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17/11/2022 | FRANCE | N°21/00058

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 17 novembre 2022, 21/00058


RUL/CH













[Y] [X] [F]





C/



Société FRAMATOME





















































Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



le :



à :



































RÉPUBLI

QUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022



MINUTE N°



N° RG 21/00058 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FTLC



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHALON-SUR-SAONE, section Industrie, décision attaquée en date du 16 Décembre 2020, enregistrée sous le n° F 18/00133







APPELANT :



[...

RUL/CH

[Y] [X] [F]

C/

Société FRAMATOME

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022

MINUTE N°

N° RG 21/00058 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FTLC

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHALON-SUR-SAONE, section Industrie, décision attaquée en date du 16 Décembre 2020, enregistrée sous le n° F 18/00133

APPELANT :

[Y] [X] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Brigitte DEMONT-HOPGOOD de la SELARL HOPGOOD ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

INTIMÉE :

Société FRAMATOME

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Fabien KOVAC de la SCP DGK AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, et Me Marc BORTEN de l'ASSOCIATION LEANDRI ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Sada DIENG, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Octobre 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [Y] [F] a été embauché par la société SFAR à compter du 9 février 1998.

A compter du 2 janvier 2013, son contrat de travail a été transféré à la société Areva NP (établissement Creusot Forge) aux droits de laquelle intervient dorénavant la société FRAMATOME.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, le salarié bénéficiait de la qualification de mécanicien maintenance niveau III, échelon 1, coefficient 215.

Le 12 janvier 2018, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste de travail avec impossibilité de reclassement.

Par courrier du 17 janvier 2018, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 31 janvier suivant.

Par courrier du 6 février 2018, il a été licencié pour inaptitude non professionnelle avec impossibilité de reclassement.

Par requête du 21 juin 2018, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône afin de contester la cause réelle et sérieuse de son licenciement et faire condamner son employeur à des dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat.

Par jugement en date du 16 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

Par déclaration du 19 janvier 2021, le salarié a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses écritures du 19 avril 2021, l'appelant sollicite de :

- enjoindre la société FRAMATOME à produire l'accord de mobilité du 11 mai 2009 signé entre la société AREVA NP et les organisations syndicales,

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- juger que l'inaptitude est consécutive au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat et à l'exécution déloyale du contrat de travail par ce dernier,

- juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société FRAMATOME à lui payer les sommes suivantes :

* 32 763 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 4 227,54 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 422,75 euros au titre des congés payés afférents,

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat,

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- fixer le salaire moyen à 2 113,77 euros bruts,

- condamner la société FRAMATOME aux dépens.

Aux termes de ses écritures de dernière heure du 31 août 2022, dont l'intimée sollicite la mise à l'écart, l'appelant formule les mêmes demandes.

Aux termes de ses dernières écritures du 8 juillet 2021, la société FRAMATOME sollicite de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- condamner M. [F] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions d'incident du 28 septembre 2022, la société FRAMATOME sollicite que soient déclarées irrecevables les conclusions récapitulatives de l'appelant signifiées le 31 août 2022, veille de l'ordonnance de clôture.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur le moyen d'irrecevabilité :

Au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile, la société FRAMATOME soutient que l'extrême tardiveté de la communication des nouvelles écritures de l'appelant ne lui a pas permis de les examiner et, le cas échéant, d'y répondre, ce qui contrevient au principe fondamental du contradictoire.

Il ressort de l'article 16 du code de procédure civile que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire et qu'il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

En l'espèce, de nouvelles conclusions ont été signifiées par M. [F] le 31 août 2022 alors que la clôture devait intervenir le lendemain, privant de ce fait l'intimée du temps nécessaire pour en prendre connaissance et, si besoin, y répondre utilement.

Dès lors, il convient d'écarter des débats les dernières écritures de M. [F] du 31 août 2022 et de ne retenir que ses conclusions du 19 avril 2021.

II - Sur le bien fondé du licenciement pour inaptitude :

M. [F] conteste le bien fondé de son licenciement pour inaptitude en raison d'une discrimination dont il aurait fait l'objet entre 1999 et 2005 en lui refusant toute demande de mobilité entre 2009 et 2013, en lui refusant arbitrairement ses demandes de congés en 2014-2015, en le mettant à l'écart au réfectoire, en mettant en doute ses déclarations lors de son accident et en refusant de le déclarer auprès de la CPAM en mai 2017, en refusant de lui donner accès au registre de l'infirmerie, en l'empêchant de faire valoir ses droits auprès de la CPAM, ce qui a engendré des troubles anxiodépressifs constatés dès 2013 qui ont justifié son licenciement pour inaptitude le 6 février 2018.

Il sollicite en outre, "pour la parfaite moralité des débats", que la cour enjoigne la société FRAMATOME venant aux droits de la société AREVA NP venant aux droits de la société SFAR, à produire en intégralité l'accord de mobilité conclu en date du 11 mai 2009.

A - Sur la demande d'injonction de production de pièces :

La cour relève que la demande du salarié n'a pas été formée en temps utiles auprès du conseiller de la mise en état et que l'employeur ne produit pas la pièce demandée, de sorte que la cour en tirera toutes les conséquences.

La demande sera en conséquence rejetée.

B - Sur la discrimination :

L'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 dispose que "Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, de son état de santé, de sa perte d'autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable".

En application des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, pour se prononcer sur l'existence d'une discrimination, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une telle discrimination et à l'employeur de prouver, au vu de ces éléments, que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

M. [F] indique à cet égard que :

- l'employeur l'a mis à l'écart en raison de son passé de syndicaliste, les difficultés ayant débuté en 2005 au sujet de son coefficient hiérarchique nécessitant la médiation de l'inspecteur du travail devant lequel l'employeur a admis une situation discriminatoire,

- l'employeur lui a injustement refusé ses demandes de mobilité en violation de l'accord de mobilité des salariés de SFAR vers AREVA NP du 11 mai 2009, et sans lui proposer aucune formation de nature à lui permettre d'en profiter alors même qu'il s'était engagé à assurer l'accompagnement des salariés désireux d'en bénéficier, ce qui caractérise un double manquement : à son obligation de formation, à l'exécution de bonne foi du contrat de travail,

- il n'a bénéficié durant sa carrière que d'un seul entretien annuel d'évaluation afin de faire le point sur sa situation professionnelle, ses perspectives d'évolution et donc de mobilité,

- il a été mis à l'écart à compter d'octobre 2011 à la suite de sont transfert au sein d'un atelier provisoire CREUSOT MECANIQUE puis de nouveau à l'atelier CREUSOT FORGES où il était privé de fonction et assigné au réfectoire de l'usine ou à des tâches sans rapport avec sa qualification de maintenance mécanique,

- fin 2014, ses demandes de congés ont été arbitrairement refusées par son supérieur hiérarchique,

- il a subi des pressions à la suite de son accident du travail du 3 mai 2017 :

* l'employeur n'a pas procédé à la déclaration d'accident du travail et il est resté à son poste jusqu'à son hospitalisation en juillet suivant et son placement en arrêt de travail,

De ce fait il n'a pas pu bénéficier de la prise en charge au titre de la législation professionnelle pour les arrêts de travail qui ont suivi cette blessure,

* le jour de sa reprise de travail le 9 octobre 2017, il a été pris à partie par le responsable des ressources humaines qui mettait en doute la réalité de ses lésions et la légitimité de ses arrêts de travail.

*pour prouver la matérialité de son accident du 3 mai 2017, il a vainement sollicité la copie du registre de l'infirmerie et tenté de contacter l'infirmière, ce qui lui valut un courrier de rappel à l'ordre,

- les agissements de son employeur ont eu des répercussions sur sa santé, en particulier des troubles anxiodépressifs qui ont justifié un arrêt de travail entre juillet 2013 et septembre 2014 puis à compter du 23 octobre 2017.

Au titre des éléments qu'il lui appartient de démontrer, il justifie :

Pièce n° 28 : courrier de l'Inspection du travail du 23 décembre 2005,

Pièce n° 29 : courrier de l'Inspection du travail du 24 janvier 2006,

Pièces n° 2.1 à 2.18 : 12 candidatures sur différents postes formulées entre avril 2009 et juin 2013,

Pièce n° 3 : courrier à l'inspection du travail du 9 décembre 2015,

Pièce n° 42 : Entretien de performance du 22 septembre 2014

Pièce n° 30 : enquête CPAM,

Pièce n° 22 : attestation de Monsieur [J] : « Lorsque je travaillais à AREVA CREUSOT FORGE, [Y] était en attente dans le réfectoire de l'entreprise à toute heure de la journée. J'ai pu le constater jusque à mon départ en octobre 2016 ».

Pièce n° 40 : attestation de Madame [E] : « J'atteste être témoin que Mr  [F] [Y] était bien au réfectoire, tout seul, pendant ses journées de travail. J'ai travaillé en tant qu'intérimaire à AREVA CREUSOT FORGE (devenu depuis le 1er janvier 2018 FRAMATOME LE CREUSOT) de mars 2016 à juillet 2018 (avec 2 périodes de carence, de 2 semaines et 6 semaines). Je croisais Mr [F] pendant mes pauses déjeuners. Curieuse de le voir rester tout le temps au réfectoire, que ce soit le matin quand je déposais mon repas au réfrigérateur ou pendant le déjeuner, il m'a expliqué sa situation de mise au placard due à son ancienne appartenance syndicale. Par la suite, il m'arrivait de me rendre au réfectoire en dehors du déjeuner, pendant mes pauses, et Monsieur [F] était bien présent à sa place».

Pièce n° 27 : attestation de Monsieur [I]

Pièce n° 26 : attestation de Monsieur [C] : « Je tiens également à signaler que je ne connaissais pas cette personne avant notre collaboration, par contre, j'ai constaté une animosité envers lui de la part de son responsable hiérarchique, c'était vraiment flagrant mais bon ' je n'en ai personnellement pas tenu compte et je pense avoir obtenu de bons résultats malgré son éviction aux réunions de travail au bout d'un certain temps, ce qu'il a mal pris n'en connaissant pas la cause. Je sais pendant cette période qu'il a rencontré des problèmes pour la prise de ses congés payés. Les RH lui demandaient d'en prendre d'un côté et de l'autre le refus de sa hiérarchie ».

Pièce n° 28 : courrier de l'Inspection du travail du 23 décembre 2005 dénonçant le fait qu'à compter de 2012, il effectue des tâches sans rapport avec sa qualification d'agent de maintenance mécanique et se trouve cantonné à plusieurs autres tâches sans rapport : travaux de peintures, poses d'autocollants, etc. Il ne dispose plus d'affectation précise et demeure à la disposition de son employeur sans bureau mais au sein du réfectoire.

Pièce n° 41 : courrier de Monsieur [F] à AREVA du 6 février 2017,

Pièce n° 31 à 35 : demande de congés et refus,

Pièce n° 10 : déclaration d'accident du travail du 17 novembre 2017,

Pièce n° 11 : courrier de la CPAM du 4 décembre 2017,

Pièce n°12 : courrier de la CPAM du 3 janvier 2018,

Pièce n° 4 : IRM de la cheville gauche,

Pièce n° 5 : demande d'IRM trauma indirect cheville gauche récidivante,

Pièces n° 6-1 à 3 : certificats médicaux,

Pièce n° 7 : refus de prise en charge de la CPAM,

Pièce n° 9 : demande d'intervention des délégués du personnel et du CHSCT,

Pièce n° 38 : rappel à l'ordre de la société du 24 octobre 2016,

Pièce n° 39 : courrier de M. [F] à la CPAM du 20 février 2018,

Pièces n° 14 et 19 : certificats médicaux du psychiatre [W],

Pièce n° 8 : avis d'aptitude du 9 octobre 2017,

Pièces n° 13-1 à 4 : certificats médicaux,

Pièce n° 15 : courrier à la médecine du travail,

Pièce n° 16 : convocation à une visite médicale,

Pièce n° 17 : avis d'inaptitude du 12 janvier 2018.

L'examen de ces éléments, pris dans leur ensemble, laisse supposer l'existence d'une discrimination, de sorte qu'il appartient à l'employeur de prouver, au vu de ces éléments, que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Sur ce point, la société FRAMATOME oppose que :

- la relation contractuelle a été caractérisée par un taux significatif d'absences pour maladie du salarié nécessitant de nombreux aménagements afin de lui permettre de travailler dans des conditions conformes aux nombreuses restrictions émises par le médecin du travail se rapportant notamment à la nature des taches ou encore aux horaires de travail (pièces n° 3 et 16),

- en avril 2017, le salarié a tenté de faire admettre le caractère professionnel d'un «syndrome anxio-dépressif'', demande rejetée en janvier 2018 par la CPAM après enquête et avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (pièces n° 20 et 34),

- en juillet 2017 le salarié a tenté de faire reconnaître un accident du travail censé être survenu le 4 juillet 2017 à l'origine de douleurs au niveau de la malléole, sa demande ayant été rejetée par la CPAM (pièces n° 23 et 35),

- en novembre 2017, le salarié a de nouveau tenté de faire reconnaître un accident du travail censé s'être produit le 3 mai précédent sans qu'aucun certificat médical initial n'ait été établi à cette occasion, sa demande ayant encore été rejetée par la CPAM (pièce n° 24),

- la liberté d'entreprendre, qui fonde pour l'employeur le droit de recruter librement, a valeur constitutionnelle,

- l'argumentation du salarié concernant ses demandes de mobilité est totalement inopérante en ce qu'elles datent pour l'essentiel de 2009 ou 2010, date à laquelle il n'avait pas encore intégré les effectifs de la société FRAMATOME,

- les demandes formées dans le cadre d'un accord de mobilité et d'une cellule emploi ont toutes été traitées et analysées et toutes ont donné lieu à une réponse, étant ajouté que c'était évidement à la société FRAMATOME qu'incombait, dans le cadre de son pouvoir de direction, la responsabilité de l'appréciation de l'adéquation entre le profil des candidats et les besoins et exigences des postes concernés,

- la médecine du travail a, à plusieurs reprises, formulé des restrictions médicales ou des avis d'inaptitude partielle ayant conduit à devoir aménager ses postes ou lui rechercher des postes de reclassement qu'il a pour certaines refusé (pièce adverse n° 28),

- c'est pour tenir compte d'un avis d'inaptitude au poste délivrée par la médecine du travail le 15 avril 2016 que l'employeur a mis fin à son affectation au sein de l'équipe

maintenance, identifié une nouvelle affectation et ainsi affecté aux services généraux (pièce n° 4) mais le salarié a adopté un comportement faisant obstacle à son intégration en refusant notamment et systématiquement toute mission/formation qui lui était proposée. (Pièces n° 17 et 18, 21, 22, 25 et 26),

- lors de sa reprise de travail, dont il n'avait pas jugé utile d'aviser son manager, il s'est adressé de son propre chef à un autre service que celui de la maintenance afin de solliciter du travail, alors qu'il ne dépendait pas directement de ce service (pièce n° 28),

- à plusieurs reprises il a perturbé le bon fonctionnement du service :

* 20 octobre 2017 : plainte du responsable usinage (pièce n° 29),

* 23 octobre 2017 : plainte du manager santé et sécurité de la société ARCELOR MITTAL avec laquelle est partagé le service médical du travail (pièce n° 30),

Elle conclut que le salarié n'a jamais fait l'objet d'une "mise au placard" et que, comme son précédent employeur, elle a été confrontée, dans un contexte de réduction progressive de sa capacité de travail, à ses refus chroniques de prendre en charge les missions qui lui étaient confiées par sa hiérarchie et de suivre les formations nécessaires à cet effet (pièce n° 32).

Néanmoins, s'agissant des nombreuses demandes de mobilité internes, il convient en premier lieu de relever que le moyen tiré du fait que ces demandes datent d'une période antérieure à l'intégration du salarié dans les effectifs de la société FRAMATOME est inopérant dans la mesure où il ressort des articles L1224-1 et 2 du code du travail que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise, le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ou de substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci.

Ce texte trouve à s'appliquer en cas de transfert d'une entité économique autonome, caractérisée par un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre, qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise.

En l'espèce, il ressort des écritures des parties que M. [F] a intégré les effectifs de la société AREVA NP / FRAMATOME consécutivement au rachat de la société SFAR dont il était jusqu'alors salarié. En cette qualité de nouvel exploitant des activités de cette dernière, la société FRAMATOME a repris à son compte tant les installations que le matériel et le personnel existants pour poursuivre l'exploitation des sites de production. Il s'en déduit que le contrat de travail de M. [F] a bien été transféré de la société SFAR à la société FRAMATOME et que celle-ci demeure à ce titre responsable des éventuels manquements de l'ancien employeur à ses obligations envers les salariés.

Or sur ce point, il ressort des pièces produites par le salarié qu'entre le 27 avril 2009 et le 13 août 2012, M. [F] a formulé 12 demandes de mobilité interne dans le cadre d'un accord relatif à la mobilité des salariés des sociétés SFAR et CIVAD vers AREVA NP (devenue FRAMATOME), demandes toutes refusées. (pièces n° 2.1 à 2.18).

A cet égard, si comme le soutient l'employeur :

- il lui incombait, dans le cadre de son pouvoir de direction, d'apprécier l'adéquation entre le profil des candidats et les besoins et exigences des postes concernés,

- les demandes du salarié ont toutes été traitées et ont donné lieu à une réponse,

la cour relève que ces refus répétés sur une période de plusieurs années et pour des postes différents ne sont aucunement motivés ni expliqués quant à leur motif, et se limitent, au mieux à la formule "votre candidature n'a pas été retenue", voire à la mention "si dans un délai d'un mois aucune réponse de notre part ne vous parvenait, veuillez considérer que votre candidature n'a pas été retenue" (pièce n° 2.15).

Au surplus, il est à plusieurs reprises évoqué, au visa de l'accord du 11 mai 2009, un accompagnement du salarié sans qu'il ne soit justifié d'aucune démarche en ce sens, démarches au demeurant inexistantes selon le salarié.

Par ailleurs, l'accord du 11 mai 2009 n'étant pas produit, la cour n'est pas en mesure de déterminer s'il en a été fait une juste application.

Dès lors, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens soulevés par le salarié, il se déduit que l'employeur échoue à renverser la présomption de discrimination résultant des éléments produits par le salarié.

Néanmoins, l'avis d'inaptitude du 12 janvier 2018, émis après étude de poste et des conditions de travail et échanges avec l'employeur, se borne à préciser que "l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement" (pièce n° 17).

La cour relève qu'il n'est aucunement fait état du fait que la discrimination dont le salarié a été victime serait la cause de l'inaptitude, aucune cause n'étant par ailleurs précisée.

Par ailleurs, le certificat médical d'aptitude produit par le salarié lui-même (pièce n° 18) est sans valeur juridique en ce qu'il émane d'un médecin généraliste et non du médecin du travail, seul habilité à se prononcer en la matière. De même, le certificat médical du docteur [W], psychiatre, attestant que "je n'ai pas d'éléments médicaux qui pourraient affirmer avec certitude que MR [F] [Y] serait incapable d'avoir une activité professionnelle de manière durable" (pièce n° 19) se limite implicitement à critiquer l'avis d'inaptitude sans pour autant établir un lien entre la pathologie du salarié (syndrome anxio dépressif) et la discrimination alléguée.

De même, le questionnaire de la CPAM du 28 juillet 2017 allégué comme établissant un tel lien ne repose en réalité que sur les seules déclarations du salarié. (pièce n° 30)

Au surplus, le salarié ne sollicite pas la nullité du licenciement pour discrimination.

En conséquence, et peu important que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles se soit également prononcé en ce sens compte tenu de l'autonomie des règles du droit social et du droit du travail (pièce n° 37), en l'absence de lien entre la discrimination reprochée à l'employeur et l'inaptitude du salarié, il y a lieu de considérer que le licenciement pour inaptitude est fondé.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes du salarié à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents.

III - Sur le manquement à l'obligation de sécurité :

Au visa des articles L.4121-1 et suivants du code du travail et de l'accord national interprofessionnel relatif au stress au travail signé le 2 juillet 2008 par l'ensemble des organisations syndicales et étendu par arrêté du 23 avril 2009, M. [F] soutient tout à la fois que les manquements précités qu'il reproche à son employeur caractérisent une discrimination, un harcèlement et un manquement à l'obligation de formation.

Il sollicite la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts au seul titre du manquement à l'obligation de sécurité.

Il résulte des développements qui précèdent que la présomption de discrimination n'est pas renversée par l'employeur, de sorte qu'en agissant ainsi l'employeur a manqué à son obligation de prendre toutes les mesures visant à assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs : actions de prévention des risques professionnels, du harcèlement moral, mise en place d'une organisation et de moyens appropriés, respect de la réglementation en la matière et adaptations des mesures de prévention pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Néanmoins, aucun lien ne peut être établi entre la dégradation de l'état de santé du salarié et la discrimination imputable à l'employeur.

Dans ces conditions, la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité sera rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

IV - Sur les demandes accessoires :

- Sur l'exécution provisoire et le salaire de référence :

Les dispositions légales relatives à l'exécution provisoire n'étant pas applicables devant la cour d'appel, la demande est sans objet et sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

Pour la même raison, il en sera de même de la demande au titre du salaire de référence.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Le jugement déféré sera partiellement infirmé sur ce point.

M. [F] sera condamné à payer à la société FRAMATOME la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande de M. [F] au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

M. [F] succombant, il supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu le 16 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société FRAMATOME au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

CONDAMNE M. [Y] [F] à payer à la société FRAMATOME la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de M. [Y] [F] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [Y] [F] aux dépens d'appel.

Le greffier Le président

Kheira BOURAGBA Olivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00058
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;21.00058 ?
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