril 2016, la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône (la caisse), selon laquelle son salarié, M. [O] (le salarié), s'est vu reconnaître un taux d'incapacité permanente de 20 % à compter du 5 janvier 2016 en réparation de l'accident du travail survenu le 7 mars 2014.
La société [7] a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Dijon d'une contestation de cette décision et le pôle social du tribunal judiciaire de Dijon auquel la procédure a été transférée, après désignation du médecin consultant, le docteur [V], par décision du 7 avril 2022, a :
- déclaré le recours recevable,
- débouté la société de ses demandes d'inopposabilité,
- confirmé la décision, rendue le 29 avril 2016, par laquelle la caisse a attribué au salarié un taux d'incapacité permanente de 20 % à la consolidation de son état de santé au 4 janvier 2016, à la suite de l'accident du travail dont il a été victime le 7 mars 2014,
- dit que le taux d'incapacité permanente du salarié est de 20 %,
- dit le jugement commun à la société [7] et à la société [6],
- condamné la société [7] au paiement des dépens,
- dit que la CPAM de Côte d'Or prendra en charge les frais de consultation médicale.
Par déclaration enregistrée le 4 mai 2022, la société « [7] » a relevé appel de cette décision « dans l'affaire l'opposant à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de HAUTE SAONE », tendant à son annulation, à l'infirmation ou, à tout le moins, à sa réformation, en ce qu'elle a :
- débouté la société [7] de ses demandes d'inopposabilité,
- confirmé la décision, rendue le 29 avril 2016, par laquelle la caisse a attribué au salarié un taux d'incapacité permanente de 20 % à la consolidation de son état de santé au 4 janvier 2016, à la suite de l'accident du travail dont il a été victime le 7 mars 2014,
- dit que le taux d'incapacité permanente du salarié est de 20 %,
- condamné la société [7] au paiement des dépens.
Aux termes de ses conclusions reçues à la cour le 11 décembre 2023, la société « [7] » demande à la cour de :
-déclarer son appel recevable,
-infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dijon en ce qu'il :
*l'a déboutée de ses demandes d'inopposabilité,
*a confirmé la décision, rendue le 29 avril 2016, par laquelle la caisse a attribué au salarié un taux d'incapacité permanente de 20 % à la consolidation de son état de santé au 4 janvier 2016, à la suite de l'accident du travail dont il a été victime le 7 mars 2014,
*a dit que le taux d'incapacité permanente du salarié est de 20 %,
*l'a condamnée au paiement des dépens.
Statuant à nouveau,
-à titre principal : abaisser le taux d'IPP de 20 à 0 % compte tenu de l'absence de séquelles imputables en lien avec l'accident du travail du 7 mars 2014, celles-ci relevant d'une cause totalement étrangère avec le travail,
-à titre subsidiaire : abaisser le taux d'IPP de 20 à 15 % suivant argumentaire du docteur [I],
-à titre infiniment subsidiaire :
-ordonner, avant dire droit, une expertise médicale judiciaire sur pièces afin de vérifier la justification du taux médical attribué au salarié,
- nommer tel expert avec pour mission de :
1°-prendre connaissance de l'entier dossier médical du salarié ayant permis la fixation de son taux d'IPP,
2°-déterminer exactement les séquelles et leur imputabilité au fait accidentel initial,
3°-fixer le taux attribuable au titre des séquelles présentées en fonction des barèmes indicatifs d'invalidité,
4°-rédiger un pré-rapport à soumettre aux parties,
5°-intégrer dans le rapport d'expertise final les commentaires de chaque partie concernant le pré-rapport et les réponses apportées à ces commentaires,
6°-transmettre le rapport d'expertise au docteur [I], mandaté par elle,
- renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour qu'il soit débattu du contenu du rapport d'expertise et abaisser le taux médical attribué au salarié ;
-en tout état de cause : rendre opposable l'arrêt qui sera rendu à l'expertise utilisatrice Société [6].
En substance, l'appelante soutient que le taux d'IPP de 20 % ne peut être lui être opposable dans la mesure où les séquelles de M. [O] ne sont pas imputables à l'accident du travail mais à un état antérieur certain, en exposant, avoir en parallèle de la contestation du taux d'IPP, contesté l'imputabilité des arrêts et soins de travail prescrits à son salarié au titre de l'accident du travail du 7 mars 2014 devant le pôle social du tribunal judiciaire de Mâcon, lequel a désigné un expert judiciaire, le professeur [S], qui a estimé, comme son médecin conseil, le docteur [I], qu'il n'existait aucun lien direct, certain et exclusif entre le travail et l'infarctus du myocarde présenté par M. [O] le 7 mars 2014, avis adopté par le tribunal judicaire qui, considérant que les lésions prises en charge étant sans lien aucun avec le travail, lui a déclaré, aux termes d'un jugement du 6 avril 2023, inopposable l'ensemble desdits arrêts de travail du 10 mars 2014 au 4 janvier 2016.
Aux termes de ses conclusions reçues à la cour le 8 janvier 2024, la caisse demande à la cour de :
à titre principal :
-rejeter les demandes de la société [7];
-confirmer la décision du pôle social du tribunal judiciaire de Dijon, du 7 avril 2022 et dire et juger sa décision d'attribution d'un taux d'IP de 20 % au salarié bien fondée et opposable à la société [7];
- en conséquence, débouter la société [7] de l'ensemble de ses prétentions et la condamner aux dépens;
-à titre subsidiaire : ordonner avant dire-droit une mesure d'expertise médicale sur pièces, aux fins de décrire, à la date de consolidation, les séquelles résultant de l'accident du travail dont le salarié a été victime le 7 mars 2014 et déterminer le taux d'incapacité permanente partielle qui en découle.
En substance, la caisse, exposant d'abord que les séquelles d'un infactus du myocarde pouvant être évaluées selon le guide barème sont des séquelles d'infarctus survenant majoritairement sur un terrain prédisposant, se prévaut de l'avis du médecin consultant, le docteur [V], qui a confirmé le taux correctement évalué à 20 %
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
SUR CEÂ :
Sur le taux d'IPP
Pour fixer le taux d'IPP, il convient d'identifier des séquelles indemnisables en relation directe et certaine avec la maladie professionnelle prise en charge.
En l'espèce, la déclaration d'accident du travail du 11 mars 2014 fait état d'une douleur à la poitrine et le certificat médical initial du 10 mars 2014 mentionne « infractus du myocarde ' occlusion coronaire ».
L'état de santé du salarié a été déclaré consolidé le 4 janvier 2016, et la caisse lui a attribué un taux d'incapacité permanente partielle de 20 % au titre des séquelles suivantes : « Syndrome coronarien asymptomatique nécessitant un traitement de fond ».
Le médecin consultant du tribunal, le docteur [V], a fait les observations suivantes :
« Monsieur [O], âgé de 46 ans, calorifugeur, aux facteurs de risque de tabagisme et d'obésité, a été victime d'un infarctus le 7/03/2014 en rapport avec une sténose de la coronaire droite avec une fonction d'éjection du ventricule gauche conservée d'après le certificat initial. Il a bénéficié d'une angioplastie avec des suites simples, avec l'absence de précordialgies résiduelles ou de dyspnée d'effort avec seulement quelques épisodes de palpitation sans trouble du rythme à l'électrocardiogramme, avec une échographie et une scintigraphie myocardique de contrôle normales. On notera qu'il a repris le travail au même poste avec des horaires de jour.
Dans son examen clinique du 11/02/2016, le médecin-conseil retrouvait une tension artérielle dans les normes, une bradycardie à 56, une dyspnée d'effort stade 2 chez un sujet appareillé pour un syndrome d'apnée du sommeil, des poumons libres et des pouls périphériques présents. Il faisait le taux d'IP à 20 % dans ces conditions.
Le barème en vigueur fait état d'un taux de 20 à 30 % pour des séquelles d'infarctus liées à une lésion myocardique, en l'espèce, compte tenu d'un examen clinique favorable, le taux de 20 % a été correctement évalué ».
Mais l'appelante produit, à hauteur d'appel, le rapport d'expertise judiciaire du 15 octobre 2022 du professeur [S], cardiologue, désigné par le pôle social du tribunal judiciaire de Mâcon dans une autre procédure judiciaire opposant les parties sur l'opposabilité à l'employeur des arrêts de soins pris en charge par la caisse à la suite de l'accident du 7 mars 2014, qui contient les observations suivantes :
« a)le patient est à très haut risque cardiovasculaire (surpoids, hypercholestérolémie, tabagisme, hérédité cardiovasculaire ;
b Le patient présente des douleurs thoraciques le matin qui céderont spontanément et une nouvelle symptomatologie l'après-midi ; il n'existe donc pas de continuité des symptômes entre les douleurs présentées le matin et celles qui ont motivé son hospitalisation aux urgences ;
c)Les douleurs présentées le matin sont considérer comme un angor pré-infractus très fréquent retrouvé chez 45 % des patients et sont en rapport avec l'état antérieur ;
Les premières douleurs apparaissent généralement dans 7 jours avant l'infarctus du myocarde (bibliographie) ;
d)C'est devant la réapparition des douleurs dans l'après-midi que le patient se rend aux urgences de l'hôpital de [Localité 5] (compte-rendu des urgences joint) ;
e)que la coronarographie réalisée en urgence le 7 mars 2014 montrait des anomalies liées aux facteurs de risques ; et ces anomalies sont en faveur avec l'existence d'un état antérieur à l'accident du travail ;
f )aucun stress particulier ou psychologique n'a été mis en évidence durant son travail le 7.03 2014 le patient réaliser ses tâches habituelles ;
g)en conséquence, il n'existe aucun lien direct certain et exclusif entre le travail et l'infarctus du myocarde ;
h)l'arrêt de travail et l'ensemble des soins à compter du 7 mars 2014 sont exclusivement liées à l'état pathologique préexistant et sans aucune relation avec le travail ».
Il résulte de ces conclusions particulièrement motivées, que les séquelles d'infarctus du myocarde, qu'indemnise le taux d'IPP attribué au salarié, sont sans lien avec l'accident du travail du 7 mars 2014 qualifié d'angine de poitrine par le professeur [S].
Cet élément médical pertinent est de nature à contredire l'appréciation qui a été faite par le médecin conseil et le médecin consultant des séquelles en lien avec l'accident sur la base duquel a été fixé l'IPP.
Par conséquent, il n'y a pas lieu de retenir, à l'égard de l'employeur, l'existence d'un taux d'incapacité permanente résultant de l'accident du salarié.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
Sur les autres demandes
La cour s'estimant suffisamment informée, la mesure d'expertise médicale sur pièces sollicitée à titre subsidiaire par la caisse est rejetée.
La caisse, qui succombe, supportera les dépens de première instance, le jugement déféré étant infirmé sur ce point, et les dépens d'appel.
Le présent arrêt ne peut être déclaré opposable à la société [6] qui, non reprise dans l'acte d'appel, n'est pas partie dans la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant en audience publique, par décision contradictoire ;
Infirme le jugement prononcé le 7 avril 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Dijon en toutes ses dispositions soumises à la cour;
Statuant à nouveau ;
Fixe à 0 %, à l'égard de la société [7], le taux d'incapacité permanente partielle de M. [O] à compter du 5 janvier 2016, suite à l'accident du travail du 7 mars 2014 ;
Y ajoutant,
Rejette la demande d'expertise présentée à titre subsidiaire par la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier Le président
Jennifer VAL Fabienne RAYON