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02/02/2023 | FRANCE | N°21/00257

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 02 février 2023, 21/00257


DLP/CH













[R] [Z]





C/



S.A.S. CLINIQUE MUTUALISTE BENIGNE JOLY



















































Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



le :



à :


































>RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023



MINUTE N°



N° RG 21/00257 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FV4V



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section Encadrement, décision attaquée en date du 08 Mars 2021, enregistrée sous le n° 20/00060







APPELANT :



...

DLP/CH

[R] [Z]

C/

S.A.S. CLINIQUE MUTUALISTE BENIGNE JOLY

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023

MINUTE N°

N° RG 21/00257 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FV4V

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section Encadrement, décision attaquée en date du 08 Mars 2021, enregistrée sous le n° 20/00060

APPELANT :

[R] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Claire DE VOGÜE de la SCP MENDEL - VOGUE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

S.A.S. CLINIQUE MUTUALISTE BENIGNE JOLY

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Loïc DUCHANOY de la SCP LDH AVOCATS, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Janvier 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [Z] a été engagé, le 6 juin 2005, par la SAS Clinique mutualiste Bénigne Joly (la clinique) en qualité d'infirmier anesthésiste.

Le 1er octobre 2014, il a été promu au poste de responsable du département anesthésiste puis a été titularisé, après plusieurs périodes de remplacements temporaires régularisés par avenants, au poste de cadre de bloc opératoire à compter du 1er juillet 2017.

Le 20 juin 2019, il a été placé en arrêt de travail.

Le 27 août 2019, il a bénéficié, à sa demande, d'un entretien pour préparer sa reprise.

Le 13 septembre 2019, il a adressé à son employeur une lettre recommandée pour

contester les termes et propositions issus de l'entretien du 27 août.

Un échange de courriers s'en est suivi sans que les parties ne parviennent à un accord.

Le 11 septembre 2019, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 23 septembre 2019.

Le 7 octobre 2019, il s'est vu notifier son licenciement pour « absence prolongée engendrant de graves perturbations au sein du bloc opératoire ».

Par requête reçue au greffe le 7 février 2020, M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir juger son licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, obtenir les indemnités subséquentes, outre le paiement d'heures supplémentaires, de repos compensateur et d'une indemnité pour travail dissimulé.

Par jugement du 8 mars 2021, le conseil de prud'hommes a jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, a octroyé au salarié 20 000 euros de dommages et intérêts à ce titre et rejeté l'ensemble de ses autres demandes.

Par déclaration enregistrée le 30 avril 2021, M. [Z] a relevé appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par voie électronique le 21 décembre 2021, il demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il a :

* dit et jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse,

* condamné la clinique Bénigne Joly à un article 700 à hauteur de 1 500 euros,

Y faisant droit,

- condamner la clinique Bénigne Joly à lui verser la somme de 80 000 euros nets au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la clinique Bénigne Joly à lui verser la somme de 3 602,64 euros nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- condamner la clinique Bénigne Joly à lui verser la somme de 53 593,39 euros bruts au titre des heures supplémentaires outre la somme de 5 359,33 euros de congés payés afférents,

- condamner la clinique Bénigne Joly à lui verser la somme 23 598,23 euros bruts au titre des repos compensateurs obligatoires, outre la somme de 2 359,82 euros au titre des congés payés afférents,

- juger que le travail dissimulé est caractérisé,

- condamner la clinique Bénigne Joly à lui verser la somme de 36 854,88 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

- condamner la clinique Bénigne Joly à lui verser la somme de 2 500 euros nets au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la clinique Bénigne Joly de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la clinique Bénigne Joly à lui remettre les documents légaux rectifiés, à savoir': un bulletin de salaire, un certificat de travail, une attestation Pôle emploi conforme aux dispositions de l'arrêt,

- juger que les sommes ayant une nature salariale ou assimilées produisent intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Dijon,

- condamner la clinique Bénigne Joly aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 24 septembre 2021, la clinique demande à la cour de :

- débouter M. [Z] de l'ensemble de ses demandes,

A titre reconventionnel,

- dire et juger recevable et bien fondé son appel incident,

- réformer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement de M. [Z] prononcé le 7 octobre 2019 sans cause réelle et sérieuse et lui a octroyé la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts outre 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [Z] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [Z] aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il sera liminairement relevé que le jugement déféré n'est pas remis en cause en ce qu'il rejette la demande en nullité du licenciement.

SUR LA CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE DU LICENCIEMENT

M. [Z] soutient que l'employeur ne justifie pas des motifs de son licenciement et prétend qu'il a fait preuve d'une hâte excessive dans sa décision de rupture violant ainsi les dispositions de l'article 83-1 de la convention collective applicable qui prévoit une durée de 6 mois avant qu'il puisse le licencier pour absences répétées et désorganisation du service. Il ajoute que son absence pour maladie est une conséquence des manquements de l'employeur puisqu'il a été arrêté pour surmenage professionnel. Il relève encore que la cessation définitive de ses fonctions comme cadre de bloc a été annoncée par mail du 13 septembre 2019, soit avant même sa convocation à entretien préalable.

En réponse, la clinique fait valoir qu'elle justifie des causes objectives du licenciement de M. [Z], à savoir que ses absences répétées ont désorganisé le service du bloc opératoire et rendu nécessaire son remplacement définitif. Elle précise que l'article 83-1 de la convention collective n'institue pas une garantie d'emploi mais de salaire.

En vertu de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel (..) est justifié par une cause réelle et sérieuse.

1 - Ici, la convention collective nationale de l'hospitalisation privée à but lucratif du 18 avril 2002 applicable à la relation contractuelle prévoit une classification des cadres pour des coefficients allant de 300 à 379 pour le cadre A, de 380 à 424 pour le cadre B, de 425 à 524 pour le cadre C et un coefficient supérieur à 525 pour le cadre supérieur. Elle détermine par ailleurs dans ses titre IV, chapitre 2 et article 45 relatif à la cessation du contrat de travail les dispositions applicables en cas, notamment, de licenciement. Elle institue ainsi une durée du préavis de 3 mois pour les cadres et de 6 mois pour les cadres supérieurs, sauf dans l'hypothèse d'un licenciement pour faute grave, lourde ou en cas de force majeure. Elle ajoute que la dispense de l'exécution du travail durant le préavis à l'initiative de l'employeur n'a pas pour conséquence d'avancer la date à laquelle le contrat de travail prend fin. Cependant, et dans cette hypothèse, elle ne peut entraîner, jusqu'à l'expiration dudit délai, aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait reçus s'il avait accompli son travail.

L'article 83-1 de la convention collective précitée est quant à lui inséré dans le titre VIII relatif à la prévoyance. Il dispose que les absences motivées par l'incapacité résultant de la maladie non professionnelle et de l'accident de trajet, justifiées par certificat médical et notifiées par le salarié dans les conditions prévues à l'article 84.1, constituent une simple suspension du contrat de travail pour une période garantie de 6 mois consécutifs ou 180 jours calendaires sur une période de 12 mois consécutifs. Si l'absence se prolonge au-delà de la durée précitée et dans le cas où, sous peine de compromettre le fonctionnement de l'entreprise ou d'un service, il apparaîtrait indispensable de remplacer effectivement le salarié malade, l'employeur pourra rompre le contrat de travail en respectant la procédure de licenciement prévue aux articles L. 1232-2 et L. 1232-6 du code du travail.

Cet article institue ainsi une garantie, non pas d'emploi, mais de salaire pendant l'absence pour maladie non professionnelle et accident de trajet dont il est justifié par certificat médical.

M. [Z] ne peut donc se prévaloir de l'article 83-1 pour en déduire qu'il bénéficiait d'une garantie d'emploi. C'est donc à tort que le premier juge a considéré que la clinique n'avait pas respecté la clause de garantie prévue à l'article 83-1 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. [Z] était cadre de bloc, statut cadre, qualification B380, coefficient 441 de la convention collective applicable. En tant que cadre, ce statut n'étant pas remis en cause, et en vertu de l'article 45 de la convention collective, l'employeur se devait de respecter un préavis de 3 mois avant de le licencier, sauf cas de force majeure. Or, la clinique établit avoir respecté ce délai de 3 mois qu'elle rappelle d'ailleurs dans la lettre de licenciement.

2 - Il est constant que lorsque l'employeur a manifesté la volonté de rompre le contrat de travail avant la notification régulière et motivée du licenciement, soit par une lettre recommandée avec accusé de réception envoyée au salarié avec un délai minimum de deux jours ouvrables après l'entretien préalable, il s'en déduit l'existence d'un licenciement verbal dépourvu de cause réelle et sérieuse. De plus, l'annonce n'est pas forcément celle faite au salarié et elle n'est pas forcément orale. L'élément constitutif du licenciement verbal est uniquement le fait d'avoir été annoncé avant la notification officielle et motivée du licenciement. Ainsi, l'utilisation de tout vecteur de communication ayant pour résultat l'annonce du licenciement avant sa notification au salarié constitue un licenciement verbal.

Il appartient au salarié d'établir la réalité du licenciement verbal antérieur qu'il invoque.

Les juges du fond apprécient souverainement la valeur et la portée des éléments de fait et de preuve qui lui sont soumis pour apprécier si les propos tenus par l'employeur peuvent être ou non analysés comme une décision de mettre définitivement fin à la relation contractuelle.

En l'espèce, M. [Z] expose, en page 9 de ses conclusions, et justifie en sa pièce 51 que la cessation définitive de ses fonctions comme cadre de bloc a été annoncée par mail du 13 septembre 2019 adressé par Mme [S], logisticienne du bloc opératoire, à d'autres salariées de la clinique (Mmes [N], [H], [U] et [F]), soit avant même la convocation à entretien préalable et la notification officielle et motivée du licenciement au salarié. Ce courriel, largement diffusé et dont l'objet était le "renouvellement des contrats moteurs chirurgicaux Aesculap bbraun", précise explicitement que M. [Z] n'est plus cadre de bloc et que "Mmes [A] et [J], infirmières de bloc, assurent la gestion du bloc, en attendant le recrutement d'un nouveau cadre".

L'employeur ne développe aucune argumentation en réponse au licenciement verbal allégué telle qu'il résulte de ce mail et ne combat cette prétention par aucun élément contraire.

Les propos tenus par Mme [S], qui travaille dans le même service que M. [Z] et n'a pu prendre l'initiative d'une telle annonce, traduit sans aucune ambiguïté la décision déjà prise par l'employeur de mettre définitivement fin à la relation contractuelle avec le salarié avant même l'annonce faite directement à ce dernier par la clinique. Il s'en déduit l'existence d'un licenciement verbal rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera donc confirmé, par substitution de motifs, en ses dispositions en ce sens.

3 - Le licenciement étant jugé abusif, M. [Z] peut prétendre aux indemnités de rupture et à des dommages et intérêts.

S'agissant de l'indemnité de licenciement, il s'agit d'une indemnité minimale qui est versée au salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, à moins que la convention collective régissant ses relations avec son employeur ne prévoit une indemnité conventionnelle de licenciement dont le montant est plus favorable.

Ici, il convient de faire application, comme demandé par le salarié, des dispositions plus favorables de l'article 47 de la convention collective applicable tout en déduisant 7 mois de son ancienneté en tant que cadre, en raison de ses arrêts maladie. L'employeur a procédé à un calcul détaillé (pièce 7) faisant ressortir qu'il ne reste plus dû aucune somme au salarié. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement à ce titre.

Compte tenu de son ancienneté (14 années complètes) dans une entreprise employant plus de onze salariés, des circonstances de la rupture, du montant mensuel brut de sa rémunération (6 142 euros), de son âge (48 ans au moment du licenciement), des conséquences du licenciement, tel qu'il résulte des pièces et des explications fournies, il y a lieu d'allouer au salarié, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi.

Le jugement sera réformé sur le quantum de l'indemnité allouée à ce titre.

SUR LES HEURES SUPPLÉMENTAIRES

M. [Z] prétend avoir accompli 1699,22 heures supplémentaires non prises en compte et non rémunérées par son employeur de 2017 à 2019. Il soutient à cet égard qu'il était soumis à la durée légale de travail.

La clinique conteste ne pas avoir réglé la totalité des heures de l'appelant lesquelles étaient traitées informatiquement. Elle ajoute que ce dernier était soumis à un forfait annuel en heures.

L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre des heures supplémentaires, l'employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Le même mode probatoire s'applique pour les heures supplémentaires accomplies avant ou après l'entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016 précitée.

En l'espèce, au soutien de sa demande, M. [Z] produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, ce constat n'étant d'ailleurs pas contesté par l'employeur.

La clinique verse quant à elle aux débats des états mensuels et critique le mode de calcul opéré par le salarié. Elle prétend par ailleurs qu'il était soumis au forfait annuel en jours et non pas à 35 heures hebdomadaires.

Il doit être rappelé que M. [Z] était responsable de service et qu'il a été nommé cadre du bloc opératoire à compter du 1er juillet 2017.

Il ressort de l'article L. 3111-2 du code du travail, mais également de la convention collective applicable à la relation contractuelle du 18 avril 2002 (article 94), que les cadres dirigeants sont en charge de responsabilités importantes impliquant une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps. Ils sont à ce titre habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou l'établissement.

Tel est manifestement le cas de M. [Z] (cf fiche de poste) dont les fonctions impliquaient nécessairement des prises de décisions autonomes et une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, même si ses horaires étaient renseignés via un logiciel permettant à l'employeur d'organiser notamment la bascule des DPA (différence entre les heures de travail réalisées et l'annualisation) en RCR (repos compensateur de récupération).

De plus, le coefficient du salarié, tel qu'il ressort notamment de ses bulletins de paie, était supérieur au premier coefficient du cadre supérieur, étant rappelé que la classification des cadres prévoit des coefficients allant de 300 à 379 pour le cadre A, de 380 à 424 pour le cadre B, de 425 à 524 pour le cadre C et un coefficient supérieur à 525 pour le cadre supérieur.

Le premier avenant au contrat de travail du 1er octobre 2013 mentionne que M. [Z] est soumis à un forfait annuel de 212 jours travaillés par année civile. Ces dispositions n'ont pas été modifiées par les avenants ultérieurs et l'ensemble des documents contractuels se réfère à la convention collective de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002.

Cependant, un accord d'entreprise a été régularisé le 25 juin 2015 entre la clinique et trois organisations syndicales (CGT, CFTC, CFDT) portant sur l'aménagement du temps de travail. Il est entré en vigueur à compter du 1er juillet suivant et a prévu que les cadres étaient désormais soumis à l'annualisation du temps de travail et que la durée conventionnelle annuelle de travail de référence des cadres était de 1575 heures, outre 7 heures au titre de la journée de solidarité. Cette référence (1582 heures annuelles) constitue le seuil au-delà duquel les heures de travail effectif constituent des heures supplémentaires. L'accord précise qu' «il sera fait un suivi mensuel des heures effectuées afin de s'assurer que chaque salarié a bien réalisé la durée conventionnelle collective annuelle de travail qui lui est applicable».

L'employeur justifie d'un mode de contrôle des heures effectuées par ses salariés.

M. [Z] était ainsi tenu d'auto-déclarer les heures réalisées, via un logiciel, lesquelles étaient comparées au forfait annuel. Les heures effectuées au-delà dudit forfait étaient mentionnées DPA (différence entre les heures de travail réalisées et l'annualisation). En fin d'année, ces heures étaient basculées en RCR (repos compensateur de récupération) en sorte que le DPA repartait à zéro l'année suivante.

M. [Z] est donc légitime à se prévaloir, au titre d'heures supplémentaires, du dépassement du temps de travail annualisé qui ne lui aurait pas été rémunéré. Les documents qu'il produit établissent, notamment, qu'il a comptabilisé au 31 décembre 2017, soit sur l'année écoulée, 449h35 de dépassement du temps de travail annualisé. Or, la clinique ne peut arguer de ce que ce relevé annuel indiquerait un solde de compteur DPA anormal et un compteur RCR de 251h58 alors que ce relevé n'a jamais fait l'objet d'une quelconque critique durant l'exécution de la relation contractuelle, étant ajouté que les états mensuels du salarié sont cohérents avec les fonctions qu'il exerçait et les conditions de travail en milieu hospitalier. L'employeur ne peut davantage se prévaloir d'un éventuel accord avec le salarié sur le non report, l'année suivante, d'un solde DPA qualifié d' "anormal" alors qu'aucun élément du dossier n'établit que M. [Z] aurait consenti à voir supprimer ses heures DPA et/ou une partie de ses heures RCR.

En conséquence, sur la base d'un forfait annuel de 1575 heures, outre 7 heures au titre de la journée de solidarité, et au vu des pièces et éléments produits par l'une et l'autre des parties, la cour forme sa conviction que M. [Z] a dépassé le temps de travail annualisé au titre des années 2017 à 2019 mais dans une moindre mesure que le chiffre qu'il énonce, dépassement en vertu duquel il se verra allouer la somme de 12 300 euros, outre 1 230 euros de congés payés afférents.

SUR LE REPOS COMPENSATEUR

L'employeur n'ayant pas comptabilisé toutes les heures effectuées par M. [Z] au-delà de son forfait annuel (1582h/an) n'a pas pu davantage prendre en compte ces heures au titre d'un éventuel repos compensateur.

La convention collective de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 prévoit un contingent de 130 heures par an. De plus, la durée du repos compensateur varie en fonction des effectifs de l'entreprise. Ainsi, pour les entreprises de plus de 20 salariés, comme c'est le cas de la clinique, ce repos est égal à 100% du temps effectué en heures supplémentaires. Chaque heure supplémentaire travaillée donne donc droit à une heure de repos compensateur.

Ici, M. [Z] n'a pas dépassé le contingent annuel de 130 heures supplémentaires de sorte qu'il sera débouté de sa demande à ce titre.

SUR LE TRAVAIL DISSIMULÉ

M. [Z] se prévaut de la volonté de l'employeur de dissimuler ses heures de travail en expliquant que quasiment toutes ses heures supplémentaires ont été supprimées.

En vertu de l'article L. 8221-5 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L. 8223-1 du même code, dans sa version applicable au présent litige, ajoute qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle laquelle n'est pas démontrée par le salarié. Il convient, dès lors, de rejeter la demande indemnitaire de M. [Z] à ce titre.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

La clinique Bénigne Joly sera condamnée à remettre à M. [Z] les documents légaux rectifiés demandés, à savoir : un bulletin de salaire, un certificat de travail, une attestation Pôle emploi conformément aux dispositions du présent l'arrêt.

Les condamnations à paiement produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter du prononcé du présent arrêt pour les sommes de nature indemnitaire

La décision sera confirmée en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La clinique, qui succombe, doit prendre en charge les dépens d'appel et supporter, à hauteur de cour, une indemnité au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse, rejette la demande au titre de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et des repos compensateurs obligatoires, et sauf en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Condamne la clinique Bénigne Joly à payer à M. [Z] les sommes suivantes :

- 30 000 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 12 300 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2017 à l'année 2019, outre 1 230 euros de congés payés afférents,

Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de la Clinique mutualiste Bénigne Joly devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter du prononcé du présent arrêt pour les sommes de nature indemnitaire,

Condamne la clinique Bénigne Joly à remettre à M. [Z] les documents légaux rectifiés, à savoir : un bulletin de salaire, un certificat de travail, une attestation Pôle emploi conformément aux dispositions du présent l'arrêt,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la clinique Bénigne Joly et la condamne à payer complémentairement en cause d'appel à M. [Z] la somme de 1 500 euros,

Condamne la clinique Bénigne Joly aux dépens d'appel.

Le greffier Le président

Kheira BOURAGBA Olivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00257
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;21.00257 ?
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