La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2024 | FRANCE | N°23/01074

France | France, Cour d'appel de Dijon, 3e chambre civile, 04 avril 2024, 23/01074


[N] [G]



C/



[J] [Z] [T]

































































































Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON



3ème chambre civile



ARRÊT DU 04 AVR

IL 2024



N° RG 23/01074 - N° Portalis DBVF-V-B7H-GH6S



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : au fond du 26 juin 2023,

rendue par le tribunal judiciaire de Dijon - RG : 20/01009









APPELANT :



Madame [N] [G]

né le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 12] (Madagascar)

domiciliée :

[Adresse 4]

[Localité 6]



représenté par Me Pierre Henry BILLARD, membre de la SELARL PIERRE HENRY...

[N] [G]

C/

[J] [Z] [T]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

3ème chambre civile

ARRÊT DU 04 AVRIL 2024

N° RG 23/01074 - N° Portalis DBVF-V-B7H-GH6S

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 26 juin 2023,

rendue par le tribunal judiciaire de Dijon - RG : 20/01009

APPELANT :

Madame [N] [G]

né le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 12] (Madagascar)

domiciliée :

[Adresse 4]

[Localité 6]

représenté par Me Pierre Henry BILLARD, membre de la SELARL PIERRE HENRY BILLARD AVOCAT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 36

INTIMÉ :

Monsieur [J] [Z] [T]

né le [Date naissance 1] 2004 à [Localité 11] (21)

domicilié :

[Adresse 2]

[Localité 8]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2023/7118 du 07/12/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Dijon)

représenté par Me Marie-christine KLEPPING, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 66

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 février 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Frédéric PILLOT, Président de chambre,

Anne SEMELET-DENISSE, Conseiller,

Marie-Dominique TRAPET, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridicionnelles

Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Sylvie RANGEARD, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 04 Avril 2024,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Frédéric PILLOT, Président de chambre, et par Sylvie RANGEARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [N] [G] et M. [R] [T] ont vécu en concubinage jusqu'en janvier 2021.

Au cours de leur vie commune, Mme [N] [G] et M. [R] [T], ont acquis chacun pour moitié un bien immobilier situé [Adresse 7] pour un prix de 182 000 euros.

Par acte d'huissier de justice du 07 avril 2015, Mme [N] [G] a fait assigner en justice, M. [R] [T] devant le tribunal de grande instance de Dijon en ouverture des opérations de compte liquidation et partage, et par jugement du 1er juin 2017 cette juridiction a déclaré la demande irrecevable.

Par acte d'huissier du 15 mai 2020, Mme [N] [G] a de nouveau assigné M. [R] [T], devant le tribunal judiciaire de Dijon afin de voir ordonner l'ouverture des opérations de partage.

M. [R] [T] est décédé en cours d'instance, le 21 décembre 2020.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 07 septembre 2021, Mme [D] [Z], ès qualité de représentante légale de son fils [J] [Z]-[T], est intervenue volontairement à l'instance.

M. [J] [Z]-[T] est devenu majeur le 03 septembre 2022, de sorte qu'il intervient désormais seul à la présente procédure en qualité d'héritier de M. [R] [T].

Par jugement du 26 juin 2023, le tribunal judiciaire de Dijon a, notamment,

- déclaré recevable la demande en partage,

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre Mme [N] [G] et M. [J] [Z]-[T],

- fixé la valeur de l'immeuble indivis, situé à Marsannay la côte, cadastré section BB, n° [Cadastre 9], à la somme de 185 000 euros,

- débouté Mme [N] [G] de sa demande d'indemnité pour jouissance privative,

- commis Maître [F] [U], notaire à [Localité 11], pour procéder aux opérations de liquidation partage,

- désigné le juge commis du tribunal judiciaire de Dijon pour surveiller le déroulement des opérations, avec lequel les échanges se feront par lettre simple, adressée en copie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception aux avocats des parties,

Par déclaration en date du 21 août 2023, Mme [N] [G] a interjeté appel du jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité de jouissance privative de l'immeuble indivis.

Selon le dernier état de ses conclusions transmises par voie électronique le 11 janvier 2024, Mme [N] [G], appelante, demande à la cour de, infirmant la décision entreprise,

- de fixer le montant de l'indemnité d'occupation due à Mme [N] [G] par M. [J] [Z]-[T], venant aux droits de son père décédé, à la somme de 850 euros (1000 euros x 85%) depuis le 1er février 2011, et subsidiairement, depuis le 15 mai 2015, jusqu'à la date du partage,

- dans cette dernière hypothèse, condamner subsidiairement M. [J] [Z] [T], venant aux droits de son père décédé, à verser à Mme [N] [G] la somme de 7 500 euros de dommages-intérêts pour s'être abstenu, dans une intention dilatoire, de soulever avant le 14 décembre 2023, une fin de non-recevoir dont il avait connaissance depuis le 1er juin 2017,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- y ajoutant, condamner M. [J] [Z]-[T] à verser à Mme [N] [G] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.

Selon le dernier état de ses conclusions transmises par voie électronique le 14 décembre 2023, M. [J] [Z] [T], intimé, demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter Mme [G] de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation par M. [J] [Z]-[T], héritier de M. [R] [T],

- à titre subsidiaire, constater que la demande d'indemnité d'occupation est prescrite pour la période antérieure au 15 mai 2015,

- débouter Mme [N] [G] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- réserver les dépens.

La clôture a été ordonnée le 16 janvier 2024 et l'affaire a été fixée pour être examinée à l'audience du 08 février 2024 ;

La cour fait référence, pour le surplus de l'exposé des moyens des parties et de leurs prétentions, à leurs dernières conclusions récapitulatives sus-visées, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur l'indemnité d'occupation pour jouissance privative

Le jugement entrepris a débouté Mme [N] [G] de sa demande d'indemnité pour jouissance privative du bien immobilier.

Mme [N] [G] sollicite l'infirmation du jugement entrepris sur ce point et sollicite le chiffrage de l'indemnité d'occupation due par [R] [T] au titre de l'occupation privative du bien indivis depuis le 1er février 2011 jusqu'à son décès intervenu le 20 décembre 2020.

Elle estime qu'elle est parfaitement fondée à demander une indemnité de jouissance privative du bien, que si M. [R] [T] a partagé son temps d'occupation de l'immeuble avec son logement professionnel, il a toujours eu la jouissance privative du bien indivis depuis la séparation, puisqu'il était le seul à avoir les clés, et parce qu'il n'a pas démontré qu'il avait mis le bien en location.

Elle ajoute à cet égard que lors de l'expertise du bien suite au décès de [R] [T], les experts ont constatés qu'il occupait le bien.

Elle considère qu'il convient de fixer à la somme de 850 euros le montant de l'indemnité de jouissance privative, qui lui est due et ce, depuis le 1er février 2011 jusqu'à la date du partage de l'indivision.

Elle conteste la fin de non-recevoir soulevée par M. [J] [Z]-[T], qui tend à voir prescrite la demande d'indemnité de jouissance privative, pour la période antérieure au 15 mai 2015, date de l'acte introductif d'instance, en estimant que cette fin de non-recevoir aurait dû être présentée devant le conseiller de la mise en état, et que dès lors, ce moyen présente un caractère tardif, et doit être rejeté comme étant irrecevable.

M. [J] [Z]-[T] sollicite la confirmation du jugement entrepris sur ce point.

Il rappelle que, son père a eu une activité professionnelle dans l'Aisne à compter du mois de mai 2012, l'obligeant à être sur place en permanence, mais qu'il n'a pas pu retrouver toutes les quittances de loyer émises pour son logement dans l'Aisne, avant le décès de son père.

Il affirme que Mme [N] [G] ne rapporte pas la preuve de l'impossibilité de jouir du bien immobilier, qu'elle savait que M. [R] [T] résidait dans l'Aisne, qu'elle ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait eu besoin de solliciter les clés du bien pour en jouir, et que M. [R] [T] s'y serait opposé.

Il soutient que Mme [N] [G] ne peut pas valablement solliciter une indemnité d'occupation pour la période antérieure au 15 mai 2015 puisque l'action se prescrit par 5 ans.

En droit, aux termes de l'article 815-9 du code civil, « Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.

L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité. ».

L'indivisaire est redevable de l'indemnité d'occupation lorsqu'il empêche les autres indivisaires de jouir du bien indivis et l'occupe de manière privative.

Dans son acception juridique, elle n'est pas nécessairement liée à l'occupation effective ou matérielle, et il est jugé que l'indivisaire qui détient seul les clés de l'immeuble indivis a la jouissance privative et exclusive du bien indivis, de sorte qu'il est redevable d'une indemnité, même s'il ne réside pas dans l'immeuble indivis.

En l'espèce, il est établi que suite à la séparation des parties, en février 2011, Mme [G] a quitté les lieux et que [R] [T] est resté résider seul dans le bien indivis.

Par courrier du 21 juillet 2011 il a informé Mme [G] de son souhait de conserver à titre personnel ce bien.

A la date du jugement du 1er juin 2017 il était toujours procéduralement domicilié dans le bien indivis.

Les clichés photographiques de l'estimation immobilière du 15 juillet 2021, réalisée en suite de son décès, montrent que le bien indivis se trouvait toujours meublé et investi par des objets du quotidien, ce qui démontre qu'il se trouvait encore occupé privativement.

Dans ces conditions, il importe peu que [R] [T], qui exerçait effectivement professionnellement dans l'Aisne et bénéficiait d'un logement secondaire sur [Localité 10], ait occupé le bien indivis par intermittence, dés lors que Mme [G] ne pouvait jouir librement du bien indivis.

Alors que [R] [T] était resté seul dans le bien indivis à la séparation et en avait donc nécessairement les clés, il doit être considéré d'une part que Mme [G] n'avait pas à solliciter les clés du bien indivis pour démontrer la jouissance privative par celui-ci, et d'autre part qu'il n'est pas démontré par lui, alors que la preuve lui en incombe, qu'il ait ultérieurement restitué les clés ou remis le bien indivis à la disposition de l'indivision, ce malgré les sollicitations amiables de son ex-compagne aux fins de partage, sollicitations réalisées dès 2011 quelques mois après la séparation.

L'occupation privative par [R] [T] est donc caractérisée, et il se trouvait tenu d'une indemnité d'occupation au profit de l'indivision.

Selon attestation de valeur du 15 juillet 2021, le bien indivis a, étant libre, une valeur net vendeur entre 180 et 185 000 euros, ce qui correspond à une indemnité de jouissance de 600 euros par mois, ce au bénéfice de l'indivision.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.

- Sur la prescription de l'indemnité d'occupation,

M. [T] soulève pour la première fois en cause d'appel, une fin de non-recevoir tendant à voir déclarer prescrite cette demande pour la période antérieure au 15 mai 2015, date de l'acte introductif d'instance ayant donné lieu à la décision entreprise, au motif que le jugement initial du 1er juin 2017 avait déclaré la demande de la concluante irrecevable, de sorte que par application de l'article 2243 du code civil et de la jurisprudence afférente, l'effet interruptif de la première assignation, du 7 avril 2015, serait non avenu.

Mme [G] fait valoir, au visa de l'article 789-6 du code de procédure civile que les fins de non-recevoir relèvent de la compétence exclusive du juge de la mise en état, que M. [T] n'a pas saisi ce juge à cette fin, de sorte que ce moyen serait désormais irrecevable.

Subsidiairement, si cette fin de non-recevoir était admise, elle sollicite que M. [T] soit condamné à lui verser une somme de 7 500 de dommages et intérêts pour ne pas avoir, dans une intention dilatoire, soulevée ce moyen antérieurement, l'intimé adoptant un comportement délibérément déloyal.

En droit, la prescription de cinq ans prévue à l'article 815-10, alinéa 3, du code civil s'applique à l'indemnité d'occupation mise à la charge de l'indivisaire qui jouit privativement d'un bien indivis.

L'article 789-6° du code de procédure civile prévoit que le juge de la mise en état est seul compétent, à peine d'irrecevabilité ultérieure, pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Le moyen tiré de la prescription est une fin de non-recevoir.

Or l'article 123 du code de procédure civile prévoit que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

Cette disposition permet aux parties qui n'auraient pas soulevé de fin de non-recevoir devant le premier juge de le faire pour la première fois en cause d'appel sans que ne puisse être opposé le caractère nouveau de la demande qui aurait pour conséquence de la rendre irrecevable.

Le moyen tiré de l'irrecevabilité de la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'indemnité d'occupation sera donc rejeté.

Alors que le présent arrêt infirme le premier jugement sur le principe de l'indemnité d'occupation, il ne peut être fait grief à M. [J] [Z]-[T] de ne pas avoir soulevé plus tôt l'exception de prescription, étant surabondamment relevé que Mme [G] ne démontre pas un préjudice autre que celui lié à l'application de la règle de prescription, sa demande de dommages et tintérêts étant ainsi rejetée.

Dans ces conditions, il convient de relever que l'indemnité courant pour la période antérieure au 15 mai 2015, date de l'acte introductif d'instance ayant donné lieu à la décision entreprise, est prescrite.

L'indemnité d'occupation sera due à compter du 15 mai 2015 et jusqu'au 20 décembre 2020 date du décès du co-indivisaire.

- Sur les autres demandes

M. [J] [Z]-[T] qui succombe au principal, supportera les entiers dépens d'appel.

L'équité commande de rejeter les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la Cour,

Et statuant à nouveau dans cette limite,

Fixe le montant de l'indemnité d'occupation due à l'indivision par M. [J] [Z] [T] venant aux droits de feu M. [R] [T], son père, décédé le [Date décès 5] 2020, à la somme de 600 euros par mois, depuis le 15 mai 2015 et jusqu'au 20 décembre 2020,

Y ajoutant,

Rejette la demande de dommages et intérêts de Mme [G],

Déboute les parties de leurs demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [J] [Z] [T] aux dépens d'appel.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/01074
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;23.01074 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award