DLP/CH
[F] [P]
C/
Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Côte d'Or (CPAM)
[7]
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022
MINUTE N°
N° RG 20/00056 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FNFH
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Pôle social du Tribunal Judiciaire de DIJON, décision attaquée en date du 17 Décembre 2019, enregistrée sous le n° 19/832
APPELANT :
[F] [P]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Fabien KOVAC de la SCP DGK AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON substitué par Me Burcu GÜL, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉES :
Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Côte d'Or (CPAM)
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
représentée par Mme [G] [U] (Chargée d'audience) en vertu d'un pouvoir général, qui sollicite une dispense de comparution
[7]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Jean-François MERIENNE de la SCP MERIENNE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Octobre 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller, Président,
Olivier MANSION, Président de chambre,
Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Léa ROUVRAY,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller, et par Léa ROUVRAY, Greffier placé, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [P] a été engagé par l'EURL [7], qui exerce une activité de maçonnerie, par contrat à durée déterminée du 25 janvier 2016 au 29 juillet 2016, en qualité d'ouvrier d'exécution.
Il a été victime d'un accident de travail survenu le 22 février 2016, lequel a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance-maladie de Côte-d'Or (la CPAM), au titre de la législation sur les risques professionnels par décision notifiée le 6 juin 2016.
Par requête du 25 juillet 2018, M. [P] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de son accident.
Par jugement du 17 décembre 2019, le tribunal a rejeté ses demandes.
Par déclaration enregistrée le 24 janvier 2020, M. [P] a relevé appel de cette décision.
Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par voie électronique le 13 avril 2021, et reprises à l'audience sans ajout ni retrait au cours des débats, il demande à la cour de :
- dire et juger qu'il est recevable et bien fondé en son appel,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et statuant à nouveau,
- dire et juger que l'accident du travail dont il a été victime le 22 février 2016 a pour origine la faute inexcusable de l'employeur, l'EURL [7],
En conséquence,
- ordonner, avant-dire-droit, une expertise médicale et commettre pour y procéder tel expert qu'il plaira au tribunal de désigner,
- dire et juger que l'expert ainsi désigné aura pour mission de déterminer les préjudices de tous ordres qu'il a subis du fait de l'accident du travail dont il a été victime le 22 février 2016,
- dire que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions de l'article 273 et suivants du code de procédure civile,
- qu'en particulier, il pourra recueillir les observations de toutes personnes informées et s'adjoindre tout spécialiste de son choix sur la liste des experts près la cour d'appel,
- dire qu'en cas de difficultés, l'expert saisira le président qui aura ordonné l'expertise au juge désigné par lui,
- dire qu'en cas de l'empêchement de l'expert, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance de M. le Président saisi sur requête de la partie la plus diligente,
- dire et juger qu'il appartiendra à l'EURL [7] de faire l'avance des frais d'expertise,
- déclarer la décision commune et opposable à la CPAM de Côte-d'Or,
- ordonner la majoration des indemnités qui lui sont dues, à son maximum, conformément à l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale,
- condamner l'EURL [7] à lui payer une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure de première instance et d'appel,
- condamner l'EURL [7] aux dépens de première instance et d'appel.
Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique 22 octobre 2020, et reprises à l'audience sans ajout ni retrait au cours des débat, l'EURL [7] demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel,
- débouter M. [P] de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur,
- débouter M. [P] de sa demande d'expertise avant-dire-droit,
- condamner M. [P] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [P] à l'intégralité des dépens.
La CPAM n'a transmis ni déposé aucune conclusions en réponse.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LA FAUTE INEXCUSABLE
M. [P] se prévaut d'un manquement grave de l'employeur à son obligation de sécurité caractérisée par le fait d'avoir engagé une man'uvre dangereuse de son camion alors que lui-même se trouvait encore dans la benne et s'apprêtait à en descendre, ce que l'intimée ne pouvait selon lui ignorer. Il explique que cette man'uvre soudaine l'a déstabilisé et qu'il a dû poser son pied sur le pneu arrière du camion pour descendre du plateau ; qu'il a alors ressenti une douleur dans le dos. Il précise que le camion n'était équipé d'aucun marche-pied ou autre élément de sécurité permettant aux usagers de monter et descendre du plateau. Il en déduit que l'employeur n'a pas mis à sa disposition les moyens nécessaires pour exécuter, en toute sécurité, les man'uvres de chargement et déchargement du matériel.
M. [P] excipe ensuite de ce que l'employeur aurait dû avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé du fait de l'utilisation d'un véhicule avec plateau sans marche-pied et qu'il n'a pris aucune disposition pour l'en préserver.
Il invoque enfin le lien de causalité entre les manquements constatés et les dommages survenus.
En réponse, l'EURL [7] fait valoir que le récit des faits par M. [P] ne correspond en aucun cas à la réalité et que sa faute inexcusable n'est pas établie.
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité Selon l'article L. 4121-1 du code du travail, dans sa version applicable à la présente espèce, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels,
2° Des actions d'information et de formation,
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés ;
Il appartient à l'employeur de veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
Le manquement à cette obligation présente le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Il revient à la victime d'apporter la preuve de l'existence de cette conscience du danger qu'avait ou aurait dû avoir l'employeur auquel il exposait son salarié et, dans ce cas, l'absence de mesures de prévention et de protection. Il lui revient également d'établir précisément les circonstances de l'accident lorsqu'elle invoque l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur, la recherche d'une telle faute étant, de surcroît, limitée aux circonstances dans lesquelles s'est produit l'accident en cause.
Par ailleurs, l'opposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle ne prive pas celui-ci de la possibilité de contester le caractère professionnel de l'événement à l'occasion de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable engagée à son encontre par la victime.
Ici, il est constant que le seul « témoin » de l'accident litigieux est l'employeur de M. [P] qui conteste les faits. Quant à l'épouse du salarié, elle s'est contentée de remplir la déclaration d'accident du travail en rapportant les dires de son conjoint. Or, elle a notamment indiqué que M. [P] avait ressenti une douleur au dos en se baissant pour ramasser un outil, après être descendu du camion et non en sautant de celui-ci. Le salarié livre, à hauteur d'appel, une nouvelle version des faits non corroborée par les pièces versées aux débats. N'établissant pas les circonstances exactes de son accident telles qu'il les décrit en cause d'appel, l'argumentation sur l'existence ou non d'un marche-pied est sans emport sur la solution du litige. Aucune faute inexcusable ne peut, dès lors, être retenue à l'encontre de l'employeur.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en ce sens de M. [P] et l'ensemble de ses autres prétentions.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
La décision querellée sera confirmée en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Les dépens d'appel seront supportés par M. [P] qui supportera également une indemnité au visa de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [P] et le condamne à payer en cause d'appel à l'EURL [7] la somme de 1 500 euros,
Condamne M. [P] aux dépens d'appel.
Le greffier Le président
Léa ROUVRAY Delphine LAVERGNE-PILLOT