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10/11/2022 | FRANCE | N°21/00085

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 10 novembre 2022, 21/00085


DLP/CH











S.A.S.U. TRD i- agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés de droit au siège social



C/



[P] [H]



UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA - AGS [Localité 7]



S.A.R.L. [Localité 1] FRET prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés de droit au siège social



S.E.L.A.R.L. MJ & ASSOCIES, prise en la personne de Me [S] [V] ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société AB T

RANSPORTS, nommée à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Dijon du 15 janvier 2019.

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



le...

DLP/CH

S.A.S.U. TRD i- agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés de droit au siège social

C/

[P] [H]

UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA - AGS [Localité 7]

S.A.R.L. [Localité 1] FRET prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés de droit au siège social

S.E.L.A.R.L. MJ & ASSOCIES, prise en la personne de Me [S] [V] ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société AB TRANSPORTS, nommée à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Dijon du 15 janvier 2019.

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022

MINUTE N°

N° RG 21/00085 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FTWY

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section Commerce, décision attaquée en date du 07 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 19/00069

APPELANTE :

S.A.S.U. TRD i - agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés de droit au siège social

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Me Mohamed EL MAHI de la SCP CHAUMONT-CHATTELEYN-ALLAM-EL MAHI, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉS :

[P] [H]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 1]

représenté par Me Elsa GOULLERET de la SELARL ESTEVE GOULLERET NICOLLE & ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON

UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA - AGS [Localité 7]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 7]

représentée par M Florence GAUDILLIERE, avocat au barreau de PARIS, et Me Carole FOURNIER, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE substituée par Me Justine CALO, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

S.A.R.L. [Localité 1] FRET prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés de droit au siège social

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Mohamed EL MAHI de la SCP CHAUMONT-CHATTELEYN-ALLAM-EL MAHI, avocat au barreau de DIJON

S.E.L.A.R.L. MJ & ASSOCIÉS prise en la personne de Me [S] [V] ès-qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société AB TRANSPORTS, nommée à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Dijon du 15 janvier 2019.

[Adresse 3]

[Localité 1]

non comparante, non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,

ARRÊT : réputé contradictoire,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Se prévalant de l'existence d'une situation de co-emploi à l'égard des sociétés AB Transports [Localité 1], [Localité 1] Fret et TRD, M. [H] a, par requête reçue au greffe le 31 janvier 2019, saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir :

- dire et juger qu'il aurait dû bénéficier d'un contrat de travail à durée indéterminée,

- dire que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner les sociétés AB Transports [Localité 1], [Localité 1] Fret et TRD solidairement à lui régler les sommes suivantes :

* 8 988 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

* 5 992 euros à titre de rappel de salaire,

* 1 498 euros au titre de la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

* 1 498 euros à titre d'irrégularité de la procédure de licenciement,

* 1 498 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 149,80 euros au titre des congés payés incidents,

* 218 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 349 euros au titre des congés payés,

* 1 498 euros au titre des dommages et intérêts.

Par jugement du 7 janvier 2021, le conseil de prud'hommes :

- constate l'existence d'un co-emploi de M. [H] entre les sociétés SAS AB Transports [Localité 1], SARL [Localité 1] Fret et la société TRD,

- dit et juge qu'il existe une relation de travail entre la société TRD et M. [H] s'analysant en un contrat de travail à durée indéterminée,

- requalifie les contrats de travail à durée déterminée de M. [H] en contrat à durée indéterminée,

- dit et juge que la rupture du contrat de travail de M. [H] avec ses co-employeurs s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans respect de la procédure de licenciement,

- fixe la créance de M. [H] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS AB Transports [Localité 1] aux sommes suivantes et condamne solidairement la SARL [Localité 1] Fret et la société TRD à lui payer les sommes suivantes :

* 5 992 euros bruts à titre de rappel de salaire,

* 1 498 euros nets au titre de la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

* 1 498 euros nets au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement,

* 1 498 euros bruts à titre d'indemnité de préavis, outre 149,80 euros bruts au titre des congés payés incidents,

* 218 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,

* 349 euros bruts au titre des congés payés,

* 1 498 euros nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- constate l'existence d'un travail dissimulé et fixe la créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS AB Transports [Localité 1] à la somme suivante et condamne solidairement la SARL [Localité 1] Fret et la société TRD à payer à M. [H] la somme suivante :

* 8 988 euros nets à titre d'indemnité forfaitaire conforme aux dispositions de l'article L. 8223-1 du code du travail,

- ordonne à la SELARL MJ & associés prise en la personne de Maître [S] [V], mandataire liquidateur de la SAS AB Transports [Localité 1], d'inscrire les sommes sur le relevé de créances salariales,

- déboute la SARL [Localité 1] Fret et la société TRD de leur demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelle qu'en application des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, la présente décision est exécutoire dans la limite de neuf mois de salaires pour les sommes visées à l'article R. 1454-14 du code du travail, calculés sur la base du salaire moyen mensuel, fixé à 1 498 euros bruts,

- donne acte à l'AGS pris en sa délégation du CGEA de Chalon-sur-Saône de son intervention dans la cause et lui déclare le présent jugement opposable dans la limite des textes et plafonds en vigueur,

- dit que l'obligation du CGEA de faire l'avance du montant de chaque créance garantie pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement,

- déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- dit que la copie de la présente décision sera transmise à M. le procureur de la République près le tribunal judiciaire de [Localité 1] ainsi qu'à l'URSSAF de Côte-d'Or pour éventuelles suites à donner,

- ordonne à la SELARL MJ & associés prise en la personne de Maître [S] [V], mandataire liquidateur de la SAS AB Transports [Localité 1] d'inscrire au passif de la liquidation judiciaire de ladite société les dépens et condamne solidairement la SARL [Localité 1] Fret et la société TRD aux entiers dépens de la présente instance.

Par déclarations enregistrées les 28 janvier et 8 février 2021, les sociétés TRD et Fret [Localité 1] ont respectivement relevé appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par voie électronique le 28 avril 2021, la société TRD demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris à son égard en ce qu'il a :

* constaté l'existence d'un co-emploi de M. [H] entre les SAS AB Transports [Localité 1], SARL [Localité 1] Fret et la société TRD,

* dit et jugé qu'il existe une relation de travail entre elle et M. [H] s'analysant d'un contrat de travail à durée indéterminée,

* requalifié les contrats de travail à durée déterminée de M. [H] en contrat de travail à durée indéterminée,

* dit et jugé que la rupture du contrat de travail de M. [H] avec ses co-employeurs s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans respect de la procédure de licenciement,

* fixé la créance de M. [H] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS AB Transports [Localité 1] aux sommes suivantes et l'a condamné solidairement à lui payer les sommes suivantes :

* 5 992 euros bruts à titre de rappels de salaires,

* 1 498 euros nets au titre de la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

* 1 498 euros nets au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement,

* 1 498 euros bruts à titre d'indemnité de préavis, outre 149,80 euros bruts au titre des congés payés incidents,

* 218 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,

* 349 euros bruts au titre des congés payés,

* 1 498 euros nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* constaté l'existence d'un travail dissimulé et fixé la créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS AB Transports [Localité 1] à la somme suivante et l'a condamné solidairement à payer à M. [H] 8 988 euros nets à titre d'indemnité forfaitaire conforme aux dispositions de l'article L. 1223'1 du code du travail,

* l'a débouté de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

* l'a condamné solidairement aux dépens de l'instance,

Statuant à nouveau,

- juger que M. [H] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un contrat de travail le liant à elle,

- juger qu'elle n'a pas eu la qualité de co-employeur,

- débouter M. [H] de l'intégralité de ses demandes formulées à son encontre,

- condamner M. [H] à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [H] aux entiers dépens.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 mai 2021, la société Fret [Localité 1] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

- débouter M. [H] de l'intégralité de ses demandes formulées à son encontre,

- condamner le même à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 20 juillet 2021, M. [H] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris dans l'intégralité de ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner solidairement la SARL [Localité 1] Fret et la société TRD à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre leur condamnation aux entiers dépens.

Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 3 juin 2021, le CGEA AGS de Chalon-sur-Saône (l'AGS) demande à la cour de :

Statuant de nouveau,

Rejetant toutes conclusions contraires,

- infirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- le confirmer pour le surplus,

A titre principal, sur l'absence de garantie de l'AGS,

- dire et juger que la garantie de l'AGS est conditionnée à l'ouverture d'une procédure collective,

- dire et juger que l'AGS ne garantira que les sommes concernant les créances salariales de la SAS AB Transports [Localité 1] bénéficiant d'une procédure de liquidation judiciaire,

- constater que le contrat à durée déterminée de M. [H] a pris fin à la date prévue contractuellement le 18 décembre 2017,

- constater que les parties n'ont pas poursuivi leur relation contractuelle au-delà du 18 décembre 2017,

- constater que M. [H] a bien été rempli de l'ensemble de ses droits à la fin de cette relation,

En conséquence,

- débouter M. [H] de l'intégralité de ses demandes,

A titre très subsidiaire, sur les demandes de M. [H],

- constater que M. [H] a entièrement été rempli de ses droits,

- constater la carence de M. [H] dans l'administration de la preuve,

En conséquence,

- débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes,

Subsidiairement, minorer notoirement les dommages et intérêts sollicités par M. [H],

- à tout le moins, minorer les demandes de dommages et intérêts,

- dire et juger qu'en aucun cas il ne saurait intervenir en garantie de sommes sollicitées au titre d'astreintes et de l'article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

- constater que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte de la salariée au plafond applicable,

En conséquence,

- dire et juger que la garantie de l'AGS n'aura vocation à intervenir que dans les limites légales de sa garantie, toutes créances avancées pour le compte de la demanderesse,

A titre infiniment subsidiaire et en tout état de cause,

- donner acte à l'AGS de ce qu'elle ne prendrait éventuellement en charge :

* que les salaires et accessoires, dans le cadre des dispositions des articles L.625-3 et suivants du code de commerce, uniquement dans la limite des articles L.3253-8 et suivants du code du travail,

* que les créances directement nées de l'exécution du contrat de travail et ne prendrait donc en charge, notamment, ni les dommages-intérêts pour résistance injustifiée ou pour frais irrépétibles, ni les astreintes, ni les sommes attribuées au titre des articles 695 et 700 du code de procédure civile,

- dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-17 et L. 3253-19 du code du travail,

- dire et juger à ce titre que son obligation de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Bien que régulièrement assignée par actes des 29 avril et 10 mai 2021, respectivement remis à personne morale et à domicile et comportant la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante, la société MJ & associés n'a pas constitué avocat. Il sera donc statué par arrêt réputé contradictoire.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient, à titre liminaire et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction de la cause inscrite sous le numéro 21/107 avec celle inscrite sous le numéro 21/85, l'affaire étant désormais appelée sous ce seul numéro.

SUR LA SITUATION DE CO-EMPLOI

M. [H] soutient qu'il a travaillé, sans contrat écrit, pour le compte de la société AB Transports [Localité 1] à compter du 8 septembre 2017 dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée (CDD) dont le terme était fixé au 18 décembre 2017 et que la relation contractuelle s'est poursuivie bien au-delà du terme comme en témoigneraient les SMS qu'il verse aux débats.

Il ajoute que la société TRD l'a également engagé, sans contrat de travail écrit ; qu'il effectuait des missions régulières pour le compte de cette dernière, notamment à compter d'octobre 2017, par le biais d'un véhicule appartenant à ladite entreprise qui le rémunérait et lui donnait des directives via des textos.

Il prétend encore avoir effectué des missions pour le compte de la société [Localité 1] Fret et précise que son accident de la route, le 22 mars 2018, est survenu pendant une course effectuée pour le compte de cette société précisément.

Il se prévaut d'une situation de co-emploi résultant, selon lui, d'une confusion d'activités entre les trois sociétés et d'une immixtion dans la gestion économique et sociale, les trois entreprises se le partageant afin de ne pas procéder à toutes les déclarations sociales.

En réponse, les sociétés [Localité 1] Fret et TRD font valoir que M. [H] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une situation de co-emploi.

En vertu de l'article L. 1221-1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopte.

Il y a contrat de travail quand une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L'existence d'un contrat de travail écrit fait présumer la relation contractuelle. En présence d'un contrat apparent, il appartient alors à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.

En l'absence de contrat de travail écrit, il revient, en revanche, au demandeur de démontrer l'existence de cette convention, étant précisé que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donné à leur convention mais dépend des conditions de fait dans lesquelles la prestation de travail s'exécute. La production de bulletins de salaire est à elle seule insuffisante pour créer l'apparence d'un contrat de travail.

1) Ici, aucun contrat de travail écrit n'a été régularisé entre M. [H] et les trois sociétés en cause.

Pour autant, s'agissant de la société AB Transports [Localité 1], M. [H] produit des bulletins de salaire établis par cette dernière pour les mois de septembre à décembre 2017 et des SMS traduisant expressément des échanges professionnels entre eux. Il verse également aux débats une attestation destinée à Pôle emploi indiquant une date de fin de contrat au 18 décembre 2017, outre un reçu pour solde de tout compte et un certificat de travail de la même date. Un contrat de travail à durée déterminée vierge avait, du reste, été pré-établi le 19 septembre 2017 avec pour terme la date du 18 décembre 2017, sans que ce document n'ait finalement été signé par les deux parties.

Ces pièces et les échanges de textos traduisent l'exécution d'un travail par M [H] sous l'autorité de la société AB Transports [Localité 1] qui lui donnait des directives et le rémunérait.

La relation de travail est ainsi démontrée sur la période précitée, les parties n'ayant pas poursuivi leurs relations contractuelles au-delà du 18 décembre 2017.

S'agissant de la société [Localité 1] Fret, M. [H] produit des bulletins de salaire à 0 euro pour le compte de cette société pour les mois de mars et avril 2018, ainsi qu'un CDD non signé par cette dernière qui n'a donc aucune valeur probante.

Il est établi que la société [Localité 1] Fret a déclaré avoir engagé l'intimé le 27 juin 2018, avec une date d'embauche fixée au 22 mars 2018. Elle conteste cependant toute embauche antérieure à cette date et la preuve contraire n'est pas rapportée par M. [H].

S'agissant enfin de la société TDR, celle-ci prétend n'avoir jamais engagé l'intimé. Il n'est produit aucun contrat de travail, aucun bulletin de paie mais des textos de M. [M] [I] dont la fonction n'est pas précisée.

2) S'agissant de la situation de co-emploi alléguée par M. [H], il convient de rappeler qu'hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de co-employeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière (Cass. soc. 25-11-2020 n° 18-13.769).

En l'espèce, le salarié n'établit pas une confusion d'intérêts, d'activité et de direction entre les trois sociétés, ni une immixtion, qui plus est permanente, dans la gestion économique et sociale de l'une envers l'autre. Aucune perte totale d'autonomie et d'action n'est démontrée pour l'une ou l'autre de ces entreprises au profit de l'une d'entre elles, étant relevé que la mise à disposition par une société d'un salarié au profit d'une autre ne suffit pas à caractériser une situation de co-emploi.

Le jugement déféré est donc infirmé en ses dispositions contraires.

SUR LA GARANTIE DE L'AGS

La société AB Transports [Localité 1], seul employeur de M. [H], a été placée en redressement judiciaire le 20 novembre 2018 puis en liquidation judiciaire le 23 janvier 2019. L'AGS n'est donc tenue de garantir, le cas échéant, que les créances salariales de M. [H] envers ladite société.

SUR LA DEMANDE DE RAPPEL DE SALAIRE

M. [H] réclame le paiement d'un rappel de salaire pour la période de septembre 2017 à mars 2018, considérant que sa relation de travail avec la société AB Transports [Localité 1] s'est poursuivie au-delà du 18 décembre 2017.

Il est établi qu'aux termes du solde de tout compte du 18 décembre 2017, M. [H] a notamment perçu les sommes de :

- 493,53 euros au titre de l'indemnité de préavis,

- 542,88 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

- 147,40 euros au titre des indemnités repas.

La preuve d'une poursuite effective de la relation contractuelle avec la société AB Transports [Localité 1] après le 18 décembre 2017 n'est pas rapportée, ni l'existence de prestations effectuées et non rémunérées par l'une quelconque des sociétés appelantes.

La demande de rappel de salaire est donc, par réformation du jugement attaqué, rejetée.

SUR LA REQUALIFICATION DU CDD EN CDI

M. [H] recherche la requalification en CDI de son/ses contrats de travail du fait de la poursuite de la relation contractuelle à l'échéance du terme.

Aux termes de l'article L. 1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte. A défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée.

Selon l'article L. 1242-2 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans 5 cas limitativement énumérés, à savoir :

- le remplacement d'un salarié,

- l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise,

- les emplois à caractère saisonnier,

- le remplacement d'un chef d'entreprise artisanale, industrielle ou commerciale, d'une personne exerçant une profession libérale, de son conjoint participant effectivement à l'activité de l'entreprise à titre professionnel et habituel ou d'un associé non salarié d'une société civile professionnelle, d'une société civile de moyens d'une société d'exercice libéral ou de toute autre personne morale exerçant une profession libérale,

- le remplacement du chef d'une exploitation agricole ou d'une entreprise mentionnée aux 1° à 4° de l'article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime, d'un aide familial, d'un associé d'exploitation, ou de leur conjoint mentionné à l'article L. 722-10 du même code dès lors qu'il participe effectivement à l'activité de l'exploitation agricole ou de l'entreprise,

- le recrutement d'ingénieurs et de cadres, au sens des conventions collectives, en vue de la réalisation d'un objet défini lorsqu'un accord de branche étendu ou, à défaut, un accord d'entreprise le prévoit.

Ici, il vient d'être jugé que la relation contractuelle avec la société AB Transports [Localité 1] avait pris fin au 18 décembre 2017, date à laquelle le salarié a été destinataire des documents de fin de contrat, et qu'aucune situation de co-emploi n'était caractérisée. La demande de requalification de CDD en CDI et de versement d'une indemnité de requalification doit donc, par réformation du jugement entrepris, être rejetée.

Il en va de même des demandes formées au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'irrégularité de la procédure de licenciement et de toutes les indemnités qui auraient pu résulter du bien-fondé de ces prétentions.

SUR LE TRAVAIL DISSIMULÉ

En vertu de l'article L. 8221-5 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L. 8223-1 du même code, dans sa version applicable au présent litige, ajoute qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'occurrence, la société AB Transports [Localité 1] a procédé à la déclaration préalable à l'embauche. En tout état de cause, le salarié ne démontre pas l'élément intentionnel nécessaire à la caractérisation d'un travail dissimulé. Le jugement querellé est infirmé en ses dispositions contraires.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

Il n'y a pas lieu de rappeler les limites de la garantie de l'AGS qui sont déterminées par la loi et notamment les articles L. 3253-8 à L. 3253-13, L. 3253-17, R. 3253-5 et L. 3253-19 à L. 3253-23 du code du travail.

La décision est infirmée en ses dispositions relatives aux dépens.

M. [H], qui succombe, doit prendre en charge les dépens de première instance et d'appel.

L'équité ne commande pas, en revanche, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Ordonne la jonction de la cause inscrite sous le numéro 21/107 avec celle inscrite sous le numéro 21/85, l'affaire étant désormais appelée sous ce seul numéro,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Écarte l'existence d'un contrat de travail entre M. [H], d'une part, et les sociétés TRD i et [Localité 1] Fret, d'autre part,

Écarte l'existence d'une situation de co-emploi,

Rejette l'ensemble des demandes de M. [H],

Dit que l'AGS ne garantira, le cas échéant, que les sommes concernant les créances salariales de la société AB Transports [Localité 1],

Dit n'y avoir lieu de rappeler les limites de la garantie de l'AGS qui sont déterminées par la loi et notamment les articles L. 3253-8 à L. 3253-13, L. 3253-17, R. 3253-5 et L. 3253-19 à L. 3253-23 du code du travail,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes,

Condamne M. [H] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier Le président

Kheira BOURAGBA Olivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00085
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;21.00085 ?
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