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23/02/2023 | FRANCE | N°20/00426

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 23 février 2023, 20/00426


DLP/CH













Société [5]





C/



Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Haute-Marne (CPAM)













































Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



le :



à :



































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023



MINUTE N°



N° RG 20/00426 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FR2D



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Pôle social du Tribunal Judiciaire de CHAUMONT, décision attaquée en date du 31 Juillet 2020, enregistrée sous le n° 18/39







APPELANTE :



Société [5]
...

DLP/CH

Société [5]

C/

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Haute-Marne (CPAM)

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023

MINUTE N°

N° RG 20/00426 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FR2D

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Pôle social du Tribunal Judiciaire de CHAUMONT, décision attaquée en date du 31 Juillet 2020, enregistrée sous le n° 18/39

APPELANTE :

Société [5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Valérie SCETBON GUEDJ de la SELEURL VALERIE SCETBON AVOCAT, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Haute-Marne (CPAM)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Mme [O] [J] (Chargée d'audience) en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Janvier 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller, Président,

Olivier MANSION, Président de chambre,

Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Mme [I], salariée de la société [5], a, sur le fondement d'un certificat médical initial du 31 juillet 2017, souscrit le 13 septembre 2017 une déclaration de maladie professionnelle pour une « tendinopathie de l'épaule droite sans rupture, ni calcification », pathologie inscrite au tableau n° 57 des maladies professionnelles.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Marne (la CPAM) a décidé, le 24 novembre 2017, de prendre en charge la pathologie déclarée au titre de la législation sur les risques professionnels, sur le fondement du tableau n° 57 des maladies professionnelles relatif aux affections péri-articulaires provoquées par certains gestes et postures du travail. Elle a notifié sa décision de prise en charge à la société [5].

Après que Mme [I] ait bénéficié au titre de cette prise en charge de soins du 31 juillet au 31 décembre 2017 et d'arrêts de travail du 6 septembre au 31 décembre 2017, le médecin-conseil de la CPAM a fixé la consolidation par guérison de son état au 31 décembre 2017.

Contestant le bien-fondé de la décision de prise en charge, la société [5] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM (la CRA), laquelle a par décision du 2 mai 2018 rejeté son recours gracieux.

Par lettre recommandée adressée le 13 juillet 2018, la société [5] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'un recours contre cette décision de rejet et demandé au tribunal de :

A titre principal,

- constater qu'elle n'a jamais été rendue destinataire des certificats médicaux descriptifs d'ores et déjà émis au jour de la consultation des pièces par ses soins,

- constater que la CPAM ne conteste pas ne pas lui avoir communiqué les premiers certificats médicaux descriptifs,

En conséquence,

- dire et juger que la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la pathologie du 31 juillet 2017, déclarée par Mme [I], lui est inopposable,

A titre subsidiaire,

- constater que la CPAM de la Haute-Marne ne démontre aucunement la continuité de symptômes et soins prescrits et pris en charge par elle à la suite de la pathologie du 31 juillet 2017 déclarée par Mme [I] postérieurement au 31 août 2017,

- constater, dès lors, que la présomption d'imputabilité ne saurait s'appliquer en l'espèce dès lors que le défaut de continuité de symptômes et de soins est démontré,

En conséquence,

- dire et juger que la décision de la CPAM de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la pathologie du 31 juillet 2017 déclarée par Mme [I] lui est inopposable postérieurement au 31 août 2017.

Par jugement du 31 juillet 2020, le tribunal a rejeté ses prétentions et lui a déclaré opposable la décision de prise en charge de la caisse.

Par déclaration enregistrée le 13 novembre 2020, la société [5] a relevé appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions reçues à la cour le 20 octobre 2022 et reprises à l'audience sans ajout ni retrait au cours des débats, elle demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son recours,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Vu les articles R. 441-13 du code de la sécurité sociale,

- juger que le dossier qui lui a été transmis préalablement à la prise en charge de la pathologie déclarée par Mme [I] ne comportait pas les certificats médicaux de prolongation d'arrêt de travail,

- juger que le dossier qu'elle a consulté était incomplet,

- juger que la CPAM n'a pas respecté l'obligation d'information qui lui incombe,

En conséquence,

- juger que la décision de prise en charge de la pathologie du 31 juillet 2017 déclarée par Mme [I] lui est inopposable, ainsi que l'ensemble de ses conséquences financières.

Par ses dernières écritures reçues à la cour le 2 décembre 2022 et reprises à l'audience sans ajout ni retrait au cours des débats, la CPAM demande à la cour de :

- confirmer la décision déférée,

- confirmer l'opposabilité de la pathologie de Mme [I] à l'égard de la société [5],

- condamner la société [5] aux entiers dépens de l'instance.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LE MANQUEMENT À L'OBLIGATION D'INFORMATION ET L'OPPOSABILITÉ DE LA PRISE EN CHARGE

La société [5] soutient que le dossier qui lui a été transmis préalablement à la prise en charge de la pathologie déclarée par Mme [I] ne comportait pas les certificats médicaux de prolongation d'arrêt de travail, qu'il était donc incomplet. Elle en déduit que la CPAM n'a pas respecté son obligation d'information et que sa décision de prise en charge lui est, par suite, inopposable.

En réponse, la CPAM fait valoir que le dossier transmis à l'employeur était complet même si les certificats médicaux de prolongation n'y figuraient pas dès lors que ceux-ci n'ont pas été utilisés pour l'instruction du dossier. Elle ajoute que ces éléments ne permettaient pas de caractériser la pathologie déclarée et que leur non-transmission ne fait donc pas grief à la société [5].

Il résulte de l'article R. 441-11 alinéa 1er du code de la sécurité sociale que la caisse doit informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision, le tout à peine d'inopposabilité de sa décision de prise en charge.

Il en ressort que la caisse primaire est tenue, préalablement à sa décision, d'assurer l'information de la victime ou de ses ayants droit et de l'employeur sur la procédure d'instruction et les points susceptibles de leur faire grief.

L'article R. 441-13 du même code définit le contenu des dossiers administratifs constitués par la CPAM et les modalités de communication des pièces qu'ils comportent à la victime (ou ses ayants droit) et à l'employeur.

Les pièces du dossier comprennent ainsi :

- la déclaration d'accident et l'attestation de salaire,

- les divers certificats médicaux,

- les constats faits par la caisse primaire,

- les informations parvenues à la caisse de chacune des parties,

- les éléments communiqués par la caisse régionale,

- éventuellement, le rapport de l'expert technique.

Il est constant que le dossier de la caisse, mis à la disposition de l'employeur, doit être complet et permettre à ce dernier de comprendre l'ensemble des éléments du dossier au vu desquels la caisse envisage de prendre sa décision et susceptibles de lui faire grief.

Ici, la société [5] a mandaté un représentant qui s'est déplacé dans les locaux de la CPAM afin de consulter les pièces du dossier de Mme [I]. Or, il ressort du formulaire de consultation dudit dossier que l'employeur n'a pas eu accès aux certificats médicaux de prolongation alors que le certificat médical initial prévoyait des soins jusqu'au 31 août 2017 uniquement et que deux arrêts de travail ont ensuite été établis les 9 septembre 2017 et 11 octobre 2017. L'exigence de la présence au dossier consulté des "divers certificats médicaux", suivant la rédaction applicable de l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale implique que soient joints à ce dossier tous les certificats médicaux de prolongation et il appartient à la caisse, sur laquelle repose la charge de la preuve du respect de l'obligation d'information instaurée par l'article précité, de mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires à l'établissement de cette preuve, notamment d'établir que le contenu du dossier est conforme audit article.

Il doit être précisé qu'en aucune manière, la caisse ne peut faire le tri dans les certificats médicaux qui sont en sa possession et choisir ceux qu'elle considère comme devant être portés à la connaissance de l'employeur comme susceptibles de lui faire grief. Tous les certificats médicaux peuvent faire grief à l'employeur car ils établissent la chronologie des différentes constatations médicales de la maladie professionnelle ou de l'accident de travail, font état du siège des lésions successivement constatées par le médecin traitant ou un médecin spécialiste, peuvent éventuellement faire apparaître d'autres pathologies sans lien établi avec celle déclarée et permettent la mise en oeuvre de la présomption d'imputabilité au travail des arrêts et des soins prescrits. Ces informations sont donc utiles dès la consultation du dossier.

En l'espèce, la caisse ne conteste pas que les certificats médicaux de prolongation étaient en sa possession. Or, étant en charge de l'instruction du dossier, elle doit veiller à ce que ce dernier soit complet pour que le principe de la contradiction soit tout à fait respecté, ce qu'elle n'a pas fait. Elle ne soutient pas par ailleurs qu'elle a été dans l'impossibilité de communiquer ces certificats médicaux qui étaient bien en sa possession. Elle prétend par ailleurs, sans offre de preuve, qu'elle a pris sa décision en se fondant uniquement sur le certificat médical initial, étant ajouté qu'elle n'établit pas que les arrêts de prolongation n'apportaient aucun élément supplémentaire quant à la pathologie alors qu'ils peuvent contenir une description plus précise de la lésion. Ce faisant, elle n'a pas mis l'employeur en mesure d'apprécier l'évolution de la lésion initiale, ni de présenter utilement ses observations, le grief étant ainsi établi.

En conséquence, faute pour la CPAM d'avoir mis à la disposition de la société [5] un dossier complet, à savoir l'ensemble des pièces en sa possession au jour où elle a pris sa décision de prise en charge de la maladie, cette dernière doit être déclarée inopposable à l'employeur pour manquement au principe de la contradiction.

Le jugement sera réformé en ses dispositions contraires.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

La décision attaquée sera infirmée en ses dispositions relatives aux dépens mais confirmée en celles relatives aux frais irrépétibles.

L'abrogation, au 1er janvier 2019, de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale a mis fin à la gratuité de la procédure en matière de sécurité sociale. Pour autant, pour les procédures introduites avant le 1er janvier 2019, le principe de gratuité demeure. Il en résulte qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de statuer sur les dépens de première instance et que la caisse primaire d'assurance maladie supportera, en revanche, les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en celles relatives à l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Déclare inopposabble à la société [5] la décision de prise en charge de la pathologie du 31 juillet 2017 déclarée par Mme [I], ainsi que l'ensemble de ses conséquences financières,

Dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens de première instance,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne aux dépens d'appel.

Le greffier Le président

Frédérique FLORENTIN Delphine LAVERGNE-PILLOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00426
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;20.00426 ?
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