RUL/CH
[J] [P]
C/
S.A.S. TWINS 87 L'Annexe
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022
MINUTE N°
N° RG 21/00059 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FTLE
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHALON-SUR-SAONE, section Commerce, décision attaquée en date du 08 Décembre 2020, enregistrée sous le n° 20/00042
APPELANTE :
Carine LAVIGNE
[Adresse 1]
[Localité 3]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/001325 du 02/04/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Dijon)
représentée par Me Brigitte DEMONT-HOPGOOD de la SELARL HOPGOOD ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
INTIMÉE :
S.A.S. TWINS 87 L'Annexe
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Benoît DIRY, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Octobre 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société TWINS 87 L'ANNEXE (ci-après société TWINS) exploite un restaurant et des chambres d'hôtes.
A compter du 19 février 2019, Mme [J] [P] a bénéficié au sein de cette société d'une action de formation préalable au recrutement d'une durée de 245 heures devant se terminer le 14 avril 2019.
Par courrier du 17 avril 2019, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail et mis en demeure son employeur de lui régler ses salaires.
Par requête du 24 février 2020, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône afin de faire juger que sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur aux indemnités afférentes, outre une somme à titre de rappel de salaire et congés payés afférents et à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé.
Par jugement du 8 décembre 2020, le conseil de prud'hommes a jugé qu'il n'existait aucune relation de travail entre Mme [P] et la société TWINS hormis la période de formation du 19 février au 14 avril 2019 et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Par déclaration formée le 19 janvier 2021, Mme [P] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures du 7 octobre 2021, l'appelante demande de :
- infirmer le jugement déféré,
- juger qu'un contrat de travail a existé entre elle et la société TWINS du 10 novembre 2018 au 17 avril 2019,
- requalifier sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- juger que la société TWINS a commis l'infraction de travail dissimulé,
- la condamner à lui payer les sommes suivantes :
* 5 051,02 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 10 novembre 2018 au 19 février 2019, outre 505,10 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 9 127,50 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
* 3 042,50 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
* 1 521,25 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- la condamner à lui remettre des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard,
- la condamner aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures du 16 juillet 2021, la société TWINS demande de :
- confirmer le jugement déféré,
- constater que Mme [P] ne justifie pas d'une relation de travail autre qu'une formation AFPR avec la société TWINS 87 et à laquelle elle a volontairement mis fin par abandon,
- la débouter de l'ensemble de ses demandes,
- la condamner à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I - Sur la qualité de salariée de Mme [P] :
Le contrat de travail implique une prestation de travail fournie pour autrui en contrepartie d'une rémunération et la soumission à une subordination juridique à la personne pour le compte de laquelle cette prestation est fournie.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L'existence d'une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité.
C'est à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence. À l'inverse, en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en apporter la preuve.
En l'espèce, Mme [P] soutient avoir commencé une relation de travail avec la société TWINS à compter du 10 novembre 2018 pour assurer le service en salle, la plonge du restaurant et le nettoyage des trois chambres d'hôtes.
Il est constant qu'avant le 19 février 2019, aucun contrat de travail n'a été signé entre les parties, de sorte qu'en l'absence de contrat apparent il incombe à Mme [P] de démontrer l'existence d'une relation de travail.
A l'appui de son affirmation, elle produit :
- plusieurs attestations de ses proches, de salariés de la société, de clients ou d'habitant du village (pièces n° 2 à 15),
- des photographies prises par elle au restaurant, en cuisine et en salle (pièce n° 16).
La société TWINS oppose que le 18 février 2019, sous l'égide de Pôle Emploi, Mme [P] a accepté une offre d'action de formation préalable au recrutement relative à une adaptation à un poste de serveuse et de femme de chambre au sein de son établissement à [Localité 3] sous l'enseigne "L'annexe". En contrepartie Mme [P] a perçu une aide d'un montant de 652 euros. (pièces n° 1 et 2)
Elle ajoute que Mme [P] a abandonné la formation le 9 avril 2019, ce qui a impliqué l'envoi à Pôle Emploi d'un formulaire d'abandon de la formation le 16 suivant (pièce n° 3).
Elle conteste toute embauche préalable au 19 février 2019 et produit pour sa part plusieurs attestations d'anciens salariés (pièces n° 4 à 7).
En premier lieu, la cour relève que les photos produites sont dépourvues de force probante, les circonstances, date et même lieux de leur prise n'étant pas précisées. En outre, elles ne démontrent aucunement la réalité d'une relation de travail.
S'agissant des attestations produites par Mme [P], quatre d'entre elles émanent respectivement de sa soeur, de son conjoint (ou ex-conjoint), de sa mère et d'une amie dont la nécessaire proximité personnelle et affective avec cette dernière crée une suspicion quant à l'authenticité des propos tenus. Elles n'emportent donc pas conviction et ne seront pas prise en considération (pièces n° 2, 3, 4 et 8).
Concernant l'attestation de M. [R], ancien salarié de la société, affirmant avoir travaillé avec Mme [P] "depuis le 15 novembre 2018", la cour relève qu'il ressort des écritures de la société TWINS que celui-ci serait en réalité le compagnon de Mme [P]. Par ailleurs, le fait que Mme [P] admette dans ses écritures qu'elle a été présentée pour un travail par M. [R] implique qu'ils se connaissent en dehors du travail, ce qui n'est pas précisé dans l'attestation. Celle-ci n'emporte donc pas non plus conviction et ne sera pas prise en considération (pièce n° 9).
Par ailleurs, les attestations de clients affirmant qu'elle travaillait à l'Annexe dès la fin 2018 (pièces n° 7, 8, 9, 10, 11 et 15) ou celles des habitant du village affirmant l'avoir vue "partir travailler" (pièce n°12 à 14) sont rédigées en des termes généraux et imprécis, une d'elles se limitant à des déductions (pièce n° 6). En tout état de cause, s'il ressort de ces attestations la démonstration que Mme [P] a pu, en certaines occasions et au moins de façon ponctuelle, accomplir des prestations au sein du restaurant pouvant faire croire aux clients qu'elle y travaillait, il n'est pas démontré que ces prestations de travail ponctuelles ont été fournies pour autrui en contrepartie d'une rémunération et d'une soumission à une subordination juridique à la personne pour le compte de laquelle cette prestation est fournie.
Il s'en déduit que Mme [P] échoue à rapporter la preuve qui lui incombe de la réalité d'une relation de travail avec la société TWINS avant le 19 février 2019.
Dès lors, Mme [P] n'est pas fondée à réclamer la requalification de sa prise d'acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, une prise d'acte impliquant l'existence d'un contrat de travail alors qu'elle se trouvait au moment de la rupture sous l'égide d'un contrat de formation, pas plus qu'un rappel de salaire pour la période du 10 novembre 2018 au 19 février 2019, outre les congés payés afférents, ni une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ou des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté l'ensemble de ses demandes.
II - Sur les demandes accessoires :
- Sur la remise des documents légaux rectifiés sous astreinte :
Les demandes de Mme [P] étant par ailleurs rejetées, sa demande à ce titre est sans objet, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement déféré sera partiellement infirmé sur ces points.
Mme [P] sera condamnée à payer à la société TWINS la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La demande de Mme [P] au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
Mme [P] succombant, elle supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement rendu le 8 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône sauf en ce qu'il a débouté la société TWINS 87 L'Annexe de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
CONDAMNE Mme [J] [P] à payer à la société TWINS 87 L'Annexe la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [J] [P] aux dépens d'appel.
Le greffier Le président
Kheira BOURAGBA Olivier MANSION