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02/02/2023 | FRANCE | N°21/00201

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 02 février 2023, 21/00201


RUL/CH













[L] [A]





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S.A.S. MV2



























































Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



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COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023



MINUTE N°



N° RG 21/00201 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FUY7



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAUMONT, section Encadrement, décision attaquée en date du 08 Février 2021, enregistrée sous le n° 19/00048







APPELANT :



[L] [A]

[Adress...

RUL/CH

[L] [A]

C/

S.A.S. MV2

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023

MINUTE N°

N° RG 21/00201 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FUY7

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAUMONT, section Encadrement, décision attaquée en date du 08 Février 2021, enregistrée sous le n° 19/00048

APPELANT :

[L] [A]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Claudy GROSJEAN de la SELARL G.C.D.C., avocat au barreau de HAUTE-MARNE

INTIMÉE :

S.A.S. MV2

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Ahmet COSKUN, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Décembre 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [L] [A] a été embauché par la société MV2 en qualité de représentant commercial par un contrat de travail en qualité de VRP à effet du 11 mai 2016.

Le 12 novembre 2018, il a fait l'objet d'un avertissement.

Le 16 novembre 2018, il a démissionné en sollicitant d'être dispensé de son préavis, ce qui lui a été refusé par l'employeur par lettre du 21 novembre 2018.

Le 23 novembre 2018, M. [A] a pris acte de la rupture de son contrat aux torts de l'employeur pour cause de harcèlement et discrimination.

Par requête du 9 juillet 2019, la société MV2 a saisi le conseil de prud'hommes de Chaumont afin d'obtenir réparation de l'inexécution du préavis par le salarié, outre un préjudice financier distinct et le remboursement de la publication de l'offre d'emploi.

Par conclusions du 7 février 2020, M. [A] a saisi la juridiction prud'homale à titre reconventionnel de plusieurs demandes à titre de dommages-intérêts pour avertissement nul et pour licenciement nul, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité légale de licenciement, de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct et pour procédure abusive.

Par jugement du 8 février 2021, le conseil de prud'hommes de Chaumont a jugé que la prise d'acte de la rupture par le salarié revêt le caractère d'une démission, jugé que l'inexécution du préavis est abusive et condamné M. [A] à payer à la société MV2, la somme de 4 725 euros à titre de "dommages et intérêts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis non effectué et non dispensé" et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles.

Par déclaration formée le 11 mars 2021, M. [A] a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures du 9 juin 2021, l'appelant demande de :

- réformer le jugement déféré,

- juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de novembre 2018 doit être considérée comme telle et ne revêt en rien le caractère d'une démission,

- juger que la prise d'acte de la rupture est motivée et que M. [A] démontre pleinement les reproches formulés à l'encontre de son employeur,

- juger que la société MV2 a exercé des pressions sur lui constituant un harcèlement moral et psychologique sur une période longue et des faits répétés,

- condamner la société MV2 à lui verser la somme de 15 000 euros au titre du harcèlement moral et psychologique,

- juger que le licenciement, et à tout le moins la rupture de son contrat de travail à l'imputabilité de l'employeur, sans cause réelle ni sérieuse,

- condamner la société MV2 à lui payer la somme de 35 609,76 euros à titre de licenciement et rupture de contrat aux torts de l'employeur sans aucune cause réelle ou sérieuse,

- condamner la société MV2 à lui verser les sommes suivantes :

* 3 956,64 euros bruts au titre du préavis, outre 395,66 euros au titre des congés payés afférents,

* 652,74 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 1 978,32 euros au titre du préjudice moral subi des suites de l'avertissement que lui a adressé la société MV2, avertissement considéré et jugé comme nul et non avenu,

* 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure et résistance abusive,

* 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société MV2 aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières écritures du 9 septembre 2021, la société MV2 demande de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

* jugé la démission de M. [A] claire et non équivoque et débouté de l'intégralité de ses demandes tendant à la requalification de sa démission en prise d'acte aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement nul,

* jugé fautive l'inexécution du préavis conventionnel de 3 mois par M. [A],

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a limité le quantum de l'indemnité compensatrice de préavis à 4 725 euros nets,

- condamner M. [A] à payer à la société MV2 la somme de 5 934,96 euros nets au titre de l'indemnité compensatrice de préavis de 3 mois,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes,

- condamner M. [A] à payer à la société MV2 les sommes suivantes :

* 15 367,83 euros nets à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier distinct,

* 269,76 euros TTC au titre de la publication de l'offre d'emploi sur Leboncoin,

* 5 934,96 euros nets à titre de dommages-intérêts pour préjudice d'image et attitude déloyale en cours de procédure,

* 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de 1ère instance, ainsi qu'aux dépens de 1ère instance,

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux dépens d'appel.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur l'annulation de l'avertissement du 12 novembre 2018 :

Le 12 novembre 2018, un avertissement a été notifié au salarié aux termes duquel il lui est fait reproche :

- une utilisation de son téléphone portable à des fins personnelles pendant son temps de travail en contradiction avec "l'article VIII du règlement intérieur de l'entreprise et les articles L432-2-1, L122-34 et L120-2 du code du travail",

- de ne fréquemment pas atteindre ses objectifs mensuels de vente depuis début 2018,

- de nombreuses irrégularités sur la conformité des contrats dues notamment à des erreurs d'attention, des maladresses, des négligences ainsi qu'une absence totale de contrôle des documents contractuels "nécessitant de nombreux avenants de régularisation" et des coûts supplémentaires pour l'entreprise,

- de ne pas avoir respecté les consignes diffusées par SMS du président de la société du 28 septembre 2018 quant à la conformité des contrats, et affirmé le 17 octobre 2018, en public, "j'en ai rien à foutre du SMS",

- des erreurs de métrages dont une seule a pu être corrigée, deux autres chantiers ayant été perdus par l'entreprise.

Il sollicite l'annulation de cette sanction aux motifs que :

- il était exigé de lui qu'il endosse des fonctions d'encadrement pendant l'absence de M. [M] alors même qu'il n'était pas cadre, de sorte qu'aucun reproche ne saurait lui être fait de ce chef, d'autant qu'exiger de lui qu'il remplisse de telles fonctions était de nature à l'exposer au ressentiment de ses collègues,

- il conteste avoir utilisé son téléphone portable personnel à des fins personnelles, les faits supposés ne sont ni datés ni prouvés,

- il s'interroge sur le fait que le règlement intérieur a été porté à sa connaissance,

- depuis mai 2016, date de son embauche, il n'a jamais démérité.

La société MV2 oppose que :

- le salarié ne conteste ni l'utilisation du téléphone pendant les heures de travail, ni ses irrégularités dans les documents contractuels, ni ses irrégularités dans les chiffrages qu'il réalisait pour les clients de la société,

- les missions d'encadrement qui lui ont été confiées sont le signe de la confiance qui lui était accordée par son employeur,

- en application de l'article L.1311-2 du code du travail, la société MV2 n'avait aucune obligation de mettre en place un règlement intérieur, son effectif étant inférieur à 20 salariés,

- le SMS à l'attention de tout le personnel est un mode de communication de consigne comme un autre.

Au titre de la charge de la preuve qui lui incombe, elle produit :

- un courrier du salarié du "26 octobre" dans lequel il déclare accepter "toute sanction disciplinaire de votre part afin de ne put en reproduire car vous m'avez assez avertie et sans me sanctionné. J'ai fait des erreurs de chiffrage qui ont coulé plusieurs chantier et je ne suis pas assez rigoureux et attentif dans mon travail donc avec cette santion je ferai en sorte que cela ne se reproduise put pour un meilleur fonctionnement de l'agence et pour mon image auprès des gens" (pièce n° 3),

- un extrait du registre des sociétés et la liste du personnel du 01/01/2018 au 31/05/2019 (pièces n° 1 et 16).

Il résulte des dispositions de l'article L.1331-1 du code du travail que constitue une sanction toute mesure autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Le contrôle de la matérialité des faits reprochés implique une appréciation de leur caractère objectivement fautif et de leur imputabilité au salarié.

Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article L.1333-1 du code du travail que l'employeur doit fournir au juge les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'article L.1333-2 du code du travail dispose qu'une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise peut être annulée.

Si le règlement intérieur doit, en application des dispositions de l'article L.1321-1 du code du travail, fixer les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur, il résulte cependant de l'article L. 1311-2 du même code que le règlement intérieur n'est obligatoire que dans les entreprises employant habituellement au moins vingt salariés, ce qui n'est présentement pas le cas.

Néanmoins, il ressort de la lettre d'avertissement que la sanction notifiée à M. [A] l'a été au visa de l'article VIII d'un règlement intérieur en vigueur au sein de la société MV2, de sorte que ce règlement intérieur, bien que non obligatoire, existe et trouve donc à s'appliquer à l'égard de l'employeur et, sous conditions, à l'égard du salarié.

Or la société MV2 ne produit pas ce règlement intérieur, ne justifie pas du respect des formalités de publication ni qu'il a été porté à la connaissance du salarié, le contrat de travail ne faisant référence qu'aux dispositions du code de la consommation applicables à l'activité du salarié.

Dès lors, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le bien fondé des griefs reprochés au salarié, l'avertissement du 12 novembre 2018 sera annulé, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

A ce titre, M. [A] sollicite la somme de 1 978,32 euros en réparation du préjudice moral subi des suites de cet avertissement.

Néanmoins, il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l'existence et l'évaluation de celui-ci relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.

En l'espèce, M. [A] n'apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité du préjudice moral allégué résultant selon lui d'un "entretien tenu par l'employeur de manière virulente, houleuse, injurieuse, assorti de pressions et l'invitation du salarié à régulariser un courrier en blanc-seing selon lequel il devait reconnaître les griefs évoqués", affirmation au demeurant non démontrée.

La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

II - Sur la rupture de la relation de travail :

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission la rendant équivoque, l'analyser en une prise d'acte de rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, ou, dans le cas contraire, d'une démission.

À partir du moment où la démission résulte d'une volonté libre, clairement exprimée et non équivoque, le contrat de travail se trouve rompu à la date à laquelle l'employeur en a eu connaissance, et la rétractation s'avère sans effet.

Par lettre non datée mais sur laquelle les parties s'accordent pour dire qu'elle a été rédigée le 16 novembre 2018, M. [A] a notifié à son employeur sa démission et sollicite dans le cadre de la présente procédure que cette rupture soit requalifiée en prise d'acte aux torts de l'employeur.

En l'espèce, la lettre de démission est rédigée dans les termes suivants :

"Monsieur,

Par la présente je vous informe de ma démission de démissione - du poste de VRP exclusif que j'occupe dans votre entreprise depuis mai 2016.

Je vous remercie de bien vouloir me dispenser du préavis afin que mon départ devienne effectif le 16 novembre 2018.

Je vous saurais gré également de bien vouloir tenir à ma disposition le solde de mon compte, mon certificat de travail ainsi que mon attestation Pôle Emploi" (pièce n° 6)

Les termes de cette lettre sont donc dépourvus d'équivoque.

Par ailleurs, il n'est justifié d'aucune circonstance antérieure ou contemporaine de la démission justifiant qu'à la date à laquelle elle a été donnée celle-ci présentait un caractère équivoque, M. [A] ne démontrant pas avoir alerté ou reproché à son employeur de quelconques agissements quels qu'ils soient dans une période proche de ladite démission.

En effet, le seul fait que le salarié se soit vu notifier un avertissement quatre jours auparavant ne suffit pas à caractériser une circonstance antérieure ou contemporaine de la démission de nature à la rendre équivoque, ce d'autant que cette sanction n'est aucunement évoquée dans la lettre de démission, alors même que le salarié y développe une demande de dispense de préavis, et que dans la lettre du 26 octobre il admet une partie des faits objet de la sanction.

A cet égard, la cour relève que le salarié procède par voie d'affirmation s'agissant de la contrainte avec laquelle l'employeur lui aurait imposé de rédiger cette lettre, lettre de surcroît manuscrite.

La cour relève enfin, avec les premier juges, que ce n'est qu'après le refus de l'employeur de le dispenser de son préavis, notifié le 21 novembre 2018, que M. [A] a pris acte de la rupture de son contrat aux torts de l'employeur par lettre du 23 novembre 2018, invoquant à cette occasion, et pour la première fois, des faits de harcèlement moral et de discrimination (pièce n° 8).

Dans ces conditions, la démission formalisée par celui-ci le 16 novembre 2018 est claire, exempte de tout reproche à l'encontre de l'employeur, et de ce fait non équivoque. Il s'en déduit que la rupture ne saurait être requalifiée en prise d'acte.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande à ce titre outre les demandes afférentes à une prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

III - Sur le harcèlement moral :

Il résulte des dispositions de l'article L.1152-1 du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 précise à sa suite qu'en cas de litige relatif à l'application notamment de l'article L.1152-1 précité, le salarié présente des éléments de fait qui permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement.

Ainsi lorsque le salarié présente des faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement

En l'espèce, M. [A] soutient avoir été victime de harcèlement moral et psychologique résultant du fait que depuis son embauche en 2016, il a donné pleine satisfaction dans l'exercice de sa mission mais qu'à partir de 2018, la pression qui existait parfois déjà avant s'est amplifiée et intensifiée, son directeur mettant tout en oeuvre pour le déstabiliser, l'insultant, le dénigrant, le rabaissant, le menaçant verbalement et physiquement, le salissant auprès de la clientèle, au point de devoir consulter un médecin et prendre un traitement pour gérer ses angoisses, ses peurs et insomnies liées au travail.

Il ajoute avoir rédigé la lettre du 26 octobre 2018 sous la menace de son employeur et précise que, selon lui, l'employeur a refusé sa demande de dispense de préavis en espérant qu'il change d'avis.

Au titre des éléments de fait permettant de laisser supposer l'existence d'un harcèlement, il produit les pièces suivantes :

- attestation de M. [C] indiquant avoir reçu lui aussi des menaces et des provocations à la bagarre avant et après son contrat de travail comme d'autres collègues de travail, (pièce n° 5)

- une attestation de Mme [D] indiquant que quelques jours après avoir fait dresser un devis par M. [A], un responsable MV2 s'est rendu chez elle sans M. [A] pour refuser le chantier et faire une proposition à 8 000 euros après avoir critiqué et insulté M. [A], (pièce n° 6)

- une attestation de M. [U] relatant la présence de M. [M], directeur d'agence, avec M. [A] lors d'une visite sur place pour l'établissement d'un devis, (pièce n° 7)

- une attestation de Mme [W] relatant le dénigrement fait par Monsieur [M] (directeur d'agence) à l'égard de Monsieur [A] sur son travail et ses qualités et faisant l'éloge des qualités de M. [A], (pièce n° 8)

- une attestation de Mme [X] indiquant que M. [A] était victime de menaces et de harcèlement moral de la part de M. [M], directeur d'agence et de M. [O], gérant, (pièce n° 4)

- une main courante du 29 avril 2020 indiquant « Une personne se déclarant être Monsieur [L] [A] mais dont l'identité n'a pu être authentifiée, souhaite signaler que : ce jour, pour mon travail, je suis allé à Bureau Vallée à [Localité 4] chercher des cartouches d'encre. Lors du trajet, je me suis aperçu qu'un véhicule me suivait, il s'agit d 'une Renault Mégane blanche de la société MV2. Lorsque j'ai fini mes achats, le véhicule était stationné derrière moi afin de me bloquer le passage. Quand je suis rentré dans ma voiture, le conducteur est monté dedans, à côté de moi, sans mon autorisation. Il s 'agit de mon ancien responsable, Monsieur [M] [Y] avec qui je suis en litige depuis 2018, lorsque j'ai quitté la société MV2. Il m'a dit que j'étais un menteur, qu 'il fallait que je change mon témoignage contre lui et que j'avais monté les gens de la société contre lui. Il m 'a dit qu'il ne me frapperait pas car je n'étais pas un homme. Il me met la pression car cela lui a déplu que je témoigne contre lui. Tout cela fait suite à des histoires lorsque nous travaillons ensemble. Ma compagne, [X] [R], a entendu une partie de l 'échange, car je l 'ai appelé discrètement, le personnel de bureau vallée ont également constaté la présence du véhicule de la société MV2 et ont vu la personne monter dans mon véhicule », (pièce n° 3)

- une attestation de M. [G], directeur du magasin Bureau Vallée de [Localité 4], (pièce n° 10)

- un certificat médical du Docteur [F] du 07/10/2021 et une ordonnance, (pièce n° 14)

- une ordonnance du 22 septembre 2021 du Docteur [S], psychiatre et une feuille de soin, (pièce n° 15)

- ses relevés d'arrêts de travail entre 2018 et 2020. (pièce n° 17)

Néanmoins, la cour relève que le salarié n'énonce dans ses écritures aucun fait déterminé susceptible de relever d'une qualification de harcèlement moral autre que l'allégation générique d'un surcroît et d'une intensification de la pression de son employeur.

Par ailleurs, s'agissant de l'affirmation selon laquelle son directeur a tout mis en oeuvre pour le déstabiliser en l'insultant, le dénigrant, le rabaissant, le menaçant verbalement et physiquement et en le salissant auprès de la clientèle, il ne ressort pas des attestations produites d'élément en ce sens.

En effet, indépendamment du contentieux qui l'a opposé à la société MV2, ce qui est de nature à relativiser l'objectivité de son témoignage (pièces n° 43, 47 et 48), l'attestation de M. [C] est rédigée en des termes généraux et imprécis, tout comme l'attestation de Mme [X], qui se trouve par ailleurs être sa compagne, ce qui ne permet pas de garantir l'objectivité de ses déclarations. En outre, M. [C] évoque son cas personnel plutôt que celui de M. [A].

De même, la présence de M. [M], directeur d'agence, avec M. [A] lors d'une visite sur place pour l'établissement d'un devis n'a en tant que telle aucune signification particulière, le caractère "illogique" de cette démarche, selon les dires du témoin, relevant de sa propre interprétation.

S'agissant de l'attestation de Mme [D], son caractère imprécis quant à la nature des propos tenus et même l'identité du prétendu responsable de la société MV2 et le caractère subjectif du ressenti qu'elle évoque, la prive de toute force probante.

Enfin, nonobstant le fait que la société MV2 ne saurait sérieusement soutenir que le dénigrement d'un salarié est une technique de vente visant à récupérer une vente erronée (attestation de M. [K] - pièce n° 21), l'attestation de Mme [W] relatant le dénigrement de M. [A] par M. [M] est elle-aussi rédigée en des termes généraux et imprécis.

Quant à la main courante du 20 avril 2020 et l'attestation de M. [G] afférente, ces éléments sont relatifs à un incident largement postérieur à la rupture de la relation de travail, de sorte qu'ils ne permettent pas de présumer de la réalité d'un harcèlement pendant celle-ci.

Il en est de même du certificat médical produit qui date de 2021 et se limite à rapporter les propos tenus par le salarié quant au lien qu'il estime être établi entre sa pathologie et un éventuel harcèlement.

En conséquence, l'examen de ces éléments, pris dans leur ensemble, ne permet pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral et la demande de dommages-intérêts distinct à ce titre sera rejetée par confirmation du jugement déféré.

IV - Sur la demande au titre d'une procédure abusive et vexatoire :

M. [A] soutient que la procédure engagée par la société MV2 afin de le condamner notamment au paiement d'une somme au titre du préavis non effectué et à titre de dommages-intérêts pour préjudice d'image et attitude déloyale en cours de procédure est abusive et vexatoire aux motifs que l'employeur était informé depuis le 16 novembre 2018 de la volonté du salarié de quitter la société et a attendu le 11 juillet 2019 pour introduire son action.

Néanmoins, en application des dispositions des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol , l'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas constitutive en soi d'une faute.

En l'espèce, M. [A] échoue à démontrer en quoi l'action de la société MV2, fondée sur une prétention juridique née d'une divergence sur la qualification de la rupture de la relation de travail et régulièrement introduite dans le délai de prescription de son action, aurait dégénéré en abus.

Au surplus il ne démontre aucun préjudice à cet égard.

Sa demande à ce titre sera donc rejetée par confirmation du jugement déféré.

V - Sur les demandes de la société MV2 :

La société MV2 sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a :

- rejeté sa demande à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier distinct, remboursement de la publication de l'offre d'emploi sur Leboncoin et à titre de dommages-intérêts pour préjudice d'image et attitude déloyale en cours de procédure,

- limité à 4 725 euros la somme dûe à titre d'indemnité compensatrice de préavis non effectué et non dispensé.

a - Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

Au visa de l'article 12 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 prévoyant un préavis réciproque, hors faute grave ou force majeure, d'une durée de trois mois pour les salariés justifiant de plus de deux ans d'ancienneté (pièce n° 10) et d'un salaire de référence de 1 978,32 euros calculé sur la base de sa rémunération moyenne sur les 3 derniers mois (moyenne la plus favorable - pièce n° 11), elle sollicite la somme de 5 934,96 euros nets à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

M. [A] conclut au rejet de la demande.

Le salarié ayant été embauché le 11 mai 2016 et ayant démissionné le 16 novembre 2018, il justifiait au moment de la rupture d'une ancienneté supérieure à deux ans, et se trouvait donc redevable d'un préavis de trois mois en cas de démission.

La moyenne des salaires perçus sur les trois derniers mois (moyenne la plus favorable) s'établissant à 1 978,32 euros, il sera alloué à la société MV2 la somme de 5 934,96 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

- Sur les dommages-intérêts pour préjudice financier distinct :

Au visa de l'article L. 1237-2 du code du travail selon lequel si elle est reconnue abusive, la démission ouvre droit à des dommages-intérêts au profit de l'employeur et considérant qu'en cas d'abus manifeste ou d'intention de nuire du salarié celui-ci peut être tenu en outre au paiement d'une autre indemnité que celle correspondant au préavis conventionnel non effectué, la société MV2 soutient que M. [A] était pressé de se libérer contractuellement pour se mettre au service d'un autre employeur ou pour mettre en 'uvre un autre projet professionnel.

A l'appui de son affirmation, elle allègue du fait que M. [A] ne s'est pas immédiatement inscrit à Pôle Emploi et qu'il n'a été pris en charge que le 3 juin 2019 après une nouvelle démission de sa part. (pièce n° 9)

Elle soutient par ailleurs que ses accusations mensongères sont graves et infamantes et que son départ brutal ne lui a pas permis d'y pallier en procédant à un nouveau recrutement, ce qui lui a causé un préjudice d'exploitation d'autant plus important que M. [A] était VRP et qu'il générait en moyenne 15 367,83 euros hors taxes de chiffre d'affaires nets par mois (pièce n° 12). Elle ajoute que l'inexécution abusive du préavis par le salarié a provoqué des désagréments aux clients quant à la réalisation ou au suivi de leurs dossiers.

Enfin, la publication d'une offre d'emploi sur le site LeBonCoin lui a couté 269,76 euros (pièce n° 14).

Elle sollicite en conséquence la somme de 15 367,83 euros à titre de dommages-intérêts et le remboursement des frais de recherche d'un remplaçant soit 269,76 euros.

M. [A] conclut également au rejet de la demande.

Il est constant qu'il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l'existence et l'évaluation de celui-ci relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.

En l'espèce, s'agissant du préjudice résultant du fait d'avoir engagé des frais pour procéder au recrutement d'un remplaçant, la cour relève que de tels frais, dont il n'est pas démontré qu'ils sont justifiés par le caractère urgent de la publication, auraient de toute façon été engagés si M. [A] avait respecté son préavis. Il s'en déduit que la demande n'est pas fondée et sera en conséquence rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

S'agissant de la perte d'exploitation, le non respect par le salarié du préavis auquel il est tenu est nécessairement générateur d'une perte d'exploitation pour l'employeur durant la période considérée.

Néanmoins, la moyenne du chiffre d'affaires déjà réalisé par le salarié ne préjuge pas du chiffre d'affaires qui aurait été effectivement réalisé si le préavis avait été respecté.

Dans ces conditions, eu égard aux pièces produites et considérant que le départ de M. [A] de son emploi sans préavis caractérise une démission abusive, la cour estime à 3 000 euros le montant du préjudice d'exploitation résultant du non respect du préavis par le salarié démissionnaire, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

- Sur les dommages-intérêts pour préjudice d'image et attitude déloyale en cours de procédure :

Considérant que M. [A] a eu recours à des procédés déloyaux et abusifs en mêlant d'anciens clients de la société à un contentieux dont ils n'ont pas été témoin (pièces n° 6 à 8) et en tentant d'obtenir de faux témoignages auprès d'anciens salariés (pièces n° 32 et 39), la société MV2 allègue avoir subi un préjudice d'image et avoir été victime de l'attitude déloyale de M. [A] en cours de procédure et sollicite en réparation la somme de 5 934,96 euros à titre de dommages-intérêts.

Néanmoins, au-delà du fait qu'il ne ressort pas des pièces produites que l'exercice des droits de la défense par M. [A] aurait dégénéré en abus, le fait de solliciter, même avec insistance, une attestation de la part de salariés, anciens salariés ou clients ne pouvant lui être reproché en tant que tel, la société MV2 ne démontre pas la réalité d'un préjudice distinct non indemnisé par ailleurs.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

VI - Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement déféré sera infirmé sur ces points.

M. [A] sera condamné à payer à la société MV2 les sommes de :

- 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

La demande de M. [A] au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

M. [A] succombant pour l'essentiel, il supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Chaumont du 8 février 2021 sauf en ce qu'il a :

- rejeté la demande d'annulation de l'avertissement du 12 novembre 2018,

- rejeté la demande de la société MV2 à titre de :

* dommages-intérêts pour préjudice financier distinct résultant d'une perte d'exploitation,

* l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [L] [A] à payer à la société MV2 la somme de 4 725 euros à titre de "dommages et intérêts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis non effectué et non dispensé",

- dit que chaque partie supportera ses propres dépens.

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

ANNULE l'avertissement du 12 novembre 2018,

CONDAMNE M. [L] [A] à payer à la société MV2 les sommes suivantes :

- 5 934,96 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier distinct résultant d'une perte d'exploitation,

- 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

CONDAMNE M. [L] [A] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier Le président

Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00201
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;21.00201 ?
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