SD/IC
[I] [O]
C/
[V] [K]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
2ème chambre civile
ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022
N° RG 20/00845 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FP6I
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 06 juillet 2020,
rendue par le tribunal de commerce de Chaumont - RG : 2019001245
APPELANTE :
Madame [I] [O]
née le 12 Mai 1982 à [Localité 2] (52)
domiciliée :
[Adresse 6]
[Localité 2]
représentée par Me Olivier DE CHANLAIRE, avocat au barreau de HAUTE-MARNE
INTIMÉE :
Madame [V] [K]
née le 08 Juillet 1974 à [Localité 2] (52)
domicilié :
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Florent SOULARD, membre de la SCP SOULARD-RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 127
assisté de Me Nathalie HAUSSMANN, membre de la SCP ACG, avocat au barreau de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 septembre 2022 en audience publique devant la cour composée de :
Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, Président,
Michèle BRUGERE, Conseiller,
Sophie DUMURGIER, Conseiller, qui a fait le rapport sur désignation du Président,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 17 Novembre 2022,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE, ET PRETENTIONS DES PARTIES
Selon acte sous seing privé du 16 novembre 2016, l'EURL Onglina, ayant pour gérante Mme [V] [K], a vendu à Mme [I] [O] un fonds de commerce d'institut de beauté situé [Adresse 5].
L'acte prévoyait en son article 5-2 que l'acquéreur « paiera à compter du jour de l'entrée en jouissance et pour la période postérieure, au prorata du temps couru, les impôts, taxes, contributions, droits et autres charges de toute nature auxquels le fonds et son exploitation sont et seront assujettis, quand bien même ces impositions et taxes seraient encore au nom du vendeur ».
La venderesse refusant de régler les taxes d'enlèvement des ordures ménagères des années 2015 et 2016 qu'elle a réglées au mandataire du bailleur pour un montant total de 972,65 euros, en dépit des mises en demeure qu'elle lui a adressées à cette fin les 13 et 28 décembre 2017 et 10 juillet 2018, Mme [O] a saisi le Président du Tribunal de commerce de Chaumont d'une requête en injonction de payer dirigée contre Mme [K], en sa qualité de liquidateur amiable de l'EURL Onglina, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 4 septembre 2018, signifiée le 27 septembre 2018.
Sur opposition de Mme [K], le tribunal de commerce de Chaumont a, par jugement rendu le 29 avril 2019, condamné l'EURL Onglina au paiement de la somme de 972,65 euros.
Ce jugement a été signifié à Mme [K], en qualité de liquidateur amiable de l'EURL Onglina, qui a fait savoir qu'elle n'était pas concernée par l'acte, n'étant plus liquidateur de la société en raison de sa dissolution et de sa radiation du RCS le 23 mars 2017, à effet au 31 décembre 2016.
Par acte du 21 juin 2019, Mme [I] [O] a fait assigner Mme [V] [K] devant le tribunal de commerce de Chaumont afin de la voir condamner, au visa des articles L 237-12 du code de commerce et 1302-2 du code civil, à lui payer :
- la somme de 972,65 euros à titre principal, avec intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2018,
- la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, incluant ceux de la procédure d'injonction de payer.
Considérant que l'action en restitution fondée sur l'article 1302-2 du code civil ne pouvait pas être dirigée à son encontre mais uniquement à l'encontre de celui qui a reçu le paiement, la société [Adresse 7], ou à l'encontre du débiteur dont la dette a été acquittée, l'EURL Onglina, et rappelant que l'action en responsabilité du liquidateur amiable prévue par l'article L 237-2 du code de commerce exige la démonstration d'une faute de ce dernier, qui n'est pas établie en l'espèce dès lors qu'il n'est pas prouvé qu'elle avait connaissance de la dette de la société envers Mme [O] avant la clôture des opérations de liquidation de celle-ci, Mme [K] a conclu au débouté de l'ensemble des demandes formées à son encontre et à la condamnation de Mme [O] à lui restituer ses affaires personnelles laissées à l'institut après son licenciement, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir, et à lui payer une indemnité de procédure de 2 000 euros, outre les entiers dépens.
Par jugement du 6 juillet 2020, le Tribunal de commerce de Chaumont, a :
- débouté Mme [I] [O] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté Mme [V] [K] de sa demande reconventionnelle,
- condamné Mme [I] [O] à payer à Mme [V] [K] la somme de 900 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [I] [O] aux dépens.
Mme [I] [O] a régulièrement relevé appel de ce jugement, par déclaration reçue au greffe le 23 juillet 2020, limité aux chefs de dispositif de la décision l'ayant déboutée de l'ensemble de ses demandes et l'ayant condamnée au paiement d'une indemnité de procédure et aux dépens.
Par écritures notifiées le 9 octobre 2020, l'appelante demande à la cour, au visa des articles L 237-12 du code de commerce, 1302-2 du code civil,
Vu les articles 40 et 536 du code de procédure civile, l'article R 221-3 du code de l'organisation judiciaire,
- déclarer son appel recevable et bien fondé,
- confirmer la décision du Tribunal de commerce en date du 6 juillet 2020 en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande de restitution d'affaires personnelles,
- réformer pour le surplus ladite décision,
En conséquence,
- condamner Mme [V] [K] au paiement de la somme de 972,65 euros à titre principal avec intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2018,
- la condamner au paiement de la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- la condamner au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens, en ce compris les dépens ayant trait à l'intégralité de la procédure d'injonction de payer.
Par écritures notifiées le 4 janvier 2021, Mme [K] demande à la Cour de :
Vu les articles L 237-12 du code de commerce,
Vu l'article 1302-2 du code civil,
Vu l'article 32-1 du code de procédure civile,
- confirmer les chefs du jugement du Tribunal de commerce de Chaumont en date du 6 juillet 2020 critiqués,
- débouter Mme [I] [O] de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Mme [I] [O] à la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts du fait de la procédure d'appel intentée de manière abusive ainsi qu'à une amende civile,
- condamner Mme [I] [O] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux dépens.
Par ordonnance rendue le 27 avril 2021, le magistrat de la mise en état, saisi de conclusions d'incident par l'intimée, a débouté Mme [K] de sa demande de radiation du rôle, a déclaré recevable l'appel de Mme [O] et condamné Mme [K] aux dépens de l'incident.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 19 juillet 2022.
Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE
Sur l'action en restitution fondée sur l'article 1302-2 du code civil
Bien que visant l'article 1302-2 dans le dispositif de ses conclusions, l'appelante ne développe aucun moyen au soutien de sa demande en paiement fondée sur ces dispositions légales ni aucune critique des motifs du jugement l'ayant déboutée de ce chef.
L'article 1302-2 du code civil prévoit que celui qui, par erreur ou sous la contrainte, a acquitté la dette d'autrui peut agir en restitution contre le créancier et que la restitution peut aussi être demandée à celui dont la dette a été acquittée par erreur.
C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a considéré que l'action en restitution fondée sur l'article 1302-2 du code civil ne pouvait pas être dirigée contre Mme [K] qui n'a ni la qualité de créancière ni la qualité de débitrice de la dette acquittée par Mme [O].
Sur l'action en responsabilité du liquidateur amiable
Au soutien de son action en responsabilité dirigée contre Mme [K], l'appelante reproche à cette dernière d'avoit commis une faute en s'abstenant de régler une dette qu'elle savait lui être imputable.
Elle fait valoir que le liquidateur amiable de l'EURL Onglina était tenu de veiller à ce que l'ensemble des créanciers de la société soit réglé, à défaut de quoi sa responsabilité personnelle se trouvait engagée, et elle affirme que Mme [K] a procédé à la clôture de la liquidation alors qu'elle avait une parfaite connaissance de la créance du bailleur à son égard.
Elle estime que la liquidation amiable de la société débitrice et sa radiation du RCS ne saurait mettre un terme à toute condamnation, un certain nombre d'obligations pesant sur le liquidateur, notamment celle de procéder aux opérations de liquidation de la société sans omettre ses dettes.
Elle prétend enfin que la débitrice est de mauvaise foi, ayant utilisé tous les moyens dilatoires possibles pour échapper à ses obligations.
L'intimée objecte qu'elle n'a commis aucune faute en sa qualité de liquidateur amiable en faisant valoir, qu'à réception de la lettre adressée par Mme [O] le 13 décembre 2017, elle a immédiatement informé le mandataire du bailleur de la liquidation de l'EURL Onglina et de sa radiation du RCS et donc de l'impossibilité de régler la dette.
Elle considère que les pièces produites par l'appelante ne démontrent pas qu'elle avait connaissance de la dette de taxes d'enlèvement des ordures ménagères de l'EURL lors de la clôture de la liquidation de la société.
Elle soutient enfin que le lien de causalité entre la prétendue faute qui lui est reprochée et le dommage allégué n'est pas établi, considérant que le préjudice de Mme [O] résulte exclusivement de sa propre faute car elle a cru devoir régler la dette au lieu et place de l'EURL Onglina alors que rien de l'obligeait à payer.
Selon l'article L 237-12 du code de commerce, le liquidateur est responsable, à l'égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commise dans l'exercice de ses fonctions.
La liquidation amiable impose l'apurement intégral du passif de la société.
Comme en première instance, Mme [O] fonde son action en responsabilité sur l'attestation établie le 25 juillet 2018 par Mme [S], présidente de la société [Adresse 7], qui atteste que Mme [O] a réglé l'ensemble des charges dues, tant pour le compte du cédant, l'EURL Onglina, que pour son propre compte, soit la somme de 1 037,12 euros pour le bien en location sis [Adresse 4].
Outre que, comme le relève à juste titre l'intimée, cette attestation ne respecte pas les exigences formelles de l'article 202 du code de procédure civile, cette pièce, dont la force probante est contestable, ne permet pas de démontrer que Mme [K] avait connaissance de la dette de l'EURL envers sa bailleresse avant la clôture de la liquidation, intervenue le 31 décembre 2016, alors que le premier courrier justifiant qu'elle en avait été informée est en date du 28 décembre 2017, de sorte que, contrairement à ce qu'affirme l'appelante, il n'est pas établi que Mme [K] a toujours reconnu qu'il lui appartenait de régler la somme réclamée.
Pas plus en appel qu'en première instance, Mme [O] ne produit les courriers de la bailleresse réclamant à Mme [K] le paiement des charges des années 2015 et 2016 ou les décomptes de charges qui lui auraient été prétendument adressés et qui permettraient de prouver sa connaissance de la dette avant la dissolution de la société.
Faute par l'appelante de rapporter la preuve d'une faute imputable à Mme [K] en sa qualité de liquidateur amiable de l'EURL Onglina, le jugement mérite confirmation en ce qu'il a débouté Mme [O] de l'ensemble de ses demandes.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
A hauteur d'appel, Mme [K] sollicite l'allocation de dommages-intérêts pour appel abusif, reprochant à l'appelante de ne pas hésiter à multiplier les procédures contre une personne dont elle sait pertinemment qu'elle ne lui doit rien.
A supposer que l'appel interjeté par Mme [O] procède d'un abus du droit d'agir en justice, force est de constater que Mme [K] ne justifie pas, ni même n'allègue, d'un préjudice distinct de celui résultant de la nécessité de défendre ses intérêts en justice, lequel sera réparé dans le cadre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur les frais et dépens
Mme [O] qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens d'appel.
Il est par ailleurs équitable de mettre à sa charge une partie des frais de procédure exposés à hauteur d'appel par l'intimée et non compris dans les dépens.
Elle sera ainsi condamnée à lui verser une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement rendu le 6 juillet 2020 par le tribunal de commerce de Chaumont,
Y ajoutant,
Condamne Mme [I] [O] à payer à Mme [V] [K] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [O] aux dépens d'appel.
Le Greffier, Le Président,