DLP/CH
Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Haute-Marne (CPAM)
C/
Société [5]
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 23 MARS 2023
MINUTE N°
N° RG 20/00446 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FR37
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Pôle social du Tribunal Judiciaire de CHAUMONT, décision attaquée en date du 31 Juillet 2020, enregistrée sous le n° 18/00066
APPELANTE :
Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Haute-Marne (CPAM)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par M. [B] [N] (Chargé d'audience) en vertu d'un pouvoir général
INTIMÉE :
Société [5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Virginie GAY-JACQUET, avocat au barreau de BORDEAUX substituée par Me Stephen DUVAL, avocat au barreau de DIJON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller, Président,
Olivier MANSION, Président de chambre,
Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
[O] [R] a été engagé comme conducteur au sein de la société [5].
Le 21 mars 2016, à 14h, l'employeur a établi une déclaration d'accident du travail indiquant que M. [R] "est décédé de mort naturelle dans son camion pendant une période de repos sur un parking dans le Calvados".
La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne (la CPAM) a instruit le dossier et diligenté une enquête. Le 31 mai 2016, elle a informé l'employeur de la prise en charge de l'accident mortel de [O] [R] au titre de la législation sur les risques professionnels.
La société [5] a contesté cette prise en charge devant la commission de recours amiable qui, à l'issue de sa séance du 17 octobre 2016, a rejeté sa demande.
La société [5] a saisi le tribunal judiciaire d'un recours contre cette décision et demandé que celle-ci lui soit déclarée inopposable.
Par jugement avant-dire-droit du 15 novembre 2017, le tribunal a ordonné une expertise médicale sur pièces confiée au docteur [V].
L'expert a déposé son rapport le 17 septembre 2018.
Par jugement du 31 juillet 2020, le tribunal :
- écarte la présomption d'imputabilité à un accident ou une cause professionnelle du décès de [O] [R] survenu le 21 mars 2016,
En conséquence,
- déclare inopposable à la société [5] la décision de la CPAM de la Haute-Marne en date du 31 mai 2017 de prendre en charge le décès de M. [R] au titre de la législation professionnelle,
- déboute les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires,
- condamne la CPAM de la Haute-Marne aux dépens.
Par déclaration enregistrée le 13 novembre 2020, la CPAM a relevé appel de cette décision.
Par ses dernières écritures notifiées reçues à la cour le 16 août 2022 et reprises à l'audience sans ajout ni retrait au cours des débats, elle demande à la cour de :
- annuler la décision déférée,
- confirmer la décision de prise en charge de l'accident mortel de M. [R] au titre de la législation professionnelle,
- dire et juger opposable à la société [5] la décision de prise en charge.
Par ses dernières écritures notifiées reçues à la cour le 9 janvier 2023 et reprises à l'audience sans ajout ni retrait au cours des débats, la société [5] demande à la cour de :
- confirmer le jugement du pôle social de Chaumont,
- en conséquence, de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge du décès survenu à M. [R] le 21 mars 2016.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LE CARACTÈRE PROFESSIONNEL DE L'ACCIDENT MORTEL
La CPAM soutient que l'accident mortel de [O] [R] présente un caractère professionnel et qu'aucun état antérieur ne peut être retenu.
En réponse, la société [5] le conteste et fait valoir que le salarié souffrait d'un état pathologique antérieur à l'origine de son décès.
Aux termes de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail, à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre que ce soit pour un ou plusieurs employeurs ou chef d'entreprise.
L'article précité édicte une présomption d'imputabilité en faveur de l'assuré dès lors que le fait accidentel s'est manifesté soudainement au temps et au lieu du travail mais il appartient à la victime d'en rapporter la preuve.
Il est constant que cette preuve peut être rapportée par tous moyens, mais que les seules allégations de la victime, quelque soit par ailleurs sa bonne foi et son honorabilité, sont insuffisantes en l'absence de témoin direct des faits.
Il revient ensuite à l'employeur qui entend contester cette présomption légale d'imputabilité de prouver l'existence d'une cause totalement étrangère au travail.
Il est constant que constitue un accident du travail, un événement ou une série d'événements, survenus à des dates certaines, par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit sa date d'apparition, une lésion provoquée par un effort même accompli dans un acte normal pouvant être assimilé à un accident du travail et les douleurs ressenties dans le cadre d'un acte normal étant constitutives de lésions.
Ici, [O] [R] a été victime d'un malaise ayant entraîné son décès pendant ses heures de travail, sur son lieu de travail et à l'occasion de son travail alors qu'il était sous la subordination de son employeur. L'accident litigieux est donc présumé survenu par le fait ou à l'occasion du travail. Il appartient, dès lors, à la société [5] de rapporter la preuve que cet accident est dû à une cause totalement étrangère au travail.
Or, l'expert judiciaire ne caractérise pas de façon certaine l'existence d'un état pathologique antérieur. Le docteur [V] se contente d'émettre une hypothèse. Il procède en effet par voie de simples suppositions en utilisant les termes "vraisemblablement", "il semble", ce qui introduit un doute sur l'origine du décès et est, de surcroît, insuffisant à caractériser un différend d'ordre médical ou un élément médical de nature à accréditer l'existence d'une cause propre à renverser la présomption d'imputabilité, face à la cohérence des pièces produites par la caisse qui sont suffisantes pour trancher le litige soumis à la cour. L'employeur ne justifie, pour sa part, d'aucun élément permettant d'établir sans conteste possible un lien entre le décès de [O] [R] et un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte. Il ne prouve pas davantage que le travail n'a joué aucun rôle dans l'évolution ou l'aggravation de l'état antérieur invoqué.
En conséquence, en l'absence de certitude sur une cause totalement étrangère au travail, l'accident mortel de [O] [R] doit être pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels et cette prise en charge est opposable à l'employeur.
Il convient, par suite, de rejeter la demande de la société [5], ce qui implique la réformation du jugement sur ce point.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
La décision attaquée sera infirmée en ses dispositions relatives aux dépens.
L'abrogation, au 1er janvier 2019, de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale a mis fin à la gratuité de la procédure en matière de sécurité sociale ; que pour autant, pour les procédures introduites avant le 1er janvier 2019, le principe de gratuité demeure. En l'espèce, la procédure ayant été introduite en 2016, il n'y a pas lieu à condamnation aux dépens de première instance.
Les dépens d'appel seront, en revanche, supportés par la société [5] qui succombe.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare opposable à la société [5] la décision de prise en charge de l'accident mortel de M. [R] au titre de la législation sur les risques professionnels,
Rejette les demandes de la société [5],
Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens de première instance,
Condamne la société [5] aux dépens d'appel.
Le greffier Le président
Frédérique FLORENTIN Delphine LAVERGNE-PILLOT