DLP/CH
[V] [D]
C/
E.A.R.L. R DUBOIS ET FILS
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023
MINUTE N°
N° RG 21/00265 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FV5K
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section Agriculture, décision attaquée en date du 24 Mars 2021, enregistrée sous le n° 20/00020
APPELANTE :
[V] [D]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Jean-Charles MEUNIER de la SELAS ADIDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE substitué par Me Véronique PARENTY-BAUT, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉE :
E.A.R.L. R DUBOIS ET FILS
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Pierrick BECHE de la SARL PIERRICK BECHE - CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de DIJON substitué par Me Florence DESCOURS, avocat au barreau de DIJON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Janvier 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Mme [D] est entrée au service de l'EARL R. Dubois & fils (la société Dubois) le 1er octobre 1980 en qualité d'ouvrier qualifié (ouvrier viticole).
Le 5 décembre 2016, elle a été placée en arrêt de travail et n'a pas repris son emploi depuis.
Le 2 février 2017, elle a sollicité auprès de la MSA une reconnaissance de maladie professionnelle.
Le 24 octobre 2017, la MSA a notifié à la société Dubois la prise en charge de la pathologie de Mme [D] au titre de la législation sur les risques professionnels au titre d'une tendinite de l'épaule droite.
Le 3 septembre 2019, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude sur le poste précédemment occupé par la salariée, avec des recommandations pour les modalités de reclassement.
Le 26 septembre 2019, la société Dubois a proposé à Mme [D] un poste d'employé polyvalent que la salariée a refusé le 2 octobre 2019.
Le 7 octobre 2019, le médecin du travail a confirmé que le poste de reclassement proposé était compatible avec l'état de santé de la salariée.
La société Dubois a ainsi, le 9 octobre 2019, renouvelé sa proposition de poste à Mme [D] qui a réitéré son refus par courrier en réponse du 14 octobre 2019.
Le 16 octobre 2019, la société Dubois a notifié à la salariée son impossibilité de reclassement et l'a convoquée, le 22 octobre 2019, à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s'est tenu le 5 novembre 2019.
Le 8 novembre 2019, l'employeur a notifié Mme [D] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par requête reçue au greffe le 10 janvier 2020, Mme [D] a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir condamner la société Dubois à lui payer un solde au titre de l'indemnité spéciale de licenciement et une indemnité de préavis.
Par jugement du 24 mars 2021, le conseil de prud'hommes a rejeté ses prétentions.
Par déclaration enregistrée le 8 avril 2021, Mme [D] a relevé appel de cette décision.
Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par voie électronique le 4 mai 2021, elle demande à la cour de :
- dire et juger bien fondé l'appel interjeté et, réformant le jugement entrepris,
- condamner l'EARL R. Dubois & fils à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts de droit à compter de la demande en justice :
* indemnité spéciale de licenciement (solde) : 14 287,90 euros
* indemnité équivalente au préavis : 1 200 euros
* article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros
- condamner enfin l'EARL R. Dubois & fils en tous les dépens.
Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 29 juillet 2021, la société Dubois demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement rendu le 24 mars 2021 en ce qu'il a débouté Mme [D] de l'intégralité de ses demandes,
- réformer le jugement rendu en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
- juger que Mme [D] ne rapporte pas la preuve du lien de causalité entre sa maladie professionnelle de 2016 et son inaptitude de 2019,
- en conséquence, débouter Mme [D] de l'intégralité de ses demandes,
En tout état de cause,
- condamner Mme [D] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LES DEMANDES EN PAIEMENT
Mme [D] réclame le paiement d'une indemnité spéciale de licenciement et d'une indemnité équivalente au préavis. Elle soutient que son refus de la proposition de reclassement n'est pas abusif dès lors que cette proposition entraînait, selon elle, une modification de son contrat de travail.
En réponse, la société Dubois fait valoir qu'elle est exonérée du paiement de l'indemnité compensatrice et de l'indemnité spéciale de licenciement dues en cas de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle dès lors que la salariée a refusé, sans motif légitime, le reclassement qui lui était proposé.
Mme [D] a été déclarée inapte à son poste d'ouvrier viticole par le médecin du travail, le docteur [I], le 3 septembre 2019, cet avis ayant été assorti d'un certain nombre de préconisations : « pas de mouvement forcé ni de port de charges, ni gestes répétitifs avec le bras droit. Pas de tâches imposant de lever le bras droit à l'horizontal ».
Il ressort de la pièce 3 de la société Dubois qu'elle a proposé à Mme [D] un poste spécialement aménagé en parfaite concordance avec les préconisations du médecin du travail. Ce poste ne mentionnait aucune des activités proscrites par ce dernier qui a confirmé à deux reprises (les 23/09 et 07/10/19) son accord sur ce poste. La salariée l'a cependant refusé deux fois au motif qu'il n'était 'pas approprié à son état de santé' et que la proposition de reclassement entraînait une modification de ses conditions de travail. Mme [D] prétend que le poste proposé d'« employé polyvalent » est, dans sa substance même, différent du poste d' « ouvrier viticole » qu'elle a précédemment occupé et que, dès lors, la proposition de poste emporte, selon elle, une incontestable modification du contrat de travail qu'elle était en droit de refuser de sorte que son refus ne serait pas abusif.
Il est constant que l'employeur peut, dans le cadre de son pouvoir de direction, faire évoluer les tâches effectuées par le salarié et que la circonstance que la tâche confiée soit différente de celle qu'il effectuait antérieurement ne caractérise pas, en soi, une modification du contrat de travail laquelle suppose la modification d'une condition essentielle de ce dernier.
En l'espèce, il convient liminairement de rappeler que le médecin a prononcé l'inaptitude de la salariée à son poste d'ouvrier viticole et non pas un avis d'aptitude avec réserves sur ce poste lequel aurait supposé la mise en place de simples mesures d'aménagement, d'adaptation ou de transformation de poste.
De plus, les éléments déterminants du contrat de travail de Mme [D] n'ont pas été modifiés Ainsi, sa rémunération est demeurée identique (1 109,44 euros bruts), de même que sa classification au niveau 1 échelon 2 de la convention collective applicable (pièce 5 de l'intimée), sachant qu'une même classification peut engendrer différentes dénominations de poste. La durée du travail a, quant à elle, dû être adaptée, la salariée ne pouvant plus travailler dans les vignes, travail par nature intermittent alternant des périodes travaillées et non travaillées. Une nouvelle répartition des heures a, par suite, été proposée à Mme [D] dans le cadre d'un travail d'employé équivalent à temps partiel.
Par ailleurs, il importe peu que les conditions de travail de Mme [D] ont été différentes, l'octroi de nouvelles tâches correspondant à la qualification de la salariée constituant un simple changement des conditions de travail. L'avis d'inaptitude a, de fait, rendu nécessaire un changement afin de répondre aux préconisations du médecin du travail, Mme [D] ne pouvant être maintenue dans des travaux dans les vignes.
La proposition de poste comportait des tâches administratives, de préparation de commandes et des tâches de petits travaux d'entretien parfaitement adaptées qui ont été, comme précédemment indiqué, validées à deux reprises par le docteur [I]. La société Dubois était, par suite, fondée à les proposer à Mme [D] sans que cela ne constitue une modification déterminante de son contrat de travail.
Ainsi, la salariée ne rapporte pas la preuve d'une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail, ni ne justifie d'aucun motif légitime à son refus, notamment par un avis médical contraire de celui du médecin du travail. Son refus d'un poste approprié à son handicap et comparable dans ses éléments essentiels au poste précédemment occupé, tel que proposé par l'employeur, doit donc être considéré comme étant abusif. Partant, Mme [D] se trouve privée des indemnités spécifiques de l'article L. 1226-14 du code du travail, à savoir de l'indemnité spéciale de licenciement et de l'indemnité équivalente au préavis.
Au surplus, la cour relève que le licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle n'est pas remis en cause en tant que tel par Mme [D] qui ne demande pas qu'il soit annulé ou déclaré sans cause réelle et sérieuse. Dès lors, il importe peu, au regard de l'autonomie du droit du travail et de la sécurité sociale, que la MSA ait reconnu le caractère professionnel de la maladie. La salariée, à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité entre la maladie professionnelle reconnue en octobre 2017, rétroactivement en décembre 2016, et son inaptitude prononcée en novembre 2019, soit environ 3 ans plus tard. Partant, c'est à bon droit que la société Dubois a, repris le versement du salaire correspondant à l'emploi occupé par la salariée avant la suspension de son contrat de travail et à l'issue du délai légal d'un mois et qu'elle lui a, de même, versé une indemnité de 14 284 euros au titre de l'indemnité de licenciement. Les demandes indemnitaires de Mme [D] doivent, de plus fort, être rejetées.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de la salariée.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
La décision querellée sera confirmée en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Mme [D], qui est à l'origine d'un appel non fondé, doit prendre en charge les dépens d'appel et supporter, à hauteur de cour, une indemnité au visa de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme [D] et la condamne à payer complémentairement en cause d'appel à la société R. Dubois et fils la somme de 1 500 euros,
Condamne Mme [D] aux dépens d'appel.
Le greffier Le président
Kheira BOURAGBA Olivier MANSION