La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/11/2022 | FRANCE | N°21/00110

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 24 novembre 2022, 21/00110


OM/CH













[S] [Y]





C/



S.E.L.A.R.L. MJ ET ASSOCIÉS



UNÉDIC

DÉLÉGATION AGS CGEA - AGS [Localité 5]



















































Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



le :



à :



































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022



MINUTE N°



N° RG 21/00110 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FT6N



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section Encadrement, décision attaquée en date du 18 Janvier 2021, enregistrée s...

OM/CH

[S] [Y]

C/

S.E.L.A.R.L. MJ ET ASSOCIÉS

UNÉDIC

DÉLÉGATION AGS CGEA - AGS [Localité 5]

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022

MINUTE N°

N° RG 21/00110 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FT6N

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section Encadrement, décision attaquée en date du 18 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 19/00304

APPELANTE :

[S] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Anne MARQUE de la SCP MARQUE MONNERET MARQUE, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉES :

S.E.L.A.R.L. MJ ET ASSOCIÉS

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Me Romain CLUZEAU de la SELAS LEGI CONSEILS BOURGOGNE, avocat au barreau de DIJON substitué par Me Martin LOISELET, avocat au barreau de DIJON

UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA - AGS [Localité 5]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représentée par Me Florence GAUDILLIERE, avocat au barreau de PARIS, et Me Carole FOURNIER, avocat au barreau de [Localité 5]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Octobre 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Olivier MANSION, Président de chambre chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [Y] (la salariée) a été engagée le 15 juin 2017 par contrat à durée indéterminée en qualité de responsable contrôle gestion, contrat de travail transféré par la suite à la société cacao de Bourgogne (l'employeur), laquelle a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 4 mars 2021.

Elle a été licenciée le 31 octobre 2018 pour faute et pour insuffisance professionnelle.

Estimant ce licenciement infondé, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes qui, par jugement du 18 janvier 2021, a rejeté toutes ses demandes.

La salariée a interjeté appel le 10 février 2021.

Elle demande l'infirmation du jugement et la fixation au passif de l'employeur des créances suivantes :

- 12 633,44 euros de rappel d'heures supplémentaires,

- 1 263,34 euros de congés payés afférents,

- 4 166 euros de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

- 13 962,22 euros de rappel de salaire "sur égalité de traitement",

- 1 396,22 euros de congés payés afférents,

- 8 333,32 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 166,66 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

- 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur conclut à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a refusé d'écarter des débats les pièces adverses n° 25, 26 et 27 et sollicite que ces pièces soient écartées des débats ainsi que le paiement de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'AGS CGEA de [Localité 5] (l'AGS) demande la confirmation du jugement et rappelle les limites de sa garantie.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA les 28 avril, 26 mai et 16 juillet 2021.

MOTIFS :

Sur la recevabilité des pièces n° 25 à 27 communiquées par la salariée :

L'employeur soutient que les pièces susvisées, soit deux organigrammes établis par le service des ressources humaines et le contrat de mise à disposition de Mme [W] conclu avec la société Adecco sont réservés à ce service au sein duquel la salariée ne travaillait pas et qu'elle les a obtenus de façon déloyale.

Toutefois, l'employeur ne démontre pas que la salariée s'est procurée ces trois pièces de la façon alléguée.

Par ailleurs, elles sont strictement nécessaires à sa défense et n'ont pas à être écartées des débats.

La demande sera donc rejetée et le jugement complété sur ce point dès lors qu'il ne statue pas, sur ce point, dans son dispositif.

Sur les heures supplémentaires :

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, la salariée indique que la convention de forfait jour qu'elle a signée est sans effet faute pour l'employeur d'avoir organisé un entretien annuel sur le temps de travail.

Au fond, elle indique qu'elle devait effectuer au moins douze tâches différentes et fixe les heures supplémentaires accomplies à 8 heures de travail supplémentaires par semaine.

L'employeur indique que le contrat de travail a été transféré le 8 janvier 2018 et que le licenciement est intervenu le 31 octobre suivant ce qui n'a pas permis l'organisation de l'entretien individuel au cours de l'année civile, période retenue pour le nombre de jours prévu par la convention de forfait.

Au fond, il relève que la salariée ne présente pas des éléments suffisamment précis sur les heures de travail qu'elle soutient avoir accomplies et rappelle qu'il n'est pas tenu des obligations incombant à l'ancien employeur, avant transfert du contrat de travail.

La convention de forfait jour est sans effet à l'égard de la salariée dès lors qu'aucun entretien annuel sur la charge de travail n'a été organisé, au moins chaque année, et alors que la convention de forfait n'implique pas que cet entretien doit avoir lieu au cour de l'année civile, la seule référence à cette année portant sur le nombre de jours prévu par cette convention.

De plus, l'employeur n'apporte pas la preuve du déroulement de cet entretien pour la période du 15 juin 2017 au 15 juin 2018, date à laquelle le contrat avait déjà été transféré.

Sur les heures supplémentaires, la salariée procède à une évaluation forfaitaire des heures effectuées et n'apporte aucun élément suffisamment précis sur les heures dont le paiement est réclamé.

La demande sera donc rejetée et le jugement confirmé.

Sur le rappel de salaire :

Par extension des dispositions de l'article L. 3221-2 du code du travail, l'employeur doit assurer, pour un même travail ou un travail de valeur égale, une égalité de traitement entre les salariés placés dans une situation identique ou comparable au regard de l'avantage en cause, sauf à établir que la différence de traitement est justifiée par des raisons objectives.

Il incombe au salarié qui invoque une atteinte au principe à travail égal salaire égal, d'apporter des éléments susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et à l'employeur de rapporter la preuve que cette différence est justifiée par des éléments objectifs.

En l'espèce, la salariée indique que jusqu'à l'arrivée de Mme [W], elle exerçait les fonctions de directrice administrative et financière avec une rémunération horaire de 24,18 euros bruts alors que cette dernière à perçu, pour cette même fonction, une rémunération horaire de 48,08 euros bruts.

Si le contrat produit par la salariée n'est pas signé par l'employeur, ce dernier ne conteste pas l'existence de ce contrat ni son exécution.

L'employeur précise qu'il s'agit d'un contrat de mission dont le salaire n'est pas déterminé par la société utilisatrice et que Mme [W] avait une formation et une expérience plus importante ayant occupé, auparavant, les fonctions de directrice générale de la société à laquelle l'employeur a succédé.

L'article L. 1251-1 du code du travail précise que chaque mission donne lieu à la conclusion d'un contrat de mise à disposition entre l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice ainsi que d'un contrat de mission entre le salarié temporaire et son employeur, l'entreprise de travail temporaire.

Il en résulte que l'employeur de Mme [W] n'est pas le même employeur que celui de la salariée, de sorte que la violation du principe à travail égal, salaire égal, ne peut lui être opposé.

La demande de rappel de salaire sera rejetée ainsi que la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en découlant.

Sur le licenciement :

Selon les explications données par l'employeur, la lettre de licenciement vise à la fois une insuffisance professionnelle et un motif disciplinaire.

Sur l'insuffisance professionnelle, il est reproché à la salariée de ne pas avoir transmis ou d'avoir transmis avec retard sur la période du 17 septembre au 15 octobre 2018 les synthèses hebdomadaires portant sur le suivi des indicateurs de performance industrielle et, au quotidien, des indicateurs financiers indispensables à la gouvernance de la société.

Il est justifié du recrutement d'une comptable, Mme [N], pour aider la salariée, et ce à compter du 27 août 2018, ainsi que l'organisation de réunions de travail, de rendez-vous avec les différents responsables opérationnels et de "points d'avancement".

Cependant, l'employeur n'établit pas avoir procédé à une évaluation de la salariée recrutée en juin 2017 et dont le contrat de travail a été transféré en janvier 2018.

De même, les manquements reprochés font suite à une demande formulée la première fois en août 2018 (pièce n° 8) et portant sur la communication quotidienne des performances de production et, chaque vendredi, une synthèse de la semaine.

Si une formation a bien été dispensée au cours du mois de septembre, la dernière réunion datant du 20 septembre, les critiques ne portent que sur des retards de transmission et sur un document incomplet le 12 octobre (pièce n° 23 bis), soit dans un court un laps de temps entre la formation dispensée et les retours tardifs, ce qui est insuffisant à caractériser une insuffisance professionnelle.

L'employeur ajoute que cette insuffisance résulte, aussi, dans l'absence de paiement de quatre fournisseurs le 1er octobre et d'une relance sur ce sujet le 3 octobre ce qui a entraîné une exécution partielle de son obligation.

Cependant, la salariée justifie de ce que le paiement des factures nécessitait la validation de M. [U] et que celui-ci a été informé le 3 octobre (pièces n° 112 à 114) des diligences accomplies, ce qui a entraîné l'autorisation du paiement de l'une des factures.

Il n'est donc pas établi que le retard de paiement incombe avec certitude à la salariée.

Ce grief ne peut donc être retenu au titre d'une insuffisance professionnelle.

Sur les griefs disciplinaires, il est reproché à la salariée un refus de collaborer avec Mme [N], d'avoir payé les fournisseurs le 12 octobre 2018 ainsi que des carences dans le suivi du stage de M. [P].

Sur le premier point, l'employeur se reporte à l'attestation de Mme [N] (pièce n° 35) qui fait état du refus de transmettre des informations et de la volonté de l'écarter des relations avec les banques.

Cette faute qualifiée d'insubordination, repose sur le seul témoignage de Mme [N] obtenu le 30 août 2019, à une date où la société n'était pas encore placée en redressement judiciaire, intervenu le 1er février 2021, et où l'intéressée était encore salariée.

Par ailleurs, l'employeur en déduit que le refus de collaboration a entraîné un retard de paiement le 12 octobre puisque la procédure de paiement n'avait pas été transmise à Mme [N] par la salariée avant son départ en week-end, alors que M. [U] avait validé le paiement des factures à 12 heures 11.

La salariée rappelle qu'elle a effectué les démarches nécessaires mais que M. [U] a validé les paiements trop tard, le flux financier s'arrêtant le vendredi à 10 heures, d'où la relance effectuée auprès de Mme [N] à 15 heures 57, laquelle pouvait procéder au paiement.

La salariée n'apporte aucun élément contredisant les propos de Mme [N], de sorte que le refus de collaboration sera retenu ce qui a empêché un paiement rapide des factures le 12 octobre.

Par ailleurs, M. [P], stagiaire auprès de la salariée du 14 mai au 13 novembre 2018, a adressé deux mails (pièces n° 26 et 27) pour demander à changer de tuteur et pour faire état du désintérêt de la salariée dans le suivi du stage, d'où l'organisation d'une réunion le 10 octobre suivant, au cours de laquelle la tension existante n'a pas été apaisée.

Les deux griefs retenus, soit le refus de collaborer avec Mme [N] et les conditions de déroulement du stage de M. [P], permettent de caractériser une faute réelle et sérieuse justifiant le licenciement prononcé.

Les demandes indemnitaires seront rejetées et le jugement sera confirmé.

Sur les autres demandes :

1°) La salariée demande le paiement de dommages et intérêts en relevant qu'elle a été mise à l'écart par voie de mise à pied et que ses qualités humaines et professionnelles ont été remises en cause ce qui caractériserait un préjudice indemnisable.

Cependant, le licenciement est fondé tout comme la mise à pied prononcée lors de cette procédure.

De plus, il n'est pas démontré que la salariée a subi un préjudice direct et personnel faute d'établir la remise en cause alléguée.

La demande de dommages et intérêts sera donc écartée.

2°) Les demandes formées au visa de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

La salariée supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :

- Rejette la demande de la société MJ et associés ès-qualités de mandataire liquidateur de la société cacao de Bourgogne, tendant à écarter des débats les pièces n° 25, 26 et 27 communiquées par Mme [Y] ;

- Confirme le jugement du 18 janvier 2021, sauf en ce qu'il statue sur les dépens ;

Y ajoutant :

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

- Condamne Mme [Y] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier Le président

Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00110
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;21.00110 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award