[N] [D]
GROUPAMA GRAND EST
C/
[P] [O]
[C] [L] veuve [I]
[H] [I]
[J] [I]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
1re chambre civile
ARRÊT DU 02 AVRIL 2024
N° RG 22/00973 - N° Portalis DBVF-V-B7G-GADJ
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : jugement du 19 mai 2022,
rendu par le tribunal judiciaire de Chaumont - RG : 18/00391
APPELANTS :
Monsieur [N] [D]
né le 21 Décembre 1954 à [Localité 16]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Compagnie d'assurance GROUPAMA GRAND EST
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentés par Me Sylvie COTILLOT, membre de la SCP COTILLOT- MOUGEOT, avocat au barreau de HAUTE-MARNE
INTIMÉS :
Monsieur [P] [O]
né le 10 Avril 1971 à [Localité 14]
[Adresse 10]
[Localité 11]
Représenté par Me Damien WILHELEM, membre de la SELARL WILHELEM CHAPUSOT BOURRON, avocat au barreau de HAUTE-MARNE
Madame [C] [L] veuve [I]
née le 24 Mars 1948 à [Localité 12] (52)
[Adresse 4]
[Localité 15]
Monsieur [H] [I]
né le 13 Février 1970 à [Localité 17] (52)
[Adresse 13]
[Localité 7]
Monsieur [J] [I]
né le 10 Mars 1969 à [Localité 17] (52)
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentés par Me Olivier DE CHANLAIRE, avocat au barreau de HAUTE-MARNE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 février 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 02 Avril 2024,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Suivant acte du 2 juillet 2009, la société Maxi Home a confié à M. [D] un mandat aux fins de rechercher, au nom et pour le compte de la société, des acquéreurs et des vendeurs de biens immobiliers et fonds de commerce.
Suivant actes des 23 juillet 2010 puis 22 juillet 2011, M. [X] [I] et Mme [C] [L] épouse [I] ont confié à la société Maxi Home un mandat de vente portant sur leur immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 15] (52).
Suivant contrat du 24 septembre 2011, M. [O] a confié à la société Maxi Home, par l'intermediaire de M. [D], un mandat de recherche d'immeuble de rapport à [Localité 15] (52).
C'est dans ce contexte que M. [O] a été mis en relation avec M. et Mme [I] courant 2011.
L'immeuble comportait neuf appartements loués en meublés. Les mandats de vente donnés par M. et Mme [I] indiquaient qu'il existait une possibilité d'aménager deux appartements supplémentaires au grenier.
M. [O] a sollicité le concours de M. [D] afin de solliciter quatre corps de métier pour vérifier si des travaux devaient être entrepris sur les points suivants, et le cas échéant, pour obtenir des devis :
· le remplacement des fenêtres,
· l'installation de chauffage,
· l'installation électrique,
· la couverture et de charpente de l'immeuble.
Par courriers des 6 octobre 2011 et 11 novembre 2011, ainsi que par courriel du 1er novembre 2011, M. [D] a indiqué à M. [O] que l'entreprise Buguet s'était rendue dans l'immeuble, objet de la vente projetée et avait affirmé que l'état de la couverture et de la charpente était bon et ne nécessitait pas d'établir un devis, précisant notamment qu' 'il n'y aura pas de surcoût à prévoir pour l'aménagement des combles'.
Suivant acte authentique du 31 janvier 2012 reçu par Maître [Y], notaire à [Localité 15], les époux [I] ont vendu à M. [O] l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 15] (52) moyennant le prix de 160 000 euros, l'acte stipulant, par ailleurs, une clause de servitude de canalisation au profit de l'immeuble conservé par les vendeurs.
Le 24 décembre 2012, M. [O] a déposé une demande de permis de construire en vue de l'aménagement de trois appartements dans les combles, permis accepté le 1er octobre 2013.
Un locataire souhaitant bénéficier de plus de lumière dans son logement, M. [O] a sollicité l'entreprise Buguet pour la pose d'une fenêtre de toit. Cette entreprise l'informait en mars 2013 de ce que l'aménagement des combles de l'immeuble nécessitait une réfection préalable de la toiture pour un coût évalué à 73 869,72 euros, suivant devis du 16 juillet 2013.
Par ordonnance du 19 mai 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Chaumont a ordonné une expertise confiée à M. [W] aux fins notamment de décrire l'état de la toiture et de dire, le cas écheant, si les défauts l'affectant étaient antérieurs à la vente de l'immeuble. L'expert a déposé son rapport le 21 juin 2016.
Par ordonnance du 19 decembre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Chaumont a dit que la demande des époux [I] tendant à se voir autoriser à faire réaliser la pose d'un compteur d'eau individualisé aux cotés du compteur principal existant dans l'immeuble appartenant à M. [O], afin de rejoindre la canalisation existante, excèdait les pouvoirs du juge des référés et a ainsi rejeté leur demande.
Suivant acte du 26 avril 2018, M. [O] a fait assigner M. [X] [I], Mme [C] [L] épouse [I] ainsi que M. [D] et son assureur, Groupama Grand Est aux fins de les voir condamner solidairement au paiement du coût de la réparation de la toiture de l'immeuble ainsi qu'à des dommages-intérêts au titre de la perte de loyer et d'un préjudice moral.
M. [X] [I] est décédé le 5 mai 2021. MM. [J] et [H] [I], ses fils, sont intervenus volontairement à l'instance le 19 juillet 2021.
Par jugement du 19 mai 2022, le tribunal judiciaire de Chaumont a :
-dit n'y avoir lieu à ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture,
-déclaré recevable l'action formée par M. [P] [O] à l'encontre de M. [N] [D] et de son assureur Groupama Grand Est,
-débouté M. [P] [O] de sa demande de dommages-intérêts formée à l'encontre de Mme [C] [L] épouse [I] et de MM. [J] et [H] [I],
-condamné in solidum M. [N] [D] et la société Groupama Grand Est à payer à M. [O] la somme 40 000 euros à titre de dommages-intérêts,
-débouté M. [P] [O] de sa demande d'indexation sur l'indice de variation du coût de la construction,
-débouté M. [P] [O] de sa demande au titre de la perte de loyers,
-débouté Mme [C] [I], M. [J] [I] et M. [H] [I] de leurs demandes au titre du remboursement des frais de raccordement et des frais irrépétibles,
-débouté M. [N] [D] et la société Groupama Grand Est de leurs demandes,
-condamné in solidum M. [N] [D] et la société Groupama Grand Est à payer à M. [O] la somme totale de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné in solidum M. [N] [D] et la société Groupama Grand Est aux entiers dépens de l'instance en ce inclus ceux de la procédure de référé,
-autorisé la SCP Wilhelem-Bourron-Wilhelem, avocat de M. [P] [O], à recouvrer directement contre M. [N] [D] et la société Groupama Grand Est ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision,
-ordonné l'exécution provisoire du jugement.
M. [N] [D] et son assureur Groupama Grand Est ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 28 juillet 2022 des chefs les concernant.
L'appel a été dirigé à l'encontre d'une part, de M. [P] [O] et d'autre part, des consorts [I].
' Selon conclusions n°2 notifiées le 19 avril 2023, les appelants demandent à la cour de:
Sur l'appel principal,
-juger leur appel recevable et bien fondé,
Vu les articles 30, 31 et 32 du code de procédure civile,
Vu les dispositions de l'article 1994 du code civil,
-réformer le jugement dont appel, en ce qu'il a retenu la recevabilité de l'action exercée par M. [P] [O] à leur encontre, sur le fondement de l'article 1147 et 1994 du code civil,
statuant à nouveau,
-juger qu'il n'existe pas de contrat entre M. [P] [O] et M. [N] [D] et qu'en conséquence la responsabilité contractuelle de ce dernier ne peut être recherchée,
-juger que faute pour M. [P] [O] de justifier de l'existence d'un contrat entre lui-même et M. [N] [D], directement, son action est irrecevable sur le fondement de la responsabilité contractuelle contre M. [N] [D] et par voie de conséquence contre Groupama Grand Est,
-juger en tout état de cause que faute pour M. [P] [O] de justifier de ce que la société Maxi Home avec laquelle il a contracté aurait pour assureur la compagnie d'assurances Groupama Grand Est, sa demande fondée sur l'action directe doit être déclarée irrecevable,
A titre subsidiaire,
Sur le fond,
Vu les dispositions des articles 1116 et 1147 du code civil,
Si la cour venait à confirmer la recevabilité de la demande de M. [P] [O] contre M. [N] [D] sur le fondement d'une responsabilité contractuelle,
-réformer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu à la charge de M. [N] [D] une faute dans l'exécution de son contrat de recherche d'immeuble à acheter, dans la mesure où celui-ci n'était pas tenu de vérifier les éléments transmis par le vendeur sur l'état du bien,
-juger qu'il n'est pas justifié par M. [P] [O] d'un préjudice en lien direct avec une faute de M. [N] [D],
en conséquence,
statuant à nouveau,
-débouter M. [P] [O] de toutes ses demandes contre eux,
A titre infiniment subsidiaire,
Vu les dispositions des articles 1102 et suivants du code civil et 1147 et 1148 du code civil, tel qu'applicables au litige,
Vu le comportement des époux [I], opposable à leurs héritiers, caractérisé par une réticence dolosive sur l'état réel de l'immeuble,
-juger que ce comportement caractérise une exécution de mauvaise foi du mandat de vente passé entre les parties, le 22 juillet 2011,
-juger que le comportement des époux [I] matérialisé par le caractère erroné des informations qu'ils ont transmises à M. [N] [D] pour qu'il les transmette à M. [P] [O], constitue le fait d'un tiers caractéristique d'un cas de force majeure,
en conséquence,
-juger que M. [N] [D] peut s'exonérer de sa responsabilité contractuelle à l'égard de M. [P] [O],
-juger que la société Maxi-Home n'a pas engagé sa responsabilité dans l'exécution du mandat de recherche d'immeuble du 24 Septembre 2011 passé avec M. [P] [O],
en conséquence,
-réformer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de M. [N] [D] et l'a condamné à payer à M. [P] [O] une somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Sur le préjudice,
-juger que M. [P] [O] ne rapporte pas la preuve que le préjudice qu'il allègue matérialisé par le coût des travaux d'aménagement des combles de la maison qu'il a achetée aux époux [I], soit en lien direct avec une éventuelle faute commise, au titre de son devoir de conseil, par M. [N] [D], si la cour devait retenir une telle faute,
en conséquence,
-le débouter de ses demandes indemnitaires, et à titre subsidiaire, les ramener au seul montant des travaux en lien direct avec ladite faute à l'exclusion des travaux de création d'appartements supplémentaires,
-le débouter de son appel incident quant au montant des indemnités retenues par le tribunal,
Sur la demande de garantie présentée par M. [P] [O],
-juger que le comportement des époux [I] quant au caractère erroné des informations transmises à M. [N] [D], constitue une faute des époux [I] dans l'exécution du contrat de mandat de recherche d'immeuble qu'ils lui avaient confié,
en conséquence,
-réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chaumont, le 19 mai 2022 en ce qu'il a écarté la demande de garantie présentée par M. [N] [D] contre les consorts [I],
statuant à nouveau,
-juger que M. et Mme [I] ont commis une faute et en tout état de cause exécuté de mauvaise foi le contrat passé entre les parties le 22 juillet 2011, qui provoque la recherche de responsabilité de M. [N] [D] et de Groupama Grand Est par M. [P] [O],
en conséquence,
-juger que les consorts [I] devront garantir M. [N] [D] de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre lui, au profit de M. [P] [O],
-dire qu'il en sera de même de toute condamnation prononcée contre la société d'assurances Groupama Grand Est,
-condamner M. [P] [O] et les consorts [I] à leur payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,
-débouter M. [P] [O] de toutes ses demandes.
' Selon conclusions d'intimé et d'appel incident n°2 notifiées le 1er décembre 2023, M. [P] [O] demande à la cour de :
Vu l'article 1116 du code civil,
Vu l'article 1147 du code civil,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre des consorts [I] et en ce qu'il a rejeté la demande d'indexation des condamnations,
Statuant à nouveau :
- juger que les vendeurs ont commis une faute dolosive,
- condamner solidairement les consorts [I] à lui payer les sommes de :
*71 471 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la réparation de l'immeuble,
*57 600 euros arrêtée à la date du 31 décembre 2017, outre une somme de 1 200 euros par mois jusqu'à l'exécution de la décision, au titre de la perte de loyers,
*8 000 euros en réparation du préjudice moral,
*6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- juger que les dommages et intérêts alloués à titre de réparation de l'immeuble seront indexés sur la variation du cout de la construction (ICC) entre septembre 2015 et la date de paiement,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum la société Groupama Grand Est et M. [N] [D] à lui payer la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [N] [D] et la compagnie d'assurance groupama Grand Est à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [N] [D] et la compagnie d'assurance Groupama Grand Est aux dépens,
Statuant à nouveau :
- condamner solidairement M. [N] [D] et la compagnie d'assurance Groupama à lui payer les sommes de :
*71 471 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la réparation de l'immeuble,
*57 600 euros arrêtée à la date du 31 décembre 2017, outre une somme de 1 200 euros par mois jusqu'à l'exécution de la décision, au titre de la perte de loyers,
*5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les consorts [I], M. [N] [D] et la compagnie d'assurance Groupama aux dépens de la procédure d'appel,
- condamner les parties succombantes à supporter les frais éventuels de recouvrement forcé.
' Selon conclusions notifiées le 23 décembre 2022, les consorts [I] demandent à hauteur de cour :
- la confirmation des dispositions prises par les premiers juges et qui concernent l'action principale de M. [O] à leur égard,
- le paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- le condamner aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet de leurs moyens.
Le clôture a été prononcée le 11 janvier 2024.
Sur ce la cour,
A titre liminaire, la cour observe que certaines des demandes tendant à voir 'juger', ... ne constituent qu'un rappel de moyens ou d'arguments mais ne contiennent aucune prétention au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile. Elles ne saisissent donc pas la cour qui ne statuera pas sur ces 'demandes'.
1/ Sur l'étendue de l'appel
La cour n'est pas saisie de la demande relative aux frais de raccordement, l'appel principal ne portant pas sur ce point et les époux [I] n'ayant pas relevé appel incident de ce chef.
2/ Sur le dol des vendeurs
M. [O], appelant incident, recherche la responsabilité des consorts [I] invoquant l'existence d'une faute dolosive de ces derniers, caractérisée par des manoeuvres l'ayant convaincu du bon état de la toiture et de la capacité de l'immeuble à recevoir des travaux d'aménagement permettant la création d'appartements dans les combles.
Selon l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Comme l'ont rappelé les premiers juges, la victime de manoeuvres dolosives peut également demander des dommages-intérêts en réparation de son préjudice.
Le dol ne se présume pas et doit être prouvé par celui qui l'allègue, soit en l'espèce M. [O].
Il est constant que les mandats de vente confiés par les consorts [I] à la société Maxi Home mentionnaient la possibilité architecturale d'aménager deux logements supplémentaires dans le grenier de l'immeuble. Sur ce point, les consorts [I] n'ont nullement trompé M. [O].
Alors que la notion de 'bon état' de la toiture signifie communément qu'au jour de la vente, elle ne présentait aucun désordre justifiant des travaux de reprise, M. [O] expose que pour lui, elle signifiait qu'il pouvait aménager deux nouveaux logements dans les combles sans faire de travaux importants sur la toiture.
Ainsi, pour engager la responsabilité des vendeurs sur le fondement du dol, M. [O] doit démontrer que ces derniers, peu important leur qualité de loueurs professionnels, tout en ayant connaissance de son intention de réaliser très rapidement des travaux d'aménagement des combles, lui ont volontairement caché l'état incompatible de la toiture au jour de la vente avec les travaux envisagés.
Selon les consorts [I], l'entreprise Buguet serait intervenue en septembre 2011 pour confirmer le bon état de la toiture, sans autre précision. Les éléments produits sur ce point, par les parties, à hauteur de cour, sont tout aussi contradictoires qu'ils l'étaient en première instance, quant à la réalité de 'l'intervention' de l'entreprise Buguet, si bien qu'indépendamment de l'ambiguïté de la notion de 'bon état' relevée ci-dessus, aucune manoeuvre dolosive ne peut être imputée de ce chef aux consorts [I].
En l'espèce, tous les avis techniques, demandés après la vente par M. [O] et émanant du cabinet Saretec Dommage, de la société JDB Conseil et de M. [F], expert inscrit sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Nancy, convergent avec les conclusions de l'expert judiciaire dans son rapport du 30 avril 2016. Il en ressort qu'au jour de la vente,
- la toiture était vétuste, voire en fin de vie, mais elle remplissait néanmoins son office de couverture,
- en cas d'aménagement des combles, d'importants travaux devaient être réalisés sur cette toiture.
L'expert judiciaire a précisé que l'état de la toiture de l'immeuble était exclusivement lié à une usure normale faisant suite aux aléas climatiques qui se sont succédé au moins pendant un demi siècle, précisant que son examen rapide permettait de se rendre compte que la couverture allait nécessiter des travaux de réfection dans un délai inférieur à 10 ans.
Le fait que l'expert judiciaire ait considéré que les défauts relevés étaient pour la plupart facilement visibles et identifiables, même pour un profane, exclut l'existence de manoeuvres dolosives commises par les vendeurs.
Par ailleurs, comme relevé par la première juridiction, les échanges portant sur le bon état de la toiture, l'absence de nécessité d'un devis et la possibilité d'aménager sans surcoût les combles sont intervenus exclusivement entre M. [D], agent commercial indépendant, et M. [O].
Le seul fait que M. [D] ait pu intervenir, pour le compte de M. [O], auprès des époux [I] pour solliciter des devis de réfection sur plusieurs postes, dont la toiture, ne saurait démontrer que les vendeurs avaient connaissance du projet immédiat de l'acquéreur d'aménager les combles.
Alors que le dol doit émaner du co-contractant et qu'il n'est pas établi que M. [D] ait transmis les informations qu'il possédait concernant le projet de l'acquéreur, c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté M. [O] de sa demande de dommages-intérêts formée à l'encontre des vendeurs.
En l'absence de faute démontrée à la charge des vendeurs, la demande de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral ne peut être qu'écartée de sorte que le jugement déféré est encore confirmé de ce chef.
3/ Sur la responsabilité de M. [D]
Sur la recevabilité des demandes
La responsabilité de M. [D] est recherchée sur le fondement contractuel soit sur les dispositions de l'article 1147 du code civil, dans sa version applicable au litige.
Les appelants soutiennent que l'action engagée par M. [O] à leur encontre n'est pas recevable dès lors qu'il n'existe pas de lien contractuel entre ce dernier et M. [D], ajoutant que seule la responsabilité contractuelle de Maxi Home devait être recherchée, société qui n'est pas assurée auprès de Groupama Grand Est.
Selon l'article 1994 du code civil, dans tous les cas, le mandant peut agir directement contre la personne que le mandataire s'est substitué.
Les premiers juges ont exactement constaté que M. [D] avait conclu le 2 juillet 2009 un mandat au terme duquel la société Maxi Home lui donnait pour mission de rechercher pour son compte des acquéreurs et vendeurs de biens immobiliers et que selon mandat de recherche du 24 septembre 2011, conclu entre M. [O] et la société Maxi Home, M. [D] était désigné comme étant l'interlocuteur du mandant. Ils en ont justement déduit que l'action contractuelle formée par M. [O] contre M. [D], substitué à la société Maxi Home dans l'exécution du mandat, est recevable tant à l'égard de M. [D] que de son assureur Groupama Grand Est.
Le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'action directe contre la compagnie Groupama Grand Est au motif qu'elle n'est pas l'assureur de Maxi Home est inopérant dès lors que la responsabilité de Groupama est recherchée en qualité d'assureur de M. [D].
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a rejeté les fins de non recevoir, fondées sur les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, soulevées par les appelants.
Sur le bien-fondé des demandes
Tel que l'ont rappelé les premiers juges, l'agent immobilier est tenu envers son cocontractant d'une obligation de conseil dans l'exécution de son mandat.
Il ne s'agit pas seulement de transmettre une information neutre et objective. L' agent immobilier doit attirer l'attention du vendeur sur les avantages et les inconvénients de l'opération envisagée et lui indiquer le choix le plus opportun.
Le bien immobilier, objet de l'opération, doit être conforme à l'usage ou à la destination que l'acquéreur éventuel désire lui donner. L'agent immobilier doit vérifier et, éventuellement, lever ou faire lever les risques juridiques, administratifs ou financiers portant sur le bien objet du mandat ou sur l'opération envisagée.
Le mandat liant M. [O] à M. [D] portait sur la recherche d'un immeuble de rapport ce dont il résulte que l'achat avait pour finalité un investissement locatif.
Il n'est pas contesté que M. [O] a sollicité le concours de M. [D] aux fins de vérifier notamment l'état de la toiture et le cas échéant d'obtenir un devis pour les travaux à réaliser sur celle-ci.
Par courriers et courriels adressés entre le 6 octobre et le 11 novembre 2011, M. [D] a informé son mandant, que le vendeur avait fait venir l'entreprise Buguet et que celle-ci avait conclu au bon état de la toiture de sorte qu'il n'y avait pas lieu de faire établir un devis et qu'aucun surcoût n'était à prévoir pour l'aménagement des combles.
M. [D] se montrait ainsi rassurant sur l'état de la toiture confirmant qu'elle avait été vue par un professionnel et qu'elle était en bon état.
L'expertise judiciaire a certes permis de démontrer que l'état de la toiture était lié à une usure normale et qu'elle pouvait jouer son rôle pendant de nombreuses années encore sous réserve d'être protégée par une couverture étanche.
Toutefois, l'expert a précisé que des travaux de réfection seraient à prévoir dans un délai pouvant être évalué à une durée inférieure à 10 ans et, suivi en cela par les autres avis techniques, que les dépenses pour des travaux relevant de l'étanchéité du bâtiment, devaient être intégrés obligatoirement au budget si les combles, ayant une fonction de grenier, devaient être transformés en logement.
Il n'est pas contestable au regard de l'expertise judiciaire et des photographies annexées que l'état usagé de la toiture et son manque d'entretien était visible par tous au moment de la vente.
Le contenu des échanges entre M. [D] et son mandant ne laisse nul doute sur la connaissance par le premier du projet d'aménagement des combles de l'acquéreur afin de créer de nouveaux logements et ce dans un bref délai.
En s'abstenant de vérifier les informations transmises par les vendeurs alors qu'il avait été spécialement commis par son mandant à l'effet de vérifier les parties de l'immeublenécessitant réparation, M. [D], qui avait une parfaite connaissance du projet d'aménagement à brève échéance de M. [O], a manqué à son obligation de conseil.
Il ne peut, pour s'exonérer de sa responsabilité, invoquer la faute des vendeurs, dès lors qu'il n'a pas été démontré que ces derniers avaient été interrogés sur la possibilité de réaliser des travaux d'aménagement des combles en l'état de la toiture au moment de la vente et ce alors que cette dernière montrait déjà des signes de vestuté apparents.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de M. [D].
Sur le préjudice
M. [O] ne peut réclamer paiement de la réfection de la toiture évaluée à la somme de 71 741,58 euros, selon devis de l'entreprise Buguet du 23 septembre 2015, dès lors que le préjudice en lien avec la faute de M. [D] s'analyse en une perte de chance de ne pas avoir pu renoncer à la vente ou de contracter à des conditions plus avantageuses compte tenu de l'état de la toiture.
Il est établi que lorsque les diagnostics techniques ont révélé un écart de surface de 50 m² entre les déclarations des vendeurs et la réalité, M. [O] a retiré son offre et que les consorts [I] ont alors offert de réduire le prix de 20 000 euros.
Il est certain également que l'acquisition réalisée par M. [O] avait pour objectif d'accomplir un investissement locatif dont il devait tirer des revenus.
Le projet d'aménagement des combles termine de démontrer que l'objectif de l'acquéreur était de tirer de cet investissement le meilleur rapport.
Aussi, les premiers juges ont considéré, à juste titre, que l'importance du coût des travaux nécessaires à le réfection de la toiture par rapport au prix de vente du bien était telle que la probabilité que M. [O] renonce à cette acquisition dans les conditions annoncées est élevée.
Ils ont évalué, de manière raisonnable, la perte de chance subie à la somme de 40 000 euros de sorte que le jugement déféré est confirmé sur ce point.
Les premiers juges ne peuvent être que suivis en ce qu'ils ont estimé que s'agissant d'un préjudice de perte de chance, ce dernier montant ne peut être indexé.
Le jugement est également confirmé en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande au titre de la perte de loyers en l'absence de lien de causalité entre la faute reprochée à M. [D] et le préjudice allégué, celle-ci n'ayant pu agir que sur le consentement à la vente de l'intimé, appelant incident.
Sur l'action en garantie de M. [D] à l'égard des vendeurs
En l'absence de faute démontrée à l'encontre des vendeurs, les premiers juges ont rejeté de manière légitime l'action en garantie de M. [D] dirigée à l'encontre des consorts [I].
4/ Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré est confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.
M. [D] et Groupama Grand Est, parties succombantes, sont condamnés in solidum aux dépens d'appel.
Tenus aux dépens, ils sont condamnés in solidum à verser à M. [O] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité conduit à ne pas faire application de ces dispositions au profit des consorts [I].
Par ces motifs
La cour statuant dans la limite de sa saisine,
Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [N] [D] et la compagnie Groupama Grand Est aux dépens d'appel,
Condamne in solidum M. [N] [D] et la compagnie Groupama Grand Est à payer à M. [P] [O] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour,
Déboute les consorts [I] de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Le président