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08/06/2023 | FRANCE | N°21/00791

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 08 juin 2023, 21/00791


OM/CH













S.A.S. ETE FORMATION représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège





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Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 08 JUIN 2023



MINUTE N°



N° RG 21/00791 - N° Portalis DBVF-V-B7F-F2PN



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHALON SUR SAONE, section Activités Diverses, décision...

OM/CH

S.A.S. ETE FORMATION représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

C/

[U] [P]

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 08 JUIN 2023

MINUTE N°

N° RG 21/00791 - N° Portalis DBVF-V-B7F-F2PN

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHALON SUR SAONE, section Activités Diverses, décision attaquée en date du 02 Novembre 2021, enregistrée sous le n° 19/00389

APPELANTE :

S.A.S. ETE FORMATION représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Nadège COURCIER de la SELAFA SOFIGES, avocat au barreau du MANS

INTIMÉ :

[U] [P]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Basma BOUFLIJA, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Mai 2023 en audience publique devant la Cour composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre, Président,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

qui en ont délibéré,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,

ARRÊT rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [P] (le salarié) a été engagé le 1er mars 2018 par contrat à durée indéterminée en qualité d'auditeur par la société ETE formation (l'employeur).

Il a été licencié le 7 novembre 2018 pour motif économique.

Estimant ce licenciement nul pour discrimination, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes qui, par jugement du 2 novembre 2021, a dit ce licenciement nul et a condamné l'employeur au paiement de dommages et intérêts.

L'employeur a interjeté appel le 2 décembre 2021.

Il conclut à l'infirmation du jugement, le rejet des demandes adverses et sollicite le paiement de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le salarié demande la confirmation du jugement ainsi que le paiement des sommes de :

- 2 345 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire,

- 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

et réclame la délivrance sous astreinte de 50 euros, de l'attestation destinée à Pôle emploi, d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail tenant compte de la période de préavis.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA les 24 mai et 17 août 2022.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

1°) L'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 dispose : "Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, de son état de santé, de sa perte d'autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable".

En application des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, pour se prononcer sur l'existence d'une discrimination, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une telle discrimination et à l'employeur de prouver, au vu de ces éléments, que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, le salarié soutient que le licenciement a pour cause réelle son état de santé et non un motif économique.

Il indique qu'en septembre 2018, il a souffert de problèmes cardiaques graves et a été victime d'un accident vasculaire cérébral, que l'avis du médecin du travail du 2 octobre 2018 qui énonce que l'état de santé du salarié ne lui permet pas d'occuper un poste de formateur, que les fonctions réellement occupées, à savoir des tâches de formation et pour lesquelles il n'était pas formé, ont entraîné une dégradation de son état de santé, qu'il a refusé une rupture conventionnelle du contrat de travail et a demandé le respect des préconisations du médecin du travail (pièce n° 16, mails des 4 et 5 octobre 2018) et que son licenciement est lié à son état de santé susceptible de le rendre moins productif.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, font supposer l'existence d'une discrimination.

L'employeur répond que la dégradation de l'état de santé en raison des conditions de travail n'est pas établie dès lors que les arrêts de travail produits (pièce n° 32) ne visent ni une maladie professionnelle ni un accident du travail, que dès son embauche, le salarié a évoqué ses ennuis de santé (mail du 12 juillet 2018) et qu'il a demandé au médecin du travail le 27 septembre 2018 d'examiner le salarié pour connaître son aptitude à effectuer des grands trajets, enfin, que le salarié se borne à produire sa propre attestation et celle de sa compagne, qui sont subjectives.

Il n'est pas établi que le salarié exerçait d'autres tâches que celles d'auditeur.

Par ailleurs, les ennuis de santé ont été évoqués par le salarié en juillet, soit après son embauche en mars 2018.

De même, il n'existe aucun lien avéré entre l'AVC et les tâches confiées ou encore une éventuelle surcharge de travail.

L'inaptitude relevée par le médecin du travail résulte d'un avis du 2 octobre et aucun élément ne permet de la rattacher à une origine professionnelle.

Il en résulte que l'employeur apporte des éléments objectifs permettant de renverser la supposition retenue.

Faute de discrimination, la demande de nullité du licenciement à ce titre n'a pas à être examinée.

2°) Le salarié conteste la réalité de la cause économique invoquée dans la lettre de licenciement et l'exécution par l'employeur de son obligation préalable de reclassement.

Sur le premier point, l'employeur se reporte à la lettre de licenciement qui vise une baisse durable et conséquente de l'activité d'audit et précise que le nombre d'audits a baissé d'une moyenne mensuelle de 80 audits par salarié à 45, depuis le mois de mai 2018.

Il ajoute que la baisse significative et durable de cette activité ne permet plus d'occuper trois salariés à temps plein sur le secteur et que compte tenu : "des difficultés économiques, la réorganisation de l'entreprise s'avère nécessaire afin de la sauvegarder".

Cette baisse est justifiée par l'état récapitulatif produit qui procède à une comparaison 2017/2018, mois par mois, à compter de mai 2017.

Un mail du salarié du 17 mai 2018 s'inquiète également de l'absence d'audit pour juin et ses rapports mensuels d'activité de mars à octobre 2018 soulignent cette baisse d'activité.

De même, les bilans comptables clos au 30 septembre 2017, 2018 et 2019 démontrent une baisse conséquente des résultats d'exploitation et du résultat net.

Le salarié conteste la baisse de l'activité d'audit et les difficultés économiques en découlant.

Il souligne que la réalité du motif économique à la date du licenciement, le 7 novembre 2018, n'est pas démontrée et que l'employeur a eu recours à des entreprises extérieures pour réaliser ces audits et demandait aux formateurs de les effectuer au lieu de les lui confier.

Il indique également que le chiffre d'affaires n'a jamais cessé d'augmenter passant de 753 872 euros à 1 057 447 euros en 2018.

L'article L. 1233-3 du code du travail dispose que : "Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude."

Il convient de relever que l'employeur produit des documents comptables sur le résultat d'exploitation, sur la baisse d'activité sur deux trimestres consécutifs (de mai à octobre 2018) de l'activité d'audit, laquelle ne constitue pas la seule activité de l'entreprise, ce qui explique le chiffre d'affaires.

Par ailleurs, aucun élément ne permet de retenir que l'activité d'audit a été confiée à des prestataires extérieurs ni à des formateurs en lieu et place des auditeurs.

En conséquence, la cause économique du licenciement est avérée.

Sur le second point, il appartient à l'employeur de justifier de l'exécution loyale de l'obligation préalable de reclassement.

Selon le salarié, l'employeur n'a proposé aucun poste de reclassement alors que des offres d'emploi ont été émises depuis septembre 2018 et que la fonction de formateur lui a été imposée alors que le médecin du travail a relevé une inaptitude à ce poste le 2 octobre 2018.

Il ajoute que le poste d'assistant administratif ne lui pas été proposé.

L'employeur établit que le salarié a suivi une formation pour devenir formateur et aucun élément ne permet de retenir une modification de l'emploi d'auditeur en formateur imposée au salarié.

Cette formation s'est déroulée du 22 au 25 mai, du 4 au 6 juin, et selon les rapports mensuels d'activité du salarié du 2 au 6 juillet et du 9 au 11 juillet sur l'activité d'auditeur et du 24 au 25 septembre sur l'aptitude aux fluides frigorigènes.

M. [I] atteste que le salarié a été présent sur ces formations mais n'a plus souhaité les animer en septembre 2018.

Il n'est pas démontré que le salarié a refusé un poste de formateur et l'offre d'emploi de septembre 2018 porte sur un tel poste.

Par ailleurs, le poste d'assistant administratif a été pourvu le 3 septembre 2018 avant l'envoi, le 15 octobre 2018, de la convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Si l'employeur justifie de l'absence de poste disponible en externe, tel n'est pas le cas en interne puisque l'employeur n'a pas proposé de poste de formateur au salarié, pour lequel une formation avait été suivie au préalable et alors qu'aucune preuve n'est fournie quant au refus du salarié d'accepter ce poste, le seul mail produit (pièce n° 43) étant insuffisant à ce titre comme émanant d'un tiers, de façon laconique et non circonstanciée.

A défaut d'exécution correcte de cette obligation de reclassement, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Au regard d'une ancienneté d'une année entière, d'un salaire mensuel moyen de référence de 2 345 euros et du barème prévu à l'article L. 1235-3 du code du travail, le montant des dommages et intérêts sera évalué à 2 345 euros.

3°) Le jugement sera confirmé sur la remise des documents demandés, sans astreinte.

Sur les autres demandes :

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'employeur et le condamne à payer au salarié la somme de 1 500 euros.

L'employeur supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :

- Infirme le jugement du 2 novembre 2021 uniquement en ce qu'il dit que le licenciement de M. [P] est nul et en ce qu'il condamne la société ETE formation à lui payer la somme de 14 070 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

- Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

- Dit que le licenciement de M. [P] est sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamne la société ETE formation à lui payer la somme de 2 345 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant :

- Rejette les autres demandes ;

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société ETE formation et la condamne à payer à M. [P] la somme de 1 500 euros ;

- Condamne la société ETE formation aux dépens d'appel.

Le greffier Le président

Kheira BOURAGBA Olivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00791
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;21.00791 ?
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