OM/CH
[Z] [G]
C/
S.A.S. YTO FRANCE
[B] [P] Es qualités de liquidateur de la SAS YTO FRANCE
UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D'[Localité 6]
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 19 JANVIER 2023
MINUTE N°
N° RG 21/00362 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FWJT
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAUMONT, section Industrie, décision attaquée en date du 14 Avril 2021, enregistrée sous le n° 19/81
APPELANTE :
[Z] [G]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Philippe BRUN de la SELARL BRUN, avocat au barreau de REIMS, substitué par Me Stéphanie VAN-OOSTENDE, avocat au barreau de REIMS
INTIMÉS :
S.A.S. YTO FRANCE
[Adresse 7]
[Localité 5]
non comparante, représentée par son liquidateur Me [B] [P]
[B] [P] Es-qualités de liquidateur de la SAS YTO FRANCE
[Adresse 8]
[Localité 3]
représenté par Me Etienne GUIDON de la SELARL CABINET GUIDON BOZIAN, avocat au barreau de NANCY, et Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON
UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D'[Localité 6]
Délégation Régionale Centre-Est
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Florence GAUDILLIERE, avocat au barreau de PARIS, et Me Carole FOURNIER, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE substituée par Me Justine CALO, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Décembre 2022 en audience publique devant la Cour composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre, Président,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
qui en ont délibéré,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,
ARRÊT rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [G] (la salariée) a été engagée le 23 août 1988 par contrat à durée indéterminée en qualité de technicienne approvisionnement par la société Yto France (l'employeur), laquelle a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 31 mai 2021.
Après acceptation d'un départ volontaire de la salariée, le contrat de travail a pris fin le 23 février 2018 par la signature d'une convention de rupture.
Estimant cette rupture infondée, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes qui, par jugement du 14 avril 2021, a rejeté toutes ses demandes après avoir relevé la prescription de celles-ci.
La salariée a interjeté appel le 6 mai 2021.
Elle demande l'infirmation du jugement, soutient l'inconventionnalité de l'article L. 1235-3 du code du travail et demande la fixation au passif de l'employeur des créances suivantes :
- 4 286 euros d'indemnité de préavis,
- 429 euros de congés payés afférents,
- 51 432 euros de dommages et intérêts pour rupture frauduleuse du contrat de travail,
- 102 864 euros de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse,
- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Me [P] ès-qualités de liquidateur de la société Yto France (le mandataire) conclut à la confirmation du jugement et sollicite le paiement de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, il est soutenu que le licenciement repose sur une cause économique et que l'employeur a respecté son obligation de reclassement.
L'AGS-CGEA d'[Localité 6] soulève, in limine litis, la prescription de l'action et l'incompétence du conseil de prud'hommes pour statuer sur la gestion de l'entreprise.
Il rappelle, à titre subsidiaire, que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, ainsi que les conditions et limites de sa garantie.
Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA les 17 août, 5 et 28 octobre 2021.
MOTIFS :
Sur le licenciement :
1°) Le mandataire et l'AGS soutiennent la prescription de la demande au visa de l'article L. 1471-1 du code du travail.
Cet article dispose que : "Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture".
Cependant, pour le licenciement pour motif économique, il faut se reporter à l'article L. 1235-7 du même code qui dispose que : "Toute contestation portant sur le licenciement pour motif économique se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité social et économique ou, dans le cadre de l'exercice par le salarié de son droit individuel à contester le licenciement pour motif économique, à compter de la notification de celui-ci", soit un délai de prescription identique à celui de l'article L. 1471-1.
En l'espèce, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes le 1er octobre 2019 pour une rupture intervenue le 23 février 2018 (pièce n° 4), soit après le délai précité.
Le salarié soutient que cette disposition est inconventionnelle au regard de l'article 8 de la convention OIT n° 158 et qu'il doit pouvoir saisir le juge dans un délai raisonnable qui est : "en France, de cinq ans".
Il est jugé que les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la convention, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire, sont d'effet direct en droit interne.
L'article 8 alinéa 3 de cette même convention dispose que : "Un travailleur pourra être considéré comme ayant renoncé à exercer son droit de recourir contre le licenciement s'il ne l'a pas fait dans un délai raisonnable".
Cette disposition qui crée des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui n'a pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requiert l'intervention d'aucun acte complémentaire, est d'effet direct en droit interne.
Toutefois, aucune disposition applicable en France ne détermine la durée d'un délai raisonnable qui ne peut se résumer à une durée de 5 années, délai de droit commun visé à l'article 2224 du code civil en matière de prescription extinctive des actions personnelles et mobilières.
En l'espèce, la durée d'une année prévue à l'article L. 1235-7 précité constitue un délai raisonnable pour agir dès lors que ce délai est destiné à assurer la sécurité juridique, qu'il intervient après que le salarié a pris connaissance des causes économiques alléguées et qu'il a accepté volontairement de quitter l'entreprise après réflexion.
En conséquence, le moyen relatif à l'inconventionnalité sera rejeté.
L'action de la salariée étant prescrite, il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point sauf à préciser que c'est l'action qui est prescrite et non les demandes mais de l'infirmer en ce qu'il a rejeté les demandes, la fin de non-recevoir acquise ne permettant pas de statuer au fond.
2°) La cour n'a pas à statuer sur l'exception d'incompétence soulevée par l'AGS ni sur les autres demandes au fond.
Sur les autres demandes :
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la salariée et la condamne à payer au mandataire la somme de 200 euros.
La salariée supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :
- Infirme le jugement du 14 avril 2021 uniquement en ce qu'il rejette les demandes de Mme [G] et en ce qu'il statue sur les dépens ;
Statuant à nouveau sur ces chefs :
- Précise que c'est l'action en contestation de la rupture du contrat de travail qui est prescrite et non les demandes de Mme [G] ;
- Dit n'y avoir lieu à rejeter ces demandes en raison de la prescription de l'action ;
Y ajoutant :
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme [G] et la condamne à payer à Me [P] ès-qualités de liquidateur de la société Yto France la somme de 200 euros ;
- Condamne Mme [G] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier Le président
Kheira BOURAGBA Olivier MANSION