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06/04/2023 | FRANCE | N°21/00436

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 06 avril 2023, 21/00436


RUL/CH













S.A.S. DIDAXIS INGENIERIE





C/



[K] [I]

























































Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 06 AVRIL 2023



MINUTE N°



N° RG 21/00436 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FW4O



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MACON, décision attaquée en date du 10 Mai 2021, enregistrée sous le n° 20/00041







APPELANTE :



S.A.S. DIDAXIS INGENIERIE

[Adre...

RUL/CH

S.A.S. DIDAXIS INGENIERIE

C/

[K] [I]

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 06 AVRIL 2023

MINUTE N°

N° RG 21/00436 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FW4O

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MACON, décision attaquée en date du 10 Mai 2021, enregistrée sous le n° 20/00041

APPELANTE :

S.A.S. DIDAXIS INGENIERIE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Nadia ANDRE de la SELAS CMH AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

[K] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Sophie FREYCHET de la SELARL CHARTIER-FREYCHET AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Moncef SMATI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [K] [I] a signé avec la société de portage salarial DIDAXIS Ingénierie (ci-après société DIDAXIS) un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 18 novembre 2013 en qualité d'ingénieur, statut cadre, position 2.3, coefficient 150 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseil et des sociétés de conseils (SYNTEC).

Il a bénéficié d'un arrêt de travail pour maladie à compter du 25 avril 2017 jusqu'à son départ en retraite le 1er janvier 2019.

Par requête du 2 avril 2020, il a saisi le conseil de prud'hommes de Mâcon pour contester le montant des rémunérations versées par son employeur pendant la suspension de son contrat de travail et obtenir un rappel de salaires ainsi que des dommages et intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail.

Par jugement du 15 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Mâcon a condamné la société DIDAXIS à lui payer une somme au titre du maintien de la rémunération pendant l'arrêt de travail et rejeté ses autres demandes.

Par déclaration formée le 3 juin 2021, la société DIDAXIS a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses écritures du 18 janvier 2023, l'appelante demande de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à :

* verser à M. [I] la somme de 13 410,11 euros nets de charges salariales et patronales à titre de rappel de salaire sur la période du 25 avril 2017 au 31 décembre 2018,

* remettre à M. [I] ses documents de fin de contrat sous astreinte de 50 euros par jour à compter du 7 juin 2021,

- le confirmer en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappel de congés payés, de sa demande de versement du solde de provision, de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale de son contrat de travail,

- le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros hors taxes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures du 19 novembre 2021, M. [I] demande de :

Sur la demande de rappel de salaire au titre du maintien de la rémunération et de l'indemnisation par la prévoyance pour la période du 25 avril 2017 au 31 décembre 2018,

- confirmer le jugement déféré,

- condamner la société DIDAXIS à lui verser la somme de 13 410,11 euros nets à titre de rappel de salaire pour la période du 25 avril 2017 au 31 décembre 2018,

Sur les congés payés afférents au rappel de salaire au titre du maintien de la rémunération pour la période du 25 avril 2017 au 31 décembre 2018,

- infirmer le jugement déféré,

- condamner la société DIDAXIS à lui verser la somme de 1 341,01 euros nets au titre des congés payés afférents au rappel de salaire au titre du maintien de la rémunération pour la période du 25 avril 2017 au 31 décembre 2018,

Sur le solde du compte de provision DIDAXIS,

- infirmer le jugement déféré,

- condamner la société DIDAXIS à lui verser la somme de 2 123,09 euros nets au titre du solde de compte de provision,

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail,

- infirmer le jugement déféré,

- condamner la société DIDAXIS à lui verser la somme de 16 074 euros nets (3 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale de son contrat de travail,

Sur la remise des documents de fin de contrat

- confirmer le jugement déféré,

- débouter la société DIDAXIS de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société DIDAXIS à lui verser les sommes avec intérêts de droit,

- condamner la société DIDAXIS à lui verser la somme 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée à ce titre en première instance.

A l'audience du 21 février 2023, la cour a relevé d'office qu'en application de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire et qu'il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement et invité les parties à faire part de leurs observations sur la recevabilité des dernières conclusions et pièces signifiées par l'appelante le 18 janvier 2023, veille de la clôture, et ce pour le 28 février 2023 à 12 heures au plus tard.

Par note en délibéré du 27 février 2023, la société DIDAXIS a fait valoir que les ajouts ne font que reprendre sous un autre angle une question déjà débattue entre les parties dans leurs précédentes écritures et aucune nouvelle pièce n'a été communiquée à cette occasion, et demande en conséquence de ne pas écarter ces dernières écritures du débat.

Par note en délibéré du 27 février 2023, M. [I] répond sur le fond aux arguments développés par l'employeur sans solliciter que ses dernières conclusions et pièces soient écartées.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour relève qu'en dépit du dépôt des dernières conclusions et pièces signifiées par l'appelante le 18 janvier 2023, veille de la clôture, elle n'est saisie d'aucune demande visant à ce que ces écritures et pièces soient écartées.

I - Sur la demande de rappel de salaire au titre du maintien de la rémunération et de l'indemnisation par la prévoyance pour la période du 25 avril 2017 au 31 décembre 2018 et les congés payés afférents :

M. [I] soutient que :

- son contrat de travail prévoit expressément en son article 11 "Convention Collective" que ledit contrat est soumis aux dispositions de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseil et des sociétés de conseils (SYNTEC), ainsi que cela figure également sur ses bulletins de salaire (pièces n° 1 et 1-2), et qu'aucun avenant contractuel n'a été régularisé par la suite afin d'acter l'accord des parties quant à un quelconque changement de la convention collective,

- en application des articles 6 de l'accord du 27 mars 1997 relatif à la prévoyance, 27 de la convention collective des bureaux d'études et 43 de la convention collective SYNTEC, il aurait dû bénéficier, en suite de son arrêt de travail pour maladie survenu le 25 avril 2017, du maintien de sa rémunération et de son indemnisation par la prévoyance à hauteur de 100% du salaire net pendant 3 mois pour la première, de 80 % du salaire brut pour la seconde,

- il a constaté plusieurs irrégularités à cet égard, alors même qu'il avait transmis à son employeur ses attestations de la CPAM (pièce n° 2), se trouvant privé de toute rémunération pendant plusieurs mois (pièce n° 1-2) voire percevant une somme ne correspondant pas au salaire net à payer de sa fiche de paie.

A l'appui de son affirmation, il produit :

- plusieurs courriers électroniques des 29 novembre 2017, 22 mars et 3 avril 2018 adressé à son employeur s'étonnant des salaires qui lui étaient versés (pièces n° 3-1 3-2 et 3-3), sans réponse de sa part,

- une attestation de M. [J], expert-comptable, indiquant qu'au regard des documents en la possession du salarié, le montant à maintenir par l'employeur pour la période du 24 avril 2017 au 31 décembre 2018, une fois les indemnités journalières de sécurité sociales déduites, s'élève à 36 263,28 euros nets (pièce n° 5-1),

- plusieurs courriers électroniques de son avocat à celui de la société DIDAXIS afin d'obtenir communication de l'intégralité des documents transmis par l'employeur à la CPAM et à la prévoyance (pièces n° 6-1 à 6-3), sans suite de sa part,

- ses relevés bancaires à partir desquels il évalue les sommes reçues de la société DIDAXIS, sur la période de mai 2017 à décembre 2018, à 22 853,17 euros nets (pièce n° 5-2),

et sollicite en conséquence un rappel de salaire à hauteur de 13 410,11 euros nets correspondant à la somme qu'il aurait dû percevoir au titre de son salaire (36 263,28 euros) déduction faite des sommes perçues (22 853,17 euros), outre la somme de 1 341,01 euros nets au titre des congés payés afférents puisque la convention collective SYNTEC précise que sont notamment considérées comme période de travail effectif pour le calcul de la durée du congé les périodes d'arrêt pour maladie ou accident lorsqu'elles donnent lieux à maintien de salaire en application de la convention collective, ce qui est bien le cas en l'espèce.

La société DIDAXIS oppose que :

- le portage salarial, initialement défini par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, a vu son régime juridique organisé par l'accord professionnel du 24 juin 2010 étendu par arrêté du 24 mai 2013 et les sociétés de portage sont régies par les dispositions des articles L1254-1 et suivants du code du travail et depuis le 22 mars 2017 par la convention collective du portage salarial qui a pris effet à compter du 1er juillet 2017,

- avant cette date, il était d'usage que les sociétés de portage salarial appliquent volontairement la convention collective du SYNTEC et ce, même si certaines dispositions sont incompatibles avec le régime du portage,

- la signature par M. [I] d'une convention d'adhésion le 26 novembre 2013 démontre qu'il a librement consenti à inscrire la relation de travail avec DIDAXIS dans le cadre spécifique du portage salarial, ce qui implique que le calcul et le paiement du salaire d'un salarié porté sont entièrement indexés sur le chiffre d'affaires qu'il réalise (articles 2.3, 3.5 et 3.6 de la convention d'adhésion - pièce n° 14-2),

- durant toute la durée de la relation de travail, M. [I] n'a jamais contesté sa qualité de salarié porté ni l'ensemble des sommes qui ont été facturées à sa cliente par DIDAXIS et qui lui ont été reversées sous forme de salaire, conformément au régime du portage salarial,

- si la société DIDAXIS n'a pas maintenu sa rémunération, conformément à la convention collective SYNTEC pendant sa période d'arrêt maladie c'est que la trésorerie disponible de M. [I] ne le permettait pas car dans le contexte particulier du portage salarial, seul le montant disponible sur le compte de trésorerie du consultant sert de base au paiement de sa rémunération, charges sociales incluses, de sorte qu'en l'absence de trésorerie disponible, sauf à remettre en cause l'équilibre financier et la raison d'être du portage salarial, il n'est pas envisageable que les fonds propres de DIDAXIS fassent office de variable d'ajustement,

- la société DIDAXIS a transmis à l'organisme de prévoyance, à réception, les attestations d'IJSS que lui envoyait le salarié (pièce n° 9),

- l'expert-comptable mandaté par M. [I] n'a pas tenu compte des spécificités du portage salarial ni des versements effectués par elle (pièce n° 6),

- en l'absence de montant disponible sur le compte de trésorerie du salarié porté, ce qui est fréquent en cas de suspension du contrat de travail pour absence de prestation ou maladie, le salarié ne perçoit aucune rémunération,

- la convention collective du portage salarial lui est applicable depuis le 1er juillet 2017, date de son entrée en vigueur (pièce n° 16) et la société DIDAXIS a adressé à l'ensemble des salariés une note de service du 21 juin 2017 dénonçant l'application de la convention collective SYNTEC (pièce n° 15), or la convention collective du portage salarial ne prévoit aucun maintien de rémunération par l'employeur pendant les périodes d'arrêt maladie du salarié, (pièce n° 16.16)

- la société DIDAXIS, qui a adhéré à un contrat de prévoyance auprès de la société MALAKOFF MEDERIC prévoyance, devait mettre en cohérence ses obligations fixées par la convention collective et le niveau de prestations versées par l'organisme de prévoyance.

L'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 met à la charge de l'employeur l'obligation de cotiser à hauteur de 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de Sécurité sociale. La fusion des régimes de retraite complémentaire « AGIRC » et « ARRCO » au 1er janvier 2019 ayant entraîné la disparition de la convention collective nationale du 14 mars 1947, un accord national interprofessionnel du 17 novembre 2017 relatif à la prévoyance des cadres a été conclu, permettant le maintien du dispositif tel qu'issu de l'article 7 de la convention collective nationale du 14 mars 1947. Selon cet article, cette cotisation est à la charge exclusive des employeurs et affectée en priorité à la couverture du risque décès. La société DIDAXIS n'est donc responsable d'aucun manquement puisque négocier des conditions plus favorables ou adaptées au portage salarial lui est impossible, sauf à prévoir une répartition des cotisations de la tranche A du salaire exclusivement sur la part salariale, ce qui serait illégal.

a - Sur la convention collective applicable :

M. [I] se prévaut en l'espèce de :

- la convention collective SYNTEC dont l'article 43 prévoit, à l'égard des ingénieurs conseils (IC), que « En cas de maladie ou d'accident dûment constatés par certificat médical et contre-visite, s'il y a lieu, les IC recevront les allocations maladie nécessaires pour compléter, jusqu'à concurrence des appointements ou fractions d'appointements fixées ci-dessus, les sommes qu'ils percevront à titre d'indemnité, d'une part, en application des lois sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et des lois sur l'assurance maladie, d'autre part, en compensation de perte de salaire d'un tiers responsable d'un accident (1).

Les indemnités versées par un régime de prévoyance auquel aurait fait appel l'employeur viendront également en déduction.

Dans le cas d'incapacité par suite d'accident du travail ou de maladie professionnelle survenus au service de l'employeur, les allocations prévues ci-dessus sont garanties dès le premier jour de présence, alors que dans les autres cas de maladie ou d'accident elles ne sont acquises qu'après 1 an d'ancienneté.

Cette garantie est fixée à 3 mois entiers d'appointements.

Il est précisé que l'employeur ne devra verser que les sommes nécessaires pour compléter ce que verse la sécurité sociale et, le cas échéant, un régime de prévoyance, ainsi que les compensations de perte de salaire d'un tiers responsable (1), jusqu'à concurrence de ce qu'aurait perçu, net de toute charge, l'IC malade ou accidenté s'il avait travaillé à temps plein ou à temps partiel, non compris primes et gratifications (2).

Si l'ancienneté de 1 an est atteinte par l'IC au cours de sa maladie, il recevra à partir du moment où l'ancienneté sera atteinte, l'allocation fixée par le présent article pour chacun des mois de maladie restant à courir.

Le maintien du salaire s'entend dès le premier jour d'absence pour maladie ou accident dûment constatés par certificat médical.

Les allocations fixées ci-dessus constituent le maximum auquel l'IC aura droit pour toute période de 12 mois consécutifs au cours de laquelle il aura eu une ou plusieurs absences pour maladie ou accident.

Pour les incapacités temporaires de travail supérieures à 90 jours consécutifs, le relais des garanties sera assuré aux conditions prévues par l'accord "Prévoyance" annexé à la présente convention collective. »

- l'accord du 27 mars 1997 relatif à la prévoyance qui lui est associé qui prévoit en son article 6 qu'en cas d'incapacité temporaire de travail, "la garantie consiste à assurer à un salarié ayant plus d'un an d'ancienneté un complément d'indemnité destiné à compléter les versements de la sécurité sociale à hauteur de 80 % du salaire brut tel que défini à l'article 8 jusqu'au classement en invalidité par la sécurité sociale sans pour autant excéder le salaire net qu'aurait perçu le salarié en activité."

- la convention collective des bureaux d'études qui indique dans son article 27 que pour le calcul de la durée du congé, sont notamment considérées comme période de travail effectif les périodes d'arrêt pour maladie ou accident lorsqu'elles donnent lieux à maintien de salaire en application de la convention collective.

Pour sa part, la société DIDAXIS, qui se présente comme une "société de portage salarial ayant pour vocation d'accompagner les entreprises dans la conception et le développement de projets innovants en mettant à leur disposition un savoir-faire qui repose sur l'association d'expertises métiers" (extrait du site internet de la société), se prévaut de la convention collective du portage salarial applicable depuis le 1er juillet 2017, laquelle ne prévoit aucun maintien de rémunération par l'employeur pendant les périodes d'arrêt maladie du salarié.

L'article L2261-2 du code du travail dispose que la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur et qu'en cas de pluralité d'activités rendant incertaine l'application de ce critère pour le rattachement d'une entreprise à un champ conventionnel, les conventions collectives et les accords professionnels peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles l'entreprise détermine les conventions et accords qui lui sont applicables.

Sur ce point, la jurisprudence admet qu'un employeur applique, de façon totale ou partielle, des accords collectifs de branche ou professionnels ou interprofessionnels auxquels il n'est pas soumis vu l'activité principale de l'entreprise, et l'assujettissement d'un employeur à une convention collective peut résulter de sa volonté explicite d'en faire bénéficier son personnel (référence écrite à la convention collective, affichage de celle-ci, mention dans le contrat de travail), ou d'une volonté implicite, qui se manifeste, par exemple, par son application constante, constitutive d'un usage, ou par la distribution du texte de la convention collective à l'embauche sans formuler de réserve et en s'y référant pour déterminer la classification.

Par ailleurs, l'article L.1254-1 du code du travail tel qu'issu de l'article 2 de l'ordonnance n° 2015-380 du 2 avril 2015 relative au portage salarial définit celui-ci comme un ensemble organisé constitué par d'une part, la relation entre une entreprise dénommée " entreprise de portage salarial " effectuant une prestation au profit d'une entreprise cliente, qui donne lieu à la conclusion d'un contrat commercial de prestation de portage salarial et d'autre part, le contrat de travail conclu entre l'entreprise de portage salarial et un salarié désigné comme étant le "salarié porté", lequel est rémunéré par cette entreprise.

L'article L.1254-2 du même code dispose que le salarié porté justifie d'une expertise, d'une qualification et d'une autonomie qui lui permettent de rechercher lui-même ses clients et de convenir avec eux des conditions d'exécution de sa prestation et de son prix. Il bénéficie d'une rémunération minimale définie par accord de branche étendu et à défaut d'accord de branche étendu, le montant de la rémunération mensuelle minimale est fixé à 75 % de la valeur mensuelle du plafond de la sécurité sociale prévu à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale pour une activité équivalant à un temps plein. L'entreprise de portage n'est pas tenue de fournir du travail au salarié porté.

En l'espèce, il ressort de l'article 2 (fonctions) du contrat de travail signé le 15 novembre 2013 que M. [I] a été embauché en qualité d'ingénieur, statut cadre en réalisation de mission, position 2.3 coefficient 150 et qu'il sera responsable de la réalisation des prestations décrites dans les contrats commerciaux qu'il aura préalablement établi et négocié au taux journalier qui ne pourra être inférieur à 400 euros HT, de manière ni exhaustive, ni définitive [...].

L'article 11 suivant stipule que les parties ont explicitement placé la relation de travail sous l'égide de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseil et des sociétés de conseils (dite SYNTEC), sans restriction ni exception, de l'accord national interprofessionnel du 15 novembre 2007 et du règlement intérieur de la société ADEXIS (pièce n° 1-1).

Cette volonté commune des parties, nonobstant le fait que la référence dans le contrat de travail aux dispositions d'un accord collectif n'implique pas leur contractualisation et la mention d'une convention collective sur le bulletin de paie vaut présomption simple d'usage ou engagement unilatéral de l'employeur à l'appliquer au salarié que celui-ci peut contredire par la preuve contraire ou en dénonçant cet usage dans les conditions de droit commun, est confirmée par la mention sur les bulletins de paye produits, le dernier du mois de janvier 2019, de la convention collective "SYNTEC" (pièce n° 1-2) .

Il n'est en outre justifié d'aucun avenant au contrat de travail ayant spécifiquement modifié cette stipulation.

Par ailleurs, l'article 1 de la convention collective du portage salarial stipule qu'elle s'applique aux seuls salariés portés au sens de l'article L. 1254-2 du code du travail et à l'entreprise qui a pour activité le portage salarial dans les conditions définies par la loi, soumise notamment à une obligation de déclaration préalable et de garantie financière et exerçant sur le territoire français, y compris les départements d'outremer, et ce quel que soit le pays d'établissement de l'entreprise de portage salarial [...].

Or le contrat de travail ne prévoit aucune stipulation répondant à cette définition et la cour relève, avec le salarié, que la convention d'adhésion du 26 novembre 2013 démontrant - selon l'employeur - que le salarié aurait consenti à inscrire la relation de travail dans le cadre spécifique du portage salarial et à la convention collective afférente n'est pas signée par lui, de sorte qu'elle est dépourvue de force probante et ne lui est pas opposable (pièce n° 14-1).

Dès lors, si la convention collective de branche des salariés en portage salarial du 22 mars 2017 a été étendue par un arrêté du ministre du travail du 28 avril 2017 paru au Journal Officiel du 30 avril suivant et s'applique depuis le 1er juillet 2017, ce qui implique que, après un jour franc à compter de sa publication au Journal Officiel, elle est rendue obligatoire à l'ensemble des salariés et employeurs compris dans son champ d'application, il n'est pas démontré que M. [I] relevait du portage salarial.

Il s'en déduit, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le moyen tiré de l'irrégularité de la dénonciation de l'usage, que la convention collective applicable au contrat de travail est la collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseil et des sociétés de conseils tel que figurant au contrat de travail et non la convention collective de branche des salariés en portage salarial du 22 mars 2017, laquelle ne concerne pas M. [I] qui n'a pas la qualité de salarié porté.

Le salarié est donc fondé à se prévaloir des stipulations de l'article 43 de la convention collective "SYNTEC" et de l'article 6 de l'accord du 27 mars 1997 relatif à la prévoyance, et donc au maintien de son salaire à hauteur de 100 % du salaire net pendant 3 mois à compter du premier jour de l'absence pour maladie dûment constatée par un certificat médical, et au-delà au maintien de son salaire à hauteur de 80 % du salaire brut, pris en charge par la prévoyance jusqu'à son départ à la retraite, ce salaire ne pouvant cependant pas excéder le salaire net perçu en activité.

b - Sur le rappel de salaire et les congés payés afférents :

Compte tenu des pièces justificatives produites, en particulier l'attestation de M. [J], expert-comptable, fixant à 36 263,28 euros la somme qui aurait du lui être versée sur la période, déduction faite des indemnités journalières de sécurité sociales perçues, et ses relevés bancaires établissant à 22 853,17 euros le montant total des sommes versées par la société DIDAXIS sur la période de mai 2017 à décembre 2018, et étant relevé que l'expert comptable n'avait pas à tenir compte dans son évaluation des spécificités du portage salarial dès lors qu'il ressort des développements qui précèdent que M. [I] ne relevait pas de ce statut, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il lui a alloué la somme de 13 410,11 euros à ce titre.

S'agissant de la demande au titre des congés payés afférents, l'octroi de sommes à ce titre dépend du fait que les sommes allouées à titre de prime ou de rémunération correspondent ou dépendent d'un travail effectif, auquel cas elle donne effectivement lieu à une indemnité compensatrice de congés payés.

En l'espèce, l'article 27 de la convention collective SYNTEC prévoit que sont considérées comme des périodes de travail effectif pour le calcul de la durée des congés payés les périodes d'arrêt pour maladie ou accident lorsqu'elles donnent lieu à maintien de salaire en application de la convention collective.

Il sera donc alloué à M. [I] la somme de 1 341,01 euros au titre des congés payés afférents, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

II - Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Au visa des articles L.1222-1 du code du travail et 1231-1 du code civil, M. [I] soutient qu'en adoptant un comportement déloyal envers lui, refusant délibérément d'apporter des réponses à ses interrogations légitimes alors que son état de santé nécessitait un repos strict et non un stress supplémentaire en raison du comportement de son employeur, la société DIDAXIS a manqué à son obligation d'exécuter loyalement son contrat de travail.

Il ajoute avoir été contraint de solliciter un expert-comptable afin de procéder à l'analyse du maintien de son salaire, prestation qui lui a été facturée 660 euros (pièce n° 5-3).

Considérant en outre que les versements de salaire ont été irréguliers, ce qui a induit une situation personnelle et financière précaire le contraignant à solliciter une aide financière auprès de ses enfants et d'amis, et que l'employeur ne lui a pas remis ses documents de fin de contrat à l'issue de son contrat de travail, il sollicite la somme de 16 074 euros, correspondant à 3 mois de salaire, à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et financier résultant de l'attitude déloyale de son employeur à son égard.

La société DIDAXIS oppose que :

- M. [I] ne s'est jamais plaint de son employeur pendant l'exécution effective de son contrat de travail,

- en aucun cas la société DIDAXIS a fait preuve de déloyauté dans l'exécution du contrat de travail,

- au contraire, afin que M. [I] ne soit pas pénalisé par les retards de prise en charge de la prévoyance, il lui a été octroyé de nombreuses avances sur salaire,

- si les documents sociaux de rupture ne lui ont pas été transmis en temps voulu en raison d'une erreur du service des payes, cette omission a été rectifiée début 2021 (pièces n° 10 et 12).

Néanmoins, il ressort des pièces produites que M. [I] s'est à de multiples reprises manifesté auprès de son employeur pour des questions en lien avec le maintien de son salaire (Côte pièce n° 3). Nonobstant leur désaccord sur le bien fondé de la demande du salarié, l'employeur ne justifie pas de la moindre réponse, pas même négative, adressée en retour. Une telle négligence, à laquelle s'ajoute la transmission pour le moins tardive (2021) des documents de fin de contrat et qu'une prétendue "erreur du service des paye" ne saurait justifier, caractérise un manquement de sa part à son obligation d'exécuter le contrat de travail.

Il ne peut toutefois y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l'existence et l'évaluation de celui-ci relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.

En l'espèce, M. [I] soutient que l'absence de réponse de l'employeur à ses sollicitations, notamment sur les documents de fin de contrat, lui a imposé d'avoir recours à une expertise comptable externe pour établir ses droits, ce qui lui a occasionné un coût de 600 euros dont il justifie.

S'agissant en revanche du préjudice moral allégué, il n'apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité d'un préjudice distinct non indemnisé au titre des sommes allouées à titre de rappel de salaire et congés payés afférents.

Il lui sera en conséquence alloué la somme de 600 euros à titre de dommages-intérêts, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

III - Sur le solde du compte de provision :

M. [I] indique qu'en octobre 2014, la société DIDAXIS a mis en place un compte de provision à son profit et celui de ses collègues s'assimilant à un compte d'épargne salariale, et ce conformément à son contrat de travail.

Bien que n'ayant reçu aucune information quant au fonctionnement de ce compte, il soutient que l'employeur lui a dit que 150 euros y serait versés chaque mois et ce durant toute la durée de la relation contractuelle sans qu'il puisse les retirer, le reversement devant s'effectuer avec intérêts au terme du contrat de travail. (pièce n° 7-1)

Or selon lui, à l'issue de son contrat de travail, l'employeur n'a pas respecté ses engagements et il n'a rien perçu avant le 4 janvier 2021, date à laquelle il a perçu un virement d'un montant de 2 346,76 euros de la part de la société DIDAXIS, sans indication de l'origine de cette somme.

Considérant que les sommes versées sur le compte de provision avaient la nature d'épargne salariale et qu'elle devaient à ce titre être uniquement soumises à CSG/CRDS (9,7 %) sans pouvoir être imputées de cotisations sociales salariales et patronales, il conteste le calcul de la société DIDAXIS et sollicite un complément à hauteur de 2 123,09 euros.

La société DIDAXIS oppose que le compte de provision, spécifique au portage salarial, est prévu par l'article 21.4 de la convention collective du portage salarial et vise à pallier la baisse de rémunération, voire son absence, pendant les périodes d'intermissions.

Elle admet que :

- le compte de provision de M. [I] faisait apparaître un solde positif à hauteur de 4 950 euros, auquel s'ajoute le solde de son compte de trésorerie, soit 11,67 euros, qui aurait dû lui être versé lors de son départ à la retraite, "ce qui n'a malheureusement pas été le cas" jusqu'à réception des conclusions de M.  [I] du 17 septembre 2020, ajoutant que le salarié n'a jamais réclamé le versement de cette somme auparavant,

- cette comme lui est dûe, déduction faite des cotisations sociales qu'elle a transformé en salaire et réglé à M. [I] le 4 janvier 2021 (2 346,76 euros).

Néanmoins, étant en premier relevé que le contrat de travail du 15 novembre 2013 prévoit que le salarié "pourra" bénéficier d'une épargne salariale, ce qui n'implique pas qu'il bénéficie du statut de salarié porté, et d'autre part que l'argument selon lequel le salarié n'aurait jamais réclamé le paiement de cette somme avant 2020 est inopérant, il ressort que si les prélèvements sociaux et fiscaux et autres charges affectant la "provision sur compte d'activité" définie par les articles 18.1 et régie par les articles 21.4 et 21.5 de la la convention collective du portage salarial sont intégralement financés par le salarié porté, il résulte des développements qui précèdent que ce statut ne s'applique pas à M. [I].

Toutefois, le "compte de provision" s'analysant comme un dispositif d'épargne salariale de droit commun, les sommes versées à ce titre sont soumises aux contributions sociales.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande à ce titre.

IV - Sur les demandes accessoires :

- Sur les intérêt au taux légal :

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la société DIDAXIS "au paiement des intérêts légaux à compter du jour de la saisine du conseil de prud'hommes.

Il sera dit que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société DIDAXIS de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt,

- Sur la remise des documents de fin de contrat :

La demande telle que formulée visant à confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la remise des "documents de fin de contrat" sous astreinte ne permettant pas à la cour de déterminer la nature des documents concernés, celle-ci sera rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement déféré sera confirmé sur ces points.

La société DIDAXIS sera condamnée à payer à M. [I] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande de la société DIDAXIS au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour sera rejetée.

La société DIDAXIS succombant pour l'essentiel, elle supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu le 10 mai 2021 par le conseil de prud'hommes de Mâcon sauf en ce qu'il a :

- rejeté la demande de M. [K] [I] :

* à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* au titre des congés payés afférents au rappel de salaire,

- condamné la société DIDAXIS INGENIERIE au paiement des intérêts légaux à compter du jour de la saisine du conseil de prud'hommes,

- ordonné à la société DIDAXIS INGENIERIE de remettre à M. [K] [I] ses documents de fin de contrat sous astreinte de 50 euros par jour à compter du 7 juin 2021,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

CONDAMNE la société DIDAXIS INGENIERIE à payer à M. [K] [I] les sommes suivantes :

- 1 341,01 euros au titre des congés payés,

- 600 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société DIDAXIS INGENIERIE de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt,

REJETTE la demande de M. [K] [I] au titre des "documents de fin de contrat",

REJETTE la demande de la société DIDAXIS INGENIERIE au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

CONDAMNE la société DIDAXIS INGENIERIE aux dépens d'appel.

Le greffier Le président

Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00436
Date de la décision : 06/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-06;21.00436 ?
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