LC/LL
SAS POTAIN TP
C/
L'EURL INTER BUSINESS FR
expédition et copie exécutoire
délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022
N° RG 20/01172 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FRIJ
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 11 septembre 2020,
rendue par le tribunal de commerce de Mâcon - RG : 2019J00044
APPELANTE :
SAS POTAIN TP, prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité au siège :
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Emmanuelle COMBIER, avocat au barreau de MACON
assistée de Me Olivier LE GAILLARD, membre de la SELARL BLG AVOCATS, avocat au barreau de ROANNE
INTIMÉE :
L'EURL INTER BUSINESS FR
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Marie-Hélène HETIER-DEBAURE, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 57
assisté de Me Marie-Claire DELVAL, avocat au barreau de CHARLEVILLE-MÉZIÈRES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 septembre 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Françoise VAUTRAIN, Président de Chambre, et Leslie CHARBONNIER, chargé du rapport, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :
Françoise VAUTRAIN, Président de Chambre,
Michèle BRUGERE, Conseiller,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 24 Novembre 2022,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Président de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant bon de commande régularisé le 19 avril 2018, la SAS Potain TP a commandé auprès de la société Inter Business Fr un tracteur d'occasion de marque John Deere Type 7930, moyennant un prix de 52 000 euros HT soit 62 400 euros TTC, dans l'état et sans garantie.
La livraison du tracteur est intervenue le 8 mai 2018, le devis et la facture indiquant 5.515Â heures d'utilisation.
La SAS Potain TP a fait procéder à la pose d'un kit de Freinage pneumatique par les établissements Vernay, puis à la pose de 4 pneus et à une révision moteur et vidange hydraulique des ponts AV et AR.
Le tracteur a ensuite été mis en service le 18 juin 2018 avec une benne pour le transport de matériaux.
Au cours du premier voyage avec une benne chargée, le chauffeur de la SAS Potain s'est aperçu de l'allumage du témoin de pression d'huile moteur et est rentré au dépôt.
La SAS Potain a pris contact avec le concessionnaire John Deere, les établissements Vernay, et le tracteur a été emmené dans son atelier où un contrôle de la pression d'huile a été effectué, cette pression chutant de manière importante, moteur à chaud.
Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception en date du 6 juillet 2018, la SAS Potain est intervenue auprès de la société Inter Business Fr afin de dénoncer cette situation.
Le moteur du tracteur a été déposé et remplacé par un échange standard complet par les établissements Vernay, selon facture du 31 juillet 2018 d'un montant de 22 594,26 euros HT.
Une expertise amiable contradictoire a été organisée le 30 août 2018, la société Inter Business Fr étant à cette occasion assistée par son propre expert.
Le rapport d'expertise a été déposé le 16 octobre 2018 dont il résulte que les dommages constatés étaient assimilables à un vice antérieur à la vente.
Par exploit d'huissier en date du 22 mai 2019, la société Potain a fait assigner l'Eurl Inter Business Fr devant le tribunal de commerce de Mâcon aux fins de la voir condamnée au paiement d'une somme de 22 594,26 euros HT correspondant au montant de la facture de réparation et 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par jugement en date du 11 septembre 2020, le tribunal a :
débouté la SAS Potain de l'ensemble de ses prétentions fins et conclusions,
débouté la société Inter Business Fr de sa demande de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné les parties à parts égales aux dépens dont frais de greffe liquidés à la somme de 63,36 euros.
La SAS Potain a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe du 6 octobre 2020.
Au terme de ses conclusions notifiées le 30 avril 2021, la SAS Potain TP demande à la cour, au visa des dispositions de l'article 1641 du code civil, de :
réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 septembre 2020 par le tribunal de commerce de Mâcon lequel l'a déboutée de ses demandes aux motifs que le vice caché ne pouvait être retenu.
condamner en conséquence la société Inter Business Fr au paiement d'une somme de 22.594,26 euros HT correspondant au montant de la facture de réparation.
la condamner au paiement d'une somme de 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts.
subsidiairement, et si par extraordinaire la cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée, ordonner avant dire droit une expertise judiciaire de manière à déterminer l'origine de la panne et son antériorité à la vente,
désigner pour ce faire tel qu'il plaira avec mission habituelle en la matière.
condamner la société Inter Business Fr au paiement de la somme de 5.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La condamner aux entiers dépens.
ordonner que, dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, l'exécution devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l'huissier, en application de l'article R444-55 du code de commerce et son tableau 3-1 annexé, devra être supporté par le débiteur, en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'article L111-8 du code des procédures civiles d'exécution ne prévoyant qu'une simple faculté de mettre à la charge du créancier les dites sommes.
Au terme de conclusions d'intimé notifiées le 10 mars 2021, l'Eurl Inter Business Fr demande à la cour de :
Vu le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Mâcon le 11 septembre 2020,
confirmant la décision entreprise,
dire et juger la Sté Potain TP mal fondée en son action.
par voie de conséquence, la débouter de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions, plus amples ou contraires.
et y ajoutant, la condamner à payer à la concluante la somme de 4.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La clôture de la procédure a été prononcée le 19 juillet 2022.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.
L'affaire a été fixée à l'audience du 22 septembre 2022 et la décision a été mise en délibéré pour être rendue le 24 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
L'article 1644 du code civil prévoit que dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.
La SAS Potain TP agit non pas en résolution de la vente ou en restitution d'une partie du prix de vente, conformément aux dispositions précitées, mais en paiement du coût de la remise en état du tracteur, ainsi que de dommages-intérêts.
Il lui appartient de démontrer l'existence d'un vice caché affectant le tracteur et antérieur à la vente.
Elle produit à l'appui de sa demande un rapport d'expertise amiable en date du 16 octobre 2018 réalisé à sa demande par le cabinet JLA Expertise en présence du vendeur assisté par son expert ainsi que la facture de remplacement du moteur en date du 31 juillet 2018.
Si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut cependant se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande d'une des parties, et ce quand bien même la partie à qui est opposée cette expertise a été appelée aux opérations et y a participé.
En l'espèce, il résulte du contenu de la facture établie par les établissements Vernay lors du remplacement du moteur en juillet 2018 qu'ils ont été amenés, suite à la panne litigieuse, à vérifier la sonde de pression d'huile moteur avec prise de la pression d'huile moteur avec manomètre qui a confirmé que la pression à froid était normale mais qu'elle tombait à moins de 1 bar à chaud.
Après contrôles divers avant de déposer le moteur du châssis pour déposer le carter moteur, ils ont constaté la présence de limaille puis, après dépôt de la pompe à huile moteur, ils ont constaté son usure prématurée et enfin, après démontage complet du moteur, il a été observé un arrachement de métal sur les coussinets de ligne 5 et 6 qui avaient tourné dans leur logement.
Après avoir énoncé les circonstances de la panne telles que rapportées par l'acquéreur, à savoir qu'après seulement 6 heures d'utilisation du tracteur, dont environ 1 heure attelé à une remorque chargée, le conducteur s'est aperçu de l'allumage du témoin de pression d'huile moteur, et rappelé les constatations des établissements Vernay sur l'évolution de la pression, l'expert mandaté par l'acquéreur indique que la cause de l'allumage du témoin d'alerte est liée au fait que le moteur du tracteur était en charge précisant que « malgré la baisse de pression à 1 bar à chaud, le témoin ne s'allume pas encore au tableau de bord car le moteur n'est pas en charge et que ce n'est que lors du roulage avec la benne attelée que ce témoin ne (sic) peut s'allumer ».
L'expert déduit des renseignements tirés du contrôle effectué par les établissements Vernay que c'est bien la preuve que le défaut ne pouvait être mis en évidence qu'à cette occasion tandis qu'il tire des dommages constatés la preuve qu'il n'y a pas d'aggravation technique due à un roulage prolongé.
En effet, au cours d'opérations contradictoires, l'expert mandaté a pu constater personnellement sur le moteur déposé mais parfaitement identifiable par les numéros imprimés ainsi que sur les pièces conservées, que :
la pompe à huile est « marquée » par des empreintes de passage de corps étrangers,
le vilebrequin est très endommagé au niveau de ses paliers et de ses coussinets afférents,
les coussinets ont subi un arrachement de métal important avec rotation sur les cylindre 5 et 6,
les inscriptions sur les coussinets précisent que les dates de fabrication sont différentes et donc dues à un remplacement antérieur.
Il tire des renseignements obtenus et de ses propres constatations techniques que la cause des dommages techniques est un défaut de lubrification par manque de pression d'huile moteur, donc par un manque d'huile moteur, précisant que ce manque de pression d'huile moteur provient de dommages antérieurs non réparés dans les règles de l'art, défaut qui était latent au moment de la vente.
Il précise que, selon les établissements Vernay, le moteur avait été réparé avec remplacement des 6 cylindrées et bielle n°6 ainsi que d'autres pièces en juin 2016, et que certaines pièces, dont la pompe à huile moteur et les coussinets des paliers, n'avaient pas été remplacées alors que le moteur avait fonctionné avec une huile polluée.
Ce faisant, cette expertise, qui a été réalisée dans le respect du contradictoire et dont les conclusions sont parfaitement étayées par des constatations effectuées par l'expert lui même et confortées par le contrôle et les constatations des établissements Vernay, est parfaitement probante.
L'intimé n'apporte, de son côté, aucun élément technique qui viendrait contredire le fait que le roulage prolongé avec le tracteur afin de le ramener au dépôt aurait contribué à aggraver les dommages.
De même, alors qu'il est reconnu que des travaux ont été accomplis sur le moteur en juin 2016 par la société Ouest Agri, peu importe que cette dernière soit intervenue sur le piston 3 et non les 5 et 6 dès lors que, comme l'indique l'expert, dans son courrier du 7 décembre 2018, l'important est que les coussinets des paliers n'ont pas été remplacés lors de cette réparation.
Enfin, si les établissements Vernay sont effectivement intervenus sur le tracteur avant sa mise en service, leur intervention a été limitée au remplacement de kit de frein pneumatique, au remplacement de quatre pneus, à une révision moteur et une vidange hydraulique des ponts AV et AR, intervention qui ne portait pas directement sur l'organe litigieux et au cours de laquelle ils ne pouvaient se convaincre du défaut affectant le moteur dès lors que le voyant qui a permis la découverte du défaut ne s'est allumé qu'une fois la benne attelée au tracteur.
En conséquence, le défaut affectant le moteur mis en évidence par les établissements Vernay et confirmé par l'expert du cabinet JLA Expertise, qui s'est révélé six heures après la mise en service du tracteur, qui n'a pu être détecté qu'après usage du tracteur avec une benne et qui a conduit à la casse du moteur en suite d'une réparation incomplète, nécessitant son remplacement, constitue un vice caché qui était en germe au moment de la vente au sens de l'article 1641 du code civil.
Si les devis produits par l'intimé au titre du remplacement d'un moteur de même type portent effectivement sur des montant moins importants, ils ne prévoient pas le montant de la main d'oeuvre.
En tout état de cause, la société Potain produit une facture d'un montant hors taxe de 22 594,26 euros, montant qu'elle a été contrainte de régler pour réparer le tracteur atteint d'un défaut.
En conséquence, il convient de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner la société Inter Business Fr à payer à la société Potain ladite somme.
Par contre, la SAS Potain ne démontre pas le préjudice qu'elle aurait subi du fait de l'impossibilité pour elle d'utiliser le tracteur alors qu'elle a fait remplacer le moteur fin juillet 2018, soit quelques semaines après la panne.
Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Il convient de condamner l'Eurl Inter Business Fr, partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel et au paiement d'une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
Condamne l'Eurl Inter Business Fr à payer à la SAS Potain TP la somme de 22 594,26 euros HT correspondant au montant des réparations,
Déboute la SAS Potain TP de sa demande de dommages-intérêts,
Condamne l'Eurl Inter Business Fr aux dépens de première instance et d'appel,
La condamne à payer à la SAS Potain TP la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédures civile.
Le Greffier, Le Président,