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19/01/2023 | FRANCE | N°19/01536

France | France, Cour d'appel de Dijon, 2 e chambre civile, 19 janvier 2023, 19/01536


FV/IC















S.A.S. LES ARCHES



C/





E.P.I.C. SNCF VOYAGEURS



E.P.I.C. SNCF RESEAU

































































































Expédition et copie

exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON



2ème chambre civile



ARRÊT DU 19 JANVIER 2023



N° RG 19/01536 - N° Portalis DBVF-V-B7D-FLB4



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : au fond du 23 août 2019,

rendue par le tribunal de grande instance de Chaumont - RG : 13/00652











APPELANTE :



SAS LES ARCHES représentée par son Président en exercice pour ce domicilié au siège social sis :

[Adresse...

FV/IC

S.A.S. LES ARCHES

C/

E.P.I.C. SNCF VOYAGEURS

E.P.I.C. SNCF RESEAU

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

2ème chambre civile

ARRÊT DU 19 JANVIER 2023

N° RG 19/01536 - N° Portalis DBVF-V-B7D-FLB4

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 23 août 2019,

rendue par le tribunal de grande instance de Chaumont - RG : 13/00652

APPELANTE :

SAS LES ARCHES représentée par son Président en exercice pour ce domicilié au siège social sis :

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126

assistée de Me Alain MORHANGE, avocat au barreau de METZ

INTIMÉES :

E.P.I.C. SNCF VOYAGEURS, prise en la personne de son représentant légal domicilié au siège social sis :

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Florent SOULARD, membre de la SCP SOULARD-RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 127

assisté de Me Laurent DERUY, avocat au barreau de PARIS

E.P.I.C. SNCF RESEAU prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis :

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Jean-Michel BROCHERIEUX, membre de la SCP BROCHERIEUX - GUERRIN-MAINGON, avocat au barreau de DIJON, vestiaire :  24

assisté de Me Thomas GARANCHER, membre de la SCP FRECHE & ASSOCIES AARPI, avocat au bareau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 novembre 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, Président, ayant fait le rapport,

Sophie DUMURGIER, Conseiller,

Sophie BAILLY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 19 Janvier 2023,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société Les Arches acquiert de la Ville de [Localité 7] selon promesse de vente du 6 janvier 2004 puis acte notarié du 8 août 2007 un ensemble immobilier situé [Adresse 8] comprenant l'ancien dépôt de la SNCF, l'ancienne remise à machines, les ateliers attenants ainsi que divers bâtiments et terrains en dépendant d'une superficie totale de 8 hectares 66 ares 17 centiares moyennant le prix de 872.534,89 euros. Cet ensemble immobilier a été exploité par la SNCF de 1945 jusqu'à 1974 qui y a exercé des activités de remisage, ravitaillement et entretien de locomotives à vapeur, puis par EMC2 à partir des années 1980 pour l'exploitation d'une activité de vente de produits agricoles et engrais qui a duré une quinzaine d'années, puis enfin par la société Saleur Recyclage (vente de pneus, véhicules et ferrailles).

Par un rapport Geotec d'octobre 2006 établi à sa demande, la société Les Arches a eu connaissance de l'existence de substances polluantes dans le terrain cédé.

Elle acquiert ce terrain afin de réaliser un immeuble à usage commercial (centre commercial et complexe cinématographique) après démolition des anciens bâtiments de la SNCF, mais son projet ne peut pas aboutir en raison de l'annulation par le tribunal administratif de Chalons en Champagne le 5 juillet 2007 de la décision du 29 mai 2006 aux termes de laquelle la Commission Départementale d'Equipement Commercial de la Haute-Marne avait autorisé la création de ce centre commercial.

Courant 2010, le plan local d'urbanisme de la Ville de [Localité 7] est modifié, et la zone est classée en vue de l'aménagement d'un éco-quartier.

Il s'avère alors que les frais de dépollution du terrain, estimés entre 3.680.000 et 4.580.000 euros, constituent un obstacle économique majeur pour toute opération susceptible d'y être entreprise dans le cadre de construction de logements d'habitation compte-tenu des prix de vente au m² sur la Ville de [Localité 7] ne permettant ni d'amortir, ni de répercuter aux acquéreurs la dépense de dépollution du terrain.

La société Les Arches saisit le juge des référés en 2013 d'une demande d'expertise judiciaire à l'encontre de la SNCF, de la Société EMC2 et de la Société Saleur Recyclage qui dans le passé ont exploité le terrain et de la Commune de [Localité 7] qui lui a vendu celui-ci.

Monsieur [M] [N], expert désigné par ordonnance de référé du 5 septembre 2013, dépose son rapport le 28 février 2015.

La société Les Arches assigne au fond devant le tribunal de grande instance de Chaumont par actes d'huissier des 3 et 4 juin 2013 la Commune de [Localité 7] sur le fondement du contrat de vente, et la SNCF, la société EMC2, et la société Saleur Recyclage sur le fondement d'une responsabilité quasi-délictuelle.

La Commune de [Localité 7] régularise des appels en intervention forcée par actes d'huissier des 10, 14 et 18 juin 2013 à l'encontre de France Domaine, de la SNCF, de France Telecom, de Réseau Ferré de France et de l'agent judiciaire de l'Etat aux fins de garantie.

Par requête du 27 juillet 2015, la SNC Les Arches saisit le juge de la mise en état de conclusions d'incident aux fins de retour du dossier à l'expert, avec pour mission de faire

réaliser et contrôler les investigations complémentaires figurant notamment dans le devis d'ICF Environnement et qui avaient été proposées aux parties dans le cadre de l'expertise judiciaire précitée. Elle demande également que SNCF Mobilités et SNCF Réseau soient condamnées in solidum à prendre en charge lesdites investigations complémentaires et le coût de l'expertise complémentaire.

La Commune de [Localité 7] s'associe à ces demandes et sollicite en outre la condamnation in solidum de SNCF Mobilités et SNCF Réseau à payer à la SNC Les Arches la provision destinée à couvrir le coût des investigations complémentaires.

Par ordonnance du 28 avril 2016, le juge de la mise en état déclare irrecevable, pour défaut d'intérêt à agir, la demande de la commune de [Localité 7] tendant à voir condamner in solidum SNCF Mobilités et SNCF Réseau à payer une provision à la SNC Les Arches, et déboute la SNC Les Arches et la commune de [Localité 7] de leur demande de complément

d'expertise.

Par jugement du 23 août 2019, le tribunal de grande instance de Chaumont :

- déclare recevable l'action en responsabilité fondée sur les vices du consentement exercée par la société Les Arches à l'encontre de la Commune de [Localité 7],

- déboute la société Les Arches de l'intégralité de ses demandes formées contre la Commune de [Localité 7],

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les appels en garantie formés subsidiairement par la Commune de [Localité 7],

- déclare irrecevables comme étant prescrites les demandes formées par la société Les Arches contre les établissements public à caractère industriel et commercial SNCF Mobilité et SNCF Réseau,

- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

- condamne la société Les Arches aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

******

La SAS Les Arches fait appel par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel le 26 septembre 2019 en intimant la Commune de [Localité 7], l'Epic SNCF Mobilité et l'Epic SNCF Réseau, son recours portant sur les chefs de jugement l'ayant déboutée de ses demandes formées contre la Commune de [Localité 7], ayant déclaré irrecevables ses demandes formées contre SNCF Réseau et SNCF Mobilité, et condamnée aux dépens.

La Commune de [Localité 7] forme alors des appels provoqués à l'encontre de la société EMC2, de la SAS Saleur Recyclage, de l'Agent judiciaire du Trésor et de la SA Orange.

En cours de procédure, la société Les Arches se rapproche de la société Urba 343 qui exploite une activité de production d'électricité à partir de l'énergie solaire photovoltaïque, et après obtention des autorisations nécessaires, le terrain est vendu moyennant le prix de 600.000 euros TTC, soit 500.000 euros HT à cette société selon acte du 25 février 2022

Par ordonnance du magistrat chargé de la mise en état du 24 août 2021, le désistement partiel d'appel de la SAS Les Arches en tant qu'il concernait la Commune de [Localité 7] est constaté.

En conséquence, les appels provoqués formés par la Commune ne pouvant plus être retenus, il est constaté que le litige dont la cour reste saisie ne concerne plus que la SAS Les Arches, l'Epic SNCF Mobilité devenu SNCF Voyageurs et l'Epic SNCF Réseau.

Par conclusions récapitulatives n° 4 déposées le 19 septembre 2022, la SAS Les Arches demande à la cour d'appel de :

' - Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Chaumont en date du 23 août 2019,

- Juger non prescrites les demandes de la société Les Arches,

- Déclarer les sociétés Réseau Ferré de France, désormais dénommée SNCF Réseau, et SNCF, désormais dénommée SNCF Voyageur, responsables de la pollution affectant le terrain situé [Adresse 8] à [Localité 7] sur le fondement de la responsabilité délictuelle,

- Condamner in solidum les sociétés Réseau Ferré de France, désormais dénommée SNCF Réseau, et SNCF, désormais dénommée SNCF Voyageur à payer à la société Les Arches la somme de 3.264.655,76 euros,

- Débouter SNCF Réseau et SNCF Voyageurs, venant aux droits de SNCF Mobilités, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- Condamner in solidum les sociétés Réseau Ferré de France, désormais dénommée SNCF Réseau, et SNCF, désormais dénommée SNCF Voyageur à payer à la société Les Arches une somme de 25.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, y compris les frais d'expertise judiciaire.'

Par conclusions récapitulatives en défense n° 3 déposées le 6 octobre 2022 SNCF Voyageurs SA demande à la cour de :

' A titre principal

- confirmer le jugement du TGI de Dijon (sic) en date du 23 août 2019

A titre subsidiaire

- donner acte à la SNC Les Arches de son désistement d'appel à l'encontre de la commune de [Localité 7] ;

- dire n'y avoir lieu à statuer sur les appels incidents formés par la commune de [Localité 7] et Monsieur l'agent judiciaire de l'État à l'encontre de SNCF Voyageurs ;

- débouter la SNC Les Arches de toutes ses demandes, fins et conclusions y compris ses demandes d'expertise complémentaire et de provision ;

En tout état de cause

-condamner solidairement la SNC Les Arches et la commune de [Localité 7] à verser à SNCF Voyageurs une somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner aux entiers dépens.'

Par conclusions récapitulatives n° 4 déposées le 7 octobre 2022, la SA SNCF Réseau demande à la cour de :

' Vu les articles 1382 et suivants du code civil (ancien),

Vu l'article L. 152-1 du code de l'environnement,

Vu le code de procédure civile,

Vu les pièces versées aux débats,

( ...)

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Chaumont.

À titre subsidiaire,

- débouter la société Les Arches de toutes ses demandes à l'encontre de la société SNCF

Réseau.

En tout état de cause,

- condamner la société Les Arches au paiement de la somme de 10 000 euros au profit de la société SNCF Réseau au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.'

L'ordonnance de clôture est rendue le 25 octobre 2022.

En application des articles 455 et 634 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIVATION :

Sur la prescription de l'action engagée par la SAS Les Arches à l'encontre des Epic SNCF Voyageurs et SNCF Réseau :

Il ressort clairement des écritures de la SAS Les Arches que son action est fondée sur une faute délictuelle qu'elle reproche aux intimées d'avoir commise, soit en l'espèce de ne pas avoir procédé à la dépollution du terrain.

S'agissant d'une action personnelle, par application combinée des dispositions de l'article 2224 code civil introduit par la loi du 17 juin 2008 qui a réduit à 5 ans les délais de prescription de ces actions et de l'article 26-II de cette même loi, la prescription de l'action engagée par la SAS Les Arches n'a été acquise que le 19 juin 2013.

Or l'assignation délivrée à l'une comme à l'autre des socités intimées l'a été le 3 juin 2013.

C'est par une application erronée des dispositions applicables à la prescription de l'action de la SAS Les Arches à l'encontre des Epic SNCF Voyageurs et SNCF Réseau que les premiers juges l'ont déclarée irrecevable. Le jugement doit être infirmé de ce chef et l'action déclarée recevable.

Sur la faute reprochée par la SAS Les Arches aux Epic SNCF Voyageurs et SNCF Réseau :

Il est établi que le terrain vendu à la SAS Les Arches était pollué par la présence de substances polluantes présentes dans le sous-sol.

La SAS Les Arches soutient d'une part que cette pollution est imputable à l'activité déployée par la SNCF de 1945 à 1970, d'autre part que, par application des dispositions du code de l'environnement, la SNCF avait l'obligation de remettre le site dans un état tel qu'il ne manifeste aucun des dangers ou inconvénients liés à cette polllution dès lors qu'elle cessait définitivement son activité, enfin que les Epic SNCF Voyageurs et SNCF Mobilité qui viennent aux droits de la SNCF sont tenues de cette obligation.

La loi n°76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, codifiée aux articles L. 511-1 et suivants du code de l'environnement, a créé un régime d'autorisation et de déclaration des installations susceptibles de présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de l'environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments.

L'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) est tenu, lors de la mise à l'arrêt définitif de l'installation, de remettre en état le site de sorte qu'il ne s'y manifeste plus de dangers ou inconvénient notamment pour la santé publique et l'environnement.

Cette obligation de remise en état, créée par l'article 34 du décret n°77-1133 du 21 septembre 1977 pris pour l'application de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, figure aux articles L. 512-6-1, L. 512-7-6 et L. 512-12-1 du code de l'environnement.

L'obligation de remise en état ne s'impose qu'aux installations classées au titre de la loi du 19 juillet 1976 et aux installations soumises à autorisation sous le régime de la loi du 19 décembre 1917 relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes qui, bien qu'ayant été mises à l'arrêt avant l'entrée en vigueur de la loi du 19 juillet 1976, auraient été classées sous l'empire de cette loi.

En l'espèce, les intimés relèvent à juste titre que la SAS Les Arches n'établit nullement avec certitude que le site aurait été classé au titre de la loi du 19 décembre 1917 modifiée relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes, et qu'il n'a pas

été classé ICPE au titre de la loi sur l'environnement de 1976, l'exploitation ayant cessé en 1974. Il est notamment produit la réponse que la DREAL de Haute-Marne, interrogées sur l'existence d'activités industrielles au droit du site, qui indique : 'En l'absence d'informations précises sur la nature et le volume d'activité, le site relevait éventuellement de la loi du 19 décembre 1917 relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes. Notre service ne dispose d'aucune déclaration au droit de ce site pour cette activité.', et l'expert judiciaire ne fait lui aussi état que de suppositions ('On peut effectivement supposer que cette activité aurait été classée ICPE au titre a minima de dépôt d'hydrocarbure et de propane').

Surtout, à supposer même que l'activité exercée par la SNCF sur le site ait relevé du classement en ICPE, il est de jurisprudence constante que la charge financière des obligations de remise en état ne peut être imposée à l'exploitant lorsque plus de trente ans se sont écoulés depuis la date à laquelle la cessation d'activité a été portée à la connaissance de l'administration et que, lorsque l'installation a cessé de fonctionner avant l'entrée en vigueur du décret du 21 septembre 1977 pris pour l'application de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, le délai de prescription trentenaire court à compter de la date de la cessation effective de l'activité. Or il n'est pas contesté que la cessation de l'activité de la SNCF sur le site est intervenue de manière définitive en 1974 et a été portée à la connaissance de l'administration compétente.

La société Les Arches soutient que cette jurisprudence ne serait applicable qu'en l'absence de dissimulation de la pollution.

Or d'une part, il est établi que l'administration avait connaissance de l'exercice sur le site de l'activité de stockage et de réparation de locomotives entre 1945 et le milieu des années 70.

D'autre part, il est incontesté par la SAS appelante que si, de 1945 à 1970, ce terrain a été utilisé par la SNCF pour l'entretien et la réparation de wagons et de locomotives, à partir des années 80 et pendant 15 ans une coopérative agricole EMC2 y a exploité une activité de vente de produits agricoles et d'engrais, puis la société Saleur Recyclage y a exercé une activité de stockage, tri et recyclage de cartons et papiers, avant que la commune de [Localité 7] laisse se développer une activité de décharge.

Si le rapport Geotec établi à la demande de la SAS Les Arches en 2006 mentionne qu'il ressort des analyses des prélèvements réalisés dans le sol du terrain la présence d'arsenic, d'antimoine, de baryum, de cuivre, de nickel, d'hydrocarbures aromatiques polycliques et d'hydrocarbures totaux, l'appelante a refusé qu'il soit procédé à un diagnotic initial du site tel que préconisé par cet organisme, alors que ce diagnostic devait notamment permettre de recenser les différentes sources potentielles de pollution effectivement présentes sur leur site, leur nature et leur localisation.

L'étude environnementale réalisée par URS le 25 janvier 2008, qui se limite à identifier des zones sources potentielles de pollution en fonction des activités précédemment menées au droit du site étudié et conclut à la présence d'impacts sur les sols, ne se prononce pas sur les activités à l'origine desdits impacts.

Le rapport [U] de 2009 mentionne dans l'historique que le site a été exploité par la SNCF, mais il n'établit nullement un lien entre les impacts constatés et les anciennes activités de celle-ci.

L'étude historique et documentaire réalisée par la société Burgeap le 14 juin 2013 conclut pour sa part que 'concernant les polluants identifiés, on observe que les fortes teneurs sont relevées sur les zones de stockage sauvage et de recyclage/brûlage des déchets qui ne peuvent pas être corrélés avec certitude aux anciennes activités du site SNCF mais à un usage non-autorisé du site. Dans ce contexte, de nombreuses sources différentes pourraient être à l'origine des contaminations et définir leur origine sera quasi impossible'.

Il s'en déduit qu'il est en l'état impossible d'imputer la pollution du sol à l'activité de la SNCF, et donc d'en déduire qu'à sa sortie des lieux elle aurait dissimulé cette pollution.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'à supposer même que la pollution du sol soit imputable à la SNCF et que cette société ait exercé sur le site une activité relevant d'une installation classée, l'obligation de dépolluer les lieux aurait cessé d'exister 30 ans après la fin de son exploitation, soit en 2004. Ainsi, lorsque la SAS Les Arches a acquis le terrain le 8 août 2007, elle ne pouvait déjà plus reprocher à la SNCF l'absence de dépollution.

Il s'en déduit que le préjudice que la SAS Les Arches dit subir en conséquence de la pollution du sol n'a aucun lien avec une faute commise par la SNCF, étant rappelé qu'il est établi qu'elle a acquis le terrain en toute connaissance de l'existence de ladite pollution et du coût de la dépollution, coût qu'elle avait intégré dans l'établissement de son projet initial en espérant néanmoins réaliser un bénéfice.

Elle ne peut qu'être déboutée de l'ensemble de ses prétentions à l'encontre des Epic SNCF Voyageurs et SNCF Réseau.

PAR CES MOTIFS :

Statuant dans les limites de sa saisine,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Chaumont en ce qu'il a déclaré prescrites les demandes formées par la société Les Arches à l'encontre des Epic SNCF Voyageurs et SNCF Réseau,

Statuant à nouveau de ce chef,

Déclare recevable l'action engagée par la société Les Arches à l'encontre des Epic SNCF Voyageurs et SNCF Réseau,

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Déboute la SAS Les Arches de l'ensemble de ses prétentions à l'encontre des Epic SNCF Voyageurs et SNCF Réseau,

Condamne la SAS Les Arches aux entiers dépens d'appel,

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Les Arches à verser aux Epic SNCF Voyageurs et SNCF Réseau chacun la somme de 3 000 euros pour ses frais de procédure.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 2 e chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/01536
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;19.01536 ?
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