RUL/CH
S.E.L.A.R.L. MP ASSOCIES Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SAS LA CABEZA »
C/
[G] [Z]
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA - [Localité 6]
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 04 MAI 2023
MINUTE N°
N° RG 21/00541 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FX6A
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section Commerce, décision attaquée en date du 22 Juin 2021, enregistrée sous le n° 19/00297
APPELANTE :
S.E.L.A.R.L. MP ASSOCIES Es-qualités de « Mandataire liquidateur » de la «SAS LA CABEZA»
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Mathilde GAUPILLAT, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉS :
[G] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Anais BRAYE de la SELARL DEFOSSE - BRAYE, avocat au barreau de DIJON substituée par Me Michel DEFOSSE, avocat au barreau de DIJON
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA - [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 6]
représentée par Me Florence GAUDILLIERE, avocat au barreau de PARIS, et Me Carole FOURNIER, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE substituée par Me Justine CALO, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 Mars 2023 en audience publique devant la Cour composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre, Président,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
qui en ont délibéré,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,
ARRÊT rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par jugement du tribunal de commerce de Dijon du 16 juillet 2020, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société LA CABEZA et la SELARL MP ASSOCIES a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 29 juillet 2020, M. [G] [Z] a été licencié pour motif économique à titre conservatoire par le liquidateur judiciaire.
Par requête du 24 avril 2019, il a saisi le conseil de prud'hommes de Dijon afin, notamment, de juger que la société LA CABEZA s'est rendue coupable de travail dissimulé, de constater la rupture verbale du contrat de travail au 8 décembre 2018 et juger que cette rupture s`analyse en un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse et fixer ses créances afférentes sur la liquidation judiciaire de la société, outre un rappel de salaire et congés afférents.
Par jugement du 22 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Dijon a accueilli les demandes du salarié.
Par déclaration formée le 16 juillet 2021, la société LA CABEZA a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures du 12 octobre 2021, l'appelante demande de :
- infirmer le jugement déféré du 22 juin 2021 sauf en ce qu'il a débouté M. [Z] du surplus de ses demandes,
- débouter M. [Z] de l'intégralité de ses demandes,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [Z] de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires et du surplus de ses demandes,
- condamner M. [Z] à payer à la liquidation judiciaire de la société LA CABEZA la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [Z] aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures du 11 janvier 2022, M. [Z] demande de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
* dit et jugé que la société LA CABEZA s'est rendue coupable de travail dissimulé,
* dit que la rupture de la relation contractuelle s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- l'infirmer pour le surplus,
- juger que la société LA CABEZA s'est rendue coupable de travail dissimulé,
à titre principal :
- constater la rupture verbale du contrat de travail au 8 décembre 2018,
- juger que cette rupture s'analyse en un licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse et fixer sa créance sur la liquidation judiciaire de la société LA CABEZA comme suit :
* 3 095,05 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 309,50 euros au titre des congés payés afférents,
* 22 386,66 euros nets au titre d'indemnité pour travail dissimulé,
* 2 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour non paiement de salaire et déloyauté de l'employeur,
* 994,96 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 99,50 euros au titre des congés payés afférents, ou subsidiairement 1 929,28 euros bruts, outre 192,93 euros au titre des congés payés afférents,
* 160,77 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
* 3 000 euros nets à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le licenciement,
* 2 500 euros nets à titre de dommages-intérêts au titre de la réparation du préjudice résultant des circonstances de la rupture,
* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner à la SELARL MP ASSOCIES de lui remettre les documents suivants, établis conformément aux dispositions du jugement à intervenir :
* bulletins de salaire des mois de novembre et décembre 2018,
* un certificat de travail pour la période courant du 11 novembre au 8 décembre 2018,
* une attestation destinée à Pôle Emploi,
subsidiairement,
- juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et fixer sa créance sur la liquidation judiciaire de la société LA CABEZA comme suit :
* 3 095,05 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 309,50 euros au titre des congés payés afférents,
* 22 386,66 euros nets au titre d'indemnité pour travail dissimulé,
* 2 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour non paiement de salaire et déloyauté de l'employeur,
* 1 929,28 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier,
* 1 929,28 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 192,93 euros au titre des congés payés afférents,
* 803,87 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,
* 353,70 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
* 3 000 euros nets à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le licenciement,
* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonner à la SELARL MP ASSOCIES de lui remettre certificat de travail, attestation Pôle Emploi et solde de tout compte établis conformément aux dispositions du jugement à intervenir à la date du 29 août 2020,
en toute hypothèse,
- juger le jugement à intervenir opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 6],
- condamner la SELARL MP ASSOCIES aux dépens,
- débouter la Selarl MP ASSOCIES et l'AGS CGEA de leurs demandes, fins et prétentions.
Aux termes de ses dernières écritures du 25 octobre 2021, le centre de gestion et d'études AGS (CGEA) de [Localité 6], demande de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la rupture du contrat de travail était dépourvue de cause réelle et sérieuse, lui a octroyé des indemnités afférentes et jugé que son contrat de travail avait débuté le 10 novembre 2018 et lui a octroyé des indemnités afférentes,
- confirmer en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires ainsi que du surplus de ses demandes,
- constater que M. [Z] a démissionné le 7 décembre 2018,
- constater qu'il a été intégralement rempli de ses droits,
- juger que la demande de requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse est dénuée d'objet,
- le débouter de ses demandes,
en tout état de cause,
- "constater que l'ensemble Monsieur [Z] a été intégralement rempli de ses droits",
- débouter M. [Z] de ses demandes particulières,
à tout le moins, minorer notoirement sa demande de dommages et intérêts,
- juger qu'en aucun cas le Centre de Gestion et d'Etudes AGS ne saurait intervenir en garantie de sommes sollicitées au titre d'astreintes et de l'article 700 du code de procédure civile,
- constater en tout état de cause que la garantie AGS ne peut aller au-delà des limites prévues par les articles L.3253-8 et suivants du code du travail,
- juger que le montant maximal avancé par le Centre de Gestion et d'Etudes de l'AGS ne saurait être supérieur au montant du plafond applicable, toutes créances avancées pour le compte du salarié,
à titre infiniment subsidiaire et en tout état de cause,
- donner acte à l'AGS de ce qu'elle ne prendrait éventuellement en charge :
* que les salaires et accessoires, dans le cadre des dispositions des articles L.625-3 et suivants du code de commerce, uniquement dans la limite des articles L.3253-8 et suivants du code du travail,
* que les créances directement nées de l'exécution du contrat de travail et ne prendrait donc en charge, notamment, ni les dommages-intérêts pour résistance injustifiée ou pour frais irrépétibles, ni les astreintes, ni les sommes attribuées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L.3253-17 et L.3253-19 du code du travail,
- juger à ce titre que l'obligation du Centre de Gestion et d'Etudes AGS de [Localité 6] de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour relève que la société LA CABEZA conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande du salarié à titre de rappel de salaire pour la période d'exécution du contrat de travail du 1er au 7 décembre 2018. Néanmoins, si M. [Z] sollicite l'infirmation du jugement sur ce point, la cour constate qu'il ne formule dans le dispositif de ses conclusions aucune demande de rappel de salaire pour la période du 1er au 7 décembre 2018.
I - Sur la qualification de la relation de travail du 11 au 30 novembre 2018 :
Le contrat de travail implique une prestation de travail fournie pour autrui en contrepartie d'une rémunération et la soumission à une subordination juridique à la personne pour le compte de laquelle cette prestation est fournie.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L'existence d'une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité.
C'est à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence. À l'inverse, en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en apporter la preuve.
M. [Z] formule une demande de rappel de salaire pour la période du 11 au 30 novembre 2018, soutenant avoir travaillé pour la société LA CABEZA (exploitant le restaurant "le Me Si") à compter du 11 novembre 2018, en qualité de chef cuisinier, et ce avant l'ouverture officielle du restaurant à la clientèle le 1er décembre 2018.
Il soutient à cet égard avoir travaillé pendant cette période a minima 10 heures par jour, 7 jours sur 7, afin de concevoir la carte du restaurant, réaliser des essais de plats et aider à la mise en place de l'agencement des cuisines et du restaurant, outre des contacts réguliers avec les fournisseurs, et même "largement plus de 12 heures" à l'organisation et la cuisine des deux soirées d'inauguration du restaurant, les 30 novembre et 1er décembre 2018.
A l'appui de son affirmation il produit :
- un décompte de son temps de travail hebdomadaire (pièce n° 10),
- une attestation de M. [M], chef de cuisine au restaurant La Closerie, indiquant qu'il a démissionné en octobre 2018 pour rejoindre le restaurant le « Messi » comme chef de cuisine (pièce n° 1),
- une attestation de Mme [A] indiquant "nous étions au Flannery's quand [H] a débaucher [G]. Elle nous a parlé d'un restaurant espagnol place de la République", "[G] a commencé par crér la carte, faire des tests au restaurant par la suite. Le restaurant n'étais pas encore ouvert et toujour en traveau", "il y passait ces journées, de 9h jusqu'à presque 21h pour tout ranger, organiser la cuisine et faire les préparations. Il a commencé exactement le 10 novembre à aller tout les jours au restaurant. Je venais régulièrement le voir à la fin de mes service le midi, il y avait également [B] et [U] avec lui", "j'étais présente chez [B] avec eux quand ils ont préparer les prix de la carte et contacter les fournisseurs" (pièce n° 2),
- une attestation de Mme [K] [Z], soeur de M. [Z], indiquant avoir « résidé chez mon frère [G] [Z] du mercredi 29 août 2018 au dimanche 2 septembre 2018 » et avoir été « présente au Flannery's lorsque mon frère déjà débauché par Madame [N] en tant que chef du futur restaurant le Mesi, lui a présenté [B] [T] » (pièce n° 3),
- une attestation de M. [C] indiquant "étant ami proche de [G] [Z] et [B] [T], je suis allé plusieurs après-midi entre le 11 et 30 octobre dans le restaurant le MESI les voir pendant les travaux. Ils étaient entrain de nettoyer et organiser la cuisine ainsi que de faire les préparations préliminaires et essais pour le restaurant. Une fois le restaurant ouvert, je suis allé y manger la première semaine. (') Je peux donc constater avec certitude que [G] [Z] ET [B] [T] étaient présent pour le restaurant à compté du 11 octobre 2018" (pièces n° 4 et 41),
- un article de presse indiquant que dès le 1er novembre 2018, M. [N], gérant de la société LA CABEZA, affirmait avoir déjà "recruté quatre personne en cuisine" (pièce n° 5),
- une arborescence de messages électronique émanant de "Mme [E] - Flash exotique S49" et deux avis de prélèvement "groupe POMONA" et une proposition de tarifs du 13 novembre 2018 (pièces n° 6 et 39),
- deux photographies de lui-même en tenue de travail datant des 29 novembre et 1er décembre 2018, (pièce n° 8),
- deux attestations de ses grands-parents (pièce n° 9),
- plusieurs conversations messenger de M. [T] avec Mme [S], commis de cuisine au restaurant le Me'si, courant novembre 2018 (pièces n° 14 à 22),
- une offre de prix du fournisseur PASSION FROID au restaurant le Me'Si du 13 novembre 2018, prouvant une activité au mois de novembre 2018 (pièce n° 23), - le cours du jour du fournisseur EXCELLENCE France du 13 novembre 2018 et un courrier électronique du 21 novembre 2018 adressé au restaurant le Me'Si (pièce n° 24),
- une liste des denrées transmise par Mme [S] à M. [T] le 14 novembre 2018 (pièce n° 25),
- plusieurs conversations messenger entre MM. [Z], [T] et Mme [S] courant novembre 2018 (pièces n° 26, 27, 29 à 32),
- une liste de projets de tapas transmises par M. [T] (pièce n° 28).
L'employeur conteste toute embauche effective antérieure au 1er décembre 2018 et oppose que les éléments produits par le salarié à l'appui de son affirmation sont dépourvus de force probante et parsemés d'erreurs de date ou d'inexactitudes.
Néanmoins, la cour relève en premier lieu que pour justifier de la prestation de travail qu'il prétend avoir effectué au sein du restaurant avant son ouverture officielle le 1er décembre, M. [Z] produit de multiples conversations Messenger qui concernent en réalité M. [T] et non lui-même.
Par ailleurs, étant relevé que les annotations manuscrites ajoutées sont sans valeur probante puisqu'elles tendent, de façon subjective, à orienter a posteriori la cour sur le sens à donner aux messages effectivement échangés, la plupart des conversations qu'il a échangé avec M. [T] et Mme [S] évoquent, hors de tout contexte défini, des rendez-vous qu'ils se donnent les uns aux autres le jour même ou le lendemain, sans dire ce qu'ils vont faire ou l'endroit où ils comptent se rendre, ce qui ne permet pas d'en tirer la moindre conclusion sur le travail qu'il prétend avoir accompli, la teneur des propos et le ton employé démontrant au contraire une proximité pouvant aisément justifier qu'ils se retrouvent régulièrement sans lien avec un quelconque travail pour le restaurant le Me Si.
De plus, l'employeur justifie d'une facture de travaux d'un montant de 34 999,99 euros, ce qui pour une facture intermédiaire, démontre l'ampleur des travaux effectués en amont de l'ouverture du restaurant (pièce n° 3) et exclut tout travail en cuisine, ampleur confirmée par l'article de presse produit par M. [Z] lui-même.
A cet égard, le fait que le gérant y annonce l'embauche de 4 salariés en cuisine ne suffit pas à établir le caractère effectif de ces embauches avant l'ouverture du restaurant, ce d'autant que les propos qui lui sont prêtés sont indirects puisqu'ils ont fait l'objet d'une retranscription par un journaliste (pièce n° 5).
S'agissant des attestations produites, elles ne sont pas de nature à établir la réalité du travail allégué, soit parce qu'elles ne l'évoque pas (pièces n° 1 et 9), soit parce qu'elles émanent de proches de M. [Z] (petite-amie, soeur, ami) ce qui ne permet pas à la cour de s'assurer de l'authenticité et de l'objectivité des propos qui y sont tenus et donc de les prendre en compte (pièces n° 2 à 4).
De plus, l'employeur produit un décompte intitulée "[G]", attribué sans être contredit à M. [Z], dans lequel celui-ci fait mention des heures effectuées au cours de la semaine du 26 novembre au 2 décembre 2018, dont l'examen révèle que seuls les 1er et 2 décembre sont renseignés, ce conformément au contrat de travail (pièce n° 6).
Enfin, s'il est admis que l'un des deux clichés photographiques produits date du 29 novembre 2018, soit la veille de l'embauche, l'employeur lui attribue sans être contredit une vocation promotionnelle pour annoncer sur les réseaux sociaux l'ouverture imminente du restaurant et ne constituent pas une preuve d'un travail accompli depuis le 10 novembre précédent. D'ailleurs aucune des deux photos ne montre M. [Z] en train de travailler, seulement en tenue de travail dans une posture posée.
Quant à la vidéo annoncée en pièce A, elle n'est produite que sous la forme d'une clé USB non exploitable par la cour.
Au surplus, ainsi que le relève l'employeur, la spécialité du restaurant ("tapas") n'est pas compatible avec l'ampleur du travail de conception, préparation et test que M. [Z] prétend avoir effectué (pièce n° 4), celui-ci entretenant dans ses écritures une confusion entre la préparation d'un plat à servir à un client (dont il produit des photos à titre d'exemple - pièces n° 33 et 40), et la prétendue conception préalable de leur recette.
M. [Z] ne démontre pas non plus un quelconque lien de subordination juridique à la personne pour le compte de laquelle il prétend avoir fourni la prestation de travail alléguée.
Dès lors, la cour considère que M. [Z] échoue à démontrer la réalité du travail qu'il prétend avoir effectué du 10 au 30 novembre 2018, de sorte que ses demandes à titre de rappel de salaire, de remise d'un bulletin de salaire afférent, et de dommages-intérêts pour travail dissimulé et pour exécution déloyale du contrat de travail seront rejetées, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
II - Sur le licenciement verbal du 8 décembre 2018 :
M. [Z] soutient que la rupture de la relation contractuelle est intervenue verbalement le 8 décembre 2018 et que cette rupture, sans cause réelle et sérieuse, revêt en outre un caractère brutal et vexatoire.
A l'appui de son affirmation, il produit :
- une lettre de son avocat du 20 mai 2019 dans laquelle il soutient "avoir fait l'objet d'une éviction verbale" (pièce n° 34),
- une conversation messenger entre M. [T] et Mme [S]du 10 novembre 2018 évoquant le fait que 3 personnes sont présentes en cuisine, dont il déduit qu'il a déjà été remplacé à cette date (pièce n° 35),
- une conversation messenger du 4 décembre 2018 avec ses collègues de cuisine sur le projet de menu de noël, preuve selon lui de son intention de continuer à travailler (pièce n° 36).
L'employeur indique pour sa part que cette allégation est inexacte et ajoute que le 8 décembre ayant été chômé et payé en raison du mouvement dit "des gilets jaunes", M. [Z] a cessé de se présenter à son poste et de fournir sa prestation de travail à compter du lundi 10 décembre 2018, de sorte que son contrat de travail a été suspendu jusqu'à la liquidation judiciaire de la société. Il justifie à cet égard de l'établissement des bulletins de salaire (pièce n° 9).
En l'espèce, peu important que M. [Z] ait attendu le 24 avril 2019, soit 5 mois après le licenciement verbal allégué, pour saisir le conseil de prud'hommes, la cour constate qu'il procède par voie d'affirmation, les éléments qu'il produit n'établissant aucunement le licenciement verbal allégué, et par voie d'interprétation s'agissant du message échangé par Mme [S] et M. [T] le 10 décembre 2018.
Au contraire, il ressort de l'attestation de Mme [V] que "[G] [Z] m'a dit à plusieurs reprises : « Nous on fait de la cuisine semi-gastronomique. On sort d'un restaurant étoilé, on n'est pas là pour faire de la cuisine familiale » et elle ajoute "[G] [Z] et [B] [T] m'ont dit le 06/12/2018 « on ne veut pas cuisiner ces conneries là », « Si elle ne nous laisse pas faire notre cuisine, on ira travailler dans un restaurant qui nous laissera faire », "le dernier soir où je les ai vu, le 07/12/2018, [G] [Z] m'a expressément dit « je compte quitter le restaurant, et si je pars, [B] viendra avec moi » (pièce n° 8).
En conséquence, étant au surplus rappelé qu'il n'est fait aucunement obligation à l'employeur de s'enquérir auprès de son salarié du motif de son absence ou de sa situation, les prétentions de M. [Z] à ce titre (indemnité compensatrice de préavis, et congés afférents, dommages- intérêts pour "préjudice causé par le licenciement" et dommages-intérêts au titre des circonstances brutales de la rupture, remise d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi) ne sont pas fondées et seront en conséquence rejetées, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
III - Sur le bien fondé du licenciement du 29 juillet 2020 :
M. [Z] conteste à titre subsidiaire le bien fondé de son licenciement pour motif économique intervenu le 29 juillet 2020 en raison d'un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement.
Il ajoute que la procédure de licenciement est irrégulière.
a - Sur le reclassement :
M. [Z] soutient que la brièveté du délai séparant la date de liquidation judiciaire (16 juillet 2020) de la date de notification du licenciement (29 juillet 2020) est exclusive d'une recherche suffisante de reclassement et ajoute que le liquidateur ne justifie pas des recherches alléguées auprès des sociétés du groupe sur les postes disponibles susceptibles de correspondre à la qualification professionnelle du salarié, de sorte que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
L'employeur oppose que le licenciement est justifié par le jugement de liquidation (pièce n° 20) et ajoute que :
- en présence d'un jugement de liquidation, le liquidateur doit procéder au licenciement sous 15 jours afin de permettre une prise en charge par l'AGS,
- aucun reclassement n'était envisageable, la société LA CABEZA étant liquidée tous les postes ont bien évidemment été supprimés,
- du fait de son absence lors de l'entretien préalable au licenciement, le liquidateur lui a adressé le dossier de CSP par lettre recommandée du 27 juillet 2020 (pièce n° 19) même si du fait de son ancienneté inférieure à un an, il ne pouvait bénéficier de ce dispositif, de sorte qu'il ne subit aucun préjudice.
Néanmoins, étant relevé que M. [Z] ne remet pas en cause le caractère économique de son licenciement mais seulement l'absence d'une recherche de reclassement, la cour rappelle que le liquidateur n'est pas dispensé de rechercher loyalement le reclassement du salarié objet d'un licenciement économique consécutif à la liquidation judiciaire de son employeur.
Or sur ce point, il n'est justifié d'aucune démarche de nature à confirmer la mention figurant dans la lettre de licenciement selon laquelle "j'ai interrogé les sociétés du groupe sur les postes disponibles susceptibles de correspondre à votre qualification professionnelle. [...] Je n'ai à ce jour pas eu de réponse positive de leur part " (pièce n° 17).
Il s'en déduit que le licenciement a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières, M. [Z] sollicite les sommes suivantes :
- 1.929,28 euros bruts à titre de "rappel de salaire sur préavis", outre 192,93 euros au titre des congés payés afférents, demande ambigue que la cour analyse comme une demande d'indemnité compensatrice de préavis,
- 803,87 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,
- 353,70 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
- 3 000 euros nets à titre de dommages intérêts "en réparation du préjudice causé par le licenciement".
La société LA CABEZA conclut au rejet de ces demandes.
L'AGS-CGEA de [Localité 6] oppose que M. [Z] sollicite la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors qu'il n'avait que 7 jours d'ancienneté, le contrat de travail ayant été rompu le 7 décembre 2018 et ajoute qu'il ne justifie d'aucun préjudice.
Néanmoins, il ressort des développements qui précèdent que la rupture du contrat de travail ne résulte pas de l'absence injustifiée du salarié à compter du 8 décembre 2018 mais de son licenciement le 29 juillet 2020.
Par ailleurs, si une période de suspension du contrat de travail n'a pas à être prise en compte dans le calcul de l'ancienneté, l'absence injustifiée du salarié ne caractérise pas juridiquement une telle cause de sorte que l'ancienneté de M. [Z] s'établit à 1 an et 9 mois, durée du préavis comprise.
Compte tenu des circonstances du licenciement et de la situation du salarié, les créances suivantes seront fixées au passif de la liquidation judiciaire :
- 1 929,28 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 192,93 euros au titre des congés payés afférents,
- 844,06 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 1 929,28 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
S'agissant de la demande à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, M. [Z] soutient ne pas avoir été indemnisé des 5,5 jours de congés payés acquis à la rupture du contrat (3 jours apparaissant sur le bulletin de salaire de juin 2019 - pièce n° 9 + 2,5 jours acquis durant le mois de préavis).
Il résulte des pièces produites que si l'employeur justifie du paiement de 636,06 euros bruts (458,57 euros nets - pièces n° 9 et 10) correspondant au bulletin de salaire du mois de décembre 2018 sur lequel est fait mention des 2,5 jours de congés payés réclamés, il résulte du bulletin de paye de juin 2019 que pour la période postérieure 3 jours sont dûs et l'employeur ne justifie pas de leur paiement.
Il s'en déduit que M. [Z] est fondé à en réclamer le paiement. Il lui sera en conséquence alloué la somme de 192,97 euros, étant précisé que les 2,5 jours réclamés au titre du préavis s'ajoutent à l'indemnité compensatrice de préavis ci-dessus définie.
b - Sur l'irrégularité de la procédure de licenciement :
M. [Z] soutient que :
- le liquidateur l'a convoqué à un entretien préalable le 16 juillet 2020 pour un entretien fixé le "27 juin 2020" (pièce n° 18) et qu'en réalité cet entretien ne s'est donc pas tenu,
- le délai ayant séparé l'entretien préalable, qui aurait été organisé le 27 juillet 2020, et la notification du licenciement le 29 juillet 2020 est contraire à l'article L1233-15 du code du travail qui le fixe à au moins 7 jours.
Au titre de la procédure irrégulière M. [Z] sollicité la somme de 1 929,28 euros correspondant à un mois de salaire.
La société LA CABEZA admet que la convocation à l'entretien préalable est entachée d'une erreur de plume sur la date de celui-ci mais que cette erreur est sans emport sur sa validité puisque la convocation, à la dernière adresse connue du salarié, est revenue au motif que le salarié n'habite plus à l'adresse indiquée (pièces n° 17 et 18).
Néanmoins, l'article L1235-2 dernier alinéa du code du travail dispose que lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure de licenciement et que celui-ci est fondé sur une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
Le licenciement de M. [Z] étant sans cause réelle et sérieuse, la demande sera rejetée sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la cause d'irrégularité alléguée.
IV - Sur la garantie de l'AGS
Il n'y a pas lieu de rappeler les limites de la garantie de l'AGS qui sont déterminées par la loi et notamment les articles L. 3253-8 à L. 3253-13, L. 3253-17, R. 3253-5 et L. 3253-19 à L. 3253-23 du code du travail.
Par ailleurs, l'AGS-CGEA de [Localité 6] étant partie à la procédure, la demande de M. [Z] visant à ce que l'arrêt à intervenir lui soit déclaré opposable est sans objet et sera donc rejetée.
V - Sur les demandes accessoires :
- Sur la transmission du jugement déféré au procureur de la République :
La société LA CABEZA sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit qu'une copie sera transmise au procureur de la République prés le tribunal judiciaire de Dijon pour éventuelles poursuites à donner.
Il résulte des développements qui précèdent qu'aucun élément ne justifie une telle transmission. Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.
- Sur le salaire de référence :
La société LA CABEZA sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a fixé la moyenne des salaires à la somme de 2 238,31 euros bruts.
L'article R1454-28 alinéa 2 du code du travail dispose que sont de droit exécutoires à titre provisoire, notamment, le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R. 1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Cette moyenne est mentionnée dans le jugement.
En l'espèce, ce texte relatif à l'exécution provisoire n'est pas applicable devant la cour d'appel. La demande formulée est donc sans objet.
- Sur la remise des bulletins de paye et des documents de fin de contrat :
La SELARL MP ASSOCIES, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société LA CABEZA, sera condamnée à remettre à M. [Z] :
* un certificat de travail,
* une attestation Pôle Emploi,
* un solde de tout compte,
établis conformément au présent arrêt.
- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Le jugement déféré sera confirmé sur ces points.
Les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel seront rejetées.
La SELARL MP ASSOCIES, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société LA CABEZA, succombant pour l'essentiel, elle supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Dijon du 22 juin 2021 sauf en ce qu'il a :
* rejeté la demande de M. [Z] de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
* ordonné l'inscription des dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société LA CABEZA représentée par la SELARL MP ASSOCIES, prise en la personne de Maître [I] [P], mandataire liquidateur,
- rejeté les demande de la SELARL MP ASSOCIES, prise en la personne de Maître [I] [P], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société LA CABEZA,
- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société LA CABEZA la créance de 1 000 euros de M. [G] [Z] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant
REJETTE les demandes de M. [G] [Z] à titre de rappel de salaire, de remise d'un bulletin de salaire, de dommages-intérêts pour travail dissimulé et pour exécution déloyale du contrat de travail afférentes à la période prétendument travaillée du 10 au 30 novembre 2018,
REJETTE les demandes de M. [G] [Z] à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés afférents, de dommages-intérêts pour "préjudice causé par le licenciement" et de dommages-intérêts au titre des circonstances brutales de la rupture, de remise d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi afférentes au prétendu licenciement verbal du 8 décembre 2018,
DIT que le licenciement du 29 juillet 2020 est sans cause réelle et sérieuse,
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société LA CABEZA les créances suivantes de M. [G] [Z] :
- 1 929,28 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 192,93 euros au titre des congés payés afférents,
- 844,06 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 1 929,28 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 192,97 euros à titre de rappel de congés payés,
REJETTE la demande de M. [G] [Z] à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour le mois de décembre 2018 et à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,
REJETTE la demande de M. [G] [Z] visant à ce que le présent arrêt soit opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 6],
REJETTE la demande de la SELARL MP ASSOCIES, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société LA CABEZA, au titre du salaire de référence,
REJETTE les autres demandes de l'AGS CGEA de [Localité 6],
CONDAMNE la SELARL MP ASSOCIES, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société LA CABEZA, à remettre à M. [G] [Z] :
* un certificat de travail,
* une attestation Pôle Emploi,
* un solde de tout compte,
établis conformément au présent arrêt,
REJETTE les demandes des parties au titre de l'article 700 code de procédure civile,
CONDAMNE la SELARL MP ASSOCIES, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société LA CABEZA, aux dépens d'appel.
Le greffier Le président
Kheira BOURAGBA Olivier MANSION