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23/02/2023 | FRANCE | N°21/00266

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 23 février 2023, 21/00266


RUL/CH













[P] [H]





C/



GIE DE LA COTE prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social









































Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023



MINUTE N°



N° RG 21/00266 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FV5M



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section Commerce, décision attaquée en date du 1...

RUL/CH

[P] [H]

C/

GIE DE LA COTE prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023

MINUTE N°

N° RG 21/00266 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FV5M

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section Commerce, décision attaquée en date du 12 Mars 2021, enregistrée sous le n° F18/00200

APPELANTE :

[P] [H]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Cédric MENDEL de la SCP MENDEL - VOGUE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON substitué par Me Claire DE VOGÜE, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

GIE DE LA COTE prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Philippe GROS de la SELARL CEFIDES, avocat au barreau de LYON substitué par Me Thomas ZAMMIT, avocat au barreau de LYON, et Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme [P] [H] a été embauchée le 23 juillet 2015 par le groupement d'intérêts économique (GIE) de la Côte en qualité de caissière centrale par un contrat à durée indéterminée à effet au 1er août 2015.

Le 11 juillet 2017, la salariée a été déclarée inapte à son poste de travail.

Le 3 août suivant, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 16 suivant.

Le 21 août 2017, elle a été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.

Par requête du 26 mars 2018, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Dijon afin de contester son licenciement, le faire déclarer nul et condamner l'employeur a, notamment, lui payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, d'indemnité de préavis et congés payés afférents.

Par jugement du 12 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Dijon l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Par déclaration du 11 avril 2021, la salariée a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures du 25 novembre 2022, l'appelante demande de :

- infirmer le jugement déféré,

- dire que son licenciement est nul,

- condamner le GIE de la Côte à lui verser les sommes suivantes :

* 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

* 3 333,70 euros bruts au titre du préavis, outre 333,37 euros au titre des congés payés afférents,

* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail,

* 2 500 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le GIE de la Côte à lui remettre les documents légaux rectifiés conformes à la décision à intervenir à savoir : une fiche de paie, une attestation Pôle Emploi et un solde de tout compte,

- débouter le GIE de la Côte de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières écritures du 27 septembre 2021, le GIE de la Côte sollicite de :

à titre principal,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

* constaté que le médecin du travail a déclaré Mme [H] inapte à son poste de travail, sans aucune possibilité de reclassement, par avis du 11 juillet 2017,

* dit que Mme [H] ne rapporte pas la preuve d'avoir été victime de harcèlement moral sur son lieu de travail et, par conséquent, de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité,

- débouté Mme [H] de sa demande tendant à déclarer son licenciement nul,

- mis les dépens à la charge de Mme [H],

à titre subsidiaire,

- juger que Mme [H] ne rapporte pas la preuve du moindre préjudice,

- la débouter de ses entières demandes, fins et prétentions,

- "à l'absurde" : réduire dans de substantielles proportions les sommes qui lui

seraient allouées,

en toutes hypothèses :

- débouter Mme [H] de l'intégralité de ses demandes plus amples ou contraires,

- la condamner à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'instance.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur le bien fondé du licenciement pour inaptitude :

Il résulte des dispositions de l'article L.1152-1 du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 précise à sa suite qu'en cas de litige relatif à l'application notamment de l'article L.1152-1 précité, le salarié présente des éléments de fait qui permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement.

Ainsi lorsque le salarié présente des faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [H] conteste le bien fondé de son licenciement pour inaptitude dans la mesure où celle-ci serait consécutive à un harcèlement moral, à savoir des moqueries et des propos humiliants et injurieux quotidiens de la part de collègues de travail et de son supérieur hiérarchique, M. [T], à compter de février 2016 et ce malgré en avoir informé son employeur.

Au titre des éléments qu'il lui appartient d'apporter elle produit :

- plusieurs certificats médicaux d'arrêt de travail et ordonnances (pièces n° 2 à 7, 33, 36 et 37),

- plusieurs attestations (pièces n° 13 à 22, 38),

- un récépissé de dépôt de plainte auprès des services de gendarmerie de [Localité 7] (pièce n° 25),

- une attestation du docteur [W] (pièce n° 26),

- un compte-rendu de consultation du docteur [B], psychiatre, du 16 juin 2017 (pièce n° 29),

- l'avis d'inaptitude du 11 juillet 2017 (pièce n° 9),

- deux captures d'écran d'appels téléphoniques des 22 et 30 novembre 2016 (pièces n° 30 et 31),

- un courrier électronique du 27 février 2017 adressé à Mme [C] (pièce n° 32),

- des captures d'écran Facebook (pièce n° 35),

- un courrier de réponse de l'employeur (pièce n° 24).

Ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral de sorte qu'il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement.

En réponse, le GIE de la Côte oppose que :

- Mme [H] ne supportait pas le pouvoir managérial, exercé de façon pourtant neutre et respectueuse de chacun par ses responsables,

- son inaptitude résulte d'une affection totalement étrangère au GIE de la Côte,

- elle n'a pas hésité à se rendre, en tant que cliente, au magasin Grand Frais d'[Localité 5] [Localité 6] après l'audience de conciliation et interpeller la caissière centrale en poste pour se vanter qu'elle sortait d'audience et que Grand Frais « allait payer » (pièce n° 37),

- les éléments produits ne sont pas probants dans la mesure où :

* les attestations, établies probablement sous sa dictée et afin de servir les besoins de sa cause, émanent d'amis et de membres de sa famille qui n'ont jamais été salariés du GIE de la Côte (pièces n° 28 et 31) et ne font que reprendre ses accusations gratuites et non étayées sans aucun élément précis et objectif,

* Mme [F] atteste avoir subi des pressions de collègues de travail, plus spécifiquement de Mmes [Y] et [I]. Or elle n'a pas travaillé avec cette dernière (pièce n° 40),

* l'extrait de conversation FACEBOOK a lieu entre des personnes non salariées du GIE de la Côte, Mme [H] n'y est pas citée ni même mise en cause,

* les documents médicaux mentionnant l'existence de difficultés professionnelles ne caractérisent aucun lien de causalité ni même l'existence d'un harcèlement,

- plusieurs salariées ayant travaillé avec M. [T] attestent que Mme  [H] n'a jamais fait l'objet d'un quelconque harcèlement (pièces n° 16 à 21, 38 et 39),

- les entretiens annuels de progrès de Mme [H] démontrent une absence de tout harcèlement moral à son encontre et un "syndrome anti-hiérarchique et contestataire systématique de sa part" (pièces n° 22 à 27),

- le docteur [B], psychiatre, indique que « l'origine précise de ses troubles psychologiques qui pourraient tout aussi bien résulter de son approche même du travail, indépendamment de toutes conditions délétères » (pièces n° 29 et 48).

La cour relève en premier lieu que le certificat médical du docteur [B] (pièces n° 8 et 29) fait mention que " l'évaluation clinique de la salariée confirme un état de souffrance morale avec la présence de symptômes anxieux et de troubles du sommeil invalidants. La patiente rapporte un sentiment d'échec et de déception quant à l'évolution de sa situation professionnelle. Elle exprime un sentiment de dévalorisation et de mésestime de soi. [...] " assorti de l'avis qu'une inaptitude médicale est à envisager mais sans qu'il soit aucunement question d'un quelconque harcèlement.

Il en est de même de l'avis d'inaptitude (pièce n° 9) et du certificat médical du docteur [W] évoquant un "contexte de difficulté professionnelle" et faisant un lien entre la pathologie de la salariée et "les difficultés rencontrées sur son lieu de travail", sans plus de précision sur la nature et l'origine des difficultés, au demeurant rapportées par la salariée elle-même à l'exclusion de toute constatation effectuées par le praticien lui-même (pièce n° 26).

S'agissant des attestations produites, la cour relève :

- d'une part que les attestations de personnes se présentant comme collègue de travail, peu important qu'ils n'aient pas été salariés de la société GIE de la Côte dès lors qu'ils ont travaillé avec Mme [H], sont rédigées en des termes très généraux et imprécis quant aux "remarques désobligeantes" que la salariée aurait subi de la part de ses collègues, par ailleurs non désignés (pièce n° 13, 15, 16, 18, 19 et 38).

S'agissant de l'attestation de Mme [V], les exemples qu'elle cite ne sont pas datés et le témoin ne fait que rapporter des propos - s'assimilant à des commérages - tenu par d'autres salariés hors la présence de Mme [H] (pièce n° 14).

Quant à l'attestation de Mme [F], elle évoque son cas personnel sans faire un lien quelconque avec Mme [H] (pièce n° 36).

- d'autre part que les attestations de ses proches (conjoint, amies, parent) ne font que rapporter les propos tenus par la salariée, sans plus de précisions quant au harcèlement dénoncé, et sans faire mention qu'il s'agit de faits auxquels ils ont personnellement assisté (pièces n° 17, 20, 21, 22),

- enfin ces attestations sont contredites par d'autres attestations de salariés de la société qui affirment n'avoir aucunement été témoin du harcèlement allégué par Mme [H] ni d'un quelconque comportement de cette nature par M. [T], que ce soit sur elle ou un autre salarié (pièces n° 16 à 21).

Par ailleurs, s'il est établi que Mme [H] s'est plainte auprès de son employeur d'avoir été victime pendant son arrêt de travail de moqueries et menaces sur Facebook de la part de certains de ses collègues (pièce n° 23, 24 et 32), l'examen de la conversation litigieuse démontre que Mme [H] s'est en réalité immiscée dans une conversation privée dans laquelle elle n'est aucunement citée, de sorte que le fait d'avoir pris cette conversation comme dirigée contre elle relève de sa seule interprétation (pièce n° 35).

Enfin, à l'appui de son affirmation selon laquelle le mal-être de la salariée serait en réalité provoqué par un "syndrome anti-hiérarchique et contestataire systématique de sa part", l'employeur produit plusieurs entretiens annuels de progrès dont il ressort effectivement qu'en 2016, Mme [H] était peu ou mal intégrée dans son environnement professionnel, son manque d'assurance, son manque de recul et sa peur de mal faire étant également soulignés.

A cet égard, si une évolution positive a pu être relevée par la suite, le comportement de la salariée est resté marqué par la difficulté à accepter les contraintes hiérarchiques et les remarques ou refus qui lui sont opposés. La cour observe surtout que la salariée n'a jamais évoqué au cours de ces entretiens un quelconque harcèlement tant de la part de ses collègues que de M. [T] alors même qu'il lui était donné l'occasion de s'exprimer et qu'elle n'a d'ailleurs pas manqué de le faire (pièces n° 22 à 27).

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l'employeur renverse la présomption de harcèlement de sorte que le harcèlement moral n'est pas établi.

Il s'en déduit que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de requalification du licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement en un licenciement nul résultant du fait que l'inaptitude serait consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée, ainsi que les demandes indemnitaires afférentes, y compris sur la remise des documents de fin de contrat.

II - Sur les dommages-intérêts pour harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail :

Du fait des agissements répétés de harcèlement moral subis qui ont eu pour objet et effet de dégrader ses conditions de travail, de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale et de compromettre son avenir professionnel, Mme [H] sollicite également la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Néanmoins, il ressort des développements qui précèdent que le harcèlement moral allégué n'est pas établi.

Au surplus, la salariée ne justifie d'aucun préjudice.

La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

III - Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [H] aux dépens.

Il sera en revanche infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société GIE de la Côte au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [H] sera condamnée à payer à la société GIE de la Côte la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande de Mme [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Mme [H] succombant, elle supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu le 12 mars 2021 par le conseil de prud'hommes de Dijon sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société GIE de la Côte au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

CONDAMNE Mme [P] [H] à payer à la société GIE de la Côte la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de Mme [P] [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [P] [H] aux dépens d'appel.

Le greffier Le président

Kheira BOURAGBA Olivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00266
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;21.00266 ?
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