KG/CH
Caisse d'Allocations Familiales de la Haute-Marne (CAF)
C/
[E] [Z]
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 27 AVRIL 2023
MINUTE N°
N° RG 20/00405 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FRXL
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Pôle social du Tribunal Judiciaire de CHAUMONT, décision attaquée en date du 31 Juillet 2020, enregistrée sous le n° 19/00006
APPELANTE :
Caisse d'Allocations Familiales de la Haute-Marne (CAF)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Céline GROMEK de la SCP BOCQUILLON-BOESCH-GROMEK, avocat au barreau de la HAUTE-MARNE
INTIMÉE :
[E] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 3]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/000949 du 19/03/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Dijon)
représentée par Me Damien WILHELEM de la SCP WILHELEM CHAPUSOT BOURRON, avocat au barreau de la HAUTE-MARNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Février 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
A l'issue d'un contrôle effectué le 19 juillet 2018, sur la situation familiale de Mme [Z] [E], déclarée allocataire isolée, la caisse d'allocations familiales de la Haute Marne (CAF) a notifié, le 27 décembre 2018, le remboursement d'un indu d'un montant de 21 870,18 euros correspondant aux prestations sociales versées du 1er juin 2016 au 30 septembre 2018, et le versement d'une pénalité d'un montant de 1 875 euros, pour fraude de dissimulation de vie maritale avec M. [R] depuis le 1er janvier 2016.
Après saisine infructueuse de la commission de recours amiable de la caisse, Mme [Z] a porté sa contestation devant le pôle social du tribunal judiciaire de Chaumont qui, par décision en date du 31 juillet 2020, a :
- déclaré Mme [Z] recevable en son recours,
- dit que Mme [Z] a frauduleusement dissimulé à la CAF de la Haute-Marne sa situation avérée de concubinage avec M. [R] sur la période considérée du 1er juin 2016 au 30 septembre 2018, dans le but de percevoir des prestations sociales auxquelles elle n'aurait pu prétendre au regard des revenus de son ménage,
- confirmé la décision contestée de la commission de recours amiable en date du 6 novembre 2018,
- dit que Mme [Z] est conséquemment tenue de remboursement d'un indu à la CAF de la Haute-Marne, valant au titre de diverses prestations familiales indûment perçues sur la période du 1er juin 2016 au 30 septembre 2018,
- fixé la créance en répétition de l'indu de la CAF de la Haute-Marne à l'encontre de Mme [Z] à la somme de 25 821,63 euros, laquelle valant au titre du versement indu à cette dernière du montant des prestations familiales sur la période considérée du 1er juin 2016 au 30 septembre 2018,
- décidé de faire application des dispositions de l'article 1302-3 du code civil,
- réduit le montant de la restitution de l'indu à la somme de 15 000 euros,
en conséquence,
- condamné Mme [Z] à payer à la CAF de la Haute-Marne la somme de 15 000 euros valant en remboursement dudit indu,
- condamné Mme [Z] à payer à la CAF de la Haute-Marne la somme de 1 785 euros à titre de pénalité administrative sanctionnant une dissimilation frauduleuse,
- débouté les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires,
- laissé aux parties la charge de leurs dépens respectifs éventuels.
Par déclaration enregistrée le 6 novembre 2020, la CAF de la Haute-Marne a relevé appel de cette décision.
Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par voie électronique le 28 janvier 2021 et reprises à l'audience, elle demande à la cour de :
- dire et juger son appel recevable et bien fondé,
- infirmer le jugement en ce qu'il a fait application de l'article 1302-3 du code civil,
en conséquence,
- condamner Mme [Z] à lui rembourser le montant des prestations sociales indûment perçues de 25 821,63 euros, en deniers ou quittances le cas échéant pour tenir compte des retenues qui ont pu être opérées,
- condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [Z] aux entiers dépens de l'instance.
Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 23 février 2021 et reprises à l'audience sans ajout ni retrait au cours des débats, Mme [Z] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 31 juillet 2020,
- dire et juger que la CAF ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un lien marital,
- dire et juger que la CAF devra procéder au remboursement des prélèvements effectués sur les prestations versées à Mme [Z],
- débouter la CAF de l'ensemble de ses demandes,
subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a réduit le montant de la restitution à la somme de 15 000 euros.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.
MOTIFS
- Sur la créance de la CAF :
Les conditions légales et réglementaires d'attribution des prestations formant l'indu réclamé ne font pas l'objet de discussions. Seules sont en litige l'appréciation de la situation familiale de Mme [Z], ainsi que la réduction de l'indu.
Sur la situation de l'allocataire :
La caisse a effectué un contrôle des déclarations de Mme [Z], bénéficiaire de prestations familiales en tant qu'allocataire isolée, avec six enfants dont cinq au foyer, et sans emploi.
Il résulte du rapport d'enquête établi le 19 juillet 2018 (pièce n° 1) par le contrôleur assermenté de la caisse que ce dernier a relevé un constat de vie commune entre Mme [Z] et M. [R], en considération des éléments suivants :
* une adresse commune auprès des services postaux, celle de M. [R], à Pôle emploi et à la CPAM avec celle de Mme [Z],
* l'exercice du droit de communication bancaire a démontré que M. [R] était titulaire d'un compte bancaire domicilié à l'adresse de Mme [Z], à compter du 26 août 2016 et un autre compte à compter de 2017,
* l'entretien téléphonique avec le baîlleur du logement de Mme [Z] révèle des versements effectués par M. [R], en espèce, pour régler le solde du loyer, en complément de l'aide au logement versée par la caisse,
* les factures d'électricité du logement de Mme [Z] sont au nom de M. [R],
* l'attestation du maire de la ville de [Localité 3] qui indique : "effectivement Mme [Z] vit avec M. [R]."
Au vu de ces éléments, le contrôleur assermenté a conclu que Mme [Z] vit en couple avec M. [R] et que ses droits aux prestations familiales seront modifiées.
Mme [Z] ne contredit pas sérieusement les constatations matérielles détaillées dans le rapport de contrôle puisqu'est jointe sa déclaration reconnaissant qu'elle vit en concubinage avec M. [R] depuis le 1er janvier 2016.
Les attestations produites par Mme [Z] (déclaration de M. [R], attestations des membres de la famille de M. [R]) (pièces n° 1 à 3 et de 6 à 13) ne sont pas de nature à exclure une vie commune avec M. [R].
Par ailleurs, les attestations de Pôle emploi et de l'assurance maladie de M. [R] avec une adresse différente de celle de Mme [Z] sont datées du 1er janvier 2019, et ne concernent pas la période visée par le contrôle de la caisse.
En conséquence, au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté Mme [Z] de sa contestation de l'indu notifié.
Le jugement sera donc confirmé sur ce chef.
- Sur la pénalité pour fraude :
Selon l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à l'espèce, peuvent faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme chargé de la gestion des prestations familiales ou des prestations d'assurance vieillesse, au titre de toute prestation servie par l'organisme concerné :
1° L'inexactitude ou le caractère incomplet des déclarations faites pour le service des prestations ;
2° L'absence de déclaration d'un changement dans la situation justifiant le service des prestations.
En l'occurrence, Mme [Z] n'a pas déclaré son changement de situation familiale à savoir sa vie en concubinage avec M. [R] à partir du 1er janvier 2016 alors qu'elle se déclarait allocataire isolée.
Le prononcé par le directeur de la caisse d'allocations familiales d'une pénalité pour fraude était donc justifié et la caisse d'allocations familiales a demandé la confirmation du jugement qui a confirmé de ce chef la décision de la caisse.
Le jugement sera donc confirmé sur ce chef.
- Sur la réduction de l'indu :
La caisse soutient que les premiers juges ont statué ultra petita en réduisant le montant de l'indu alors que Mme [Z] n'avait pas sollicité cette demande. La caisse estime que la demande de Mme [Z] en appel ne peut prospérer en raison de la fraude pour dissimulation de vie en concubinage.
Mme [Z] sollicite la fixation de la créance à la somme de 15 000 euros, en indiquant "eu égard aux circonstances" et sans préciser le fondement juridique de sa demande.
Mme [Z] peut solliciter par une demande reconventionnelle concernant la réduction de l'indu en appel.
Les premiers juges ont fondé leur motivation sur les dispositions de l'article 1302-3 du code civil pour réduire le montant de l'indu.
Cependant, les dispositions de l'article 1302-3 du code civil ne peuvent s'appliquer.
En effet, l'article 1302-3, alinéa 2, du code civil, dans une version applicable au litige, prévoit que la restitution de l'indu « peut être réduite si le paiement procède d'une faute ».
Or la caisse n'a commis aucune faute dans la mesure où elle procède par un contrôle a posteriori des prestations versées et qu'elle présume que le prestataire est de bonne foi.
De plus, la fraude pour dissimulation de vie en concubinage est caractérisée à l'encontre de Mme [Z].
Enfin, il résulte de l'article L.553-2 du code de la sécurité sociale que la créance de l'organisme peut être réduite ou remise en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manoeuvres frauduleuses de fausse déclaration.
Cette demande de remise de dette relève de la compétence exclusive du directeur de l'organisme social, s'agissant d'une remise à titre gracieux qui suppose une reconnaissance du principe de la dette, non acquise à ce jour au regard de la présente procédure.
La demande de Mme [Z] est donc irrecevable à ce titre.
Le jugement sera donc infirmé sur ce chef.
- Sur les autres demandes :
Il n'y a pas lieu d'appliquer les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [Z] supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par décision contradictoire,
CONFIRME le jugement du 31 juillet 2020 sauf "en ce qu'il a réduit le montant de la restitution de l'indu à la somme de 15 000 euros",
Statuant à nouveau :
- Condamne Mme [Z] à verser à la caisse d'allocations familiales de la Haute Marne la somme de 21 870,18 euros correspondant au remboursement de l'indu du montant des prestations familiales sur la période du 1er juin 2016 au 30 septembre 2018,
Y ajoutant :
- Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne Mme [Z] aux dépens d'appel.
Le greffier Le président
Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION