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02/02/2023 | FRANCE | N°21/00225

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 02 février 2023, 21/00225


RUL/CH













[Y] [A]





C/



S.A.R.L. ALDI REIMS société au capital de 10.917.400 €, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège

































Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



le :



à :



































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023



MINUTE N°



N° RG 21/00225 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FVEJ



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CHAUMONT, sec...

RUL/CH

[Y] [A]

C/

S.A.R.L. ALDI REIMS société au capital de 10.917.400 €, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023

MINUTE N°

N° RG 21/00225 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FVEJ

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CHAUMONT, section Commerce, décision attaquée en date du 02 Mars 2021, enregistrée sous le n° J/2021/19

APPELANT :

[Y] [A]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Yannick LE BIGOT, avocat au barreau de la HAUTE-MARNE

INTIMÉE :

S.A.R.L. ALDI REIMS société au capital de 10.917.400 €, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Florent SOULARD de la SCP SOULARD-RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON, et Me Elisabeth DUTERME de la SELARL DUTERME-MOITTIE-ROLLAND, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Décembre 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [Y] [A] a été embauché le 14 février 2000 par la société ALDI MARCHÉ de [Localité 4] par un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité d'employé commercial au magasin de [Localité 4], puis en qualité d'adjoint chef de magasin.

Le 26 juillet 2004, il est devenu responsable de magasin à [Localité 3].

Il a intégré la société ALDI REIMS en octobre 2004 et à compter du 1er novembre 2006, il a dirigé le magasin de MONTIER EN DER (52).

Il a été élu au comité d'entreprise, au CHSCT et délégué du personnel en 2011.

Le 7 mars 2016, il a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction assorti d'une mise à pied conservatoire.

Le 22 mars 2016, il a fait l'objet d'une mutation disciplinaire sur le poste de responsable du magasin de [Localité 5].

Le 24 juin 2016, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 5 juillet 2016, assorti d'une mise à pied a titre conservatoire.

Le même jour l'inspection du travail a été informée de la mise a pied du salarié.

Après son audition le 5 juillet 2016, le comité d'entreprise a émis un avis favorable à son licenciement.

Le 6 juillet 2016, l'employeur a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement pour causes réelles et sérieuses.

Le 13 juillet 2016, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement.

Le 15 juillet 2016 il a été licencié pour faute grave.

Par requête du 7 mars 2017, M. [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Chaumont afin de faire juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et faire condamner son employeur à, notamment, lui payer les indemnités afférentes.

Par jugement du 2 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Chaumont a rejeté l'ensemble des demandes du salarié.

Par déclaration formée le 25 mars 2021, M. [A] a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures du 12 mai 2021, l'appelant demande de :

- réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- juger que son licenciement ne repose pas sur une faute grave,

- condamner la société ALDI REIMS à lui payer les sommes suivantes :

* 35 643,03 euros à titre d'indemnité pour licenciement irrégulièrement justifié,

* 2 601,61 euros au titre des salaires et congés payés pour la période de mise à pied conservatoire,

* 11 762,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés,

* 19 009,60 euros au titre des indemnités conventionnelles de licenciement,

* 21 385,82 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et vexatoire,

* 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société ALDI REIMS aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures du 7 juillet 2021, l'intimée demande de :

- juger M. [A] mal fondé en son appel et l'en débouter,

- le condamner à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur la régularité de la procédure de licenciement :

M. [A] soutient que la lettre de licenciement est atteinte d'une irrégularité de fond retirant sa cause réelle et sérieuse au licenciement au motif qu'elle mentionne au titre de la faute grave des faits sur lesquels l'inspecteur du travail s'est déjà prononcé en les écartant. (pièce n° 8)

La société ALDI oppose qu'il n'existe pas de dispositions particulières dans le code du travail quant à la motivation de la lettre de licenciement d'un salarié protégé de sorte que la règle de droit commun s'applique : après avoir obtenu l'autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail, l'employeur peut notifier le licenciement au salarié protégé dans les conditions de l'article L1232-6 du code du travail, ce qui implique la possibilité d'invoquer plusieurs motifs.

Il est constant que la lettre de licenciement doit faire référence à l'autorisation de l'inspecteur du travail ou, à défaut, indiquer le motif du licenciement, celui-ci devant être identique à celui pour lequel l'autorisation a été accordée.

En l'espèce, il est fait mention dans la lettre de licenciement :

- d'une part de l'autorisation de l'inspecteur du travail dans les termes suivants "après consultation du CE en date du mardi 5 juillet 2016 et autorisation de l'Inspection du travail en date du 13 juillet 2016 [...]",

- d'autres part des motifs invoqués à l'appui de la demande d'autorisation.

Dans ces conditions, nonobstant le fait que certains motifs allégués par l'employeur au titre de la faute grave ont été considérés comme non établis par l'autorité administrative, il y a lieu de considérer, dès lors que les deux griefs retenus par l'inspecteur du travail y figurent explicitement, que l'irrégularité invoquée n'est pas fondée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

II - Sur le bien fondé de la faute grave :

En l'état de l'autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier ce salarié, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement.

Le juge judiciaire peut néanmoins se prononcer sur le degré de gravité de la faute commise, sans incidence sur la régularité du licenciement de fait acquis.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave commise par le salarié.

La lettre de licenciement du 15 juillet 2016 (pièce n° 8) est rédigée dans les termes suivants :

« Nous faisons suite à votre entretien du 5 juillet 2016, avec Monsieur [D] [P], Responsable Vente, au cours duquel nous vous avons entendu sur les faits reprochés, à savoir :

Votre comportement anti-commercial envers les clients :

- Fermeture des volets avant l'heure de fermeture du magasin,

- Paroles inadaptées envers les clients.

Votre management inadapté mettant les salariés du magasin dans un état de stress anormal :

- Délibérément le lundi 20 juin, vous n'avez pas dit au revoir à votre assistante alors qu'elle se trouvait à côté d'une collègue à qui vous avez dit au revoir. Cette attitude vous avait déjà été reprochée par Monsieur [P] lorsque vous dirigez le magasin de MONTIER EN DER envers Mme [B],

- Vous vous adressez sur un ton inadapté à vos collaborateurs. Effectivement, les salariés vous reprochent de leur parler comme à « des chiens »,

- Vous avez insulté votre assistante auprès de votre employée principale,

- Vous avez demandé à [W] (employée principale) de réaliser une fausse déclaration aux assurances dans le but de vous faire rembourser un téléphone personnel [...]».

Il résulte de l'autorisation de l'inspecteur du travail du 13 juillet 2016 que celle-ci est fondée sur deux des six motifs initialement allégués, à savoir :

- avoir insulté son assistante auprès de son employée principale,

- avoir demandé à cette dernière ("[W]") de réaliser une fausse déclaration aux assurances dans le but de se faire rembourser un téléphone personnel. (pièce n° 7).

Au titre des éléments de preuve dont la charge lui incombe, l'employeur produit notamment un compte-rendu d'enquête du CHSCT et les compte-rendus des entretiens effectués avec les salariés du magasin n° 77 de [Localité 5] (pièces n° 45 à 45-5).

Il en ressort que lors de son audition, Mme [S] (employée principale) a indiqué :

- d'une part que M. [A] lui a dit, à propos de Mme [R] : "[F] est conne ou elle le fait exprès" puis quelques jours après "Finalement, elle ne le fait pas exprès !".

- d'autre part "[qu'il] est venu un jour la voir gentiment pour lui demander de passer la casse du téléphone portable de l'un de ses fils auprès de son assurance (responsabilité civile) afin d'être remboursé" (pièce n° 45-1).

S'agissant des propos injurieux tenus sur une de ses assistantes, les déclarations de Mme [S] quant au mode d'expression de M. [A] à l'égard du personnel du magasin sont corroborées par plusieurs autres salariées, soit par un écrit adressé à leur direction (Mme [J], Mme [I], Mme [C] - pièces n° 24, 25 et 26), soit directement lorsqu'elles ont été entendues par le CHSCT (Mme [Z], Mme [X], Mme [R] - pièces n° 45.2, 45.3 et 45.4).

S'agissant du fait d'avoir sollicité une subordonnée aux fins de commettre une infraction pénale à son bénéfice, M. [A] n'oppose aucun élément de nature à contredire le témoignage de la salariée, se bornant à soutenir que la société ALDI REIMS voulait se séparer de lui, ce qui constituerait selon lui un motif sérieux et légitime de mettre en cause la qualification de faute grave des deux faits qui lui sont reprochés.

A l'appui de son affirmation, il produit deux attestations d'anciens salariés de la société ALDI REIMS (pièces n° 17 et 18), pièces en grande partie illisibles, évoquant une prétendue volonté de la société ALDI REIMS de se séparer de certains salariés, dont M. [A], qualifié par M. [H] "d'indésirable". La cour relève néanmoins que les termes généraux employés caractérisent le fait que les témoins procèdent par voie d'interprétation sans aucunement contredire ni même aborder la question des faits reprochés au salarié. Ces deux attestations, peu important qu'elles émanent de salariés ayant été en conflit avec la société ALDI REIMS, n'ont de ce fait aucune valeur probante.

Dans ces conditions, il résulte de ces éléments que, eu égard à sa qualité de responsable de magasin et donc supérieur hiérarchiqu de Mme [R] et [S], le comportement injurieux et inapproprié retenu comme fautif par l'inspecteur du travail caractérise une faute grave.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté l'ensemble des prétentions du salarié à ce titre.

III - Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral et vexatoire :

M. [A] soutient que le licenciement, justifié ou non, peut causer au salarié un préjudice distinct de celui lié à la perte de son emploi en raison des circonstances brutales ou vexatoires qui l'ont accompagné.

Au motif qu'alors âgé de 54 ans, il a très mal supporté la "double peine" résultant de son licenciement brutal et injuste après une très récente mutation disciplinaire et qu'il n'a pas retrouvé un travail et un salaire équivalent à celui qu'il avait dans la société ALDI REIMS.

Il sollicite en conséquence une "indemnité compensatrice" égale à six mois de salaire, soit la somme de 21 385,82 euros.

L'employeur conclut au rejet de la demande.

Néanmoins, il ressort des développements qui précèdent que le licenciement de M. [A] pour faute grave est fondé et s'il n'est pas contesté qu'il a effectivement fait l'objet d'une mutation disciplinaire le 21 mars 2016 consécutivement à des faits de vol commis au préjudice du magasin dont il avait la responsabilité (pièce n° 23), il n'est pas démontré ni même allégué que cette sanction a été contestée.

Par ailleurs, M. [A] procède par voie d'affirmation s'agissant des "circonstances brutales ou vexatoires" qui auraient accompagné son licenciement, circonstances au demeurant non précisées dans ses écritures et qui ne sauraient résulter du seul fait de la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement assortie d'une mise à pied conservatoire.

Au surplus, il ne justifie d'aucun préjudice.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande à ce titre.

IV - Sur les demandes accessoires :

- Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société ALDI REIMS au titre de l'article 700 du code de procédure civile et complété en ce qu'il a omis de statuer sur les dépens.

M. [A] sera condamné à payer à la société ALDI REIMS la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande de M. [A] à ce titre sera rejetée.

M. [A] succombant, il supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Chaumont du 2 mars 2021 sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société ALDI REIMS au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

CONDAMNE M. [Y] [A] à payer à la société ALDI REIMS la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [Y] [A] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier Le président

Kheira BOURAGBA Olivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00225
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;21.00225 ?
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