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26/03/2024 | FRANCE | N°22/00194

France | France, Cour d'appel de Dijon, 1re chambre civile, 26 mars 2024, 22/00194


[J] [Z]



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Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON



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ARRÊT DU 26 MARS 2024



N° RG 22/00194 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F4HB



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : jugement du 28 janvier 2022,

rendu par le tribunal judiciaire de Dijon - RG : 11-20-000426











APPELANTS :



Monsieur [J] [O] [M] [Z]

né le 16 Juin 1981 à [Localité 9] (71)



Madame [I] [N] [E]

née le 07 Septembre 1982 à [Localité 7]



domiciliés tous deux : [Adresse 3...

[J] [Z]

[I] [E]

C/

[W] [F]

[P] [F]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

1ère chambre civile

ARRÊT DU 26 MARS 2024

N° RG 22/00194 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F4HB

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : jugement du 28 janvier 2022,

rendu par le tribunal judiciaire de Dijon - RG : 11-20-000426

APPELANTS :

Monsieur [J] [O] [M] [Z]

né le 16 Juin 1981 à [Localité 9] (71)

Madame [I] [N] [E]

née le 07 Septembre 1982 à [Localité 7]

domiciliés tous deux : [Adresse 3]

représentés par Me Nathalie MINEL-PERNEL, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 80

INTIMÉS :

Monsieur [W] [F]

né le 05 Septembre 1959 à [Localité 10] (21)

Madame [P] [F]

née le 15 Mai 1958 à [Localité 10] (21)

domiciliés tous deux : [Adresse 1]

assistés de Me Alexis LASSEGUES, avocat au barreau de PARIS, plaidant, et représentés par Me Sophia BEKHEDDA, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 1, postulant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 décembre 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

Bénédicte KUENTZ, Conseiller,

Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Juliette GUILLOTIN, Greffière

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 13 Février 2024 pour être prorogée au 26 Mars 2024,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Les époux [W] [F] / [P] [C] sont propriétaires depuis le 6 août 1992, d'une maison d'habitation et de son terrain attenant, sis sur la commune de [Localité 8], constituant le lot n°13 du lotissement dénommé '[Adresse 11]' et cadastré section AD [Cadastre 2].

Par acte authentique des 29 juin et 22 juillet 2009, ils ont acquis de la commune de [Localité 8] la parcelle de terre cadastrée AB [Cadastre 4] d'une contenance de 180 m ² ainsi que cela résulte du document d'arpentage établi le 31 mars 2009.

Par acte du 7 novembre 2017, M. [J] [Z] et Mme [I] [E] sont devenus propriétaires sur la même commune d'une maison d'habitation et de son terrain attenant, correspondant aux parcelles cadastrées section AB [Cadastre 5] et AB [Cadastre 6].

La parcelle AB [Cadastre 6] est pour partie contigüe à la parcelle AB [Cadastre 4].

Les relations de voisinage ont rapidement été émaillées d'incidents ayant notamment pour objet l'ampleur et la hauteur des arbres plantés sur la parcelle AB [Cadastre 4], la première lettre recommandée adressée aux époux [F] par M. [Z] et Mme [E] étant du 27 avril 2019.

M. [Z] et Mme [E] ont saisi un conciliateur en avril 2020, qui dès le 3 juin 2020, a dressé un constat d'échec de la conciliation.

Par acte du 4 août 2020, M. [Z] et Mme [E] ont fait assigner les époux [F] devant le tribunal judiciaire de Dijon. Se fondant sur les dispositions des articles 671 et suivants du code civil, ils demandaient essentiellement la condamnation des époux [F] :

- sous astreinte à couper et élaguer les arbres plantés à moins de deux mètres de la limite séparant leurs propriétés respectives de façon à les maintenir à une hauteur inférieure a deux mètres, ou à arracher lesdits arbres,

- sous astreinte, à couper les branches de leurs arbres avançant sur leur propre fonds,

- à leur payer la somme de 800 euros pour troubles de jouissance.

Pour s'opposer à ces demandes, les époux [F] se sont prévalu de dispositions réglementaires dérogeant aux dispositions du code civil (règlement de lotissement, cahier des charges, PLU) et ont soutenu que M. [Z] et Mme [E] ne démontraient pas l'existence d'un trouble anormal de voisinage.

A titre subsidiaire, ils ont indiqué que seul l'élagage des arbres pourrait être réalisé à hauteur de deux mètres.

A titre reconventionnel, ils ont demandé au tribunal de :

- constater l'existence d'un bornage des parcelles AB n° [Cadastre 6] et AB n° [Cadastre 4] et juger ce bornage conforme, régulier et opposable à M. [Z] et Mme [E] ; à titre subsidiaire, ordonner une expertise relative au bornage de ces deux parcelles,

- condamner solidairement M. [Z] et Mme [E] au paiement de :

* 300 euros de dommages et intérêts pour leur préjudice matériel

* 300 euros chacun de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral.

Par jugement du 28 janvier 2022, la chambre des procédures orales du tribunal judiciaire de Dijon a :

- débouté M. [Z] et Mme [E] de l'ensemble de leurs demandes,

- s'est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire statuant en matière de procédure écrite avec représentation obligatoire sur la demande reconventionnelle formée par les époux [F],

- écarté l'exécution provisoire de droit de la décision,

- laissé les dépens à la charge de M. [Z] et Mme [E].

Par déclaration du 15 février 2022, M. [Z] et Mme [E] ont interjeté appel de ce jugement qu'ils critiquent expressément en ce qu'il les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes et a laissé les dépens à leur charge.

Aux termes du dispositif de leurs conclusions notifiées le 4 décembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions, M. [Z] et Mme [E] demandent à la cour au visa des articles 671 et suivants du code civil, de :

' réformer les dispositions critiquées du jugement déféré et statuant à nouveau dans les limites de l'appel, de :

' condamner M. et Mme [F] sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir :

- à couper et élaguer les arbres plantés à moins de deux mètres de la limite séparative des fonds de façon à les maintenir à une hauteur inférieure à deux mètres, ou à arracher lesdits arbres,

- à couper les branches de leurs arbres avançant sur leur fonds,

' condamner solidairement M. et Mme [F] à leur payer la somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance, soit 400 euros chacun sauf à parfaire,

' condamner solidairement M. et Mme [F] à leur rembourser le coût du procès-verbal de constat d'huissier du 9 décembre 2019 outre des mises en demeure adressées,

' condamner solidairement les époux [F] à leur payer la somme de 2.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance outre celle de 4 500 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel,

' débouter les époux [F] de l'intégralité de leurs prétentions,

' condamner solidairement les mêmes aux dépens de première instance et d'appel,

' sur l'appel incident des époux [F] :

' confirmer le jugement déféré en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire statuant en matière de procédure écrite avec représentation obligatoire sur la demande reconventionnelle formée par les époux [F].

' en conséquence, débouter les époux [F] de leur demande de constatation de l'existence d'un bornage des parcelles AB n°[Cadastre 6] et AB n°[Cadastre 4] conforme, régulier et opposable aux concluants et de leur demande subsidiaire à fins d'expertise,

' juger qu'il n'y a pas eu d'omission de statuer sur les demandes de dommages-intérêts des époux [F],

' en conséquence, juger qu'il n'y a pas lieu à évocation des demandes de dommages-intérêts et d'indemnisation de leurs frais irrépétibles formées par les époux [F],

' à titre subsidiaire, dire et juger mal fondées les demandes de dommages-intérêts et de frais irrépétibles de première instance et d'appel présentées par les époux [F] et les débouter de l'intégralité de leurs prétentions.

Aux termes du dispositif de leurs conclusions notifiées le 27 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions, les époux [F] demandent à la cour, au visa des articles 544, 545, 671, 672, 673, 1240 et 1247 du code civil, de l'article 2 de la Charte de l'environnement, de l'article 761 du code de procédure civile et de l'article R. 211-3-4 du code de l'organisation judiciaire, de :

'les recevoir en leur appel incident et les y déclarer bien fondés,

'confirmer le jugement en ce qu'il a :

- débouté M. [Z] et Mme [E] de l'ensemble de leurs demandes,

- laissé les dépens à la charge de M. [Z] et Mme [E],

' infirmer le jugement en ce qu'il a dénaturé et requalifié en action pétitoire l'une de leurs demandes reconventionnelles en 'se déclarant incompétent au profit du tribunal judiciaire statuant en matière de procédure écrite avec représentation obligatoire sur leur demande reconventionnelle',

' infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à leur demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' constater l'omission de statuer s'agissant de leurs demandes portant sur la réparation de leur préjudice moral et matériel,

Et, statuant à nouveau :

' évoquer leurs demandes de dommages-intérêts en première instance et condamner M. [Z] et Mme [E] à leur verser :

- 300 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice matériel subi afférent à la détérioration de leur grillage,

- 300 euros de dommages-intérêts chacun en réparation du préjudice moral afférent au stress subi par ce conflit de voisinage,

' condamner M. [Z] et Mme [E], solidairement, à leur verser la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,

' constater l'existence du bornage des parcelles AB n°[Cadastre 6] et AB n°[Cadastre 4] situées sur la commune de [Localité 8] et juger ce bornage conforme, régulier et opposable aux appelants,

'  à titre subsidiaire, ordonner une expertise relative au bornage existant des parcelles AB n°[Cadastre 6] et AB n°[Cadastre 4] situées sur la commune de [Localité 8],

En tout état de cause,

' débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes,

' condamner M. [Z] et Mme [E], solidairement, à leur verser la somme de 2 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

' condamner les appelants aux dépens de première instance et d'appel.

La clôture a été prononcée le 7 décembre 2023.

Par notes en délibéré autorisées, notifiées les 12, 17 et 29 janvier 2024,

- les époux [F] se sont désisté de leurs demandes principale et subsidiaire relative au bornage des parcelles AB n°[Cadastre 6] et [Cadastre 4],

- M. [Z] et Mme [E] ont indiqué qu'ils ne s'opposaient pas au passage sur leur fonds, par les époux [F] ou par une entreprise de leur choix, pour procéder à l'élagage des arbres, sous réserve d'un délai de prévenance raisonnable de 48 heures,

- M. [Z] et Mme [E] n'ont pas accepté que la hauteur maximale des arbres litigieux soit fixée à 3,30 mètres, tout en indiquant qu'ils n'étaient pas opposés à en discuter dans le cadre d'une médiation, à laquelle les époux [F] n'ont pas expressément donné leur accord et qui ne peut donc pas être ordonnée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour constate que les parties conviennent que la limite séparative entre leurs fonds est matérialisée par des bornes dont ils ne contestent pas l'emplacement et donne acte aux époux [F] de ce qu'ils se désistent de leurs demandes relatives au bornage des parcelles AB [Cadastre 6] et AB [Cadastre 4].

Sur les demandes de M. [Z] et Mme [E] relatives aux arbres des époux [F]

Il est en l'espèce certain que :

- des arbres sont plantés sur la parcelle AB [Cadastre 4] des époux [F], à plus de 50 cm mais à moins de deux mètres de la limite séparative avec la parcelle AB [Cadastre 6] de M. [Z] et Mme [E],

- la hauteur de ces arbres excède 2 mètres,

- leur épaisseur a été telle que des branches dépassaient sur le fonds des appelants, les époux [F] ayant d'ailleurs procédé à un élagage en tout cas sur la partie basse des arbres.

M. [Z] et Mme [E] souhaitent que les dispositions des articles 671 et suivants du code civil soient respectées.

Il résulte de l'article 671 que sous réserve de règlements particuliers ou d'usages constants ou reconnus, il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations.

L'article 672 dispose que Le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire. / Si les arbres meurent ou s'ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu'en observant les distances légales.

Aux termes de l'article 673, celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper ; si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative, ce droit étant imprescriptible.

En l'espèce, dès lors qu'aucun arbre n'est planté à moins de 50 cm de la limite séparative des fonds, M. [Z] et Mme [E] ne peuvent pas demander qu'ils soient arrachés ou enlevés, ce qu'ils admettent implicitement en page 9 de leurs conclusions, la manière dont leur prétention est formulée dans le dispositif de leurs conclusions ouvrant davantage une alternative aux époux [F].

' En premier lieu, les époux [F] rappellent à juste titre que les dispositions du code civil n'ont qu'un caractère supplétif et opposent aux appelants l'article 6 du règlement du lotissement '[Adresse 11]' dans lequel est située leur parcelle AD [Cadastre 2], règlement publié le 6 août 1969.

Cet article, que le premier juge a appliqué, est intitulé 'Arbres et arbustes' et il est rédigé comme suit : 'Les acquéreurs seront tenus de maintenir et d'apporter les soins nécessaires aux arbres, arbustes et arbrisseaux qui se trouveront sur leur lot. / Même s'ils ne sont pas plantés à la distance légale, le voisin ne pourra, ni en demander l'enlèvement, ni demander l'élagage ou le sectionnement des racines qui avanceraient sur son fonds. Toutefois, si des arbres ou massif étaient une cause notoire d'incommodité pour les acquéreurs, ou une cause de dégâts pour les constructions, il pourrait être procédé à leur arrachement ou le déplacement dans les formes prévues à l'article 11 du cahier des charges du lotissement.'

La cour observe que les appelants ne pouvant demander l'enlèvement des arbres litigieux et ne présentant aucune demande quant à l'élagage ou au sectionnement de leurs racines, ce premier moyen de défense des époux [F] est inopérant.

En toute hypothèse, sans qu'il soit besoin ni d'apprécier si la parcelle AB [Cadastre 4] qui n'est pas comprise dans le lotissement doit se voir appliquer le règlement de celui-ci au motif qu'elle constitue une unité foncière avec la parcelle AD [Cadastre 2] ainsi que le soutiennent les époux [F], ni d'examiner si le règlement du lotissement est caduc en application de l'article L.442-9, alinéa 1er du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de la loi Alur de 2014, ainsi que le prétendent les appelants, le règlement du lotissement ne régit que les rapports entre les colotis et n'a pas vocation à régir les rapports des colotis avec les tiers. L'article 6 du règlement du lotissement ne peut donc pas être opposé par les époux [F] à M. [Z] et Mme [E].

' En deuxième lieu, les époux [F] opposent aux appelants les dispositions de l'article Ub 13 du PLU applicable sur la commune de [Localité 8] selon lesquelles 'Les arbres existants doivent être maintenus ou remplacés'.

Or, cet article n'est nullement dérogatoire aux dispositions des articles 671 et suivants du code civil, avec lesquelles il est d'ailleurs parfaitement compatible.

' En troisième et dernier lieu, les époux [F] invoquent les dispositions de l'article 2 de la Charte de l'environnement selon lesquelles Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement et la notion de préjudice écologique au sens de l'article 1247 du code civil.

Sur ce point, il convient de rappeler que dans sa décision QPC du 7 mai 2014 n°2014-394, le Conseil Constitutionnel a considéré que les articles 671 et 672 du code civil ne méconnaissaient pas la Charte de l'environnement. Par ailleurs, le fait de contraindre son voisin à élaguer ses arbres n'est pas à l'origine d'un préjudice écologique, ce d'autant qu'en l'espèce, il ne ressort nullement du rapport que les époux [F] ont sollicité d'un expert agricole et foncier qu'il existe un risque de dépérissement des arbres litigieux s'ils devaient être rabattus à une hauteur de 2 mètres et contenus en largeur afin de ne pas dépasser sur le fonds des appelants, étant rappelé que ceci a déjà été fait sans aucun dommage.

Il résulte de tout ce qui précède que M. [Z] et Mme [E] sont fondés à obtenir de leurs voisins, qui ne se prévalent notamment d'aucune prescription trentenaire, qu'ils élaguent leurs arbres afin de se conformer aux dispositions du code civil, dans les conditions précisées au dispositif du présent jugement, le prononcé d'une astreinte n'apparaissant pas nécessaire dans l'immédiat.

Le jugement dont appel doit en conséquence être infirmé en ce qu'il a débouté M. [Z] et Mme [E] de leurs demandes relatives aux arbres des époux [F].

Sur la demande indemnitaire de M. [Z] et Mme [E]

Les appelants allèguent une perte de luminosité et d'ensoleillement en façade Sud de leur maison et réclament 400 euros de dommages-intérêts chacun en réparation de ce trouble de jouissance.

Dès lors qu'une infraction aux dispositions du code civil relatives aux distances et hauteur des plantations est imputable aux époux [F], il n'est pas nécessaire pour les appelants d'invoquer la théorie des troubles anormaux du voisinage.

En revanche, il leur appartient d'établir la réalité du trouble allégué, qui ne découle pas nécessairement du non-respect des articles 671 et suivants du code civil.

Le premier juge s'est livré à une analyse précise des éléments du dossier, notamment ceux produits par les appelants eux-mêmes, et au terme d'une motivation que la cour adopte, il a considéré que l'existence d'un trouble de jouissance causé par une perte de lumière et d'ensoleillement n'était pas démontrée.

Sur les demandes indemnitaires des époux [F]

Devant le premier juge, les époux [F] avaient, en sus et indépendamment de leur demande relative au bornage des propriétés, formé des demandes reconventionnelles tendant à ce que M. [Z] et Mme [E] soient condamnés à leur payer

- d'une part 300 euros de dommages-intérêts au titre de la dégradation de la clôture installée sur leur propriété

- d'autre part 300 euros de dommages-intérêts chacun en réparation du préjudice moral subi du fait de l'attitude de leurs voisins.

Force est de constater que le premier juge a omis de statuer sur ces demandes, qu'il n'évoque ni dans la motivation, ni dans le dispositif du jugement dont appel.

Il revient à la cour de réparer cette omission.

' Sur le préjudice matériel

Il ressort des pièces produites aux débats que les époux [F] ont édifié sur leur parcelle AB [Cadastre 4], en mai 2010, une clôture constituée essentiellement d'un grillage souple, d'une part en retrait de la limite séparant cette parcelle de la parcelle AB [Cadastre 6] et d'autre part en laissant un espace entre le sol et le grillage pour laisser passer la faune sauvage.

Il ressort par ailleurs des éléments du dossier que M. [Z] et Mme [E] craignant que leur chien ne gratte sous le grillage, ont souhaité fermer cet espace et ont installé contre la clôture des parpaings et des planches.

Les époux [F] exposent que ce faisant, leurs voisins ont partiellement endommagé la clôture et ils réclament la somme de 300 euros pour réparer le grillage.

La cour observe que les époux [F] ne réclament aucune indemnité au titre d'un quelconque empiétement sur leur propriété, ce qui confirme que leur demande indemnitaire est sans lien avec leur demande initiale relative au bornage des fonds.

Le lien de causalité entre la pose de planches et parpaings contre le grillage et sa légère détérioration en partie basse, illustrée notamment par des photographies dont celle figurant en page 39 / 45 des conclusions des époux [F] n'est pas établi, étant rappelé que le grillage a plus de 10 ans et que le passage, escompté par les époux [F], de divers animaux de la faune sauvage sous ce grillage est compatible avec la détérioration constatée.

En conséquence, la cour déboute les époux [F] de leur demande indemnitaire au titre du préjudice matériel allégué.

' Sur le préjudice moral

Les époux [F] imputent à M. [Z] la responsabilité exclusive de leurs mauvaises relations de voisinage et réclament une indemnité de 300 euros chacun en réparation du stress généré par leur conflit.

Or, il ressort des pièces du dossier que la dégradation des relations entre les parties a des causes multiples et que le conflit est nourri par les deux parties qui prennent l'une et l'autre l'initiative de procédures et de dépôts de plaintes.

Dans ces circonstances, la cour ne peut que débouter les époux [F] de leur demande indemnitaire.

Sur les frais de procès

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d'appel doivent être supportés par les époux [F].

Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile ne sont donc réunies qu'en faveur de M. [Z] et Mme [E]. Toutefois, compte tenu de la nature du litige et de l'attitude des deux parties, l'équité commande de maintenir à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, frais comprenant notamment le coût des divers constats qu'ils ont fait établir et des courriers recommandés qu'ils ont adressés aux époux [F].

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Donne acte aux époux [W] [F] / [P] [C] de leur désistement de leurs demandes relatives au bornage des parcelles AB [Cadastre 4] et AB [Cadastre 6],

Confirme le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [J] [Z] et Mme [I] [E] de leur demande indemnitaire,

Infirme les autres dispositions critiquées du jugement dont appel,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Condamne les époux [F] à procéder à l'élagage des arbres plantés sur la parcelle AB [Cadastre 4] de telle sorte que leur hauteur n'excède pas deux mètres et que leurs branches ne dépassent pas sur la parcelle AB [Cadastre 6], à raison d'une taille par semestre ;

Dit que la première taille devra être réalisée dans le mois qui suivra la signification du présent arrêt sous réserve que ce délai expire au plus tard le 10 mai 2024 ; à défaut, la première taille interviendra au cours du second semestre 2024,

Dit n'y avoir lieu à assortir cette condamnation d'une astreinte,

Constate que M. [Z] et Mme [E] acceptent que les époux [F] ou le professionnel qu'ils auront choisi passent sur leur propriété, si cela s'avère nécessaire pour procéder à l'élagage, à condition d'être prévenus 48 heures à l'avance,

Ordonne aux époux [F] de respecter ce préavis, par tout moyen,

Déboute les époux [F] de leurs demandes indemnitaires,

Condamne solidairement les époux [F] aux dépens de première instance et d'appel,

Déboute les parties de toutes leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00194
Date de la décision : 26/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-26;22.00194 ?
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