OM/CH
ASSOCIATION BEAUNOISE DE PROTECTION DE L'ENFANCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
C/
[W] [H]
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 13 AVRIL 2023
MINUTE N°
N° RG 21/00514 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FXVX
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section Activités Diverses, décision attaquée en date du 24 Juin 2021, enregistrée sous le n° F 20/00429
APPELANTE :
ASSOCIATION BEAUNOISE DE PROTECTION DE L'ENFANCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Clémence PERIA de la SELARL LLAMAS ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉ :
[W] [H]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par M. [N] [G] (Délégué syndical ouvrier), muni d'un pouvoir en date du 10 mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mars 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Olivier MANSION, Président de chambre chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [H] (le salarié) a été engagé le 17 décembre 2018 par contrat à durée déterminée en qualité d'assistant en ressources humaines par l'association beaunoise de protection de l'enfance (l'employeur).
Il a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur le 3 mai 2019.
Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes qui, par jugement du 24 juin 2021, a requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 17 décembre 2018, a dit que la prise d'acte de rupture produisait les effets d'un licenciement nul et a condamné l'employeur au paiement de diverses sommes à ce titre et pour non-respect du statut protecteur.
L'employeur a interjeté appel le 8 juillet 2021.
Il conclut à l'infirmation partielle du jugement sur la violation du statut protecteur en ce qu'il lui serait inopposable, admet que le contrat de travail est un contrat à durée indéterminée et qu'il doit une indemnité de requalification à ce titre, ajoute que la prise d'acte de rupture n'est pas "légitimée" et sollicite le paiement de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est demandé, à titre subsidiaire, de limiter le montant des sommes à accorder au salarié.
Le salarié demande la confirmation partielle du jugement, sauf à obtenir le paiement, à titre subsidiaire, de la somme de 10 649 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en tout état de cause, 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA pour l'appelante le 24 mars 2022 et reçues le 6 janvier 2022 pour le salarié.
MOTIFS :
La cour n'est pas saisie de la question relative à la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de l'indemnité due à ce titre.
Sur l'opposabilité du statut protecteur :
L'article L. 1453-9 du code du travail dispose que le licenciement du défenseur syndical est soumis à la procédure d'autorisation administrative prévue au livre IV de la deuxième partie.
L'article L. 2411-1, 19°, du même code dispose que bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, le défenseur syndical mentionné à l'article L. 1453-4.
Il est jugé que le défenseur syndical, pour bénéficier de cette protection liée à un mandat extérieur à l'entreprise, doit en informer l'employeur, au plus tard lors de la convocation à l'entretien préalable en cas de procédure de licenciement ou avant la notification de l'acte de rupture dans le cas où cette dernière n'est pas précédée d'un entretien préalable, sauf à ce qu'il rapporte la preuve que l'employeur avait connaissance de ce mandat.
En l'espèce, il est établi que le salarié est défenseur syndical.
L'employeur soutient qu'il n'avait pas connaissance de cette qualité au moment de la prise d'acte du 3 mai 2019.
Le salarié répond qu'il en a informé l'employeur par lettre du 2 mai et par mail du 3 mai 2019.
Les parties admettent que la requalification du contrat à durée déterminée prévu du 18 février au 30 avril 2019 en contrat à durée indéterminée, de sorte que ce contrat continuait à produire effet le 3 mai 2019.
Ce jour, le salarié a adressé un mail à la directrice de l'association, Mme [P], à 9 heures 12, où il indique que : "n'ayant aucun contrat de travail, je considère que ma mission prend fin à 17 heures" (pièce n° 18).
Par un autre mail, du même jour, à 9 heures 13 (pièce n° 19), il informe l'association de : "vous trouverez ci-joint ma désignation".
Le salarié a adressé une pièce jointe à ce mail consistant en une lettre datée du 2 mai portant à la connaissance de l'employeur de : "sa qualité de défenseur syndical auprès des conseils de prud'hommes et cours d'appel de Bourgogne Franche-Comté".
Ces mails ont été doublés de deux lettres recommandées reçues les 6 et 7 mai 2019 selon les avis de réception produits (pièces n° 20 et 21).
Il en résulte que le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 3 mai à 9 heures 12 et qu'il n'a informé l'employeur de sa qualité de défenseur syndical qu'après la prise d'acte, à 9 heures 13, dès lors qu'il ne démontre pas avoir remis à l'employeur la lettre datée du 2 mai, ce jour-là.
Il ne peut donc pas bénéficier du statut protecteur attaché à ce mandat extérieur.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de dommages et intérêts pour violation de ce statut protecteur.
Par ailleurs, la prise d'acte ne peut produire les effets d'un licenciement nul à ce titre.
Sur la prise d'acte de rupture du contrat de travail :
La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement suffisamment grave de celui-ci qui empêche la poursuite du contrat de travail.
Si les faits invoqués par le salarié justifient la rupture du contrat de travail, dans ce cas elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à défaut, celui d'une démission.
Ici, le salarié indique, dans le mail valant prise d'acte de rupture, qu'il ne bénéficie d'aucun contrat alors que la relation de travail a continué après l'échéance du contrat à durée déterminée.
Il considère donc que le 3 mai, alors que le contrat à durée déterminée a pris fin le 30 avril, que le contrat s'est poursuivi pour une durée indéterminée sans écrit régularisant la situation.
La relation de travail s'est poursuivie effectivement pour une durée indéterminée, comme ne pouvait l'ignorer un salarié défenseur syndical et chargé d'une mission de ressources humaines au sein de l'association.
L'absence d'écrit n'est donc pas un manquement suffisamment grave dès lors que le salarié bénéficiait d'un contrat à durée indéterminée et alors qu'il a participé à une réunion, le 2 mai 2019, le matin, pendant une heure, avec les élus du personnel sur une éventuelle embauche définitive, mais à l'issue de laquelle il lui a été indiqué que seul un nouveau contrat à durée déterminée pourrait être envisagé, sans qu'il ait fait part, à cette occasion, de la poursuite du contrat.
Par ailleurs, ce manquement ne rendait pas impossible la poursuite du contrat de travail laquelle était déjà effective, comme l'admet l'employeur mais aussi le salarié puisqu'il indique avoir travaillé les 2 et 3 mai, dès la continuation de la relation de travail après le terme du contrat à durée déterminée.
Il en résulte que la prise d'acte de rupture produit les effets d'une démission et que les demandes d'indemnisation seront rejetées, ce qui implique l'infirmation du jugement.
Sur les autres demandes :
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du salarié et le condamne à payer à l'employeur la somme de 1 500 euros.
Le salarié supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par décision contradictoire et dans les limites de l'appel :
- Infirme le jugement du 24 juin 2021 ;
Statuant à nouveau :
- Dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail intervenue le 3 mai 2019 à 9 heures 12 produit les effets d'une démission ;
- Rejette toutes les demandes de M. [H] ;
Y ajoutant :
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [H] et le condamne à payer à l'association beaunoise de protection de l'enfance la somme de 1 500 euros ;
- Condamne M. [H] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier Le président
Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION