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13/04/2023 | FRANCE | N°21/00499

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 13 avril 2023, 21/00499


DLP/CH













Organisme CAISSE CENTRALE D'ACTIVITES SOCIALES DU PERSONNEL DES INDUSTRIES ELECTRIQUE ET GAZIERE





C/



[X] [J]



S.A.S. ADECCO FRANCE









































Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 13 AVRIL 2023



MINUTE N°



N° RG 21/00499 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FXPE



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHALON-SUR-SAÔNE, section Activités Diverses, décision a...

DLP/CH

Organisme CAISSE CENTRALE D'ACTIVITES SOCIALES DU PERSONNEL DES INDUSTRIES ELECTRIQUE ET GAZIERE

C/

[X] [J]

S.A.S. ADECCO FRANCE

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 13 AVRIL 2023

MINUTE N°

N° RG 21/00499 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FXPE

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHALON-SUR-SAÔNE, section Activités Diverses, décision attaquée en date du 01 Juin 2021, enregistrée sous le n° 20/00264

APPELANTE :

Organisme CAISSE CENTRALE D'ACTIVITÉS SOCIALES DU PERSONNEL DES INDUSTRIES ÉLECTRIQUE ET GAZIÈRE

[Adresse 5]

[Localité 6]/France

représentée par Me Fabrice FEVRIER de la SELARL 3S AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Pierre VIGNAL, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

[X] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Brigitte DEMONT-HOPGOOD de la SELARL HOPGOOD ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE substituée par Me Pierre NDONG NDONG, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

S.A.S. ADECCO FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Pierre COMBES de la SELAS CMS FRANCIS LEFEBVRE LYON AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Cécilia MOTA, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mars 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant DelphineLAVERGNE-PILLOT, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [J] a été engagé à compter du 24 février 2015 par la Caisse Centrale d'Activités Sociales de Bourgogne Franche-Comté (la CCAS) par une succession de contrats à durée déterminée et de contrats de mission d'intérim via les agences intérimaires Manpower et Adecco.

Il a été employé successivement en qualité d'agent de restauration, de commis de cuisine et de chef cuisinier, le terme de son dernier contrat de mission étant fixé au 28 juin 2019.

Le 31 mai 2019, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes en la formation des référés pour voir requalifier ses contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée.

Par ordonnance du 11 juillet 2019, la formation des référés du conseil de prud'hommes a jugé que sa demande excédait ses pouvoirs et l'a invité à mieux se pourvoir devant les juges du fond.

Par requête reçue le 4 novembre 2020, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir :

A titre principal,

- requalifier ses relations contractuelles avec la Caisse Centrale d'Activités Sociales de Bourgogne Franche-Comté, en sa qualité d'entreprise utilisatrice, à compter du 24 février 2015, en un contrat à durée indéterminée,

- requalifier ses contrats de mission à temps partiel conclus avec la société Adecco [Localité 7] H86, en contrat à temps complet à compter du 1er janvier 2018,

- condamner la Caisse Centrale d'Activités Sociales de Bourgogne Franche-Comté à lui verser les sommes suivantes :

* 2 654,13 euros d'indemnité de requalification,

* 7 962,40 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

* 796,24 euros de congés payés afférents,

* 5 308,27 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 13 270,67 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 412,25 euros de rappel de congés conventionnels « locaux aveugles »,

* 1 223,95 euros de rappel de congés conventionnels « congés spéciaux d'ordre familial »,

* 7 962,40 euros de rappel d'avantages familiaux conventionnels,

* 3 000 euros de rappel des avantages en nature « tarif agent »,

* 6 905,65 euros de rappel de salaire sur travail à temps complet,

* 690,56 euros de congés payés afférents,

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- requalifier ses relations contractuelles avec la société Adecco [Localité 7] H86, en sa qualité d'entreprise de travail temporaire, en un contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2018,

- requalifier ses contrats de missions à temps partiel conclus avec la société Adecco [Localité 7] H86 en contrat à temps complet à compter du 1er juillet 2018,

- condamner la société Adecco [Localité 7] H 86 à lui verser les sommes suivantes :

* 7 962,40 euros d'indemnité de requalification,

* 995,30 euros d'indemnité légale de licenciement,

* 5 308,27 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 3 849,96 de rappel de salaire sur travail à temps plein,

* 384,99 euros de congés payés afférents,

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 1er juin 2021, le conseil de prud'hommes :

- requalifie la relation contractuelle entre M. [J] et la Caisse Centrale d'Activités Sociales de Bourgogne Franche-Comté en un contrat à durée indéterminée à compter du 24 février 2015,

- dit que les contrats de travail de M. [J] doivent être requalifiés en contrat à temps complet à compter du 1er janvier 2018,

- condamne la Caisse Centrale d'Activités Sociales de Bourgogne Franche-Comté à verser à M. [J] les sommes de :

* 2 654,13 euros d'indemnité de requalification,

* 7 962,40 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

* 796,24 euros de congés payés afférents,

* 5 308,27 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 13 270,67 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 412,25 euros de rappel de congés conventionnels « locaux aveugles »,

*1 223,95 euros de rappel de congés conventionnels « congés spéciaux d'ordre familial »,

* 7 962,40 euros de rappel d'avantages familiaux conventionnels,

* 3 000 euros de rappel des avantages en nature « tarif agent »,

* 6 905,65 euros de rappel de salaire sur travail à temps complet,

* 690,56 euros de congés payés afférents,

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboute la Caisse Centrale d'Activités Sociales de Bourgogne Franche-Comté et la société Adecco [Localité 7] H86 de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la Caisse Centrale d'Activités Sociales de Bourgogne Franche-Comté aux dépens.

Par déclaration enregistrée le 30 juin 2021, la CCAS a relevé appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par voie électronique le 27 septembre 2021, elle demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Et statuant à nouveau,

- dire et juger irrecevables les demandes nouvelles de M. [J] formées dans ses conclusions du 19 octobre 2019 et du 31 mars 2020, aucun lien ne les rattachant à ses prétentions originaires,

- dire et juger prescrites les demandes de M. [J] liées aux « locaux aveugles », aux congés spéciaux dits d'ordre familial, aux avantages familiaux conventionnels et au tarif gaz électricité dit « tarif agent »,

- dire et juger les demandes de M. [J] mal fondées pour le surplus,

En conséquence,

- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes,

Et à titre reconventionnel,

- condamner M. [J] à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le même aux entiers dépens.

Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 13 septembre 2022, M. [J] demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et débouter l'appelante de ses demandes,

- condamner la CCAS Bourgogne Franche-Comté à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

- condamner la même aux entiers dépens,

A titre subsidiaire,

- requalifier ses contrats de missions conclus avec la société Adecco [Localité 7] H86, en qualité d'entreprise de travail temporaire, à compter du 1er janvier 2018 en contrat à durée indéterminée,

- requalifier ses contrats de missions à temps partiel conclus avec la société Adecco [Localité 7] H86, en qualité d'entreprise de travail temporaire, en contrat à temps complet à compter du 1er juillet 2018,

- condamner la société Adecco [Localité 7] H86 à lui verser la somme de :

* 7 962,40 euros bruts à titre d'indemnité de requalification,

* 995,30 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 5 308,27 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 3 849,96 euros bruts à titre de rappel de salaires sur temps plein,

* 384,99 euros bruts à titre de rappel de congés afférents,

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Adecco [Localité 7] H86 aux entiers dépens.

Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 17 janvier 2022, la société Adecco France demande à la cour de :

- confirmer les chefs de dispositifs du jugement déféré l'ayant implicitement mise hors de cause au titre de la requalification des missions d'intérim de M. [J] en contrat à durée indéterminée et au titre de la requalification en contrat de travail à temps plein,

- infirmer le chef de dispositif du jugement l'ayant déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et ayant déclaré recevables les demandes de M. [J] au titre de la requalification en contrat de travail à temps plein,

En conséquence,

- déclarer irrecevables les demandes de M. [J] relatives à la requalification de ses contrats à temps partiel en contrats à temps plein,

- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes formées à son encontre,

- le condamner au paiement de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance,

- le condamner au paiement de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LA DEMANDE DE REQUALIFICATION EN CDI

Sur la recevabilité et le bien-fondé de la demande

M. [J] recherche à l'encontre, à titre principal, de la société utilisatrice CCAS et sur le fondement de l'article L. 1251-5 du code du travail la requalification de ses contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée. Il soutient que l'utilisation récurrente et successive de ces contrats a conduit à pourvoir durablement un emploi lié à l'activé normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

En réponse, la CCAS conclut à l'irrecevabilité de la demande pour les contrats conclus avant le 1er janvier 2018, faute pour le salarié d'avoir attrait en la cause la société Manpower avec laquelle M. [J] a conclu des contrats de travail temporaire de 2015 à 2017.

Sur le fond, elle considère que les demandes dirigées à son encontre sont sans objet puisqu'en tant qu'entreprise utilisatrice, elle s'est bornée à conclure une convention de mise à disposition avec la société Adecco. Elle ajoute qu'aucune requalification ne saurait être encourue pour la période précédant le 24 avril 2017, le salarié ne contestant pas la licéité des contrats de mission régularisés pour remplacement de salariés absents avant cette date. Il conteste encore le fait que M. [J] ait occupé durablement un emploi lié à son activité normale et permanente alors, selon elle, qu'il a été engagé pour assurer le remplacement de salariés absents, en particulier sur la période antérieure au 3 avril 2017. Elle excipe également du fait qu'elle a cessé d'exploiter le restaurant de [Localité 7] sur lequel était affecté M. [J] depuis le 1er juillet 2019, ce qui a entraîné la suppression pure et simple de son poste.

L'article 1251-1 du code du travail dispose que le recours au travail temporaire a pour objet la mise à disposition temporaire d'un salarié par une entreprise de travail temporaire au bénéfice d'un client utilisateur pour l'exécution d'une mission.

Chaque mission donne lieu à la conclusion :

1° D'un contrat de mise à disposition entre l'entreprise de travail temporaire et le client utilisateur, dit "entreprise utilisatrice" ;

2° D'un contrat de travail, dit "contrat de mission", entre le salarié temporaire et son employeur, l'entreprise de travail temporaire (...).

L'article L. 1251-5 du même code précise que le contrat de travail temporaire quel que soit son motif ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Il est jugé que lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours au salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions relatives aux recours à cette forme de travail et à la durée des missions, le salarié est recevable à diriger son action en requalification à l'encontre de l'entreprise utilisatrice et à faire valoir les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le premier jour de sa mission.

Il s'en déduit que M. [J] est recevable à diriger ses demandes contre la CCAS motif pris d'un recours injustifié et sans discontinuer au travail temporaire dans le but de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de ladite entreprise. Il est indifférent que le salarié n'ait pas attrait en la cause la société Manpower et il importe peu que la CCAS ne soit que l'entreprise utilisatrice liée par une convention de mise à disposition. Les demandes de M. [J] telles que dirigées contre la CCAS ne sont donc pas sans objet.

Il résulte des éléments du dossier que M. [J] a travaillé sans discontinuer dans le cadre de 55 emplois précaires, séparés par de très courtes périodes d'interruption, au titre de contrats de travail à durée déterminée conclus directement avec la CCAS ainsi qu'au titre de contrats de mission conclus par l'intermédiaire de la société Adecco notamment (pièces 1, 2-1 à 2-9 du salarié). Il a par ailleurs été engagé pour divers motifs (remplacements, accroissement temporaire d'activité) qui ne sont aucunement justifiés par l'employeur et sur des postes différents (agent de restauration, commis de cuisine, chef de cuisine, attaché de gestion). L'absence de justification des motifs de recours aux contrats précaires justifie à elle seule la requalification en CDI.

De plus, à compter du 16 janvier 2017, M. [J] a occupé en permanence le poste de chef cuisinier aux motifs, jusqu'au 31 mars 2017, du remplacement d'un salarié absent puis, à compter du 3 avril 2017 jusqu'au 28 juin 2019, d'un accroissement temporaire d'activité lié à la réorganisation du restaurant.

Il sera rappelé que, quelque soit le motif du recours au contrat de travail temporaire, ce contrat ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Au cas présent, il ressort des pièces 3 et 4 de M. [J] que le restaurant fonctionnait en réalité de manière permanente avec deux intérimaires, M. [J] et Mme [T] qui occupaient des postes vacants de longue date, M. [J] figurant même dans l'organigramme de la CCAS en tant qu'occupant un poste vacant de « chef de cuisine gérant ». Si le recours à ces contrats pour remplacer un salarié absent est parfaitement licite, comme le soutient à juste titre la CCAS, il n'en demeure pas moins qu'ils ont permis in fine de pourvoir durablement à un emploi au sein de l'entreprise.

La CCAS prétend que le poste de M. [J] ne peut relever de son activité normale et permanente en raison de la reprise progressive de la gestion de la restauration méridienne en entreprise par des prestataires extérieurs depuis mai 2017. Cette affirmation n'est toutefois pas étayée par la production des contrats de prestation de service prétendument conclus, étant ajouté que le salarié a également été engagé postérieurement dans le cadre de contrats précaires avec la CCAS et ce, jusqu'au 31 mars 2019. Les pièces de M. [J] établissent la continuité de la gestion directe par la CCAS. Par ailleurs, la liste des restaurants non pérennes, dont celui de [Localité 7], dont la CCAS se prévaut est datée du 7 mai 2019, soit peu de temps avant le terme du dernier contrat de M. [J]. Cette allégation de l'entreprise est donc inopérante.

La CCAS ne justifie pas de l'accroissement temporaire d'activité qui a pu justifier, selon elle, le recours à ces contrats précaires, étant observé que M. [J], au cours de ces différents contrats dont le premier date du 24 février 2015, a toujours travaillé au sein du service restauration et que cette activité fait partie des activités principales de la CCAS.

Il s'infère de la succession des missions confiées à M. [J] dans le cadre de contrats précaires et de manière quasi-permanente, que ses embauches avaient pour vocation de pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale et permanente de la CCAS et relevaient manifestement d'une politique assumée de l'entreprise utilisatrice.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de requalification en CDI à compter du 24 février 2015.

Sur les demandes indemnitaires

a) sur l'indemnité de requalification

M. [J] est fondé à voir condamner la CCAS à lui payer une somme équivalente à au moins un mois de salaire en application des dispositions de l'article L. 1251-41 du code du travail.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la CCAS à lui verser la somme de 2 654,13 euros à titre d'indemnité de requalification.

b) sur les indemnités liées à la rupture du contrat de travail

La requalification des contrats de travail en CDI entraîne la requalification de la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Outre la requalification, le salarié peut dès lors prétendre aux différentes indemnités de rupture découlant de ce licenciement et au versement de dommages-intérêts pour rupture abusive.

Ainsi, le jugement sera confirmé en ses dispositions portant condamnation de la CCAS au paiement des sommes, non valablement contestées en leur quantum, de :

* 7 962,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 796,24 euros de congés payés afférents,

* 5 308,27 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

S'agissant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (la fin du contrat étant fixée au 28/06/19), il sera octroyé au salarié qui comptait 4 années complètes d'ancienneté et avait 32 ans au moment de la rupture du contrat de travail, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, la somme de 10 616,52 euros, le jugement étant réformé sur le montant de la somme allouée de ce chef.

c) sur les indemnités liées aux avantages conventionnels

La CCAS prétend que ces demandes sont nouvelles et, par suite, irrecevables alors que, d'une part, elles ont été soumises au premier juge dans le cadre de sa saisine au fond et que, d'autre part, elles se rattachent par un lien suffisant à la demande de requalification en CDI qu'elle vient compléter.

La CCAS soulève également la prescription, pour les faits antérieurs au 14 octobre 2017, des demandes de M. [J] au titre des avantages conventionnels suivants : indemnités liées aux locaux dits « aveugles » (= congé annuel supplémentaire), aux congés spéciaux dits « d'ordre familial », aux avantages familiaux conventionnels au titre du PACS et au tarif gaz électricité dit "tarif agent".

Le salarié prétend pour sa part qu'il aurait dû en bénéficier depuis sa première embauche, le 24 février 2015.

Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Il résulte de la combinaison des articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.

Ici, la relation salariale étant rompue depuis le 28 juin 2019 et M. [J] ayant saisi le conseil de prud'hommes le 4 novembre 2020, son action est recevable et sa demande en paiement l'est également pour la période du 28 juin 2016 au 28 juin 2019. Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a retenu, implicitement mais nécessairement au vu de sa motivation et du dispositif de sa décision, la recevabilité de cette demande.

La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. M. [J] est donc fondé à se prévaloir des dispositions de la convention collective applicable du personnel permanent non statutaire. L'employeur ne peut, de son côté, se prévaloir de ce que le salarié n'a jamais formé de demande au titre des avantages conventionnels alors que cette absence de demande résulte de sa propre carence et ne peut porter préjudice à M. [J] dont les conditions d'exercice effectif du travail sont en fait et in concreto similaires à celles d'un salarié permanent justifiant l'application de ce statut.

- sur le congé conventionnel dit « locaux aveugles »

L'article 18 de la convention collective applicable prévoit qu' « un congé annuel supplémentaire de 5 jours ouvrés est attribué aux salariés dont les postes de travail se situent habituellement dans des locaux dits « aveugles » pour lesquels l'unique source d'éclairage est constitué par la lumière artificielle ».

Or, M. [J] ne démontre pas remplir les conditions exigées pour bénéficier du congé susvisé. Il se contente de prétendre, sans l'établir, qu'il travaillait dans une cuisine non dotée de fenêtre, éclairée exclusivement de manière artificielle, et se réfère à l'agent de restauration embauché en CDI qui bénéficiait de cette prime. Ces éléments ne permettent pas de démontrer que M. [J] était placé dans une situation identique. Sa demande en paiement sera donc rejetée et le jugement sur ce point réformé.

- sur les congés spéciaux d'ordre familial

L'article 19 de la convention collective applicable prévoit que « des congés spéciaux dits d'ordre familial sont accordés dans les cas suivants :

' Mariage du salarié : 6 jours ouvrés ouvrés ['] ;

' Naissance d'un enfant : 4 jours ouvrés ['] ;

' Décès ['] des grands-parents ['] : 3 jours ouvrés ».

M. [J] expose que s'étant pacsé le 21 mars 2017, il était dans la même situation que les salariés mariés et pouvait donc prétendre aux congés pour événements familiaux. De même, il indique avoir perdu son grand-père le 14 août 2017 et être devenu père le 17 mai 2018. Il estime ainsi pouvoir bénéficier de 13 jours de congés spéciaux.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fait droit à sa demande en paiement à ces différents titres.

- sur les avantages familiaux conventionnels

L'article 26 de la convention collective applicable prévoit qu' « à titre d'avantages familiaux, les salariés bénéficient des dispositions suivantes :

' Pour le mariage ou leur remariage : une indemnité égale à deux mois de leur salaire mensuel ;

' A la naissance d'un enfant, outre les allocations prénatales légales, une indemnité également basée sur le salaire mensuel de l'ayant droit de l'ordre ci-dessous indiqué :

o 1er enfant 100 p 100 du salaire mensuel. »

M. [J] réclame le rappel de 3 mois de salaire en invoquant le fait qu'il s'est pacsé le 21 mars 2017 et qu'il a eu son premier enfant le 17 mai 2018

Il convient, là encore, de confirmer le jugement qui a fait droit à sa demande en paiement de ce chef.

- sur les avantages en nature gaz électricité

L'annexe 5 de la convention collective applicable prévoit que « les personnes entrant dans le champ d'application de la présente Convention Collective Nationale se verront rembourser leurs consommations exclusivement domestiques de Gaz et Electricité sous déduction du tarif particulier appliqué aux agents statutaires des Industries Electrique et Gazière, tant qu'elles auront un lien contractuel avec la CCAS ».

M. [J] explique n'avoir jamais bénéficié du « tarif agent ». Il revendique une réduction d'environ 90% de ses factures d'électricité. Or, il formule à ce titre une demande d'indemnisation forfaitaire qui ne répond pas à l'exigence de production de justificatifs, la somme réclamée n'étant accompagnée d'aucun justificatif afférent. Cette demande sera donc, par infirmation du jugement, rejetée.

SUR LA DEMANDE DE REQUALIFICATION DU TEMPS PARTIEL EN TEMPS COMPLET

Sur la recevabilité de la demande

La CCAS soutient que cette demande de requalification à compter du 1er janvier 2018, formée par conclusions du 31 mars 2020, est irrecevable comme étant nouvelle et ne se rattachant pas aux prétentions originaires du salarié visant la requalification de ses contrats précaires en un CDI.

Or, cette demande sera déclarée recevable en ce que, d'une part, elle a bien été présentée au premier juge saisi au fond et que, d'autre part, elle procède des mêmes contrats précaires et se rattachent donc par un lien suffisant à la demande de requalification en CDI qu'elle vient compléter. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a implicitement mais nécessairement, au vu de sa motivation sur ce point, déclaré cette prétention recevable. Il y a simplement lieu d'ajouter cette mention dans le dispositif du présent arrêt.

Sur le bien-fondé de la demande

M. [J] expose qu'ayant obtenu la requalification de ses contrats de mission en un CDI et ayant été engagé à temps partiel à compter du mois de janvier 2018, il est fondé à solliciter la reconstitution de sa carrière sur la base d'un CDI à temps plein. Il déduit de ses périodes de présence dans l'entreprise qu'il s'est maintenu à la disposition permanente de la CCAS.

Il résulte de l'article L. 3123-9 du code du travail que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement.

Il est jugé que si la durée hebdomadaire du travail d'un salarié est portée au niveau de la durée légale ou conventionnelle du travail, il peut obtenir, à compter de cette date, la requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps complet, y compris si le travail à temps plein a été limité à une période d'un mois.

Ici, M. [J] a été engagé dans le cadre de contrats de mission à temps partiel à compter du 1er janvier 2018.

Il est admis que la requalification d'un CDD ou travail temporaire en CDI n'entraîne pas ipso facto la requalification du contrat de travail à temps partiel en temps complet. Le temps plein ne peut donc se déduire, comme l'indique à tort M. [J], du fait qu'il n'a été employé que par la CCAS entre le 24 février 2015 et le 28 juin 2019. Il lui revient de démontrer, comme il le prétend également, qu'il s'est tenu à la disposition permanente de son employeur sur ladite période.

Or, le salarié n'apporte aucun élément de preuve sur ce point. Il ne démontre pas, d'une part, qu'il aurait excédé ou même atteint la durée légale de travail. Ses bulletins de paie mentionnent une durée de travail inférieure à 151,67 heures et M. [J] ne produit aucune pièce venant les démentir. Il n'établit pas, d'autre part, s'être tenu à la disposition permanente de la CCAS, la quasi non-interruption de ses contrats régularisés au profit de cette dernière ne venant pas, à elle seule, en justifier. Il ne démontre pas notamment qu'il se tenait effectivement à la disposition de son employeur aux périodes autres que celles pendant lesquelles il a travaillé pour le compte de la société.

Il en résulte que la demande de requalification des contrats de travail à temps partiel en contrat à temps plein sera, par réformation du jugement, rejetée, ainsi que la demande de rappel de salaire subséquente.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

La décision attaquée sera confirmée en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La CCAS, qui succombe pour l'essentiel, doit prendre en charge les dépens d'appel. L'équité ne commande pas, en revanche, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives au montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au rappel de congés conventionnels « locaux aveugles » et d'avantages en nature « tarif agent », à la requalification en contrat de travail à temps complet et au paiement d'un rappel de salaire pour travail à temps complet,

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Condamne la Caisse Centrale d'Activités Sociales de Bourgogne Franche-Comté à payer à M. [J] la somme de 10 616,52 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Rejette les demandes en paiement de M. [J] à titre de rappel de congés conventionnels « locaux aveugles » et d'avantages en nature « tarif agent »,

Déclare recevable la demande de M. [J] de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet, ainsi que la demande de rappel de salaire subséquente, les rejette,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. [J] et la Caisse Centrale d'Activités Sociales de Bourgogne Franche-Comté et la société Adecco France,

Condamne la Caisse Centrale d'Activités Sociales de Bourgogne Franche-Comté aux dépens d'appel.

Le greffier Le président

Kheira BOURAGBA Olivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00499
Date de la décision : 13/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-13;21.00499 ?
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