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21/03/2024 | FRANCE | N°21/00193

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 21 mars 2024, 21/00193


[O] [E] épouse [B]





C/



UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D'[Localité 8]

S.A.R.L. DOMICILE BONHEUR

S.C.P. BRUART PIERRE







































C.C.C le 21/03/24 à



-Me VILLETTE





Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 21/03/24 à:



-Me ROYAUX
























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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 21 MARS 2024



MINUTE N°



N° RG 21/00193 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FUR3



Décision déférée à la Cour : Jugement , origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAUMONT, section AD, décision attaquée en date du...

[O] [E] épouse [B]

C/

UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D'[Localité 8]

S.A.R.L. DOMICILE BONHEUR

S.C.P. BRUART PIERRE

C.C.C le 21/03/24 à

-Me VILLETTE

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 21/03/24 à:

-Me ROYAUX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 21 MARS 2024

MINUTE N°

N° RG 21/00193 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FUR3

Décision déférée à la Cour : Jugement , origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAUMONT, section AD, décision attaquée en date du 07 Novembre 2017, enregistrée sous le n° 17/22

APPELANTE :

[O] [E] épouse [B]

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Romain ROYAUX de la SCP ROYAUX, avocat au barreau des ARDENNES

INTIMÉES :

UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D'[Localité 8]

[Adresse 3]

[Localité 8]

non représentée

S.A.R.L. DOMICILE BONHEUR

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Maître Olivier VILLETTE, avocat au barreau de NANCY

S.C.P. BRUART PIERRE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 7]

non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, président de chambre,

Fabienne RAYON, présidente de chambre,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Juliette GUILLOTIN,

ARRÊT : réputé contradictoire,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Juliette GUILLOTIN, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Mme [O] [E] épouse [B] a été embauchée le 7 octobre 2009 par la société Domicile Bonheur par un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en qualité d'assistante de vie.

Plusieurs avenants ont ensuite été signés modifiant la durée du travail, le dernier en date du 19 décembre 2015 fixant la durée hebdomadaire de travail à 7h30.

Elle a été élue déléguée du personnel titulaire le 12 juin 2014.

Par requête du 7 janvier 2017, Mme [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Chaumont afin de solliciter sa réintégration et faire condamner la société Domicile Bonheur à lui payer des dommages-intérêts notamment pour harcèlement moral et discrimination ainsi que des divers rappels de salaires et congés payés.

Par jugement du 7 novembre 2017, le conseil de prud'hommes de Chaumont a ordonné un sursis à statuer dans l'attente des trois décisions du tribunal administratif et de l'issue de l'enquête pénale engagée.

Par ordonnance de référé du premier président de la cour d'appel de Dijon du 9 janvier 2018, la salariée a été autorisée à relever appel immédiat de cette décision.

Par ordonnance du 14 janvier 2021, l'affaire a été radiée du rôle faute pour la partie appelante d'avoir accompli les actes de la procédure dans les délais impartis, à savoir la mise en cause de l'AGS-CGEA.

Par courrier reçu au greffe le 15 février 2021, Mme [B] a sollicité la réinscription de l'affaire au rôle en justifiant de la mise en cause de l'AGS-CGEA.

Aux termes de ses dernières écritures du 6 juin 2023, l'appelante demande de:

- infirmer dans l'ensemble de ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Chaumont du 7 novembre 2017,

- la juger recevable et bien fondée en ses demandes,

- juger qu'elle a été victime de harcèlement moral,

- juger qu'elle a été victime de discrimination syndicale,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société DOMICILE BONHEUR au bénéfice de Mme [B] les sommes suivantes :

* 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, * 5 408,52 euros bruts à titre de rappel de salaire à titre principal pour les heures de travail non fournies, outre 540,85 euros bruts au titre des congés payés afférents ou à titre subsidiaire 1 947,13 euros bruts, outre 194,71 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 13 775,39 euros bruts à titre de paiement de la période de mise à pied conservatoire du 04/10/2016 au 05/10/2018, outre 1 377,54 euros bruts au titre des congés payés afférents, ou à titre subsidiaire 7 380,07 euros bruts outre 738,07 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 727,19 euros bruts à titre de rappel de salaire à titre subsidiaire pour majorations des heures complémentaires, outre 72,72 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 2 503,92 euros bruts à titre de paiement des heures de délégation pour les réunions mensuelles et les heures de délégation utilisées de février 2014 au 30 mai 2018, outre 250,39 euros bruts au titre des congés payés afférents, * 59,28 euros bruts à titre de paiement du temps de trajet pour se rendre aux réunions mensuelles, outre 5,93 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 183,93 euros nets à titre de paiement de l'indemnité de déplacement pour se rendre aux réunions de délégués du personnel,

* 184,46 euros bruts à titre de paiement des 20mn de pause pour un service continu de plus de 6 heures, outre 18,44 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 272,88 euros bruts à titre de paiement du temps conventionnel pour se rendre d'un client à un autre, outre 27,29 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 22,23 euros bruts à titre de paiement du temps de travail, réunion du 17/10/2015-, outre 2,22 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* à titre principal 345,80 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés acquis au 30/10/2016, à titre subsidiaire 185,25 euros bruts,

* 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier et moral,

* aux entiers dépens, y compris pour les frais éventuels d'huissier pour l'exécution du jugement conformément à l'article 10 du décret du 08/03/2001,

- fixer en outre la créance de Mme [B] à l'encontre de la société DOMICILE BONHEUR à une somme 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la dire en frais privilégiés de justice,

- ordonner la rectification ou l'établissement de tous les bulletins de salaire de novembre 2016 au jour du prononcé du jugement ainsi qu'un bulletin de salaire pour tous les autres rappels de salaire brut, sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard après un mois suivant le prononcé de jugement pour chaque feuille de paie nécessaire à l'exécution du jugement,

- dire que cette astreinte est définitive et que la cour se réserve le droit de la liquider,

- ordonner que ces sommes soient assorties des intérêts de droits à compter de la saisine du conseil de prud'hommes le 7 février 2017,

- juger l'arrêt commun et opposable au CGEA et qu'il devra garantir à Mme [B] le paiement de ces sommes en application des dispositions des articles L. 3253-6 et suivants du code du travail.

La société Domicile Bonheur et l'AGS-CGEA n'ont pas conclu.

Par message RPVA du 26 juin 2023, la cour a interrogé l'avocat de Mme [B] afin de s'assurer de la mise en cause du mandataire liquidateur de la société Domicile Bonheur et, le cas échéant, communication des pièces afférentes.

Par message RPVA du 29 suivant, la cour a été informée que cette formalité n'avait pas été accomplie.

Par arrêt du 27 juillet 2023, la cour a révoqué l'ordonnance de clôture du 8 juin 2023, ordonné le renvoi de l'affaire devant le conseiller de la mise en état et invité la salariée à mettre en cause par voie d'assignation le(s) mandataire(s) judiciaires et liquidateur(s) judiciaire(s) désigné(s) dans le cadre de la procédure mettant en cause la société Domicile Bonheur.

La SCP BRUART Pierre, es qualité de liquidateur judiciaire de la société Domicile Bonheur, appelée en la cause par voie d'assignation du 3 janvier 2024 remise à personne habilitée avec remise des conclusions déposées à la cour d'appel de Dijon en suite de l'appel à l'encontre du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Chaumont le 7 novembre 2017, du bordereau de communication de pièces et des pièces versées aux débats, le calendrier de procédure (date de clôture le 4 janvier 2024 et date d'audience le 6 février 2024 à 13h45), n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu.

L'AGS-CGEA d'Amiens, de nouveau appelée en la cause par voie d'assignation du 3 janvier 2024 remise à personne habilitée avec remise des conclusions déposées à la cour d'appel de Dijon en suite de l'appel à l'encontre du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Chaumont le 7 novembre 2017, du bordereau de communication de pièces et des pièces versées aux débats, le calendrier de procédure (date de clôture le 4 janvier 2024 et date d'audience le 6 février 2024 à 13h45), n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu.

Par courrier du 22 janvier 2024, l'AGS-CGEA d'[Localité 8] a informé la cour qu'il n'entendait ni être présent ni être représenté dans le cadre de l'instance.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour :

- rappelle qu'en cause d'appel, dès lors que l'intimé n'a pas conclu, la cour statue néanmoins sur le fond mais, en vertu de l'article 472 du code de procédure civile, il n'est fait droit au moyens de l'appelant que dans la mesure où ils sont estimés réguliers, recevables et bien fondés, étant observé que l'absence de conclusions de l'intimé vaut adoption par lui des motifs retenus par les premiers juges,

- relève que le premier juge, qui a ordonné un sursis à statuer, n'a énoncé aucun motif au fond,

- constate que Mme [B] ne formule aucune demande en lien avec la rupture de son contrat de travail consécutive à sa lettre de prise d'acte du 5 octobre 2018.

I - Sur le sursis à statuer :

Par jugement du 7 novembre 2017, le conseil de prud'hommes de Chaumont a ordonné un sursis à statuer dans l'attente :

- d'une part des décisions du tribunal administratif saisi de la contestation par l'employeur des refus de la DIRECCTE d'autoriser le licenciement de la salariée rendus les 3 juin, 14 octobre et 5 décembre 2016.

La cour constate que dans les pièces de la salariée sont produites :

* en pièces n°78, 79 et 80 trois jugements du tribunal administratif de Chalon-en-Champagne datés du 15 mars 2018 rejetant les requêtes aux fins d'annulation des décisions de l'inspection du travail au motif que les décisions de refus de la DIRECCTE ont été retirée en cours d'instance par décisions du ministre chargé du travail,

* en pièces n°81 et 82 deux arrêts de la cour administrative d'appel de Nancy du 2 juillet 2020 rejetant les recours de la société Domicile Bonheur contre ces jugements,

* en pièce n°29-1 une décision du ministre chargé du travail du 2 juin 2017 confirmant la décision implicite de rejet du recours hiérarchique du 17 avril 2017.

- d'autre part de l'issue de l'enquête pénale engagée.

La cour constate à cet égard que dans les pièces de la salariée est produit un jugement du tribunal correctionnel de Chaumont du 4 octobre 2022 condamnant M. [G] [S] du chef de harcèlement moral sur, notamment, Mme [E] et allouant à cette dernière la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

Il se déduit des développements qui précèdent que le sursis à statuer fondé sur les recours administratifs alors en cours lors de son prononcé est devenu sans objet.

S'agissant de l'instance pénale, l'article 4 alinéa 3 du code de procédure pénale dispose que la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir aupénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil. Dans ces conditions, nonobstant l'appel du jugement par le prévenu et par le ministère public, la cour considère que ce dernier recours pendant ne justifie pas le sursis prononcé.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Etant rappelé que la cour peut évoquer les points non jugés lorsqu'elle est saisie de l'appel d'un jugement qui statue sur une exception de procédure, il y a lieu de considérer, eu égard au délai écoulé depuis l'introduction de l'instance, comme étant de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, ce d'autant que les parties ont en l'espèce été en mesure de conclure sur les points qu'elles proposent d'évoquer ou invitées à le faire en étant régulièrement appelées en la cause.

II - Sur les demandes de Mme [B] :

a) - Sur le harcèlement moral :

Il résulte des dispositions de l'article L.1152-1 du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 précise à sa suite qu'en cas de litige relatif à l'application notamment de l'article L.1152-1 précité, le salarié présente des éléments de fait qui permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement.

Ainsi lorsque le salarié présente des faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement

Au visa des articles L.1152-1, L1154-1 et L4121-1 du code du travail, Mme [B] indique que depuis octobre 2015, début de son mandat de déléguée du personnel, elle a subi de la part de l'employeur des humiliations, des menaces, des dénonciations calomnieuses, des propos dégradants, des propos vexatoires et des atteintes à sa dignité, ce qui lui a causé des problèmes de santé.

Elle ajoute que :

- elle a été mise à pied à titre conservatoire du 5 octobre 2016 au 5 octobre 2018 sans salaire alors que l'inspection du travail a notifié à l'employeur son obligation de la réintégrer à son poste de travail,

- le 5 août 2016 elle a déposé plainte pour harcèlement à l'encontre de son employeur, M. [G] [S], directeur gérant de la société Domicile Bonheur, et il a été condamné pour cette infraction, de sorte que le commencement de preuve de harcèlement moral est incontestable et la seule lecture du jugement correctionnel du 6 septembre 2022 permet de s'en convaincre.

Au titre des éléments qu'il lui incombe d'apporter, elle cite :

- des agressions verbales et, dès février 2016, des courriers, SMS, courriers électroniques tenant des propos violents et portant des accusations mensongères aboutissant à trois demandes d'autorisation de licenciement à l'inspection du travail sur la période du 31 mars 2016 au 24 octobre 2016, demandes toutes refusées, alors qu'elle n'avait fait l'objet d'aucun reproche depuis 2009, bien au contraire (pièces n°65 et 78),

- un avertissement du 3 février 2016 dans lequel l'employeur met ouvertement en cause son rôle de déléguée du personnel et son appartenance syndicale (pièces n°51, 53),

- un arrêt de travail du 4 au 24 mars 2016 pour une intervention chirurgicale que l'employeur a qualifié par SMS de faux et demandant l'original qu'elle avait transmis à son autre employeur (employeur principal) suivant les conseils de la CPAM,

- une demande du 14 mars 2016 par SMS de lui restituer les clés de deux clients à laquelle elle a répondu le lendemain en demandant qu'une personne passe les chercher à son domicile, son état de santé ne lui permettant pas de se déplacer. Mais dès le 16 mars suivant, l'employeur l'a convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 24 mars et entre temps, le 19 mars, la gendarmerie de [Localité 12] lui a téléphoné pour lui annoncer que son employeur allait chercher les clés à son domicile, ce qu'elle a accepté mais qu'il n'a pas fait, déposant plainte pour abus de confiance. C'est alors que trois gendarmes se sont rendus à son domicile pour reprendre la clé réclamée, la suivant jusque dans sa chambre. Cette plainte, classée sans suite le 10 avril 2016, a été l'occasion pour l'employeur de lui infliger une humiliation devant sa famille et ses amis présents sans motif valable (pièce n°50),

- une décision de refus de d'autoriser le licenciement de l'inspection du travail du 1er juin 2016 dans laquelle figure la mention que 'Mr [S], tout au long de l'enquête contradictoire parle de Mme [B] dans des termes dédaigneux et insultant tel que: «la fille», «tant que je ne l'aurai pas dégagée », « je ne veux pas garder une délinquante», «il est hors de question que je garde une voleuse qui ne veut pas restituer les clefs», «je veux qu'elle dégage », allant jusqu'à assimiler la présence de Mme [B] dans son entreprise à la présence d'un pédophile dans une école' (pièce n°28),

- un incident survenu le 13 avril 2016 quand elle a transporté une cliente (Mme [M]) dans les locaux de la société pour faire une réclamation et que celle-ci a demandé à la secrétaire de gestion et à la secrétaire de direction (épouse de l'employeur) pourquoi elles ne saluent pas Mme [B] (pièce n°54),

- un autre incident survenu le 9 juin 2016, 8 jours après le premier refus d'autoriser le licenciement, quand elle s'est rendue à l'accueil de l'entreprise et constaté pour la première fois que l'employeur y avait installé un serpent en plastique alors qu'il la savait atteinte d'une phobie de toute représentation de ce reptile (pièce n°49). Elle s'est alors immédiatement rendue au commissariat pour porter plainte et prise de panique, les policiers ont appelé les pompiers pour la faire hospitaliser (pièces n°47, 48, 49). Malgré plusieurs demandes et l'intervention de l'inspection du travail, l'employeur a refusé d'enlever le serpent, l'empêchant volontairement de prendre son poste depuis cette date.

Elle précise que les attestations produites en faveur de l'employeur prétendant que le serpent avait toujours été présent ont été établies sous la menace de rétorsions,

- que le 4 janvier 2017 Mme [A] [H] a envoyé à l'employeur un courrier de prise d'acte de la rupture du contrat de travail dans lequel elle indique que le directeur Gérant lui interdisait de parler à Mme [B] déléguée du personnel,

- un courrier du 27 juin 2016 par lequel elle a explicitement et de façon détaillée demandé à son employeur de cesser son 'acharnement moral' (pièce n°56),

- un dépôt de plainte pour harcèlement moral du 5 août 2016 (pièce n°61)

- un courrier de protestation du 15 août 2016 adressé à son employeur pour travail insalubre et contrainte de payer les produits d'entretien (pièce n°57),

- un compte rendu de réunion des délégués du personnel d'août 2016 dans lequel elle sollicite la mise en place d'une protection de la santé physique et mentale des salariés et l'examen, par un intervenant de la CARSAT ou de Puzzle Concept, de la situation de souffrance au travail de certaines salariées (pièce n°62),

- que le 24 octobre 2016 l'employeur a de nouveau sollicité, en vain, l'autorisation de procéder à son licenciement sur l'odieuse accusation de maltraitance sur personne âgée, accusation maintenue bien que l'inspection du travail ait apporté la preuve d'une mise en scène de l'employeur (pièce n°34) et qu'il l'a dénoncée au procureur de la République, au préfet, au Président du Conseil Départemental et au Medef, cette accusation ayant pour but de l'humilier, de la disqualifier et de l'empêcher d'exercer son travail puisque sur ce faux prétexte l'employeur a refusé de la réintégrer. Elle n'a depuis lors pas retrouvé son emploi et n'a plus été rémunérée,

- un courrier de l'employeur adressé au tribunal administratif daté du 16 janvier 2017 disant qu'elle est très perturbée et qu'elle doit avoir un appui médical, ajoutant qu'elle est 'un monstre fabriqué et utilisé par l'inspection du travail' et qu'elle est 'une menteuse pathologique' (pièces n°36 et 63),

- une décision de l'inspection du travail du 1er juin 2016 indiquant que 'M. [S] déclare avoir lui-même rédigé le courrier précisant que ses salariés n'ont pas la compétence intellectuelle pour le faire eux-mêmes; que ces derniers se sont contentés de signer le document qu'il a rédigé' (pièce n°28),

et justifie par ailleurs d'une attestation du médecin du travail du 29 mars 2016 indiquant l'avoir reçue en entretien les 29 et 30 mars 2016 'suite aux soucis conflictuels de l'employeur pour elle-même et pour ses collègues. Suite à cet entretien j'ai rencontré M. [S] pour essayer de rétablir la situation sans succès pour l'instant' (pièce n°55) ainsi que de diverses pièces médicales (certificats et prescriptions) relatant un état dépressif, une perte de poids et d'appétit un lien avec des difficultés professionnelles (pièces n°48 à 48-4) outre une consultation du service de pathologie professionnelle et santé de travail du CHU de [Localité 10] qui a conclu à un niveau de stress significativement élevé dû à la situation conflictuelle avec son employeur (pièce n°45)

En conséquence des nombreux agissements humiliants et incessants de l'employeur, elle sollicite la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts.

La cour considère que ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, de sorte qu'il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, l'employeur, qui ne s'est pas constitué et qui n'a pas conclu, n'allègue ni ne justifie d'aucun élément de nature à renverser la présomption de harcèlement moral résultant des éléments ci-dessus exposés.

Dans ces conditions, nonobstant le fait que la salariée ne saurait se prévaloir de la condamnation de son employeur, pris en la personne physique de son directeur gérant, par le tribunal correctionnel pour des faits de harcèlement moral commis sur elle, l'autorité de chose jugée au pénal sur le civil ne valant que pour les décisions de condamnation définitive, ce dont il n'est pas justifié en l'occurrence, il y a lieu de considérer que le harcèlement moral allégué est caractérisé.

En réparation du préjudice résultant du harcèlement subi que la salariée démontre par la production de certificats médicaux établissant un lien entre une pathologie dépressive et la dégradation de ses conditions de travail, la cour lui alloue la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts.

b) - Sur la discrimination :

Il résulte des dispositions de l'article L.1132-1 du code du travail qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

En application de l'article L. 1134-1du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Ces dispositions sont applicables à la période d'essai.

Mme [B] soutient que :

- les trois tentatives de licenciement sur la base d'accusations mensongères (pièces n°28, 29 et 34),

- la baisse progressive de ses heures de travail et de son salaire par avenant du 19 décembre 2015 (pièce n°3), jusqu'à sa suppression totale (Pièce 59, 5/1 et 5/2) ,

- le refus de l'employeur de la réintégrer malgré l'annulation de sa mise à pied, la privant de son emploi alors que le contrat de travail n'était pas rompu (pièce n°36, 36-1 et 37),

sont constitutifs d'une discrimination liée à l'exercice de son mandat de déléguée du personnel titulaire et à son appartenance syndicale

Elle sollicite en conséquence la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts.

La cour considère que ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une telle discrimination, de sorte qu'il appartient à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, l'employeur, qui ne s'est pas constitué et qui n'a pas conclu, n'allègue ni ne justifie d'aucun élément de nature à renverser la présomption de discrimination résultant des éléments ci-dessus exposés.

Il y a donc lieu de considérer que la discrimination alléguée est caractérisée.

Néanmoins, il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l'existence et l'évaluation de celui-ci relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.

En l'espèce, Mme [B] n'apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité d'un préjudice distinct non indemnisé au titre du harcèlement moral dès lors que les faits allégués caractérisant d'une part le harcèlement moral et d'autre part la discrimination sont les mêmes. La demande à ce titre sera donc rejetée.

c) - Sur les rappels de salaire :

A titre liminaire, Mme [B] sollicite que le calcul de ses heures de travail soit établi sur la base des contrats de travail des 20 avril 2011 et 19 décembre 2014 prévoyant respectivement une durée de travail hebdomadaire de 17h50 et 14h considérant que les 12 avenants postérieurs sont illicites (pièces n°3 et 4).

La cour relève à cet égard que les contrats de travail des 20 avril 2011 (pièce n°1) et 19 décembre 2014 (pièce n°2) produits par la salariée sont les seuls signés par elle, tous les avenants des 24 octobre et 23 novembre 2013, 24 janvier, 21 février, 23 juin, 15 et 19 décembre 2014, 26 juin et 19 décembre 2015 n'étant signés que de l'employeur, de sorte qu'ils lui sont inopposables, peu important qu'ils aient été conclus avec un effet rétroactif empêchant la salariée de connaître le nombre d'heures de travail qui s'appliquait au moment de la signature de ces avenants, ni combien d'heures devaient être travaillées les mois précédents, ni comment calculer les heures complémentaires.

Au visa notamment des articles L3171-4 et L.3245-1 du code du travail et 1353 du code civil, pour la période de trois ans avant la saisine du conseil des prud'hommes soit du 13 janvier 2014 au 13 février 2017, et sur la base des contrats de travail des 20 avril 2011 et 19 décembre 2014 prévoyaient une durée de travail hebdomadaire de 17,50 heures (ou 75,78 heures par mois) et 14 heures (60,62 heures par mois), Mme [B] sollicite le paiement des sommes suivantes :

* Sur le rappel de salaire du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2016 pour non-respect du nombre d'heures de travail hebdomadaires :

Tenant compte des règles de prescription triennale applicables en matière de rappel de salaire, Mme [B] sollicite le paiement de 75,78 heures par mois tel que prévu au contrat du 20 avril 2014, soit du 1er janvier au 18 décembre 2014 , et de 60,62 heures par mois tel que prévu au contrat du 19 décembre 2014, soit du 19 décembre 2014 au 30 septembre 2016, sur la base d'un taux horaire de 9,88 euros, ce qui correspond à :

- 8 685 euros pour la période du 1er janvier 2014 au 18 décembre 2014

[9,88 € x 75,78h x 11,60 mois]

- 12 936,79 euros pour la période du 19 décembre 2014 au 31 septembre 2016

[9,88 € x 60.62h x 21,6 mois]

dont à déduire :

- les heures non effectuées pour arrêt maladie en 2016 (28 heures),

- les salaires déjà versés pour ces mêmes périodes, soit 15 937,63 euros (pièces n°4, 5, 5/1, 5/2 et 66),

soit un rappel de salaire de 5 408,52 euros sur l'ensemble de la période, outre 540,08 euros au titre des congés payés afférents.

En l'absence d'élément de l'employeur de nature à établir soit que les heures réclamées n'ont pas été effectuées, soit que la salariée a été payée de l'intégralité des sommes dues, la cour considère que la créance salariale de Mme [B] est établie par les éléments qu'elle produit. Il lui sera donc alloué la somme de 5 408,52 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2016.

* Sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire du 4 octobre 2016 au 5 octobre 2018 :

Rappelant qu'elle a été mise à pied à titre conservatoire le 5 octobre 2016 dans l'attente de l'autorisation de son licenciement par l'inspection du travail, laquelle a finalement été refusée le 5 décembre 2016, et précisant que les recours intentés par l'employeur n'avait aucun effet suspensif (pièce n°34) et que celui-ci a été avisé tant par elle-même que par l'autorité administrative de son obligation de la réintégrer, ce qu'il a toujours refusé de faire (pièce 35, 36, 36-1, 37, 38, 73 et 74), Mme [B] soutient au visa de l'article L.2421-3 du code du travail que dès lors que son licenciement a été refusé, la mise à pied a été -de fait- annulée et ses effets supprimés de plein droit.

Elle réclame donc le paiement des salaires non versés du 4 octobre 2016 au 5 octobre 2018, date de sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

Sur la base du contrat de travail du 19 décembre 2014, seul valablement applicable à la relation de travail, prévoyant une durée de travail hebdomadaire de 14 heures (60,62 heures par mois) et un taux horaire de 9,88 euros, il lui sera alloué la somme de 13 775,39 euros tel qu'expressément demandé, outre 1 377,54 euros au titre des congés payés afférents.

* Sur les heures de délégation dues pour le mandat de délégué du personnel

Rappelant qu'elle a été élue en qualité de déléguée du personnel de juin 2014 jusqu'au 12 juin 2018 et que, faisant confiance à l'employeur, elle n'y a dans un premier temps eu que trois 'réunions mensuelles' en 18 mois et qu'elle n'a sur cette période utilisé aucune des dix heures de délégation dont elle disposait mensuellement, Mme [B] soutient que :

- elle a tenu des permanences hors de l'entreprise car l'employeur n'avait pas mis un local à sa disposition comme a pu le constater l'inspection du travail (pièce n°28),

- l'employeur ne peut contester les heures de délégation utilisées en dehors du temps de travail au prétexte que la salariée ne rapporterait pas la preuve de circonstances exceptionnelles alors que celle-ci n'a jamais dépassé les 10 heures mensuelles prévues et qu'il lui appartient d'établir à l'appui de sa contestation la non-conformité de l'utilisation de ce temps avec l'objet du mandat représentatif, ce qu'il ne fait pas puisque le tribunal correctionnel a condamné M. [S], directeur gérant de la société pour le délit d'entrave à l'exercice des fonctions du délégué du personnel (pièce n°83),

- aucun texte légal ou conventionnel n'impose un bon de délégation, la seule obligation légale étant de payer, à l'échéance normale de paye, les heures de délégation utilisées,

- lorsqu'elle a utilisé ses heures de délégation en dehors du temps de travail, l'employeur était prévenu plusieurs jours à l'avance par dépôt des bons de délégation à l'accueil ou par correspondance et jusqu'en février 2016 ces heures étaient payées sans autre formalité. Des heures de délégation ont donc été payées sur cette base en octobre, novembre et décembre 2015, janvier 2016, outre 30 mn pour une réunion de délégués du personnel et 10 heures de délégation.

A l'appui de sa demande elle produit une copie des bons de délégation remis à l'employeur (pièces n°6 à 17, 68 à 68/4 et 76 à 76/4) ainsi qu'décompte des sommes réclamées détaillant le calcul effectué jusqu'au 30/05/2018 (pièce n°69) .

Il ressort des articles L.2315-1, L.2315-3 et L.2315-11 du code du travail, dans leur version applicable au litige, que l'employeur laisse aux délégués du personnel le temps nécessaire à l'exercice de leurs fonctions dans les limites d'une durée qui, sauf circonstances exceptionnelles, ne peut excéder dix heures par mois dans les entreprises de moins de cinquante salariés [...]. Le temps passé en délégation est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l'échéance normale et le temps passé par les délégués du personnel, titulaires ou suppléants, aux réunions [prévues à la présente section] est rémunéré comme temps de travail. Ce temps n'est pas déduit du crédit d'heures dont disposent les délégués du personnel titulaires.

L'article L2315-5 du même code, dans sa version applicable au litige, ajoute que pour l'exercice de leurs fonctions, les délégués du personnel peuvent, durant les heures de délégation, se déplacer hors de l'entreprise. Ils peuvent également, tant durant les heures de délégation qu'en dehors de leurs heures habituelles de travail, circuler librement dans l'entreprise et y prendre tous contacts nécessaires à l'accomplissement de leur mission, notamment auprès d'un salarié à son poste de travail, sous réserve de ne pas apporter de gêne importante à l'accomplissement du travail des salariés.

En l'espèce, étant observé que la cour n'est saisie d'aucune contestation de la part de l'employeur sur le bon emploi des heures de délégation réclamées, sur les heures de réunion décomptées ni d'aucun élément de nature à remettre en cause le décompte produit par Mme [B], la cour considère que la créance salariale de Mme [B] est établie par les éléments qu'elle produit. Il lui sera donc alloué la somme de 2 503,92 euros à ce titre, outre 250,39 euros au titre des congés payés afférents.

* Sur le paiement du temps de trajet et remboursement de frais pour se rendre aux réunions mensuelles de délégué du personnel :

Rappelant que le salarié à temps partiel acceptant de faire moins de 24 heures hebdomadaires doit bénéficier d'une organisation du temps de travail lui permettant d'avoir plusieurs employeurs, Mme [B] soutient avoir à plusieurs reprises demandé à son employeur de prévoir les réunions mensuelles obligatoires des délégués du personnel le mercredi ou le jeudi alors qu'elle travaillait pour lui à [Localité 11], ce qu'il n'a jamais fait, organisant ces réunions le mardi alors qu'elle travaillait près de [Localité 9] à 80 km de [Localité 11] (pièces n°40, 42),

et considérant que l'employeur doit payer le temps de trajet en temps de travail effectif puisqu'elle ne pouvait vaquer librement à ses occupations et aussi rembourser les frais de route aller et retour,

Mme [B] sollicite pour les réunions des 28 octobre 2014, 19 avril 2016 et 26 décembre 2016 la somme de 59,28 euros, outre 5,93 euros au titre des congés payés afférents.

Il est constant que le temps de trajet effectué en exécution de fonctions représentatives doit être rémunéré lorsqu'il est pris en dehors de l'horaire normal de travail et qu'il dépasse en durée le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail.

En l'espèce, au delà du fait qu'il n'est produit aucun élément de nature à établir la réalité de la réunion du 28 octobre 2014 dont il est demandé le paiement, la cour relève que le temps de trajet allégué par la salariée n'est pas entre son domicile et son lieu de travail où se tient la réunion des délégués du personnel à laquelle elle est conviée mais entre ses deux employeurs.

Dans ces conditions, peu important que pour des convenances personnelles la date du mardi choisie par l'employeur n'avait pas sa préférence, il s'en déduit que Mme [B] n'est pas fondée à réclamer le paiement des heures de trajets effectuées le mardi entre ses deux employeurs. La demande sera donc rejetée.

S'agissant des frais de déplacement exposés par le salarié pour se rendre à ces réunions, il est constant que ceux-ci doivent être payés lorsque la réunion est organisée à l'initiative de l'employeur.

En l'espèce, Mme [B] sollicite la somme de 183,96 euros pour les trois réunions ci-dessus évoquées sur la base d'une indemnité kilométrique de 0,42 euros/km tel que prévue par le contrat de travail (pièce n°2).

Néanmoins, la cour relève :

- d'une part que la réalité de la réunion du 28 octobre 2014 n'est pas démontrée,

- d'autre part que l'indemnité kilométrique de 0,42 euros/km alléguée ne concerne en réalité que les trajets effectués entre deux clients, le montant de cette indemnité étant ramené à 0,15 euros/km pour les déplacements professionnels effectués avec son véhicule personnel,

- enfin que les trajets effectués ne sont pas entre son domicile et le lieu de travail mais entre son premier et son second employeur.

Dans ces conditions, considérant que la distance séparant son domicile du lieu de la réunion est de 18,5 km, il lui sera alloué la somme de 11,10 euros à titre de remboursement des frais de déplacement.

* Sur le rappel de salaire pour le temps de pause :

Au visa des articles L.3121-1, L.3121-2 et L.3121-16 du code du travail, Mme [B] soutient qu'elle ne pouvait pas bénéficier d'un temps de pause durant toute la durée de sa prestation ininterrompue et sollicite en conséquence la somme de 184,46 euros, outre 18,44 euros au titre des congés payés afférents selon décompte produits en pièce n°22 pour la période du 8 janvier 2014 au 1er juillet 2015.

Il est constant que la charge de la preuve de la prise effective par les salariés des temps de pause incombe à l'employeur, de sorte que nonobstant le fait que l'attestation de la cliente Mme [X] indiquant que la salariée est intervenue chez elle en journée continue est dépourvue de force probante faute d'une pièce d'identité permettant de garantir son authenticité, la cour relève que l'employeur ne justifie d'aucun élément à cet égard.

En conséquence, il sera alloué à Mme [B] la somme de 184,46 euros à ce titre, outre 18,44 euros au titre des congés payés afférents.

* Sur le paiement du temps conventionnel pour se rendre d'un client à un autre:

Au visa de l'article 6.2 de la convention collective nationale des services à la personne, Mme [B] soutient que son contrat de travail du 19 décembre 2014 stipule que le temps de déplacement pour se rendre d'un lieu d'intervention à un autre lieu d'intervention constitue du temps de travail effectif lorsque le salarié ne peut retrouver son autonomie (pièce n°2) de sorte que quand des interventions au domicile des clients se suivent, l'employeur doit payer les frais kilométriques ainsi que le temps de déplacement et d'attente entre ces clients qui est considéré comme du temps de travail effectif.

Elle ajoute que malgré plusieurs demandes en ce sens adressées à son employeur, ce temps ne lui a jamais été payé et ne figure sur aucun bulletin de salaire.

A raison de 27,62 heures non payées sur la base du taux horaire de 9,88 euros, selon décompte produit en pièce n°21 et de ses plannings de 2014 à 2016 (pièces n°23, 24 et 25), elle sollicite la somme de 272,88 euros, outre 27,29 euros au titre des congés payés afférents.

Il résulte de la convention collective applicable que 'le temps de déplacement professionnel pour se rendre d'un lieu d'intervention à un autre lieu d'intervention constitue du temps de travail effectif lorsque le salarié ne peut retrouver son autonomie.

En cas d'utilisation de son véhicule personnel pour réaliser des déplacements professionnels, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à 35 centimes d'euros par kilomètre.

Les temps entre deux interventions sont pris en compte comme suit :

-en cas d'interruption d'une durée inférieure à 15 minutes, le temps d'attente est payé comme du temps de travail effectif ,

-en cas d'interruption d'une durée supérieure à 15 minutes (hors trajet séparant deux lieux d'interventions), le salarié reprend sa liberté pouvant ainsi vaquer librement à des occupations personnelles sans consignes particulières de son employeur n'étant plus à sa disposition, le temps entre deux interventions n'est alors ni décompté comme du temps de travail effectif, ni rémunéré.

Une journée de travail comporte un maximum de quatre interruptions [...]'.

Nonobstant l'absence d'élément de la part de l'employeur de nature à établir que la salariée a été remplie de ses droits à cet égard, la cour relève que le décompte de la salarié fait mention à 23 reprises d'un temps d'interruption supérieur à 15 mn, de sorte qu'elle n'est pas fondée à réclamer le paiement de ces temps au titre d'un temps de travail effectif conformément à la convention collective applicable.

En conséquence, il lui sera alloué la somme de 165,49 euros à ce titre, outre 16,50 au titre des congés payés afférents.

* Sur le rappel de salaire pour la réunion de travail du 17 octobre 2015 :

Mme [B] soutient que quatre fois par an, l'employeur convoquait le personnel un samedi, hors temps de travail, pour une réunion sur la structure et l'évolution de l'entreprise ainsi que l'organisation du travail, réunion de fait obligatoire car les salariés qui n'y participent pas étaient sanctionnés lors de l'évaluation annuelle et leur prime annuelle est amputée.

Elle indique avoir assisté à plusieurs réunions mais n'a retenu que celle datée du 17 octobre 2016 qui a duré 2 h15 (pièce n°60). Elle sollicite à ce titre la somme de 22,23 euros, outre 2,22 euros au titre des congés payés afférents

Etant observé :

- d'une part que le 17 octobre 2015 était un samedi,

- d'autre part que le contrat de travail du 19 décembre 2014 stipule que Mme [B] ne travaille pas pour la société Domicile Bonheur le samedi,

- enfin que le bulletin de paye d'octobre 2015 ne fait apparaître aucun paiement à ce titre,

il y a lieu de considérer que la créance alléguée par la salariée est établie par les éléments qu'elle produit, l'employeur ne produisant aucun élément de nature à contredire l'affirmation de la salariée selon laquelle cette réunion était, de fait, obligatoire ni qu'elle a duré 2h15.

Il lui sera en conséquence alloué la somme de 22,23 euros à ce titre, outre 2,20 euros au titre des congés payés afférents.

* Sur le paiement de l'indemnité de congés payés acquis au 30 octobre 2016:

Mme [B] soutient que son bulletin de salaire de septembre 2016 fait apparaître 12 jours restants pour l'année N-1 et 9 jours pour N, soit 21 jours, mais que sur le bulletin d'octobre 2016 seuls 6 jours demeuraient au titre de l'année N-1 (pièce n°5/2) et si le planning remis par l'employeur le 1er novembre 2016 prévoit une mise en congés payés du 10 au 15 octobre, il n'a pas respecté le délai de prévenance d'un mois et il ne saurait la placer en congés payés à ces dates puisqu'elle était mise à pied à titre conservatoire pour une durée indéterminée à compter du 4 octobre précédent.

Tenant compte de la somme de 94,74 euros payées à ce titre selon le bulletin de paye d'octobre 2016, la salariée sollicite le paiement des 15 jours de congés restants, soit sur la base du contrat de travail du 19 décembre 2014 fixant la durée du travail à 14 heures et un taux horaire de 9,88 euros la somme de 345,80 euros.

Il est constant que lorsqu'un salarié fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire, le contrat de travail est suspendu et le salarié ne peut valablement prendre ses congés payés, même si leur date a été décidée antérieurement.

En conséquence, sur la base des bulletins de paye produits faisant mention de 15 jours de congés payés acquis au 30 octobre 2016, il sera alloué à Mme [B] la somme de 345,80 euros.

d) - Sur les dommages-intérêts pour préjudice financier et moral :

Considérant que la résistance de l'employeur au paiement à l'échéance normale des heures travaillées est nécessairement fautive et ouvre droit à des dommages-intérêts, Mme [B] soutient que les manquements de l'employeur (non-respect du contrat de travail et des avenants, non-paiement d'une partie des temps effectifs de travail sur plusieurs années, non-paiement des heures de délégation, tentatives de licenciement outrancières) ont nécessairement eu un impact financier sur sa vie et celle de sa famille, outre les nombreuses réclamations verbales et écrites et les questions pour les réunions de délégués du personnel auxquelles l'employeur n'a répondu que de façon méprisante et dans le déni permanent de ses obligations, elle s'en est trouvée atteinte dans son affect, son honneur et sa dignité.

Elle sollicite en conséquence la somme de 1 500 euros dans le corps de ses écritures et 2 000 euros dans leur dispositif à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier et moral.

Il résulte des développements qui précèdent que la société Domicile Bonheur a manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail.

Néanmoins, il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l'existence et l'évaluation de celui-ci relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.

En l'espèce, Mme [B] n'apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité d'un préjudice distinct non indemnisé au titre des dommages-intérêts et des rappels de salaires par ailleurs alloués. La demande à ce titre sera donc rejetée.

III - Sur les demandes accessoires :

- Sur la remise documentaire :

La demande de remise des bulletins de salaire rectifiés sera accueillie.

En revanche les circonstances de l'espèce ne justifient pas que cette condamnation soit assortie d'une astreinte, la demande à ce titre étant rejetée.

- Sur les intérêts au taux légal :

Il sera dit que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Domicile Bonheur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt, sous réserve des règles propres aux procédures collectives, et notamment la suspension du cours des intérêts,

- Sur la demande de déclarer la décision à intervenir commun et opposable à l'AGS/CGEA et qu'il devra garantir à Mme [B] le paiement de ces sommes en application des dispositions des articles L.3253-6 et suivants du code du travail :

L'AGS-CGEA d'[Localité 8] étant partie à la procédure bien que non constituée, cette demande est sans objet puisque tel est nécessairement le cas.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

La demande de Mme [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

La société Domicile Bonheur succombant, elle supporteras les dépens de première instance et d'appel .

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,

INFIRME le jugement rendu le 7 novembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Chaumont,

DIT n'y avoir lieu à surseoir à statuer,

Evoquant l'affaire au fond,

FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société Domicile Bonheur les créances suivantes de Mme [O] [B] :

- 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 5 408,52 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2016,

- 13 775,39 euros à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire du 4 octobre 2016 au 5 octobre 2018, outre 1 377,54 euros au titre des congés payés afférents, - 2 503,92 euros au titre des heures de délégation, outre 250,39 euros au titre des congés payés afférents,

- 11,10 euros à titre de remboursement des frais de déplacement pour se rendre aux réunions mensuelles de délégué du personnel,

- 184,46 euros à titre de rappel de salaire sur les temps de pause, outre 18,44 euros au titre des congés payés afférents,

- 165,49 euros à titre de rappel de salaire sur les temps pour se rendre d'un client chez un autre, outre 16,50 au titre des congés payés afférents,

- 22,23 euros à titre de rappel de salaire pour la réunion du 17 octobre 2015, outre 2,20 euros au titre des congés payés afférents,

- 345,80 euros au titre des jours de congés payés acquis au 30 octobre 2016,

DIT que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Domicile Bonheur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt, sous réserve des règles propres aux procédures collectives, et notamment la suspension du cours des intérêts,

REJETTE les demandes de Mme [O] [B] :

- au titre de la discrimination,

- au titre du paiement du temps de trajet pour se rendre aux réunions mensuelles de délégué du personnel,

- à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier et moral,

- au titre de l'astreinte

- au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que la présente décision est nécessairement opposable à l'AGS-CGEA d'[Localité 8],

CONDAMNE la SCP BRUART Pierre, es qualité de liquidateur judiciaire de la société Domicile Bonheur, à remettre à Mme [O] [B] des bulletins de salaire rectifiés,

CONDAMNE la SCP BRUART Pierre, es qualité de liquidateur judiciaire de la société Domicile Bonheur aux dépens de première instance et d'appel,

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024, signé par M. Olivier MANSION, président de chambre et Mme Juliette GUILLOTIN, greffier.

Le greffier Le président

Juliette GUILLOTIN Olivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00193
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;21.00193 ?
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