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10/11/2022 | FRANCE | N°20/01555

France | France, Cour d'appel de Dijon, 2 e chambre civile, 10 novembre 2022, 20/01555


FV/IC















[Y] [X]



[G] [X] épouse [T]



[Z] [X]



[J] [R]



G.F.A. [X]-[P]



C/



[J] [D]



S.C.E.A. TERRES DE BOURGOGNE



























































































expédition et copie exécutoire

délivrées aux avocats le











COUR D'APPEL DE DIJON



2ème chambre civile



ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022



N° RG 20/01555 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FS7L



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : au fond du 03 décembre 2020,

rendue par le tribunal paritaire des baux ruraux de Beaune - RG : 18/000006











APPELANTS :



Monsieur [Y] [X]

né le 20 Avril 1942 à [Localit...

FV/IC

[Y] [X]

[G] [X] épouse [T]

[Z] [X]

[J] [R]

G.F.A. [X]-[P]

C/

[J] [D]

S.C.E.A. TERRES DE BOURGOGNE

expédition et copie exécutoire

délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

2ème chambre civile

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022

N° RG 20/01555 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FS7L

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 03 décembre 2020,

rendue par le tribunal paritaire des baux ruraux de Beaune - RG : 18/000006

APPELANTS :

Monsieur [Y] [X]

né le 20 Avril 1942 à [Localité 9] (21)

domicilié :

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Madame [G] [X] épouse [T]

née le 10 Mars 1972 à [Adresse 3] 14ème (75)

domiciliée :

[Adresse 4]

[Adresse 4]

comparants en personne, assistés de Me Vincent CUISINIER, membre de la SCP du PARC - CURTIL - HUGUENIN - DECAUX - GESLAIN - CUNIN - CUISINIER - BECHE - GARINOT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 91

Monsieur [Z] [X]

né le 06 Juillet 1974 à [Localité 8] (92)

domicilié :

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Monsieur [J] [R]

né le 8 février 1967 à [Localité 7] (21)

domicilié :

[Adresse 5]

[Adresse 5]

non comparants, représentés par Me Vincent CUISINIER, membre de la SCP du PARC - CURTIL - HUGUENIN - DECAUX - GESLAIN - CUNIN - CUISINIER - BECHE - GARINOT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 91

G.F.A. [X]-[P] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis :

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représentée par Me Vincent CUISINIER, membre de la SCP du PARC - CURTIL - HUGUENIN - DECAUX - GESLAIN - CUNIN - CUISINIER - BECHE - GARINOT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 91

INTIMÉS :

Monsieur [J] [D]

né le 29 Mai 1961 à [Localité 10] (21)

domicilié :

[Adresse 1]

[Adresse 1]

ni comparant, ni représenté

S.C.E.A. TERRES DE BOURGOGNE prise en la personne de son gérant domicilié de droit au siège social sis :

[Adresse 6]

[Adresse 6]

représentée par Me Michel DESILETS, membre de la SCP DESILETS ROBBE ROQUEL, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 septembre 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, chargée du rapport, et Leslie CHARBONNIER, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, Président,

Michèle BRUGERE, Conseiller,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 10 Novembre 2022,

ARRÊT : rendu par défaut,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant acte authentique en date du 26 mars 1994, M. [Y] [X] et le GFA [X] [P] donnent respectivement à bail à long terme à M. [J] [D] différentes parcelles de vignes situées sur les communes de [Localité 9] et de [Localité 10].

Il est prévu que Monsieur [D] mette les biens loués à la disposition de la SCEA Domaine St Vincent dont il est associé.

Monsieur [D] consent en 2014 cette mise à disposition au profit de la SCEA Domaine des Climats dont il est associé et gérant, société dénommée à compter de début 2017 SCEA Terres de Bourgogne.

Courant 2015, dans le cadre d'une procédure pénale, Monsieur [J] [D] est placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d'exercer toute activité viti-vinicole.

Le 31 août 2017, Monsieur [Y] [X] informe Monsieur [D] du fait qu'il résilie les baux les liant et lui demande de ne plus pénétrer sur les parcelles précédemment louées, et, dès le 2 septembre 2017, les consorts [X] et le GFA [X]-[P] donnent à bail les-dites parcelles à Monsieur [J] [R] qui procède à la récolte du raisin.

Par requête en date du 26 avril 2018, la SCEA Terres de Bourgogne demande la convocation devant le tribunal paritaire des baux ruraux du GFA [X] [P], de M. [Y] [X] et de M. [J] [D] aux fins de voir contester la résiliation du bail avec mise à disposition faite de manière unilatérale par le bailleur et de les entendre condamner à lui payer, en dédommagement du préjudice subi, la somme de 61.671,77 euros au titre des frais de culture, celle de 23.435,80 euros au titre des frais de plantation et celle de 273.252,18 euros au titre de la perte de récolte, outre 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses demandes, la SCEA Terres de Bourgogne fait valoir que M. [Y] [X] a résilié d'autorité le bail le 30 août 2017 et a fait vendanger les parcelles à son insu alors qu'elle les exploitait suite à des mises à disposition faites successivement par M. [J] [D].

Aucune conciliation n'intervient à l'audience du 7 juin 2018.

*****

Par requête en date du 25 juillet 2018, la SCEA Terres de Bourgogne appelle en la cause M. [J] [R], au motif que ce dernier a fait la vendange des parcelles données à bail à M. [J] [D] et a bénéficié de la récolte.

Aucune conciliation n'intervient à l'audience du 4 octobre 2018.

La jonction des deux dossiers est ordonnée par mention au dossier.

A l'audience du 1er octobre 2020, la SCEA Terres de Bourgogne rappelle que, dès la conclusion du bail et avec l'accord du bailleur, M. [J] [D] a mis à disposition de la SCEA Domaine Vincent Sauvestre le bail, et que cette dernière a été remplacée, toujours avec l'information faite aux bailleurs, par une mise à disposition à la SCEA Domaine des Climats Réunis le 28 avril 2014.

Elle soutient que, si la mise à disposition du bail par M. [J] [D], qui n'était plus exploitant personnel, pouvait se discuter, M. [Y] [X], Mme [T], Monsieur [Z] [X] et le GFA [X] [P] ne pouvaient cependant pas résilier unilatéralement le-dit bail, et encore moins s'approprier une vendange ni consentir un bail à un tiers. Elle rappelle que la résiliation du bail rural n'a pas lieu de plein droit et qu'elle doit au contraire être demandée en justice, avec effet au seul jour où la décision est prononcée.

Elle en déduit que non seulement le bail n'est pas résilié mais que, de surcroît, les consorts [X] et le GFA [X] [P] sont responsables du préjudice causé par leur fait, correspondant à l'impossibilité d'exploiter et aux pertes de vendanges de la SCEA Domaine des Climats Réunis.

Elle conteste toute irrecevabilité de ses demandes et s'oppose aux demandes reconventionnelles.

Elle sollicite en conséquence de :

- voir constater que le bail, non résilié par une décision de justice, se poursuit actuellement et sera renouvelé au 11 novembre 2020, en l'absence de congé régulièrement délivré ;

- voir constater la nullité du bail consenti à M. [J] [R] ;

- voir ordonner l'expulsion de ce dernier des parcelles, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

- voir condamner les consorts [X] et le GFA [X], solidairement avec M. [R], à lui payer les sommes de 61.671 ,77 euros au titre des frais de culture, 23.435,80 euros au titre des frais de plantation, 273.252,18 euros au titre de la perte de récolte 2017, 277.350,22 euros au titre de la perte de récolte 2018, et 295.411,95 euros au titre de la perte de récolte 2019 ;

- voir constater qu'elle est redevable de fermages à hauteur de 18.714,23 euros, somme venant en compensation des sommes dont elle est créancière ;

- voir réserver toute nouvelle demande en cas de préjudice complémentaire ;

- entendre les défendeurs condamnés à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le tout sous exécution provisoire.

M. [J] [D], représenté, conteste avoir accepté une résiliation amiable du bail du 26 mars 1994, comme avoir fait l'objet d'une résiliation judiciaire, et rappelle que les bailleurs ne pouvaient pas se faire justice à eux-mêmes, la seule hypothèse de résiliation de plein droit du bail étant la destruction intégrale par cas fortuit du bien en application de l'article L 411-30 du code rural.

Il soutient par ailleurs que, si les bailleurs contestaient la poursuite du bail et la mise à disposition à la SCEA Terres de Bourgogne, il leur appartenait de saisir le tribunal pour en faire constater éventuellement la nullité, démarche qu'ils n'ont nullement engagée. En conséquence, il soutient que le bail du 26 mars 1994 est toujours en vigueur et que l'obligation de délivrance pèse toujours sur le GFA [X]-[P].

Il expose par ailleurs qu'il n'a nullement à garantir les défendeurs de toute condamnation, rappelant l'absence de lien de causalité entre une quelconque action de sa part et l'éviction de la SCEA Terres de Bourgogne, les bailleurs ayant au contraire installé de leur propre initiative un nouveau preneur sur les terres données à bail.

En conséquence, il demande au tribunal de les débouter de l'ensemble de leurs demandes reconventionnelles et de condamner les consorts [X] et le GFA [X] [P] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GFA [X]-[P], M. [Y] [X], Mme [G] [X] épouse [T] et M. [Z] [X], représentés et intervenant volontairement, font valoir que la résiliation du bail n'est pas intervenue brutalement, mais après de longues vérifications sur les conditions d'exploitation du bail, à l'issue desquelles il est apparu qu'il n'existait plus aucune mise à disposition du bail, ni exploitation personnelle du preneur à bail, ce dernier ayant une interdiction judiciaire de gérer une exploitation viticole, et le projet de création d'une nouvelle entité juridique avec son épouse n' ayant pas abouti.

Ils soutiennent que Monsieur [D] s'est trouvé de fait dans un cas d'incapacité au travail grave et permanente pouvant justifier la résiliation immédiate du bail.

Ils font valoir par ailleurs que, dès le mois d'avril 2016, M. [J] [D] n'avait plus la capacité juridique pour exploiter personnellement un bail rural, alors même que l'existence de cette capacité est une condition essentielle de tout bail rural ; qu'au surplus, la vente de ses parts a également entraîné la perte de qualité d'associé exploitant et donc que, de ces deux faits, le contrat de mise à disposition consenti par M. [D] était caduc ; que la demanderesse ne justifie en conséquence d'aucun lien de droit avec eux.

Ils demandent au tribunal de constater l'irrecevabilité des demandes de la SCEA Terres de Bourgogne aux motifs d'une part qu'elle est tiers au contrat et qu'elle ne peut de ce fait remettre en cause l'exécution du contrat résilié, et d'autre part que, pour la campagne 2017, cette SCEA ne disposait plus de la mise à disposition des vignes, M. [J] [D] leur ayant indiqué qu'il avait mis fin à cette mise à disposition et que ses associés n'intervenaient plus dans les vignes 'qu'à la tâche'.

Ils concluent également à l'irrecevabilité de la demande indemnitaire de la SCEA Terres de Bourgogne, contestant sa qualité pour agir à défaut d'être preneur au bail, tout comme de la demande de poursuite du bail par M. [D], alors que ce contrat s'est trouvé caduc du fait des seuls agissements fautifs du preneur, ajoutant que ce cas d'impossibilité d'exécution ne justifiait nullement une saisine préalable du tribunal.

Subsidiairement, ils sollicitent la communication du dossier au ministère public et un sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive des juridictions administratives saisies d'un

recours sur l'autorisation d'exploitation dont bénéficie M. [J] [R]-[W].

Très subsidiairement, ils sollicitent de voir la SCEA Terres de Bourgogne déboutée de l'ensemble de ses demandes, contestant toute faute de leur part comme tout lien de causalité avec le préjudice allégué, et rappelant l'existence d'une cause exonératoire de responsabilité en la faute de M. [J] [D].

Reconventionnellement, ils demandent au tribunal de constater la caducité du bail rural, de condamner solidairement la SCEA Terres de Bourgogne et de M. [J] [D] à leur payer la somme de 17.249 euros au titre du reliquat de fermage pour la récolte 2016, et de condamner la SCEA Terres de Bourgogne seule au paiement de la somme de 7.021 ,80 euros au titre de la perte de récolte pour la parcelle cadastrée section AK n°[Cadastre 2] et de celle de 1 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et faux témoignage, outre 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le tout sous exécution provisoire.

Ils demandent enfin de voir M. [D] condamné à les garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à leur encontre.

M. [J] [R] rappelle dans ses écritures n'avoir aucun lien de droit avec la SCEA Terres de Bourgogne et n'avoir au surplus commis aucune faute à l'encontre de cette dernière.

Il fait valoir qu'il a régularisé le 2 septembre 2017 un bail en la forme authentique sur les parcelles aujourd'hui litigieuses, acte qui faisait suite à une résiliation préalable du précédent bail qui n'avait pas été contestée par le preneur.

Il soutient qu'il a mis ce bail à disposition de l'EARL [R]-[W] et qu'il a obtenu une autorisation d'exploiter le 7 janvier 2019.

Il rappelle par ailleurs que M. [J] [D] ne peut plus exercer d'activité viticole du fait des décisions pénales en cours, et souligne que la demande de la SCEA Terres de Bourgogne de faire revivre le bail est totalement incompréhensible puisque, M. [D] étant désormais agent immobilier, le contrat est inexécutable.

Quant aux demandes financières, il conteste le quantum des sommes réclamées, soutenant qu'elles ont été calculées sur le rendement maximum autorisé par appellation, et rappelle qu'elles auraient dû être dirigées vers Monsieur [D] lui-même.

En conséquence, ils demande au tribunal de débouter la SCEA Terres de Bourgogne de l'ensemble de ses demandes et, subsidiairement, de condamner M. [J] [D] à le garantir de toute condamnation.

Reconventionnellement, il sollicite la condamnation de la SCEA Terres de Bourgogne à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 4.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le tout sous exécution provisoire.

Par jugement du 3 décembre 2020, le tribunal paritaire des baux ruraux de Beaune :

- déclare recevable l'ensemble des demandes de la SCEA Terres de Bourgogne, à l'exception de celles relatives à l'expulsion de M. [R] des parcelles et au renouvellement du bail,

- dit n'y avoir lieu à communiquer le dossier au ministère public ni à ordonner un sursis à statuer,

- prononce la nullité de la résiliation unilatérale du bail opérée par le GFA [X]-[P] et M. [Y] [X] le 30 août 2017 et constate que le bail du 26 mars 1994 continue de produire ses effets entre les parties,

- prononce la nullité subséquente du bail conclu entre le GFA [X]-[P], M. [Y] [X], Mme [G] [X] épouse [T], M. [Z] [X], et M. [J] [R]

- condamne in solidum d'une part le GFA [X]-[P], M. [Y] [X], Mme [G] [X] épouse [T] et M. [Z] [X] et d'autre part M. [J] [R] à payer à la SCEA Terres de Bourgogne :

- la somme de 339.645,52 euros au titre des frais de culture pour l'année 2016/2017, des frais de plantations et de la perte de récolte 2017, déduction faite du solde de fermage 2016 et du fermage 2017 sur la parcelle 'Le Creux de Sobron' restant dû,

- la somme de 102.469 euros au titre de la perte de chance de récoltes pour 2018 et 2019,

- condamne le GFA [X]-[P], M. [Y] [X], Mme [G] [X] épouse [T] et M. [Z] [X] à payer:

- à la SCEA Terres de Bourgogne la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- à M. [J] [D] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboute les parties de leurs autres demandes,

- condamne solidairement le GFA [X]-[P], M. [Y] [X], Mme [G] [X] épouse [T] et M. [Z] [X] au paiement des dépens,

- dit n'y avoir lieu à déroger à l'exécution provisoire .

Pour statuer ainsi, le tribunal retient :

1 ) sur la recevabilité des demandes de la SCEA Terres de Bourgogne :

- que si les consorts [X] contestent la qualité à agir de la SCEA Terres de Bourgogne au motif qu'elle ne serait pas cocontractante du bail, il résulte des débats que cette société se prévaut d'une mise à disposition dudit bail et que la résiliation de ce dernier a une incidence certaine sur les droits de l'exploitation des terres qu'elle menait, quand bien même la régularité de cette mise à disposition pourrait être contestée ; que par ailleurs aucun élément ne permet d'établir que cette mise à disposition aurait cessé préalablement à la date de résiliation "unilatérale' du bail aujourd'hui contestée.

- qu'il y a lieu en conséquence de déclarer recevable l'ensemble des demandes de la SCEA Terres de Bourgogne, à l'exception de celles relatives à l'expulsion et au renouvellement du bail au 11 novembre 2020 que seul Monsieur [D], preneur, aurait pu formuler, ce qu'il ne fait pas.

2 ) sur la demande de communication au Ministère public et le sursis à statuer :

- qu'aucun élément ne justifie en l'état la communication du dossier au ministère public, la nature du litige ne correspondant à aucun des critères de l'article 425 du code de procédure civile et le caractère impératif de cette communication ne pouvant être tiré des seules supputations d'infractions commises par M. [J] [D] à l'égard des obligations de son contrôle judiciaire qu'élèvent à l'audience les consorts [X] ;

- que le fait que M. [J] [R] ait ou non une autorisation administrative d'exploiter les parcelles aujourd'hui litigieuses est sans aucune incidence sur l'examen des conditions de la rupture du contrat de bail préalable à celui qu'il a conclu en août 2017 ;

3 ) sur la résiliation 'unilatérale' du bail et ses conséquences :

- qu'aux termes de l'article L 411-31 et suivant du code rural et de la pêche maritime, la résiliation d'un bail à ferme ne peut intervenir de plein droit mais doit être au contraire demandée en justice, sauf d'une part lorsque le preneur décède et qu'aucun ayant-droits ou ayant-causes ne remplit les conditions de participation à l'exploitation pour permettre la reprise, soit d'autre part lorsque le preneur se trouve dans l'impossibilité de poursuivre l'exploitation pour l'une des causes mentionnées à l'article L 411-33 du code rural et de la pêche maritime et dans ce cas à la seule initiative du preneur, soit enfin quand le bien loué perd sa destination agricole ou est détruit intégralement par cas fortuit.

- que les consorts [X] ne justifient nullement que M. [J] [D] se serait trouvé dans un des cas de résiliation de droit prévus par ce texte dont les dispositions sont d'ordre public et priment sur les dispositions générales du code civil lorsqu'ils lui ont fait signifier le 31 août 2017 leur courrier de résiliation unilatérale du bail du 26 mars 1994,

- que l'impossibilité d'exécution du contrat invoquée n'est pas plus établie, les fermages étant manifestement payés à date et les parcelles correctement exploitées ;

4 ) sur la demande de dommages et intérêts :

- que la demande de la SCEA Terres de Bourgogne est recevable, quand bien même elle ne serait pas contractante du GFA [X] et ne serait bénéficiaire que d'une mise à disposition, même contestée, des parcelles données à bail à M. [J] [D].

- qu'aucun élément ne vient remettre en cause que les parcelles objet du bail du 26 mars 1994 étaient exploitées par la SCEA Terres de Bourgogne, qui en avait assuré pour la campagne 2016-2017 les plantations, l'entretien et la taille, et qui s'est trouvée privée de la récolte, la vendange des vignes ayant été effectuée à son insu, sur autorisation des bailleurs, par M. [J] [R].

- qu'en concluant un nouveau bail deux jours après avoir fait signifier la résiliation unilatérale du précédent bail et en autorisant ainsi M. [R] à appréhender des raisins dont il ne pouvait méconnaître qu'ils étaient le fruit du travail d'une entreprise concurrente, tant le GFA [X]-[P] et les consorts [X] que M. [J] [R] ont personnellement concouru à la survenance du dommage subi par la SCEA Terres de Bourgogne ;

- qu'en aucune facon, la responsabilité de M. [J] [D] ne peut être recherchée puisqu'il n'a nullement participé à la captation de la récolte ;

- que le préjudice de la SCEA Terres de Bourgogne se compose de frais de culture pour l'année 2016/2017 (61.671,77 euros) de frais de plantation (23.435,80 euros 'au regard des dépenses engagées par le preneur entre 2011 et 2014") et de la perte de récolte 2017 (273.252,18 euros calculée selon les demandes de la SCEA à défaut pour M. [R] de produire la déclaration de récoltes 2017 et des éléments permettant de minimiser l'évaluation effectuée selon l'arrêté préfectoral correspondant pour cette campagne) desquels il conviendra de déduire le solde de fermage 2016, soit 17.849 euros, et le fermage de pour la seule parcelle 'Le Creux de Sobron" vendangée en 2017, soit 865,23 euros, restant dûs par la SCEA

- que pour les préjudices invoqués pour les récoltes 2018 et 2019, ils ne peuvent s'élever à la somme de la récolte complète, calculée au regard des rendements maximum et des arrêtés préfectoraux, comme revendiqué par la SCEA dès lors qu'ils relèvent seulement d'une perte de chance d'exploiter. (si les consorts [X] avait saisi le tribunal, celui-ci n'aurait pu que constater que M. [J] [D] ne remplissait plus les conditions pour être preneur du bail, ni pour le mettre à disposition d'une société d'exploitation agricole, et la SCEA se serait donc vue, à brève ou moyenne échéance, privée régulièrement de cette exploitation) ; que cette perte de chance doit être fixée non pas à la récolte complète qu'elle n'aurait jamais pu effectuer, mais au quart de cette dernière pour 2018, soit 68.313 euros euros, et au huitieme de cette dernière pour 2019, soit 34.156 euros.

- que les consorts [X] ne peuvent qu'être déboutés de leur demande tendant à se voir garantir de tout paiement par M. [J] [D] qui n'a manifestement pas souhaité la résiliation du bail à l'origine de la spoliation de récoltes de la SCEA ;

- que M. [J] [R] sera également débouté de sa demande tendant à se voir garantir de tout paiement par M. [J] [D], ce dernier n'ayant manifestement pas induit M. [R] en erreur; qu'il a par ailleurs fait preuve de malice, ou a tout le moins, d'une légèreté blâmable en ne s'étonnant pas de conclure un bail le 2 septembre 2017, après la résiliation du précédent bail le 31 août 2017, et de vendanger des parcelles dont il n'avait nullement effectué la culture.

5 ) sur la demande reconventionnelle en caducité du bail :

- que les consorts [X] demandent au tribunal de constater la caducité du bail rural pour perte par M. [J] [D] de sa qualité d'exploitant agricole comme d'associé-gérant de la SCEA, et de manière subséquente la caducité de la mise à disposition, en application de l'article 1186 du code civil alors que ces dispositions, issues de l'ordonnance 2016-131 du 10 fevrier 2016, ne sont pas applicables dès lors que le bail litigieux a été conclu le 26 mars 1994, renouvelé le 11 novembre 2011 et demeure de ce fait soumis à la loi ancienne.

- que seule une demande de résiliation de bail pouvait être formée par les bailleurs pour voir mettre fin à la convention de bail les liant à Monsieur [J] [D], demande qu'ils n'ont formulée ni dans leurs différents jeux de conclusions, ni à l'audience.

******

Monsieur [Y] [X], Madame [G] [X] épouse [T], Monsieur [Z] [X], Monsieur [J] [R]-[W] et le GFA [X]-[P] font appel par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel le 31 décembre 2020, l'appel portant sur l'intégralité des dispositions du jugement.

Saisie d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire, la première présidente de la cour d'appel, par ordonnance du 20 avril 2021, déboute les consorts [X] de cette demande, mais ordonne la consignation par les-dits consorts du montant total des condamnations prononcées au profit de la SCEA.

*****

Parallèlement, par requête du 14 mai 2021, le GFA [X]-[P] et les consorts [X] saisissent le tribunal paritaire des baux ruraux de Beaune d'une demande de résiliation judiciaire du bail consenti à Monsieur [D] et, par jugement du 2 décembre 2021, le tribunal :

- prononce la résiliation du bail conclu le 26 mars 1994 entre M.[Y] [S] et le GFA [X]-Metrot, d'une part, et M. [J] [D] d'autre part,

- enjoint M. [J] [D] de quitter les lieux donnés à bail et, à défaut de libération spontanée des parcelles, ordonne son expulsion,

- condamne in solidum M. [Y] [X] et le GFA [X]-[P] à payer à la SCEA Terres de Bourgogne la somme de 65 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de sa perte de chance d'exploiter pour les années 2020 et 2021,

- déboute les parties de toutes leurs autres prétentions,

- dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code procédure civile,

- condamne in solidum M. [J] [D] et la SCEA Terres de Bourgogne aux dépens.

Aucun appel n'est formé à l'encontre de cette décision.

*****

Par conclusions d'appel n° 2 déposées le 31 août 2022 et développées oralement à l'audience, les appelants demandent à la cour d'appel de :

' Vu les articles 31 et 32 du code de procédure civile,

Vu l'article 122 du code de procédure civile,

Vu l'article 1199 du code civil,

Vu la décision du tribunal paritaire du 3 décembre 2020 critiquée,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces,

- Constater (sic) recevable et bien fondé l'appel formé par le GFA [X]-[P], Madame [G] [T], Messieurs [Y] et [Z] [X] et Monsieur [J] [R] ;

- Infirmer la décision du tribunal paritaire de Beaune du 3 décembre 2020 (RG51-18-000006 et 51-18-000011) en ce qu'il :

- déclare recevable l'ensemble des demandes de la SCEA Terres de Bourgogne, à l'exception de celles relatives à l'expulsion de Monsieur [R] des parcelles et au renouvellement du bail,

- condamne in solidum d'une part le GFA [X]-[P], M. [Y] [X], Mme [G] [X] épouse [T] et M. [Z] [X] et d'autre part M. [J] [R] à payer à la SCEA Terres de Bourgogne la somme de 339.645,52 euros au titre des frais de culture pour l'année 2016-2017, des frais de plantations et de la perte de récolte 2017, déduction faite du solde de fermage 2016 et du fermage 2017 sur la parcelle 'Le Creux de Sobron' restant dû,

- condamne in solidum d'une part le GFA [X]-[P] ,M. [Y] [X], Mme [G] [X] épouse [T] et M. [Z] [X] et d'autre part M. [J] [R] à payer à la SCEA Terres de Bourgogne la somme de 102 469 euros au titre de la perte de chance de récoltes pour 2018 et 2019,

- condamne le GFA [X]-[P], M. [Y] [X], Mme [G] [X] épouse [T] et M. [Z] [X] à payer à la SCEA Terres de Bourgogne la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne le GFA [X]-[P], M. [Y] [X], Mme [G] [X] épouse [T] et M. [Z] [X] à payer à M.[J] [D] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne solidairement le GFA [X]-[P], M. [Y] [X], Mme [G] [X] et M. [Z] [X] au paiement des dépens,

Y faisant droit et statuant à nouveau

- Déclarer irrecevables les demandes de la SCEA Terres de Bourgogne ;

- Constater que les demandes indemnitaires de la SCEA Terres de Bourgognes sont mal fondées ;

- Débouter Monsieur [J] [D] et la SCEA Terres de Bourgogne de l'ensemble de leurs prétentions, demandes et moyens ;

Subsidiairement,

- Débouter la SCEA Terres de Bourgogne de ses demandes indemnitaires au titre des frais de culture pour l'année 2016/2017 et des frais de plantation,

- Constater que le préjudice subi par la SCEA Terres de Bourgogne pour perte de récoltes 2017, 2018 et 2019 ne peut excéder 257 540,38 euros,

- Débouter la SCEA Terres de Bourgogne du surplus de ses demandes indemnitaires,

En tout état de cause,

- Condamner in solidum Monsieur [J] [D] et la SCEA Terres de Bourgogne à régler au GFA [X]-[P], à Madame [G] [T], à Messieurs [Y] et à (sic) [Z] [X] et à Monsieur [J] [R] la somme de 7000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner in solidum Monsieur [J] [D] et la SCEA Terres de Bourgogne aux

entiers frais et dépens d'appel.'

Par conclusions déposées le 1er août 2022 et développées oralement à l'audience, la SCEA Terres de Bourgogne demande à la cour de :

' Vu le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Beaune du 2 (sic) décembre 2020,

Vu le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Beaune du 3 (sic) décembre 2021,

Vu les pièces versées aux débats,

Déboutant de toutes conclusions contraires,

- Juger irrecevable l'appel formé par le GFA [X]-[P], Madame [G] [T], Messieurs [Y] et [Z] [X] et Monsieur [J] [R] comme s'opposant à l'autorité de la chose jugée émanant du jugement du tribunal paritaire de Beaune du 3 (sic) décembre 2021,

- Juger recevables les prétentions de la SCEA Terres de Bourgogne,

- Confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Beaune du 2 (sic) décembre 2020 en ce qu'il a condamné le GFA [X]-[P], Monsieur [Y] [X], Madame [G] [X] épouse [T], Monsieur [Z] [X] et Monsieur [J] [R] à régler à la SCEA Terres de Bourgogne la somme de 339 145,52 euros au titre des cultures pour l'année 2016/2017, des frais de plantation et de la perte de récolte 2017 déduction faite du solde du fermage 2016 et du fermage 2017 sur la parcelle 'Le Creux de Sobron' restant dû,

Faisant droit à l'appel incident,

- Infirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Beaune du 2 (sic) décembre 2020 en ce qu'il a condamné le GFA [X]-[P], Monsieur [Y] [X], Madame [G] [X] épouse [T], Monsieur [Z] [X] et Monsieur [J] [R] à régler à la SCEA Terres de Bourgogne la somme de 102 469 euros au titre de la perte de chance des récoltes 2018 et 2019,

Statuant à nouveau,

- Condamner le GFA [X]-[P], Monsieur [Y] [X], Madame [G] [X] épouse [T], Monsieur [Z] [X] et Monsieur [J] [R] à régler à la SCEA Terres de Bourgogne au titre des pertes des récolte 2018 et 2019, aux sommes de 277 350,22 euros pour 2018 et 295 411,95 euros pour 2019,

- Les condamner à régler à la SCEA Terres de Bourgogne une somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Les condamner in solidum aux entiers dépens.'

Par courrier du 13 juillet 2022, le conseil de Monsieur [J] [D] indique qu'aucune demande, hormis sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, n'étant formée contre son client qui considère que l'affaire est terminée le concernant suite au jugement du 2 décembre 2021, il ne se constituera pas.

MOTIVATION :

Sur la recevabilité de l'appel :

La SCEA Terres de Bourgogne soutient que l'appel est irrecevable dès lors que les consorts [X] ont admis devant le tribunal paritaire des baux ruraux dans la seconde procédure la recevabilité de ses demandes indemnitaires, et ajoute que laisser devenir définitif ce second jugement est un aveu judiciaire.

Les consorts [X] répliquent qu'aucun fondement textuel n'est invoqué au titre de l'irrecevabilité de l'appel, et qu'à supposer qu'il s'agisse de l'irrecevabilité des demandes des appelants que soulève l'intimée, elle n'en précise pas plus le fondement textuel.

Ils ajoutent que l'absence d'appel de la décision du tribunal paritaire du 2 décembre 2021 qui a prononcé la résiliation judiciaire du bail ne caractérise pas un 'aveu judiciaire' du GFA [X]-[P], de Madame [T] et de Messieurs [X] de la recevabilité des demandes de la SCEA Terres de Bourgogne comme le prétend cette dernière ; que le fait de ne pas interjeter appel d'une décision ne saurait caractériser un aveu judiciaire, ce d'autant qu'ils ont toujours contesté la recevabilité des demandes reconventionnelles de la SCEA Terres de Bourgogne.

Ils exposent qu'en filigrane, l'intimée évoque l'autorité de la chose jugée de la décision du 2 décembre 2021, mais que la présente procédure d'appel n'a pas le même objet, pas la même cause et pas les mêmes parties que la procédure paritaire ayant mené à cette décision, Monsieur [J] [R] n'étant pas partie dans ladite décision ; que dans le cadre de la présente procédure d'appel, ils contestent la décision du tribunal paritaire en ce qu'il a admis la recevabilité de l'opposition formée par la seule SCEA Terres de Bourgogne à la résiliation unilatérale des baux.

Ainsi que le relèvent à juste titre les appelants, la procédure ayant abouti au prononcé du jugement du 2 décembre 2021 n'avait ni le même objet, ni la même cause et n'opposait pas les mêmes parties que la présente procédure. Il s'en déduit qu'à tort l'intimée invoque un aveu judiciaire ou l'autorité de chose jugée de ce second jugement au soutien de sa demande d'irrecevabilité de l'appel.

Sur la recevabilité des demandes de la SCEA Terres de Bourgogne :

Pour conclure à l'irrecevabilité des demandes de la SCEA Terres de Bourgogne, les appelants relèvent que la demande en contestation de la résiliation n'a pas été formée par le preneur, Monsieur [D], mais par la société bénéficiaire de la mise à disposition. Rappelant les dispositions de l'article L 411-37 du code rural, ils en déduisent que la société bénéficiaire d'une mise à disposition ne saurait revendiquer, à l'égard du bailleur, l'application du statut du fermage.

La SCEA réplique à juste titre que ses demandes sont recevables puisqu'elle agit sur le fondement de l'article 1240 du code civil ; qu'elle ne réclame pas l'application du statut du fermage, mais les conséquences d'une rupture irrégulière et fautive par les bailleurs des baux consentis à Monsieur [D], laquelle lui préjudicie en qualité de bénéficiaire de la mise à disposition.

Le jugement en ce qu'il a déclaré recevables l'ensemble des demandes de la SCEA Terres de Bourgogne, à l'exception de celles relatives à l'expulsion de Monsieur [R] des parcelles et au renouvellement du bail, ne peut qu'être confirmé.

Sur la responsabilité délictuelle des appelants :

Les appelants contestent le principe même d'une responsabilité délictuelle, soutenant n'avoir commis aucune faute en résiliant les baux de leur propre initiative, et qu'en tout état de cause il n'est pas plus établi par la SCEA l'existence d'un préjudice en lien avec cette résiliation dès lors qu'aucun lien contractuel ne la liait aux bailleurs.

Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile alinéa 3, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, le tribunal a, au terme du dispositif de son jugement,

- prononcé la nullité de la résiliation unilatérale du bail opérée par le GFA [X]-[P] et M. [Y] [X] le 30 août 2017 et constaté que le bail du 26 mars 1994 continuait de produire ses effets entre les parties,

- prononcé la nullité subséquente du bail conclu entre le GFA [X]-[P], M. [Y] [X], Mme [G] [X] épouse [T], M. [Z] [X], et M. [J] [R].

Or, dans le dispositif de leurs dernières écritures telles que développées à l'audience, les appelants ne maintiennent pas leur appel à l'encontre de ces deux chefs du jugement, lesquels sont en conséquence définitifs.

Il s'en déduit que le comportement fautif des appelants est définitivement établi puisqu'ils ont irrégulièrement mis un terme au bail les liant à Monsieur [D], et irrégulièrement conclu sur les parcelles données à bail à Monsieur [D] et exploitées par la SCEA un bail au profit d'un tiers.

Cette faute de nature contractuelle dans les rapports entre les bailleurs et Monsieur [D], preneur, constitue une faute délictuelle au préjudice de la SCEA Terres de Bourgogne qui bénéficiait, au vu et au su des appelants, d'une mise à disposition qui n'avait fait l'objet d'aucune contestation régulièrement formée.

Par ailleurs, en concluant dès le 2 septembre 2017 avec un tiers un bail permettant à ce dernier d'effectuer les vendanges sur des parcelles sur lesquelles le précédent exploitant avait assuré pour la campagne 2016/2017 les plantations, l'entretien et la taille sans s'inquiéter de la rémunération ou de l'indemnisation de ce dernier, les consorts [X] ont de ce chef également commis au préjudice de la SCEA une faute délictuelle.

A juste titre les premiers juges ont par ailleurs retenu qu'en acceptant d'appréhender les raisins sur les parcelles litigieuses alors qu'il ne pouvait pas ignorer qu'ils provenaient du fruit du travail d'une entreprise concurrente, Monsieur [J] [R] avait commis lui aussi une faute délictuelle concourant au préjudice de la SCEA.

Il ne peut pas être sérieusement contesté par les appelants qu'en étant privée de la récolte fruit des travaux et des dépenses engagées pour la campagne 2016/2017, la SCEA a subi un préjudice dont elle est fondée à demander l'indemnisation.

Il ne peut pas plus être contesté que la SCEA, qui exploitait les parcelles mises à sa disposition par le preneur en titre, a été privée du fait de la résiliation irrégulière du bail et de la conclusion d'un autre bail au profit d'un tiers de la chance de bénéficier des récoltes postérieures à celle de 2017 jusqu'à ce que la résiliation du bail soit régulièrement prononcée.

Sur le quantum des préjudices subis :

Sur les frais de culture :

Les appelants s'opposent aux prétentions de la SCEA de ce chef en soulignant qu'en première instance elle n'a pas justifié sa demande indemnitaire au titre des frais de culture 2016/2017 pour un montant de 61 671,77 euros, aucune facture n'étant produite ; qu'il en est de même à hauteur d'appel.

Ils ajoutent que le bail conclu avec Monsieur [D] dispose que : 'Le preneur s'engage à supporter tous les frais relatifs à la culture des terres et des vignes ou à la récolte et à la vinification, notamment ceux qui ont trait à la main d'oeuvre salariale, aux fournitures de plants, péris ou détériorés, piquets, fil de fer, engrais, produits de traitement, remontée ou transport de terre et autres frais et fournitures divers nécessaires.' Ils en déduisent que dès lors, aucune somme n'est due par les bailleurs au titre des frais de culture.

La SCEA conclut à la confirmation de la condamnation sur ce point, et produit au soutien de sa prétention une attestation de son comptable à laquelle les appelants contestent toute valeur probante.

A tort les appelants invoquent les dispositions du bail les liant à Monsieur [D] pour soutenir qu'ils ne doivent rien à la SCEA à ce titre, le bail tenant compte du fait que le preneur perçoit, en procédant à la récolte des parcelles, le profit des dépenses engagées au cours de l'année culturale, alors qu'en l'espèce la SCEA en a été privée et agit non pas sur le fondement contractuel mais délictuel.

Ainsi que le soulignent à juste titre les appelants, le tribunal a alloué la somme de 61 671,77 euros à la SCEA Terres de Bourgogne sur le fondement des seules allégations de celle-ci.

Au surplus, pour justifier à hauteur d'appel sa prétention de ce chef, la SCEA produit une attestation selon laquelle ces frais se seraient élevés à 56 173,11 euros.

La cour ne pourra qu'infirmer la décision de première instance sur ce point

Il appartient à celui qui prétend obtenir l'indemnisation d'un préjudice d'en établir tant l'existence que l'importance.

En l'espèce, la SCEA produit :

- une déclaration sur l'honneur de la 'responsable comptable pôle Bourgogne des Grands Chais de France' selon laquelle la SCEA Terres de Bourgogne 'a dépensé un total de 56 173,11 euros entre le 1er novembre 2016 et le 31 octobre 2017 pour les frais de culture des parcelles de Monsieur [Y] [X] et de la (sic) GFA [X] d'une surface totale de 4ha29 a12ca.'

- un document dactylographié intitulé 'annexe 2 : Les frais de culture' dont l'auteur n'est pas mentionné et qui présente un 'détail des frais' aboutissant au total de 56 173,11 euros en mentionnant auparavant, sous le titre 'Base' le 'Grand Livre du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2016 de la société Les Climats Réunis (pdf)' et 'Balance Anael du 01/01/2017 au 31/10/2017 (excel)' puis une 'Surface totale exploitée selon CVI au 15/09/2017" de 142ha 84 a 90ca et une 'surface sortie suite fin baux [X]' de 04ha 29a 12ca.

Le détail des frais exposé comporte un 'entretien vignes', des 'honoraires Conseils Viticoles' et des 'salaires et charges'.

Selon les explications des appelants, la société Les Grands Chais de France a acquis la quasi totalité des parts de la SCEA Domaines des Climats Réunis devenue SCEA Terres de Bourgogne.

La présentation du document dactylographié permet de déduire que les sommes qui y sont mentionnées dans le détail des frais correspondent à une extrapolation à partir des données comptables de la société Les Grands Chais de France au prorata de la surface correspondant aux parcelles données à bail à Monsieur [D] par les consorts [X].

Aucun élément ne permet par contre d'établir que la SCEA Terres de Bourgogne a effectivement supporté ces frais, ni même qu'ils la concernent. Faute pour l'intimée de rapporter la preuve qui lui incombe, elle ne peut qu'être déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les frais de plantation :

Les appelants relèvent que la SCEA Terres de Bourgogne s'est vue allouer par le tribunal paritaire la somme de 23 435,80 euros au titre des frais de plantations au regard des dépenses engagées par le preneur entre 2011 et 2014, seuls éléments produits en première instance et estiment que cette somme allouée est particulièrement contestable.

Ils soulignent que la SCEA Terres de Bourgogne a sollicité l'indemnisation des frais de replantation réalisés en 2011-2014 alors qu'elle n'a pas engagé ses frais, la mise à disposition à son profit ayant pris effet en avril 2014 ; qu'en première instance, au titre des travaux de replantation, la SCEA n'a produit que des factures libellées au nom du Domaine [J] [D] et de la Sarl Les Murgers de Monthelie ; que si elle prétend, pour la première fois dans ses conclusions d'appel, venir aux droits de la SCEA Domaine Vincent Sauvestre, sans en justifier, cette allégation est particulièrement étonnante dès lors que les deux sociétés sont des entités bien distinctes l'une de l'autre.

La SCEA réitère sa demande d'indemnisation des frais de plantation à hauteur de 23 435,80 euros, affirmant qu'elle vient aux droit de la SCEA Domaine Vincent ce qui justifie que les frais engagés par cette dernière serve de base à l'estimation de son préjudice.

Or il ressort des pièces du dossier, et notamment du bail liant les bailleurs à Monsieur [D], que la SCE Domaine Vincent, dont le siège est à [Adresse 6], est immatriculée au RCS de Beaune sous le n° D 377 577 887 alors que la SCEA Terres de Bourgogne anciennement Domaine des Climats Réunis est immatriculée au RCS de Dijon sous le n° 793920448.

Quant à la Sarl Les Murgers de Monthélie, la SCEA Terres de Bourgogne n'explique pas en quoi elle serait concernée par les frais de plantation engagés par cette dernière entre 2011 et 2014.

Le jugement en ce qu'il a fait droit aux demandes de la SCEA de ce chef doit être infirmé, et faute pour l'intimée d'établir qu'elle a effectivement engagé de tels frais depuis que les parcelles louées par Monsieur [D] ont été mises à sa disposition, soit depuis avril 2014, elle sera déboutée de cette prétention.

Sur les pertes de récolte 2017, 2018 et 2019 :

Il n'est pas contesté par les appelants qu'en étant privée de la possibilité d'exploiter les parcelles depuis la résiliation fautive du bail en août 2017 et jusqu'au prononcé de la résiliation judiciaire, la SCEA n'a pas pu procéder aux récoltes sur les parcelles en cause.

Ils contestent par contre la somme allouée à ce titre par le tribunal auquel ils reprochent d'avoir statué en prenant en compte les seules allégations de la SCEA, affirmant que les pertes de récoltes calculées par la SCEA sont erronées ; qu'en effet elle a retenu les rendements maximums autorisés à l'hectare, bien supérieurs à ceux réalisés, et a appliqué des prix de vins également bien supérieurs à l'arrêté préfectoral annuel fixant le prix des vins.

Ils soulignent que, s'agissant des rendements, ceux déclarés et réalisés par Monsieur [R] sont bien moindres que ceux pris en compte dans le calcul de la SCEA ; que ce dernier produit à hauteur d'appel ses trois déclarations de récoltes 2017, 2018 et 2019 sur lesquelles figurent les volumes récoltés pour les parcelles louées.

Ils en déduisent qu'au total, pour la récolte 2017, compte-tenu des rendements des parcelles et du prix des vins fixé par arrêté préfectoral, le préjudice de perte de récolte ne peut être que de 197 481,31 euros.

La SCEA réplique pour sa part que, selon ses tableaux, son préjudice total est de 273 252,18 euros.

Force est de constater qu'au soutien de sa demande, la SCEA produit en pièces n° 10, 11 et 12 trois tableaux portant le titre 'chiffrage perte de récolte vignoble [X] [Y]' une liste de parcelles suivies de chiffres au titre du rendement par hectare, du rendement de la parcelle en hectolitre, et, compte-tenu du prix du vin en 2016 par hectolitre, du résultat en euros de la perte.

Le troisième de ces tableaux est en réalité la synthèse des deux précédents.

Cependant, outre le fait que l'auteur de ces tableaux est, selon son propre aveu, la SCEA elle même, les chiffres mentionnés au titre des rendements ne reposent sur aucun élément probant.

Les intimés produisent pour leur part à hauteur d'appel les déclarations de récolte de Monsieur [R] pour les années 2017, 2018 et 2019, et exposent clairement dans leurs écritures en pages 22 à 24 les modalités de calcul de la perte de récolte au regard du rendement réel de chaque parcelle en 2017, de la production en hectolitres de cette parcelle et de sa traduction en euros.

La SCEA ne formule aucune observation concernant ce calcul .

Il convient en conséquence de fixer à 197 481,31 euros la perte de récolte pour l'année 2017.

A juste titre par ailleurs les premiers juges ont retenu que pour les années 2018 et 2019, la SCEA ne pouvait prétendre qu'à une perte de chance d'exploiter et de réaliser la récolte, et évaluée cette perte à 1/4 de la récolte en 2018 et 1/8ème en 2019.

Compte-tenu des récoltes effectivement réalisées par Monsieur [R] ces années là (185 133,98 euros en 2018 et 187 918,80 euros en 2019), seuls éléments de référence possibles, ce préjudice doit être fixé à 46 283,50 euros pour 2018 et 23 489,80 euros pour 2019.

Compte-tenu de l'ensemble des éléments ci-dessus retenus, les consorts [X] - [R] seront condamnés à verser à la SCEA au titre des perte de récolte 267 254,61 euros.

Il sera déduit de cette somme l'arriéré incontesté de fermages (17 849 + 865,23 euros =) 18 714,23 euros, soit un solde dû de 248 540,38 euros (et non pas 257 540,38 euros comme indiqué par erreur par les appelants).

PAR CES MOTIFS :

Statuant dans les limites de l'appel,

Déclare recevable l'appel formé par Monsieur [Y] [X], Madame [G] [X] épouse [T], Monsieur [Z] [X], Monsieur [J] [R]-[W] et le GFA [X]-[P] ,

Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré recevables l'ensemble des demandes de la SCEA Terres de Bourgogne, à l'exception de celles relatives à l'expulsion de M. [R] des parcelles et au renouvellement du bail et en ce qu'il a condamné le GFA [X]-[P], M. [Y] [X], Mme [G] [X] épouse [T] et M. [Z] [X] à payer à la SCEA Terres de Bourgogne la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à M. [J] [D] la somme de 2.000 euros sur le même fondement, et condamné solidairement le GFA [X]-[P], M. [Y] [X], Mme [G] [X] épouse [T] et M. [Z] [X] au paiement des dépens,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Déboute la SCEA Terres de Bourgogne de ses demandes d'indemnisation au titre des frais de culture 2016/2017 et des frais de plantation,

Condamne in solidum d'une part le GFA [X]-[P], M. [Y] [X], Mme [G] [X] épouse [T] et M. [Z] [X] et d'autre part M. [J] [R] à payer à la SCEA Terres de Bourgogne la somme de 248 540,38 euros au titre des pertes de récoltes 2017, 2018 et 2019 déduction faite de l'arriéré de fermages 2016 et 2017,

Condamne in solidum d'une part le GFA [X]-[P], M. [Y] [X], Mme [G] [X] épouse [T] et M. [Z] [X] et d'autre part M. [J] [R] aux dépens de la procédure d'appel,

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum d'une part le GFA [X]-[P], M. [Y] [X], Mme [G] [X] épouse [T] et M. [Z] [X] et d'autre part M. [J] [R] à verser à la SCEA Terres de Bourgogne 2 000 euros pour ses frais liés à l'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 2 e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01555
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;20.01555 ?
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