DLP/SC
Société [4]
C/
Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Saône-et-Loire (CPAM)
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 25 MAI 2023
MINUTE N°
N° RG 20/00584 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FS5V
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Pole social du TJ de MACON, décision attaquée en date du 19 Novembre 2020, enregistrée sous le
n°17/00496
APPELANTE :
Société [4]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Anne-laure DENIZE de la SELEURL Anne-Laure Denize, avocat au barreau de PARIS substituée par Maître Mathilde BOURGES, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Saône-et-Loire (CPAM)
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par M. [U] [I] (Chargé d'audience) en vertu d'un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 avril 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller, Président,
Olivier MANSION, Président de chambre,
Katherine GONTHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Sandrine COLOMBO,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller, et par Sandrine COLOMBO, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
La caisse primaire d'assurance maladie de Saône-et-Loire (la CPAM) a pris en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, l'accident du 25 octobre 2012 dont a été victime M. [F] au sein de la société [4] ([4]), son employeur.
Le 27 mai 2014, la commission de recours amiable de la caisse a rejeté la contestation de la société [4] portant sur la durée des arrêts de travail et des soins dont avait bénéficié M. [F] en lien avec son accident du travail du 25 octobre 2012.
Par lettre du 13 juin 2014, la société [4] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de se voir déclarer inopposable la décision de prise en charge des soins et arrêts de travail consécutifs à l'accident du travail du 25 octobre 2012 de M. [F].
Par jugement avant dire-droit du 26 septembre 2019, le tribunal a sursis à statuer sur cette demande, ordonné une expertise médicale sur pièces et nommé pour y procéder le docteur [D] avec pour mission notamment de :
* fixer la durée des prestations, soins et arrêts de travail en relation, au moins en partie, avec l'accident du travail du 25 octobre 2012 de M. [F],
* déterminer si l'ensemble des lésions à l'origine de l'ensemble des arrêts de travail pris en charge peuvent résulter directement et uniquement de l'accident du travail survenu le 25 octobre 2012,
* déterminer quels sont les arrêts et lésions directement et uniquement imputables à cet accident du travail,
* déterminer si une pathologie évoluant pour son propre compte et indépendante de l'accident du travail est à l'origine d'une partie des arrêts de travail,
* dans l'affirmative, dire si le mécanisme accidentel décrit a pu aggraver ou révéler cette pathologie ou si, au contraire, cette dernière a évolué pour son propre compte,
* fixer la date à laquelle l'état de santé de M. [F] directement et uniquement imputable à l'accident du travail survenu le 25 octobre 2012 doit être considéré comme consolidé.
Le docteur [D] a établi son rapport le 16 janvier 2020.
La société [4] a alors demandé au tribunal de :
- fixer la date de consolidation de l'accident du travail de M. [F] au 28 février 2013, veille de l'apparition des nouvelles lésions sans rapport avec l'accident du 25 octobre 2012,
- lui déclarer inopposables les lésions, soins et arrêts de travail postérieurs au 28 février 2013, ainsi que la date de consolidation initialement fixée par la CPAM au 15 novembre 2014,
- condamner la CPAM au paiement des frais de l'instance, comprenant les frais d'expertise avancés pour la somme de 720 euros.
Par jugement du 19 novembre 2020, le tribunal :
- déboute la société [4] de ses prétentions relatives à la modification de la date de consolidation de l'état de santé de M. [F],
- dit que la décision de la CPAM de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels les soins et arrêts de travail accordés à M. [F] est opposable à la société [4] pour la période du 25 octobre 2012 au 23 septembre 2013,
- dit que la décision de la CPAM de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels les soins et arrêts de travail accordés à M. [F] est inopposable à la société [4] à compter du 24 septembre 2013,
- rappelle que la CPAM devra transmettre à la CARSAT compétente les informations utiles à la rectification des taux accident du travail concernés par l'accicent du travail de M. [F] survenu le 25 octobre 2012,
- déboute la société [4] de sa demande de remboursement des frais d'expertise avancés par ses soins,
- condamne la CPAM aux dépens, à l'exclusion des frais d'expertise.
Par déclaration enregistrée le 29 décembre 2020, la société [4] a relevé appel de cette décision.
Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 décembre 2022 et reprises à l'audience sans ajout ni retrait au cours des débats, elle demande à la cour de :
- déclarer son appel recevable,
- constater qu'aux termes des conclusions claires et non équivoques de son rapport d'expertise, le docteur [D] est formel quant à l'absence de lien entre l'activité professionnelle de M. [F] et la lésion de "carpe bossu avec bursite M3 gauche" qui apparaît sur les certificats médicaux à compter du 1er mars 2013, cette lésion caractérisant un état antérieur indépendant évoluant pour son propre compte,
En conséquence,
- infirmer le jugement déféré,
- fixer la date de consolidation de l'accident de M. [F] au 28 février 2013, veille de l'apparition des nouvelles lésions sans rapport avec l'accident du 25 octobre 2012,
- lui déclarer inopposables les lésions, soins et arrêts de travail pris en charge par la CPAM postérieurement au 28 février 2013, ainsi que la date de consolidation initialement fixée par la CPAM au 15 novembre 2014,
- mettre les frais de l'instance à la charge de la CPAM, en ce compris les frais d'expertise,
- condamner la CPAM à lui rembourser la somme de 720 euros avancée au titre des frais et honoraires de l'expert judiciaire.
Par ses dernières écritures reçues à la cour le 18 avril 2023 et reprises à l'audience sans ajout ni retrait au cours des débats, la CPAM demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré,
- débouter la société [4] de l'ensemble de ses demandes.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR L'OPPOSABILITE DES LESIONS, SOINS ET ARRETS DE TRAVAIL
La société [4] recherche l'inopposabilité à son égard des lésions, soins et arrêts de travail pris en charge par la CPAM postérieurement au 28 février 2013 et de la date de consolidation fixée au 15 septembre 2014. Elle se prévaut d'une rupture dans la continuité des soins à partir du 1er mars 2013, date à laquelle sont apparues, selon elle, de nouvelles lésions sans lien avec l'accident du travail litigieux. Elle ajoute qu'aux termes des conclusions claires et non équivoques de son rapport d'expertise, le docteur [D] est formel quant à l'absence de lien entre l'activité professionnelle de M. [F] et la lésion de "carpe bossu avec bursite M3 gauche" qui apparaît sur les certificats médicaux à compter du 1er mars 2013, cette lésion caractérisant un état antérieur indépendant évoluant pour son propre compte.
La CPAM réplique que les arrêts de travail prescrits à M. [F] des suites de son accident du travail du 25 octobre 2012 ne sont plus imputables à compter du 24 septembre 2013 et que l'employeur ne justifie d'aucune cause totalement étrangère.
En application de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.
Lorsque le certificat médical initial n'est pas assorti d'un arrêt de travail, il appartient à la caisse primaire d'assurance maladie de rapporter la preuve d'une continuité de symptômes et de soins pour bénéficier de la présomption d'imputabilité, sauf pour l'employeur à rapporter la preuve de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte ou d'une cause totalement étrangère sans lien avec l'accident ou la maladie professionnelle.
Ici, le médecin expert relève, dans le cadre d'un rapport motivé, qu'à partir du 24 septembre 2013, les soins et arrêts de travail sont exclusivement en relation avec la pathologie du carpe bossu qui ne résulte pas de l'accident du travail du 25 octobre 2012. Il conclut ainsi, de façon claire et non équivoque, que les soins et arrêts de travail sont en relation, au moins en partie, avec l'accident du travail du 25 octobre 2012 jusqu'au 23 septembre 2013, étant rappelé que toutes les conséquences directes de la maladie professionnelle doivent être prises en charge au titre professionnel, quand bien même la pathologie ne serait pas la cause unique et exclusive des lésions, soins et arrêts. C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu que les arrêts de travail et soins de M. [F] des suites de son accident du travail du 25 octobre 2012 n'étaient plus imputables audit accident à compter du 24 septembre 2013. La société [4] ne justifie d'aucune cause totalement étrangère au travail à l'origine exclusive des prescriptions d'arrêt maladie dès le 1er mars 2013, la note médicale de son médecin-conseil, le docteur [P], qui n'a pas eu accès à l'entier dossier médical de M. [F], étant insuffisante à rapporter cette preuve et à contredire les conclusions de l'expert judiciaire.
Enfin, compte-tenu de l'indépendance des rapports caisse/assuré et caisse/employeur, il n'appartient pas à la cour de modifier la date de consolidation retenue par la caisse, la fixation d'une nouvelle date de consolidation ressortissant des seules relations caisse/assuré.
Il convient donc de confirmer le jugement et de rejeter les demandes de la société [4].
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
La décision sera infirmée en ses dispositions relatives aux dépens.
L'abrogation, au 1er janvier 2019, de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale a mis fin à la gratuité de la procédure en matière de sécurité sociale. Pour autant, pour les procédures introduites avant le 1er janvier 2019, le principe de gratuité demeure. En l'espèce, la procédure ayant été introduite en 2014, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens de première instance.
Les dépens d'appel, comprenant les frais d'expertise, seront supportés par la société [4] qui succombe sans qu'il y ait lieu de condamner la caisse à rembourser à l'employeur la somme de 720 euros avancée au titre des frais et honoraires de l'expert judiciaire.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives aux dépens,
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
Rejette la demande de la société [4] de restitution des frais d'expertise,
Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens de première instance,
Condamne la société [4] aux dépens d'appel qui comprendront les frais d'expertise.
Le greffier Le président
Sandrine COLOMBO Delphine LAVERGNE-PILLOT