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05/01/2023 | FRANCE | N°21/00175

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 05 janvier 2023, 21/00175


RUL/CH













[K] [O]





C/



SAS AUTOGRILL CÔTÉ FRANCE





























































Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



le :



à :



































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 05 JANVIER 2023



MINUTE N°



N° RG 21/00175 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FUM5



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section Commerce, décision attaquée en date du 11 Février 2021, enregistrée sous le n° 19/00293







APPELANT :



[K] [...

RUL/CH

[K] [O]

C/

SAS AUTOGRILL CÔTÉ FRANCE

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 05 JANVIER 2023

MINUTE N°

N° RG 21/00175 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FUM5

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section Commerce, décision attaquée en date du 11 Février 2021, enregistrée sous le n° 19/00293

APPELANT :

[K] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 212310022021002067 du 27/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Dijon)

représenté par Me Anais BRAYE de la SELARL DEFOSSE - BRAYE, avocat au barreau de DIJON substituée par Me Michel DEFOSSE, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

SAS AUTOGRILL CÔTÉ FRANCE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Héloïse AYRAULT de la SELARL ESEÏS Avocats, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Léa DEMIRTAS, avocat au barreau de PARIS, et Me Delphine SAILLARD, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Novembre 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [K] [O] a été embauché par la société Autogrill Côté France par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein du 1er août 2016 en qualité de manager.

Il a été affecté dans l'établissement à l'enseigne « Burger King » situé sur l'aire de l'autoroute A6 de [Localité 5].

Le 11 avril 2017, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 28 avril suivant.

Le 15 mai 2017 il a été licencié pour faute grave.

Par requête du 17 avril 2019, il a saisi le conseil de prud'hommes de Dijon afin de contester son licenciement et faire condamner son employeur aux conséquences indemnitaires afférentes, outre des dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et pour retard dans la remise des documents de fin de contrat.

Par jugement du 11 février 2021, le conseil de prud'hommes de Dijon a jugé que le licenciement repose sur une faute grave et débouté M. [O] de l'intégralité de ses demandes.

Par déclaration formée le 3 mars 2021, il a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures du 17 novembre 2021, l'appelant demande de :

- réformer le jugement déféré,

- juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu'il a été mis en 'uvre dans des conditions vexatoires,

- condamner la société Autogrill Côté France à lui payer les sommes suivantes :

* indemnité compensatrice de préavis : 1 777,88 euros, outre 177,79 euros au titre des congés payés afférents,

* dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 5 000 euros,

* dommages-intérêts pour licenciement vexatoires : 3 000 euros,

* dommages-intérêts pour retard dans la remise des documents de fin de contrat : 500 euros,

* article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros,

- condamner la société Autogrill Côté France à lui remettre des documents de fin de contrat rectifiés, un bulletin de salaire, établis conformément aux dispositions de l'arrêt à intervenir,

- débouter la société Autogrill Côté France de ses demandes, fins et conclusions,

- la condamner aux dépens.

Aux termes de ses dernières écritures du 19 août 2021, la société Autogrill Côté France demande de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

* dit que le licenciement repose sur une faute grave,

* débouté M. [O] de l'intégralité de ses demandes,

* condamné M. [O] aux entiers dépens de l'instance,

- constater que M. [O] a eu un comportement de nature à fonder une faute grave,

- constater que le licenciement est bien fondé,

- condamner M. [O] à lui payer les sommes suivantes :

* 1 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

* 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens de l'instance.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur le bien fondé du licenciement :

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave commise par le salarié.

Il est constant que lorsque les juges considèrent que les faits invoqués par l'employeur ne caractérisent pas une faute grave, ils doivent rechercher si ces faits n'en constituent pas moins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En l'espèce, la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige, reproche à M. [O] un comportement inadapté à l'égard de ses collègues de travail féminines de nature à impacter les relations de travail au sein de la société.

Au titre de la preuve dont il a la charge, l'employeur produit plusieurs éléments :

- une lettre de Mme [H] du 29 mars 2017 adressé à son employeur pour se plaindre de l'attitude de M. [O] qui, le 24 mars 2017, l'aurait serrée dans ses bras lors de sa prise de service en lui disant "je t'aime, on va y arriver" puis, plus tard, l'aurait prise par les hanches en rapprochant sa tête pour feindre de lui montrer comment procéder à l'ouverture du coffre (pièce n° 10),

- une "attestation sur l'honneur" de Mme [P] du 20 mars 2017 selon laquelle M. [O] utiliserait régulièrement des surnoms affectifs gênants tels que "ma belle", "mon chaton", "ma [F] d'amour" ou encore "mon petit bouchon", n'hésitant pas à lui dire, dans le contexte d'une conversation sexuellement connoté, qu'il aurait aimé "essayer avec elle", propos qui, venant de son supérieur hiérarchique, l'auraient mise extrêmement mal à l'aise. Elle ajoute avoir peur de geste déplacés de sa part (pièce n° 8),

- une attestation de Mme [T] relatant que M. [O] aurait déclaré à un autre salarié, à propos d'elle, "allez, tu tiens le terrain, on va faire l'amour dans le bureau avec Marine", des propos similaires ayant été tenus à plusieurs reprises à son endroit (pièce n° 9),

et ajoute que :

- M. [U] l'aurait alerté sur le fait que M. [O] l'aurait interpellé pour lui demander d'arrêter de "discuter avec [F] car elle est avec à moi",

- lors de l'entretien préalable M. [O] aurait admis les faits tout en indiquant qu'il souhaitait en réalité tisser des liens,

- lors de son embauche, il a bénéficié d'une formation sur le management de sorte qu'il ne peut prétendre que ses agissements entrent dans le cadre normal d'une relation professionnelle (pièce n° 2).

Enfin, l'employeur soutient que les témoignages produits par M. [O] doivent être rejetés comme ne respectant pas les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile.

M. [O] conteste les faits et oppose que :

- le procès qui lui a été fait relève d'une construction maladroite et constitue une man'uvre grossière dont il avait été informé avant même l'engagement de la procédure disciplinaire,

- les propos prêtés à M. [U] ne sont confirmés par aucune attestation de sa part,

- les témoignages produits par l'employeur ne répondent pas aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile,

- les déclarations de Mme [P] évoque une tentative de séduction de sa part qui ne relève pas d'un quelconque harcèlement sexuel, au demeurant non invoqué par l'employeur, ni même d'un comportement déplacé, mais seulement, le cas échéant, d'un comportement inopportun,

- les déclarations de Mme [H] ne décrivent pas un comportement particulièrement déplacé, tout au plus familier, affectueux et réconfortant,

- les déclarations de Mme [T] sont imprécises et ont d'évidence été sollicitées pour construire un dossier à charge, sans grande préoccupation pour la vérité,

- l'employeur n'a jamais cherché à vérifier les allégations de ces trois salariés, aucune enquête n'ayant été diligentée.

A l'appui il produit plusieurs témoignages de salariés le décrivant comme non susceptible de tenir des propos ou d'adopter un comportement déplacés (pièces n° 6 à 12).

a - S'agissant de la recevabilité des témoignages produits :

Au-delà du fait que M. [O] se contredit lui-même en faisant grief à son employeur de produire des attestations non conformes à l'article 202 précité tout en sollicitant de la cour qu'elle accueille ses propres attestations bien qu'il concède qu'elles ne respectent pas plus ces dispositions légales, les éléments produits de part et d'autres sont circonstanciés et restent de ce fait recevables, même s'ils ne sont pas établis avec toutes les mentions requises, la cour conservant un pouvoir d'appréciation sur ces témoignages.

En tout état de cause, aucune demande à ce titre n'étant formulée dans le dispositif des conclusions de la société Autogrill Côté France, la cour n'en est pas saisie.

b - Sur le fond :

La cour relève que M. [O] admet dans ses écritures que les faits décrits par Mmes [P] et [H] sont effectivement survenus, leur donnant seulement une interprétation différente, une "tentative de séduction" dans le premier cas, un comportement "tout au plus familier, affectueux et réconfortant" pour la seconde.

Dès lors, nonobstant le fait que les propos prêtés à M. [U] ne sont corroborés par aucun élément, il résulte de ces éléments que M. [O] a, de façon répétée, tenu des propos à connotation sentimentale ("je t'aime", "ma belle", "mon chaton", "ma [F] d'amour") et sexuelle ("essayer avec elle", "on va faire l'amour dans le bureau avec Marine") vis-à-vis de plusieurs salariées et aussi usé de contacts physiques tout aussi connotés (serrer une salariée dans ses bras et la tenir par les hanches en rapprochant sa tête).

A cet égard, M. [O] ne peut sérieusement soutenir qu'il s'agissait d'une "tentative de séduction" ou d'un comportement "tout au plus familier, affectueux et réconfortant", l'un comme l'autre étant exclusif d'une relation de travail normale, ce d'autant qu'en sa qualité de manager, M. [O] se trouvait dans une situation hiérarchique de supériorité vis-à-vis des salariées concernées.

Enfin, peu important qu'aucune enquête ait été menée en interne, le fait que plusieurs autres salariées se soient manifestées pour attester qu'elles n'ont pas subi de comportement inapproprié de la part de M. [O] n'est pas de nature à remettre en cause les témoignages inverses produits contre lui.

Ces éléments caractérisent donc avec suffisance un comportement inapproprié reproché à M. [O] au titre d'une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il s'en déduit que le licenciement pour faute grave est fondé, le jugement étant confirmé tant sur ce point que sur les conséquences indemnitaires en termes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité compensatrice de préavis.

II - Sur les autres demandes de dommages-intérêts :

M. [O] sollicite la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts du fait de la remise tardive des documents de fin de contrat, laquelle est survenue le 15 juin 2017 soit un mois après la date de rupture effective du contrat de travail, ce qui l'a empêché de faire valoir rapidement ses droits à indemnisation du chômage.

Il soutient en outre que son licenciement a été mis en 'uvre dans des conditions particulièrement vexatoires, humiliantes, pour lui.

S'agissant de la remise tardive des documents de fin de contrat, il ressort des pièces produites que le reçu pour solde de tout compte daté du 31 mai 2017 n'a été remis en main propre à M. [O] que le 15 juin suivant, soit un mois après la date de rupture effective du contrat de travail (pièce n° 4), de sorte que le grief est fondé.

Néanmoins, il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l'existence et l'évaluation de celui-ci relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.

En l'espèce, M. [O] n'apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité d'un préjudice résultant de ce retard. La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

S'agissant des dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, il est constant que même lorsqu'il est prononcé en raison d'une faute grave, le licenciement peut causer au salarié, en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation.

Néanmoins, en dehors de l'énoncé des motifs pour lesquels il a été licencié, M. [O] ne développe dans ses écritures ni ne produit le moindre élément de nature à caractériser une quelconque circonstance vexatoire ayant accompagné ce licenciement.

Au surplus, il ne justifie pas non plus d'un quelconque préjudice.

La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

III - Sur la demande reconventionnelle de la société Autogrill Côté France :

Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

La société Autogrill Côté France soutient que la mauvaise foi de M. [O], consistant à instrumentaliser le conseil de prud'hommes et désormais la cour d'appel en tentant de se convaincre que ses agissements ne sont pas graves, justifie sa condamnation au paiement d'une indemnité de 1 000 euros pour procédure abusive.

Toutefois, l'exercice d'une action en justice constitue un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol.

En l'espèce, il ne résulte pas de la procédure d'éléments suffisants pour caractériser ces conditions.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

IV - Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement déféré sera partiellement infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société Autogrill Côté France au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [O] sera condamné à payer à la société Autogrill Côté France la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande de M. [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel sera rejetée.

M. [O] succombant, il supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu le 11 février 2021 par le conseil de prud'hommes de Dijon sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société Autogrill Côté France au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

y ajoutant,

CONDAMNE M. [K] [O] à payer à la société Autogrill Côté France la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de M. [K] [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

CONDAMNE M. [K] [O] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier Le président

Kheira BOURAGBA Olivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00175
Date de la décision : 05/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-05;21.00175 ?
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