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02/02/2023 | FRANCE | N°21/00224

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 02 février 2023, 21/00224


RUL/CH













[A] [J]





C/



S.C.P. JEAN MARC GOBET, [P] [F], Huissiers de justice associés, agissant sous l'enseigne TROYESIEME ACTE



































Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



le :



à :


































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COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023



MINUTE N°



N° RG 21/00224 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FVEH



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section Activités Diverses, décision attaquée en date du 26 Février 2...

RUL/CH

[A] [J]

C/

S.C.P. JEAN MARC GOBET, [P] [F], Huissiers de justice associés, agissant sous l'enseigne TROYESIEME ACTE

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023

MINUTE N°

N° RG 21/00224 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FVEH

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section Activités Diverses, décision attaquée en date du 26 Février 2021, enregistrée sous le n° 19/00035

APPELANTE :

[A] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Mme [Z] [Y] (Déléguée syndicale ouvrier)

INTIMÉE :

S.C.P. JEAN MARC GOBET, [P] [F], Huissiers de justice associés, agissant sous l'enseigne TROYESIEME ACTE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Jean-louis MAUCLAIR de la SELARL IFAC, avocat au barreau de l'AUBE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Décembre 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [A] [J] a été embauchée à compter du 23 novembre 2015 par la SCP GOBET-[F], en premier lieu par contrat à durée déterminée, puis à compter du 2 mai 2016 par un contrat à durée indéterminée, en qualité de gestionnaire de recouvrement.

Le 30 mars 2018, les parties ont régularisé une rupture conventionnelle du contrat de travail à effet au 9 mai 2018.

Par requête du 15 septembre 2018, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Troyes aux fins de voir constater qu'elle avait été victime de harcèlement discriminatoire et d'une discrimination liée à son état de grossesse, faire annuler la rupture conventionnelle au motif d'un vice du consentement et faire condamner l'employeur au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour harcèlement et pour discrimination.

Par jugement du 20 décembre 2018, le conseil de prud'hommes de Troyes a ordonné le renvoi de l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Dijon.

Par jugement du 26 février 2021, le conseil de prud'hommes de Dijon a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes et la SCP GOBET-[F] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration formée le 15 mars 2021, Mme [J] a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures du 30 avril 2021, l'appelante demande de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- juger que Maître [F] a commis une discrimination liée à l'état de grossesse à l'encontre de Mme [J],

- juger que Maître [F] a commis des faits de harcèlement moral discriminatoire à l'encontre de Mme [J],

- prononcer l'annulation de la rupture conventionnelle au motif du vice de consentement de Mme [J] en raison des faits de discrimination et de harcèlement discriminatoire,

- condamner la SCP à verser à Mme [J] les sommes suivantes :

* 10 998 euros à titre de dommages-intérêt pour discrimination liée à la grossesse,

* 10 998 euros à titre de dommages-intérêt pour harcèlement discriminatoire,

* 21 996 euros à titre d'indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse en vertu de l'article L1235-3-1 du code du travail,

* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCP GOBET, [F], VIOTTI aux entiers dépens de l'instance frais réduits huissier de justice : les frais de dépens comprenant les frais d'exécution du jugement à intervenir et qu'il sera fait application des articles 10 et 11 des décrets du 12/12/1996 et du 08/03/2001 relatifs à la tarification des huissiers de justice,

- juger que les sommes dues porteront intérêts au taux légal avec anatocisme à compter de la date du prononcé du jugement en vertu des dispositions des articles 1231-6, 1231-7 et 1343-2 du code civil ainsi que L 313-3 du code monétaire et financier,

- juger que l'ensemble de ces sommes sera assorti de l'exécution provisoire conformément aux dispositions de l'article 515 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures du 14 juin 2021, la SCP GOBET [F] demande de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [J] de toutes ses demandes,

- la condamner à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur la discrimination liée à l'état de grossesse :

L'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 dispose que "Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, de son état de santé, de sa perte d'autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable".

En application des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, pour se prononcer sur l'existence d'une discrimination, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une telle discrimination et à l'employeur de prouver, au vu de ces éléments, que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Mme [J] soutient avoir été victime d'une discrimination de la part de son employeur liée à son état de grossesse.

Elle indique à cet égard que si avant d'annoncer sa grossesse à son employeur Maître [F] avait déjà une attitude particulièrement désagréable avec tous les salariés de l'étude, c'était sans faire de différence entre eux, mais qu'à partir de janvier 2017, il lui a proféré des paroles et des remarques particulièrement déplacées et vexantes et a mis en place des mesures discriminatoires telles que :

- le retrait arbitraire des dossiers dont elle avait la gestion quasi exclusive depuis son embauche (dossier EDF, dossier Laboratoire),

- le fait d'être cantonnée, à son retour de congé maternité, au dossier rébarbatif de la gestion cantines-collèges-impayés, et placée dans un lien de subordination avec celle qui était jusque-là sa binôme, Mme [H],

- le refus d'accorder le jour de temps partiel demandé et tout aménagement d'horaires sans raisons objectives, avant finalement de lui accorder le mardi, ce alors que d'autres salariées (Mmes [G] et [H]) ont obtenu les jours et horaires qu'elles souhaitaient,

- l'obligation de passer une grande partie de son temps seule à la cave à ranger les archives durant toute la durée de sa grossesse, activité jusque-là confiée à tous les salariés,

- le fait de se voir confier, dès l'annonce de sa grossesse et lorsqu'elle était présente le jour de la livraison, la tâche ingrate et difficile de ranger les ramettes de papiers alors que cette tâche était auparavant répartie entre tout le personnel,

- la baisse de 150 euros de sa prime de fin d'année, contrairement aux autres salariés qui obtenaient une augmentation de cette prime exceptionnelle.

Au titre des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une telle discrimination dont la charge lui incombe, elle produit :

- un courrier électronique du 20 décembre 2017 adressé à son employeur ([Courriel 3]), dont copie a également été adressée à l'inspection du travail de [Localité 4], intitulé "signalement de propos et attitudes de dénigrement (harcèlement moral)" (pièce n° 2),

- un certificat médical du docteur [C] du 19/01/2018 (pièce n° 6)

- plusieurs avis d'arrêt de travail (décembre 2017 à avril 2018 - pièce n° 6),

- un courrier du syndicat CFDT du 22 février 2018 proposant la mise en place d'une rupture conventionnelle (pièce n° 7),

- divers courriers échangés en lien avec la rupture conventionnelle (pièces n° 8 à 12),

- une attestation de M. [V] (pièce n° 14),

- un courrier de l'employeur relatif à la mise en place d'un aménagement horaire (pièce n° 20),

- divers SMS (pièce n° 21).

La cour considère que ces éléments de fait, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination de sorte qu'il appartient à l'employeur de prouver, au vu de ces éléments, que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Sur ce point, la SCP GOBET [F] oppose que :

- s'agissant du congé parental et des aménagements horaires, Mme [J], comme tous ses collègues (hommes et femmes), a pu trouver un arrangement avec son employeur pour bénéficier d'une reprise à 80% avec une journée de repos dans la semaine, sans permanence le samedi et un départ anticipé plusieurs jours de la semaine.

La cour relève à cet égard qu'il est produit plusieurs SMS échangés entre Mme [J] et son employeur (en la personne de Me [M] [E] - pièce n° 19) datés d'août et septembre 2017 dont il ressort un échange constructif, de part et d'autre, en vue de trouver une solution en termes de durée du travail et d'aménagement horaire, et qu'une proposition a été formulée par courrier du 4 septembre 2017 (pièce n° 20 de la salariée) sur laquelle les discussions se sont poursuivies (pièce n° 20 de l'employeur).

En outre, il n'est justifié d'aucun élément de nature à confirmer l'affirmation selon laquelle la solution proposée à la salariée, qui d'évidence n'avait pas sa préférence mais qui doit aussi tenir compte des autres temps partiel en cours au sein du personnel, caractériserait un traitement différencié par rapport à ses autres collègues.

- s'agissant des tâches confiées à la salariée, l'employeur indique que contrairement à ce qu'elle affirme, elle n'a jamais été spécialement affectée à travailler aux archives.

Etant rappelé que la répartition des dossiers et des tâches entre les salariés en fonction de leur charge et compétences respectives relève de son pouvoir de direction et d'organisation, la cour relève qu'il n'est justifié d'aucun élément de nature à confirmer l'affirmation selon laquelle la modification de la répartition des dossiers et des tâches entre les salariés caractériserait un traitement différencié de Mme [J] par rapport à ses autres collègues, ce d'autant que sa reprise de poste à temps partiel et avec des aménagements horaires après son congé maternité constitue une circonstance nouvelle de nature à justifier une réorganisation des services.

Par ailleurs, sur le fait d'avoir été reléguée à la cave pour le traitement des archives ou spécialement affecté au tri des ramettes de papier, l'employeur conteste cette affirmation et se borne à produire des photos des locaux d'archives en question.

Néanmoins, outre le fait que le courrier du 20 décembre 2017 que la salariée a adressé à son employeur pour se plaindre de sa situation et du comportement de celui-ci ne fait aucunement mention de ces circonstances, aucun élément ne permet de confirmer cette affirmation.

En outre, il ressort du contrat de travail produit (pièce n° 1) que Mme [J] a été embauchée sur le poste de gestionnaire de recouvrement, coefficient 272, catégorie 2. Or selon l'article 1-5-1 de la convention collective nationale des huissiers de justice (pièce n° 19), cet emploi concerne les personnels qui assurent les travaux de bureau (photocopies, classement, affranchissement, accueil et autres tâches similaires), appariteur et coursier. Il s'en déduit que l'archivage et le tri de ramettes de papier, tâches qualifiées d'ingrates et de difficiles par la salariée, relèvent pourtant du profil du poste.

- s'agissant de la diminution de sa prime, si l'employeur admet que des primes sont accordées de manière discrétionnaire aux salariés(es) en fonction de leur disponibilité et de critères, notamment de temps de présence, qui lui sont propres, il ne produit aucun élément ni ne développe d'observation sur le fait que, comme elle l'affirme, la prime perçue par Mme [J] aurait baissée et pourquoi.

Néanmoins, comme les premiers juges, la cour relève que le contrat de travail ne prévoit aucune prime et en l'absence de production du bulletin de salaire de décembre 2016, absence dont la cour doit tirer toutes les conséquences, aucun élément ne permet d'établir si Mme [J] a effectivement perçu une prime de Noël en décembre 2016 et donc de confirmer que le montant de 100 euros perçu en décembre 2017 est effectivement en baisse.

Il n'est en outre justifié d'aucun élément établissant le montant des primes perçues par les autres salariés.

En effet, les échanges de SMS produits par la salariée, non datés et avec une personne identifiée par son seul prénom ([K]), sont dépourvus de valeur probante car ils ne permettent aucune comparaison utile ni détermination d'un éventuel traitement différencié en lien avec son état de grossesse. Il peut en outre être noté que dans les messages qu'elle envoie, Mme [J] indique faire des déductions ("donc j'en déduit qu'ils ont eu une prime" - pièce n° 22) à propos de sommes dont il n'est pas démontré qu'elles ont été réellement perçues et par qui, étant en tout état de cause rappelé qu'un montant différent ne saurait à lui seul caractériser une discrimination dès lors qu'il peut être autrement justifié.

- s'agissant du fait d'avoir été placée dans un lien de subordination avec celle qui était jusque-là sa binôme, Mme [H], l'employeur ne formule aucune observation à cet égard.

Néanmoins, il ressort du jugement déféré que le fait que Mme [J] n'ait pas été retenue pour assurer la direction de son service peut s'expliquer par le fait que la candidate choisie pour occuper cette nouvelle fonction d'encadrement, qui elle-même revenait de congé-maternité quelques mois auparavant et travaillait à temps partiel, justifiait d'une ancienneté de 12 ans contre deux ans pour Mme [J].

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, étant au surplus observé que l'attestation de M. [V], ancien salarié de la SCP, évoquant des discriminations au sein de l'étude est rédigée en des termes généraux qui ne concernent aucunement Mme [J] - qui n'est pas citée - mais seulement lui-même (pièce n° 14), il y a lieu de considérer que l'employeur renverse la présomption de discrimination de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a jugé que la discrimination en lien avec un état de grossesse alléguée par Mme [J] n'est pas caractérisée et l'a déboutée de sa demande indemnitaire à ce titre.

II - Sur le "harcèlement moral discriminatoire" :

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1154-1 du même code, dans sa version postérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 applicable au cas d'espèce prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

S'agissant de la discrimination, en application des articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du code du travail, il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline, et de rupture du contrat de travail.

L'article L1154-1 du même code prévoit que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [J] soutient que dès l'annonce de sa grossesse, Maître [F] n'a eu de cesse de s'en prendre quotidiennement à elle par des agissements qui ont eu pour effet de porter atteinte à sa dignité et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

Au titre des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, Mme [J] produit les mêmes pièces que celles produites au titre de la discrimination précédemment évoquées.

La cour considère que ces éléments de fait, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement de sorte qu'il appartient à l'employeur de prouver, au vu de ces éléments, que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Sur ce point, la SCP GOBET [F] oppose que :

- le courrier du 20 décembre 2017 relate des faits qui paraissent anciens puisqu'il fait état de remarques désobligeantes depuis le 23 novembre 2015, or la salariée a été en contrat à durée déterminée jusqu'au 9 avril 2016 puis a été rembauchée en contrat de travail à durée indéterminée, ce qui rendrait invraisemblable qu'elle accepte de prolonger un contrat à durée déterminée puis de conclure un contrat de travail à durée indéterminée avec un employeur qui l'aurait maltraitée au cours de ses précédents contrats,

- les termes attribués à Maître [F] sont loin de correspondre à son attitude générale envers ses collaborateurs et collaboratrices et à ses habitudes de langage et ne sont corroborés par personne, pas même par M. [V],

- la nature des rapports existants entre les associés, dont Maître [F], et le personnel sont exclusifs d'une telle attitude,

- l'attestation de M. [V] est du point de vue formel sujette à caution, car le texte de son témoignage n'est pas manuscrit, et n'a aucun intérêt puisqu'il a été licencié pour faute grave le 18 novembre 2015. Il ne peut donc attester en aucune façon des conditions d'emploi de Mme [J] qui a été embauchée en contrat à durée déterminée le 23 novembre 2015,

- l'inspection du travail n'a procédé à aucune vérification de la véracité des affirmations de la salariée et après la réponse de l'employeur faite le 12 janvier suivant (pièce n° 11), il n'a été donné aucune suite au signalement,

- les certificats médicaux et avis d'arrêt de travail versés aux débats font état de situation d'un syndrome anxiodépressif et ne font qu'établir une situation médicale sans faire de lien avec une situation de travail,

- l'affirmation selon laquelle Maître [F] aurait eu une réaction inappropriée parce qu'elle était enceinte est fausse et radicalement contredite par le fait que l'étude emploie plusieurs collaboratrices, dont plusieurs ont été enceintes avant Mme [J]. (pièces n° 15, 16, 17, 18)

En l'espèce, il ressort des pièces produites que les affirmations de la salariée dans son courrier électronique du 20 décembre 2017, bien que précises et circonstanciées quant aux agissements et propos de son employeur, en la personne de Maître [F], ne sont corroborées par aucun élément.

En effet, comme indiqué précédemment, l'attestation de M. [V], ancien salarié licencié pour motif disciplinaire avant même que Mme [J] soit embauchée, est rédigée en des termes généraux et imprécis, sans aucune datation, de sorte que nonobstant son irrégularité formelle et le fait qu'elle ne concerne pas Mme [J], elle est dépourvue de force probante.

Au contraire, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort des SMS échangés entre Maître [F] et Mme [J] pour la période du 16 novembre 2015 au 24 novembre 2017 des relations courtoises, pour partie quasi amicales (tutoiement, invitation à déjeuner, envoi de photos personnelles) voire chaleureuses, en tout cas aucunement insultantes ou dégradantes.

Enfin, il ne ressort pas non plus des SMS produits par la salariée (échanges avec la dénommée [K]) l'évocation du harcèlement allégué.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer que l'employeur renverse la présomption de harcèlement de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a jugé que le harcèlement allégué n'est pas caractérisé et rejeté la demande indemnitaire afférente.

III - Sur la rupture de la relation de travail :

Selon l'article L.1231-1 du code du travail, le contrat de travail conclu sans détermination de durée peut cesser à l'initiative d'une partie contractante ou d'un commun accord entre elles.

L'article L.1237-11 précise que la rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. Les dispositions suivantes du code du travail sont destinées à garantir la liberté du consentement des parties. Notamment, l'article L.1237-12 dispose que l'employeur ne peut se faire assister que si le salarié se fait assister lui-même. L'article L.1237-13 précise quant à lui que chacune des parties dispose d'un délai de 15 jours calendaires pour exercer son droit de rétractation à compter de la date de la signature de la convention.

La validité de la rupture conventionnelle n'est pas seulement subordonnée à son homologation. Elle est également subordonnée au respect de toutes les règles relatives à la cause, à l'objet, à la capacité et au consentement des parties. La rupture peut ainsi être annulée pour vice du consentement. L'annulation de la convention de rupture conventionnelle doit être demandée dans les 12 mois de son homologation. Passé ce délai, la convention de rupture devient définitive et toute demande au titre de la rupture du contrat de travail est sans objet.

En l'espèce, Mme [J] soutient que la discrimination liée à son état de grossesse et le harcèlement moral discriminatoire dont elle a été victime ont eu pour conséquence qu'elle a été contrainte d'accepter de signer une rupture conventionnelle, ce qui caractérise un vice du consentement.

Néanmoins, la cour relève, avec les premiers juges, que c'est Mme [J] qui, le 22 février 2018, a pris l'initiative, par l'intermédiaire d'un syndicat de salariés (CFDT), de proposer une rupture conventionnelle "afin d'éviter une longue procédure préjudiciable à tous" (pièce n° 7).

Cette initiative a ensuite été suivie d'échanges entre la CFDT et l'avocat de la SCP (pièce n° 8) et lors de l'élaboration et la signature de la rupture conventionnelle le 30 mars 2018, Mme [J] était assistée par un délégué du personnel (Mme [O]) et un représentant syndical CFDT (Mme [Y] - pièces n° 9 à 11).

Il se déduit de ces circonstances la démonstration d'un consentement libre et éclairé, garanti de surcroît par le bénéfice d'un délai de rétractation dont elle n'a pas fait usage.

Il n'est par ailleurs pas démontré, ni même allégué, que la salariée aurait subi une quelconque pression de la part de son employeur afin d'accepter la rupture conventionnelle autrement que le harcèlement et la discrimination dont elle s'est dit victime mais qui ne sont pas caractérisés.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la rupture conventionnelle et l'ensemble des demandes subséquentes.

IV - Sur les demandes accessoires :

- Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement déféré sera confirmé sur ces points.

Mme [J] sera condamnée à payer à la SCP GOBET CLEMENT la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

La demande de Mme [J] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel sera rejetée.

Mme [J] succombant, elle supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Dijon du 26 février 2021 en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

CONDAMNE Mme [A] [J] à payer à la la SCP GOBET CLEMENT la somme de 1 500 au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

REJETTE la demande de Mme [A] [J] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

CONDAMNE Mme [A] [J] aux dépens d'appel.

Le greffier Le président

Kheira BOURAGBA Olivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00224
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;21.00224 ?
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