SB/AV
[L] [R]
S.C.I. LES SAILLIERS DE BOURGOGNE
C/
GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
1re chambre civile
ARRÊT DU 16 MAI 2023
N° RG 22/01354 - N° Portalis DBVF-V-B7G-GBZF
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 03 octobre 2022,
rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône - RG : 21/01281
APPELANTS :
Monsieur [L] [R]
né le 07 Juin 1950 à LE CREUSOT (71)
[Adresse 4]
[Localité 3]
S.C.I. LES SAILLIERS DE BOURGOGNE prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège :
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentés par Me Louis LEGENTIL, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 68
INTIMÉE :
Mutuelle GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Sophie LITTNER-BIBARD, membre de la SCP LITTNER-BIBARD, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 mars 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,
Sophie DUMURGIER, Conseiller,
Sophie BAILLY, Conseiller, ayant fait le rapport sur désignation du président,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 16 Mai 2023,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La SCI « Les Sailliers de Bourgogne » (ci-après la SCI), dont M. [L] [R] est le gérant, a pour activité la mise à bail de biens immobiliers.
La SCI est propriétaire d'un bâtiment, sis [Adresse 5], loué pour partie par M. [R] pour y exercer son activité d'architecte.
La SCI et M. [R] ont l'un et l'autre souscrit un contrat d'assurance auprès de Groupama Rhône Alpes Auvergne.
Le 22 juillet 2014, un dégât des eaux est survenu dans le local loué par M. [R].
Par acte extra-judiciaire délivré à personne le 22 octobre 2021, la SCI et M. [L] [R] ont saisi le tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône d'une demande dirigée à l'encontre de la société d'assurance Groupama Rhône Alpes Auvergne aux fins de la voir condamner à payer diverses sommes.
Par conclusions d'incident du 14 avril 2022, Groupama Rhône Alpes Auvergne a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action des demandeurs.
Par ordonnance du 8 octobre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône a :
- déclaré irrecevable comme prescrite la demande de la SCI et de M. [R] à l'encontre de Groupama Rhône Alpes Auvergne,
- condamné la SCI et M. [R] :
. aux entiers dépens de l'instance, la SCP Littner-Bibard, avocat, étant autorisée à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
. à payer à Groupama Rhône Alpes Auvergne la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Appel de cette ordonnance a été interjeté le 30 octobre 2022 par M. [R] et la SCI.
Aux termes du dispositif de leurs conclusions n°2, notifiées le 10 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, la SCI et M. [R] demandent à la cour, au visa des articles L. 114-2 et R. 112-1 du code des assurances, de :
- constater l'inopposabilité de la prescription biennale ou, à titre subsidiaire, que la prescription ne pouvait être considérée comme acquise,
- infirmer la décision attaquée,
- la réformer,
- les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes,
En conséquence,
- condamner la compagnie Groupama Rhône Alpes Auvergne à payer :
. à la SCI la somme de 22 112,71 euros au titre de l'indemnisation en vertu de son contrat d'assurance,
. à M. [R] la somme de 16 081,68 euros au titre de l'indemnisation en vertu de son contrat d'assurance,
- condamner la compagnie Groupama Rhône Alpes aux entiers dépens et à leur payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 10 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, Groupama Rhône Alpes Auvergne demande à la cour, au visa des articles 122 et suivants du code de procédure civile, L. 114-1 et R. 112-1 du code des assurances, et 2251 du code civil, de :
- confirmer l'ordonnance entreprise,
- à titre subsidiaire, rejeter la demande d'évocation de l'affaire au fond par la cour, et renvoyer à la première chambre civile du tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône la connaissance des demandes présentées par M. [R] et la SCI,
- à titre encore plus subsidiaire, débouter la SCI et M. [R] de l'ensemble de toutes leurs réclamations,
- en tout état de cause, condamner in solidum la SCI et M. [R] :
. aux entiers dépens et autoriser la SCP Littner-Bibard à les recouvrer directement en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
. à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2023.
MOTIVATION
Sur la prescription
L'article L. 114-1 du code des assurances dispose que Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.
L'article R.112-1 du code des assurances énonce que les polices d'assurance doivent notamment rappeler la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance.
En l'espèce, les appelants font essentiellement valoir que la prescription ne pouvait pas s'appliquer, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, dès lors, selon eux, que :
- les règles prévues par l'article R.112-1 précité du code des assurances n'ont pas été respectées par la compagnie Groupama Rhône Alpes Auvergne,
- l'assureur avait renoncé à la prescription en payant l'indemnité,
- les opérations d'expertise étaient toujours en cours,
- l'assuré avait interrompu le délai de prescription.
Il résulte des pièces communiquées, spécialement des conditions générales de la police d'assurance souscrite par M. [R] et la SCI, intitulée « La protection de votre activité, l'assurance du professionnel » (modèle ACO 02 février 2010) que le délai biennal de prescription est indiqué dans ce document, remis à l'assuré, en pages 29, 30 et 32 sous les rubriques « Premier cas d'indemnisation », « Deuxième cas d'indemnisation » et « L'expert détermine la valeur de remplacement des matériels et aménagements au jour du sinistre ». En effet, pour chacune de ces rubriques, il est porté mention en toutes lettres du « (...) délai de deux ans suivant la date du sinistre (...) » de manière à aviser l'assuré de ses obligations et des conséquences qui en découlent, sans que les stipulations en question ne présentent d'ambiguïté ou une insuffisante clarté.
De telle sorte qu'il ne peut être soutenu, comme le font les appelants, que le délai biennal de prescription ne saurait leur être opposé dès lors qu'il est démontré que la compagnie Groupama Rhône Alpes Auvergne a satisfait à son obligation d'information des assurés relativement audit délai de prescription et ce, conformément aux prescriptions de l'article R.112-1 du code des assurances.
Il ne peut pas être déduit du paiement le 9 juin 2015 par la compagnie Groupama Rhône Alpes Auvergne des indemnités de 22 714, 41 euros pour la SCI et de 9 072, 08 euros pour M. [R], que l'assureur avait renoncé à se prévaloir de la prescription de l'action des assurés du fait de l'écoulement du délai biennal, ce d'autant que le sinistre donnant lieu au paiement de ces indemnités ne datait que de juillet 2014, alors en outre que ce paiement n'était que partiel et ne satisfaisait pas les assurés et qu'une expertise amiable était engagée.
S'agissant des opérations d'expertise amiable, la cour relève que le rapport définitif de l'expert CET [Localité 6] mandaté par la compagnie Groupama Rhône Alpes Auvergne du 29 mai 2015 mentionne (page 3 du rapport) : « (...) Mr [R] refusant de signer le PV et ajoutant diverses réclamations non justifiées, nous déposons notre rapport en carence, compte-tenu des délais exagérément longs de réponse de sa part (...) ». Il est ainsi établi que, à la date du rapport, soit le 29 mai 2015, la SCI et M. [R] connaissaient le sens des conclusions expertales, dès lors qu'ils avaient émis des critiques sur ces dernières mais s'étaient abstenus de communiquer toutes pièces pour justifier de leurs demandes complémentaires. Dans ces circonstances, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que les opérations d'expertise sont supposées être toujours en cours, faute de notification des conclusions terminales, et que le délai de prescription est toujours interrompu par ces opérations, sauf à admettre, ainsi que le fait observer avec pertinence l'intimée, que le seul refus de signature du procès-verbal d'indemnisation par l'assuré ferait que le délai de deux ans courrait sans fin.
Quant à l'interruption du délai de prescription du fait de l'envoi de lettres recommandées à l'assureur, il est démontré par les pièces versées aux débats que :
- la SCI, ainsi que M. [R] ont effectivement adressé des lettres recommandées le 17 novembre 2015, reçues le 19 novembre 2015 à la compagnie Groupama Rhône Alpes Auvergne, aux fins de voir « (...) interrompre le délai pour prescrire (...) »,
- la SCI, ainsi que M. [R], ont envoyé des lettres recommandées le 16 juillet 2018, reçues le 18 juillet 2018, à la compagnie Groupama Rhône Alpes Auvergne, précisant en termes identiques « (...) Nous vous rappelons cette affaire qui remonte au 21 juillet 2014 (lettre A. R. du 22 juillet 2014 et lettre A. R. de prolongation de délai du 17 novembre 2015). L'échéance de la prolongation de la prescription arrivant (...), nous vous demandons de bien vouloir interrompre le délai pour prescrire (...) ».
Cependant, ainsi que l'a relevé avec pertinence le premier juge, un délai supérieur à deux ans s'est écoulé entre l'envoi des lettres recommandées le 17 novembre 2015 et celui des courriers du 16 juillet 2018.
Il résulte de tout ce qui précède que la prescription biennale se trouve acquise, rendant irrecevables les demandes de la SCI et de M. [L] [R].
L'ordonnance entreprise du premier juge est confirmée.
Sur les mesures accessoires
Conformément aux articles 696 et 699 du code de procédure civile, les dispositions de l'ordonnance dont appel ayant statué sur les dépens doivent être confirmées et les appelants sont condamnés in solidum aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Littner-Bibard sera ordonnée.
Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile ne sont réunies qu'en faveur de Groupama à laquelle il est globalement alloué la somme de 2 000 euros au titre de l'ensemble des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
- Confirme l'ordonnance entreprise en tous ses chefs critiqués,
Y ajoutant,
- Condamne in solidum la SCI « Les Sailliers de Bourgogne et M. [L] [R] :
. aux dépens d'appel, la SCP Littner-Bibard étant autorisée à recouvrer directement à leur encontre ceux dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision,
. à payer à Groupama Rhône-Alpes Auvergne la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Le greffier Le président