SB/LL
[M] [W]
C/
SAS FRAN FACADES
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 03 JANVIER 2023
N° RG 21/00495 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FVM2
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 02 mars 2021,
rendue par le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône - RG : 20/00537
APPELANTE :
Madame [M] [W]
née le 1er Janvier 1954 à [Localité 6] (ALGÉRIE)
[Adresse 3]
[Localité 5]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/002814 du 04/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Dijon)
représentée par Me Sophie APPAIX, membre de la SCP ARGON-POLETTE- NOURANI-APPAIX AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 4
INTIMÉE :
SAS FRAN FACADES, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège :
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126
assistée de la SELARL L. ROBERT & ASSOCIES, avocat au barreau de l'AIN
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 octobre 2022 en audience publique devant la cour composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, Président,
Sophie BAILLY, Conseiller, ayant fait le rapport sur désignation du Président,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 03 Janvier 2023,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant devis du 26 avril 2019 accepté le 2 mai 2019, Mme [M] [W] a commandé auprès de la société Fran Facades la réalisation de travaux d'isolation par l'extérieur des quatre façades de sa maison, pour un montant total de 18 700 euros TTC, le contrat comportant la mention suivante : en attente de l'acceptation des subventions.
Le 11 septembre 2019, la société Fran Façades a émis une facture d'un montant de 17 700 euros, dont le solde à payer était de 11 700 euros, Mme [W] ayant versé un acompte de 6 000 euros.
Les travaux ont été terminés le 11 octobre 2019.
Par courriers du 17 octobre 2019, Eco-primes CEE Total - Capeb informait chacune des deux parties que :
- l'opération ouvrait droit à une contribution financière de 8 010 euros pour Mme [W] et de 1 550 euros pour la société Fran Façades qui était invitée à faire signer son devis,
- les fonds seraient débloqués sous réserve de production de divers documents parmi lesquels la copie de la facture acquittée des travaux, le dossier complet devant être adressé au plus tard 9 mois après la date de la facture.
Par lettre recommandée du 6 février 2020, dont Mme [W] a accusé réception le 11 février 2020, la société Fran Façades l'a vainement mise en demeure de lui régler la somme de 12 700 euros, au titre du solde de sa facture.
Par acte du 16 mars 2020, la société Fran Façades a fait assigner Mme [W] en paiement.
Par jugement réputé contradictoire du 2 mars 2021, exécutoire de droit par provision, le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône a :
- condamné Mme [W] à payer à la SAS Fran Façades :
. la somme de 11 700 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2020,
. 1 200 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société Fran Façades de ses demandes plus amples ou contraires,
- condamné Mme [W] aux dépens.
Mme [W] a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 10 avril 2021.
Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 3 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, Mme [W] demande à la cour, au visa des articles 514-3 du code de procédure civile, 1103,1131 et suivants, 1219 et 1231-1 du code civil, et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, de la déclarer recevable et bien fondée en son appel, et de:
Avant dire droit,
' enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur qui les informera sur l'objet et le déroulement de la médiation.
' désigner à cet effet le Centre de Médiation de la Côte d'Or (CMCO), [Adresse 2].
Sur le fond,
' à titre principal : sur la réticence dolosive,
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions lui faisant grief,
- rejeter l'ensemble des demandes de la société Fran Façades,
- dire que la société Fran Façades a commis des réticences dolosives,
- en conséquence, ordonner la réduction du prix de la facture de la société Fran Façades à hauteur de 9 560 euros et en ramener le montant à 2 140 euros (11 700 euros - 9 560 euros),
' à titre subsidiaire : sur l'erreur
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions lui faisant grief,
- rejeter l'ensemble des demandes de la société Fran Façades,
- dire que son consentement est vicié,
- ordonner la réduction du prix de la facture de la société Fran Façades à hauteur de 9 560 euros et en ramener le montant à 2 140 euros (11 700 euros - 9 560 euros),
' à titre très subsidiaire : sur la responsabilité contractuelle de la société Fran Façades
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions lui faisant grief,
- rejeter l'ensemble des demandes de la société Fran Façades,
- dire que la société Fran Façades a engagé sa responsabilité contractuelle,
- condamner la sociétéFran Façades à lui payer la somme de 9 560 euros à titre de dommages et intérêts,
- ordonner la compensation entre cette somme et le solde de la facture due à la société Fran Façades.
' à titre infiniment subsidaire, sur la demande de sursis et de délai de paiement, lui accorder les plus larges délais de paiement,
En tout état de cause,
' constater qu'elle est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Dijon en date du 25/06/2021 n°21/002296,
' dire qu'il serait inéquitable que le trésor public finance sa défense au titre de l'aide juridictionnelle alors que la société Fran Façades est parfaitement en capacité de régler les frais qu'elle aurait exposés si elle n'avait bénéficié de l'aide juridictionnelle. En conséquence,
' condamner la société Fran Façades à verser à son conseil, la SCP Argon- Polette-Nourani-Appaix avocats associés, la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle,
' donner acte à la SCP Argon-Polette-Nourani-Appaix avocats associés de ce qu'elle s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle si, dans les douze mois du jour où la décision a acquis la force de chose jugée, elle parvient à récupérer auprès de la société Fran Façades la somme allouée,
' condamner la société Fran Façades aux entiers dépens dont distraction faite au profit de la SCP Argon-Polette-Nourani-Appaix avocats associés, avocat au Barreau de Dijon, sur son affirmation de droit, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 6 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, la société Fran Façades demande à la cour au visa des articles 1103, 1104 et 1231-1 du code civil, de :
- débouter Mme [M] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- confirmer le jugement
- y ajoutant, condamner Mme [M] [W] :
. aux entiers dépens
. à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 26 octobre 2021, la première présidente de la cour a notamment arrêté
l'exécution provisoire de droit attachée au jugement déféré.
La clôture de la procédure a été prononcée le 8 septembre 2022.
SUR CE :
Sur la demande de médiation
L'article 131-1 code de procédure civile prévoit que le juge saisi d'un litige peut, après avoir
recueilli l'accord des parties, désigner une tierce personne afin d'entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. Ce pouvoir appartient également au juge des référés, en cours d'instance.
Le juge ne saurait en application de cette disposition ordonner de mesure de médiation sans avoir au préalable recueilli l'accord des parties.
En l'espèce, la SAS Fran Façades s'oppose à toute mesure de médiation.
Mme [W] sera donc déboutée de sa demande tendant à voir ordonner une mesure de médiation.
Sur les vices du consentement
En l'espèce, Mme [W] soutient qu'elle n'aurait pas contracté si la société Fran Façades lui avait explicité qu'elle devait règler la facture de travaux avant de percevoir les aides.
' Sur l'erreur
L'article 1132 du code civil dispose que L'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.
Les modalités financières de règlement des travaux ne constituant pas une qualité essentielle de la prestation convenue ou de la société Fran Façades, Mme [W] n'est pas fondée à soutenir que son consentement a été vicié du fait d'une erreur.
' Sur le dol
L'article 1137 du code civil dispose que Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges./ Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Il résulte de la mention manuscrite 'en attente de l'acceptation des subventions' qui a été ajoutée sur le contrat, que la société Fran Façades savait que Mme [W] ne voulait s'engager que si elle pouvait bénéficier d'aides financières et qu'elle a accepté d'en faire une condition de son engagement, cette circonstance révélant que l'intimée n'avait pas l'intention de tromper Mme [W].
Par ailleurs, il n'est pas établi que la société Fran Façades savait que Mme [W] ne pouvait s'engager à avancer que la partie du coût des travaux, non couverts par ces aides, ce d'autant qu'au jour de l'acceptation du devis par Mme [W], le montant des dites aides n'était pas connu des parties et que Mme [W] n'a pas conditionné son engagement à un montant minimal.
En conséquence, Mme [W] n'est pas davantage fondée à soutenir que son consentement a été vicié du fait d'une réticence dolosive de la société Fran Façades.
Sur la responsabilité contractuelle de la société Fran Façades
Mme [W] impute à la société Fran Façades plusieurs fautes parmi lesquelles celle consistant à avoir réalisé les travaux avant l'information reçue le 17 octobre 2019 et à avoir émis une facture avant d'avoir réalisé les travaux, alors que la date de cette facture constitue le point de départ du délai de 9 mois dans lequel toutes les pièces exigées pour la perception des aides accordées devaient être adressées à l'organisme les versant.
Alors qu'elle indique elle-même avoir 'l'habitude de procéder à des travaux d'isolation thermique par l'extérieur avec l'appui financier des éco-primes gérées par ses partenaires habituels en la matière, dont CEE Total Capeb', la société Fran Façades ne pouvait ignorer que la conclusion du contrat devait intervenir postérieurement à l'accord sur le principe et le montant des aides, ainsi que cela lui était d'ailleurs rappelé dans le courrier qu'elle a reçu le 17 octobre 2019.
Elle ne pouvait pas davantage ignorer, surtout eu égard à la mention manuscrite ajoutée sur le devis accepté, qu'il convenait a minima d'attendre cet accord avant de réaliser les travaux, étant précisé que ce n'est que lors de la notification de cet accord, que Mme [W] a été informée de la nécessité d'avancer le coût global des travaux.
Enfin, s'il était convenu du versement d'acomptes, effectivement payés par Mme [W], la société Fran Façades savait que l'émission de la facture du solde des travaux avant la fin de ceux-ci, outre qu'elle n'est pas conforme aux usages, était de nature à réduire le délai au-delà duquel les aides seraient perdues.
La confrontation de ces éléments avec la chronologie des faits de l'espèce révèle que la société Fran Façades a commis des fautes notamment lors de l'exécution du contrat.
Si ces fautes n'avaient pas été commises, Mme [W] aurait pu soit renoncer à faire réaliser les travaux, soit confirmer son engagement en toute connaissance de cause.
Les travaux ayant été réalisés et facturés de manière prématurée, elle reste définitivement débitrice d'une somme de 11 700 euros, alors qu'elle aurait dû seulement faire l'avance de cette somme qui ne serait restée à sa charge qu'à hauteur de 2 140 euros, une fois les aides perçues.
Elle est donc fondée à soutenir que ces fautes sont à l'origine d'un préjudice financier égal au montant de ces aides, soit 9 560 euros.
La société Fran Façades devant réparer ce préjudice, la somme de 9 560 euros doit être déduite de sa facture et Mme [W] ne doit être condamnée qu'au paiement de la somme de 2 140 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 11 février 2020.
Sur la demande de délais de paiement
La somme de 2140 euros a été réglée par Mme [W] au moyen d'un chèque établi à l'ordre de la CARPA.
Il convient en conséquence de rejeter sa demande de délais de paiement, devenue sans objet.
Sur les frais de procès
La demande en paiement de la société Fran Façades étant fondée, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a mis les dépens de première instance à la charge de Mme [W] qui est condamnée aux dépens d'appel.
Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile ne sont réunies qu'en faveur de la société Fran Façades. Mais, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'équité conduit la cour à laisser à la charge de l'intimée, l'ensemble des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déboute Mme [M] [W] de sa demande de médiation ;
Infirme les dispositions critiquées du jugement déféré sauf celle ayant condamné Mme [M] [S] aux dépens de première instance,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Condamne Mme [M] [W] à payer à la SAS Fran Façades la somme de 2 140 euros, au titre du solde de la facture du 11 septembre 2019, outre intérêts au taux légal à compter du 11 février 2020,
Rejette la demande de délais de paiement devenue sans objet,
Condamne Mme [M] [W] aux dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Le Greffier, Le Président,