LC/IC
E.A.R.L. DES VARENNES
C/
S.A.R.L. GIACOMEL
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
2ème chambre civile
ARRÊT DU 26 JANVIER 2023
N° RG 22/00991 - N° Portalis DBVF-V-B7G-GAGD
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé rendue le 13 juillet 2022,
par le président du tribunal judiciaire de Dijon - RG : 22/00087
APPELANTE :
E.A.R.L. DES VARENNES représentée par sa gérante en exercice domiciliée au siège social sis :
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Jean-Eudes CORDELIER, membre de la SELAS LEGI CONSEILS BOURGOGNE, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 31
INTIMÉE :
S.A.R.L. GIACOMEL prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié de droit au siège social sis :
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Nelly BUVAT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 28
assistée de Me Florian GROBON, membre de la SELARL ELETA Juris, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 novembre 2022 en audience publique devant la cour composée de :
Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, Président,
Michèle BRUGERE, Conseiller,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller, qui a fait le rapport sur la désignation du Président,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 26 Janvier 2023,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
L'EARL Des Varennes est une exploitation agricole familiale qui exploite 202 hectares de parcelles de blé, d'orge, de colza et de soja sur diverses communes comprises entre [Localité 5] et [Localité 4].
Elle a commandé le 19 novembre 2018 à la SARL Giacomel une moissonneuse batteuse d'occasion de marque New Holland modèle CR 9070.
Avant la livraison, la SARL Giacomel a révisé la machine puis a adressé la facture de vente d'un montant de 113.000 euros HT, soit 135.600 euros TTC.
La moissonneuse avait vocation à servir pour les moissons de blé, d'orge et de colza en juin et juillet de l'exercice cultural, et pour les sojas en septembre et octobre.
L'EARL Des Varennes a pris possession de la machine le 4 février 2019.
Le 3 juillet 2019, dans la perspective de sa première utilisation de la machine pour la moisson d'orges, M. [F] [D] a remarqué l'existence d'une fuite d'huile sur la dalle de béton. Il a contacté immédiatement la SARL Giacomel, laquelle a dépêché l'un de ses techniciens sur place, qui a remplacé un flexible.
A la suite d'un second incident, le 11 juillet 2019 la SARL Giacomel a procédé au remplacement de la pompe hydraulique des vents, remplacement effectué dans le cadre de la garantie vendeur.
Durant cette période de 10 jours, elle a prêté à l'EARL Des Varennes une moissonneuse de remplacement.
L'EARL Des Varennes a alors pu utiliser la moissonneuse réparée en septembre et octobre 2019 pour la récolte de soja.
La machine a ensuite été mise au repos jusqu'à l'exercice cultural suivant.
A compter de juillet 2020, de nouvelles difficultés sont apparues. Pour la récolte de blé, M. [D] n'avait plus de direction ni de barre de coupe lorsqu'il manipulait la moissonneuse batteuse.
Le 14 juillet 2020, la société Nodimat a changé la pompe hydraulique, vidangé et remplacé trois filtres hydrauliques mais, après deux heures d'utilisation, la machine est demeurée inutilisable.
Informée de ce que l'intervention sur la pompe haute pression n'avait rien changé aux difficultés, la société Nodimat a immédiatement invité le technicien de l'EARL à cesser toute utilisation de la machine.
L'EARL Des Varennes a été contrainte de recourir aux services de tiers pour effectuer ses moissons 2020.
L'assureur de protection juridique de l'EARL, la compagnie Pacifica, a fait appel au cabinet d'expertise Cadexa, représenté par M. [W] [R].
Après plusieurs réunions contradictoires, selon rapport du 2 février 2021, l'expert a conclu à la responsabilité de la SARL Giacomel au motif d'une prestation incomplète.
L'EARL Des Varennes a fait réparer la moissonneuse batteuse pour un coût de 33 287,48 euros, selon facture Nodimat du 31 octobre 2020.
Par courrier du 26 février 2021, la compagnie Pacifica a écrit à l'assureur juridique de la SARL Giacomel, la compagnie Covéa, afin de lui réclamer l'indemnisation de son préjudice.
Par courrier en réponse du 28 avril 2021, celui-ci a reconnu que son assurée avait commis une erreur en changeant la pompe sans purger le circuit d'huile et sans changer le filtre, mais a rejeté la responsabilité des désordres sur la SAS Nodimat, tenue d'une obligation de résultat.
Par divers courriers, la compagnie Pacifica et l'EARL Des Varennes ont relancé en vain l'assureur de la SARL Giacomel et cette dernière.
C'est dans ce contexte que l'EARL Des Varennes a assigné la SARL Giacomel en référé afin d'obtenir sa condamnation par provision au paiement de la somme de 39.797,95 euros.
Par ordonnance du 13 juillet 2022, M. le président du tribunal judiciaire de Dijon a considéré qu'était caractérisée l'existence d'une contestation sérieuse et l'a déboutée de ses demandes, la condamnant au paiement d'une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
L'EARL Des Varennes a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 1er août 2021.
Par conclusions d'appelante notifiées par RPVA le 16 novembre 2022, l'EARL Des Varennes demande à la cour d'appel, au visa des articles 835 alinéa 1er du code de procédure civile, 1217 du code civil, et 1787 du code civil, de :
- infirmer l'ordonnance du tribunal judiciaire de Dijon du 13 juillet 2022 ;
- dire et juger que la SARL Giacomel a manqué à son obligation de résultat en ne remettant pas la machine agricole en état de fonctionnement ;
- condamner la SARL Giacomel à lui payer la somme de 39.797,95 euros en réparation de son préjudice, outre intérêts au taux légal courant depuis le 26 février 2021 date de la première en demeure jusqu'à complet paiement ;
- condamner la SARL Giacomel à payer à l'EARL Des Varennes la somme de 5.000 euros au visa des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- la condamner aux entiers dépens.
Par conclusions d'intimée notifiées par RPVA le 06 octobre 2022, la SARL Giacomel demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance de référé du 13 juillet 2022 du tribunal judiciaire de Dijon,
En conséquence,
- juger qu'il existe une contestation sérieuse au sens de l'article 835 du code de procédure civile,
- débouter l'EARL Des Varennes de ses demandes,
A titre infiniment subsidiaire,
- juger que les factures de M. [I] [H] et de la SARL Chason ne peuvent être mises à sa charge,
En tout état de cause,
- condamner l'EARL Des Varennes à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux dépens d'instance.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un exposé complet des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
La cour,
Au terme de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Pour obtenir paiement d'une provision à valoir sur la réparation de la moissonneuse batteuse, l'EARL Des Varennes soutient que l'intimée n'a pas exécuté correctement sa prestation de réparation en omettant de procéder à une dépollution totale du circuit hydraulique, et que les désordres survenus sur la machine trouvent leur origine dans l'intervention de cette dernière en date du 11 juillet 2019.
Les parties sont liées par un contrat d'entreprise régi par les dispositions des articles 1787 et suivants du code civil.
Selon l'article 1789 du code civil, dans le cas où l'ouvrier fournit seulement son travail ou son industrie, si la chose vient à périr, l'ouvrier n'est tenu que de sa faute.
En application de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut notamment demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Il est constant qu'il pèse sur le réparateur garagiste une obligation de résultat en ce qui concerne la réparation des véhicules qui lui sont confiés.
Toutefois, la responsabilité de plein droit qui pèse sur ce dernier ne s'étend qu'aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat, de sorte qu'il incombe au client de démontrer que le dommage subi par son véhicule trouve son origine dans l'élément sur lequel le garagiste est intervenu.
Par ailleurs, si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut cependant se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande d'une des parties, et ce quand bien même la partie à qui est opposée cette expertise a été appelée aux opérations et y a participé.
L'expert amiable, désigné par l'assureur de l'EARL Des Varennes, a constaté que la filtration gravimétrique de l'huile hydraulique avait mis en évidence une pollution solide significative, anormale au regard du très faible temps de service, laissant penser que la récente vidange n'avait pas évacué l'ensemble de la pollution présente ainsi que la filtration en place.
Après dépose du réservoir hydraulique, il a observé la présence importante de limaille aluminium et ferreuse sur la crépine d'aspiration du groupe d'avancement hydrostatique, des particules métalliques sur le troisième filtre hydraulique (sur le circuit d'avancement hydrostatique) ainsi que l'absence de filtre sur le circuit hydraulique des vents.
Si des rayures légères ont été constatées sur la glace en bronze de la pompe accessoire remplacée le 14 juillet 2020 par la société Nodimat, il a été relevé une forte détérioration de la pompe hydrostatique des vents remplacée le 11 juillet 2019 par la société Giacomel (corps en aluminium creusé, dents des engrenages et les éléments constitutifs de la pompe rayés et endommagés). Les mêmes constatations sont faites sur la pompe hydraulique des vents.
Il a déduit de ses constatations que la prestation de la SARL Giacomel n'avait pas été complète en raison de l'absence de dépollution du circuit hydraulique, manquement qui aurait provoqué une pollution globale des composants hydrauliques qui ont aspiré l'huile dégradée dans le réservoir commun au circuit hydraulique des vents, et ce alors que le circuit hydraulique des vents n'est pas monté avec un dispositif de filtration.
Toutefois, le fait que M. [N] (Cab Expertise), expert mandaté par l'assureur de la société Giacomel, ait pu valider les constatations techniques du cabinet Cadexa, et que la compagnie Covéa ait reconnu elle-même que son assurée avait pu commettre une erreur, n'implique aucunement une reconnaissance de la responsabilité de la société Giacomel.
C'est donc à juste titre que le premier juge a relevé, à l'instar des moyens développés par le réparateur, que la moissonneuse avait pu refonctionner sans difficulté en septembre et octobre 2019 pour la récolte de soja ; qu'il n'est pas certain que, lors de l'intervention du 11 juillet 2019, les circuits hydrauliques étaient déjà pollués, ce qui aurait pu justifier une dépollution, tandis que la société Nodimat a constaté en juillet 2020 la présence de limaille sans procéder à la dépollution du circuit, et qu'en tout état de cause le constructeur ne préconise pas de procéder à un entretien de la pompe hydraulique basse pression mais de la remplacer lorsqu'elle est usée ou endommagée.
Aussi, alors que l'expertise amiable n'est corroborée par aucun autre élément de preuve tandis que d'autres éléments permettent de mettre en doute ses conclusions, le premier juge a fort justement retenu l'existence d'une contestation sérieuse.
L'ordonnance entreprise doit, en conséquence, être confirmée en toutes ses dispositions.
L'EARL Des Varennes, partie succombante, est condamnée aux dépens.
La SARL Giacomel est déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure à hauteur d'appel.
Par ces motifs,
La cour,
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne l'EARL Des Varennes aux dépens,
Déboute la SARL Giacomel de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,