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10/11/2022 | FRANCE | N°19/01880

France | France, Cour d'appel de Dijon, 2 e chambre civile, 10 novembre 2022, 19/01880


FV/LL















[S] [T]



[O] [N]



C/



SA CA CONSUMER FINANCE





SARL LOGIS ECO CONSEIL



























































































Expédition et copie exécutoir

e délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON



2ème Chambre Civile



ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022



N° RG 19/01880 - N° Portalis DBVF-V-B7D-FMKH



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : au fond du 10 octobre 2019,

rendue par le tribunal d'instance de Beaune - RG : 11-19/67











APPELANTES :



Madame [S] [Z] veuve [T]

née le [Date naissance 3] 1940 à [Localité 8] (21)

domiciliée :

[Adresse 2]

[Localité...

FV/LL

[S] [T]

[O] [N]

C/

SA CA CONSUMER FINANCE

SARL LOGIS ECO CONSEIL

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022

N° RG 19/01880 - N° Portalis DBVF-V-B7D-FMKH

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 10 octobre 2019,

rendue par le tribunal d'instance de Beaune - RG : 11-19/67

APPELANTES :

Madame [S] [Z] veuve [T]

née le [Date naissance 3] 1940 à [Localité 8] (21)

domiciliée :

[Adresse 2]

[Localité 8]

Madame [O] [N], es qualité de curatrice de Mme [S] [Z] veuve [T], selon jugement du tribunal d'instance de Beaune en date du 5 septembre 2017

domiciliée :

[Adresse 9]

[Localité 6]

représentées par Me Céline BOUILLERET, membre de la SCP BERGERET & ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 14

INTIMÉE :

SA CA CONSUMER FINANCE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège :

[Adresse 1]

[Adresse 10]

[Localité 7]

représentée par Me Florent SOULARD, membre de la SCP SOULARD- RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 127

assistée de Me Renaud ROCHE, membre de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON

PARTIE INTERVENANTE :

SARL LOGIS ECO CONSEIL, prise en la personne de son représentant légal domicilié au siège :

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me Jean-Philippe MOREL, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 87

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 septembre 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Françoise VAUTRAIN, Président de Chambre, ayant fait le rapport, et Sophie DUMURGIER, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Françoise VAUTRAIN, Président de Chambre, Président,

Michèle BRUGERE, Conseiller,

Sophie DUMURGIER, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Sylvie RANGEARD, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 10 Novembre 2022,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Président de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable en date du 16 janvier 2014, la société Sofinco consent à Mme [S] [Z] veuve [T] un contrat de crédit affecté d'un montant de 7 900 euros remboursable en 84 mensualités et assorti d'un taux d'intérêts conventionnel de 7,92 % aux fins de financer des travaux de rénovation de son habitat.

Par acte d'huissier en date du 7 juillet 2016, la société CA Consumer Finance, intervenant aux droits de la société Sofinco, assigne Mme [S] [Z] veuve [T] devant le tribunal d'instance de Dijon aux fins de la voir condamner à lui payer, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la somme de 8.271,13 euros au titre du principal dû, des échéances impayées et de la pénalité contractuelle, outre 350 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses demandes, la société CA Consumer Finance fait valoir que la défenderesse s'est montrée défaillante dans l'exécution de ses obligations à compter du mois d'août 2015, justifiant que la déchéance du terme du prêt soit prononcée le 7 janvier 2016, et qu'elle n'a pas régularisé sa dette.

Par jugement en date du 17 décembre 2018, le tribunal d'instance de Dijon se déclare incompétent au profit du tribunal d'instance de Beaune.

Par acte d'huissier en date du 13 août 2019, la société CA Consumer Finance appelle en intervention forcée Mme [N], es-qualité de curatrice de Mme [S] [Z] veuve [T].

A l'audience du 12 septembre 2019 à laquelle l'affaire est évoquée, la société CA Consumer Finance maintient ses demandes initiales. Elle s'oppose à tout sursis à statuer, soutenant que le tribunal correctionnel de Dijon a déjà statué et condamné la société Logic Eco Conseil à indemniser le préjudice financier de Mme [T] issu des comportements frauduleux que cette société a développés à son égard. Elle soutient que sa responsabilité n'est nullement engagée ; qu'elle a au contraire parfaitement rempli ses obligations à l'égard de Mme [T], et notamment qu'elle a vérifié ses capacités de remboursement au regard des informations qu'elle lui a communiquées ; qu'elle a rempli son obligation de mise en garde, et lui a accordé un prêt dont les mensualités de 125,67 euros étaient parfaitement proportionnées avec ses

revenus.

Mme [S] [Z] veuve [T] soutient pour sa part qu'à compter de 2012, elle a fait l'objet d'un démarchage abusif de la part de deux sociétés, la société Logic Eco Conseil et la société Service Renov Habitat ; qu'elle a ainsi contracté six prêts, alors qu'elle n'avait qu'une petite retraite et présentait par ailleurs des symptômes de déclin cognitif, évocateur d'un syndrome démentiel.

Elle précise qu'elle a déposé plainte le 21 avril 2015 avec son assistante sociale à la gendarmerie de [Localité 8] ; qu'elle a au surplus été placée sous curatelle simple par jugement du tribunal d'instance de Beaune le 5 septembre 2017 ; qu'elle a enfin été admise au bénéfice d'une procédure de surendettement selon un jugement du 7 juillet 2017 qui a mis en exergue les conditions de démarchages et des pratiques commerciales rendant nuls les contrats.

En conséquence, elle conclut à la nullité du contrat principal de travaux, à défaut d'avoir été saine d'esprit lors de sa conclusion, et subsidiairement, au regard des irrégularités affectant le bon de commande et de l'exécution incomplète des travaux, et, subséquemment à l'annulation du crédit affecté à ces derniers.

Subsidiairement, Mme [T] invoque l'irrégularité de l'offre de crédit, et en conséquence, conclut à la déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Elle demande en outre la condamnation de la société CA Consumer Finance à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice moral subi, celle de 1.000 euros pour procédure abusive et celle de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le tout sous exécution provisoire.

Par jugement du 10 octobre 2019, le tribunal d'instance de Beaune :

- déclare Mme [S] [Z] veuve [T] irrecevable en sa demande de nullité du contrat de commande de travaux du 16 janvier 2014 avec la société Logis Eco Conseil, à défaut d'avoir attrait régulièrement cette société à l'instance, malgré invitation en ce sens du juge de la mise en état le 22 mars 2017,

- déboute Mme [S] [Z] veuve [T] de ses autres demandes,

- condamne Mme [S] [Z] veuve [T] à payer à la société CA Consumer Finance, intervenant aux droits de la société Sofinco la somme de 7.461,17 euros et celle de 50 euros avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 7 juillet 2016,

- déboute la société CA Consumer Finance de ses autres demandes,

- condamne Mme [S] [Z] veuve [T] au paiement des dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal retient :

- qu'il n'est pas contesté que Mme [S] [Z] veuve [T] a conclu avec la société Logic Eco Conseil un bon de commande de travaux pour un montant de 7.900 euros financé par un contrat de crédit consenti le 16 janvier 2014 par la société Sofinco, mais que, si elle invoque la nullité du contrat principal et celle subséquente du contrat de crédit en se prévalant d'un jugement du tribunal correctionnel de Dijon en date du 20 février 2017, elle ne justifie pas avoir attrait à la cause, malgré plus de trois ans de procédure et une invitation à régulariser une telle démarche dans le cadre de la mise en état le 22 mars 2017, la société Logis Eco Conseil ;

- que s'agissant du contrat de financement, il a été souscrit le 16 janvier 2014, et que s'il résulte de l'expertise du Docteur [D] que Mme [T] présentait en 2014 une fragilité psychique et cognitive, il n'est cependant pas établi qu'au 16 janvier 2014 elle développait des troubles majeurs de la mémoire ou une altération de son discernement ayant pu occulter totalement la connaissance qu'elle avait des engagements qu'elle prenait ; qu'il convient au contraire de constater qu'elle a su parfaitement se mobiliser dès avril 2015 pour s'opposer à certains démarchages dont elle a été l'objet, et qu'elle n'a au surplus été placée que sous le

régime de protection de la curatelle simple par jugement du 5 septembre 2017 au regard de constatations médicales établissant la capacité certaine de cette majeure à assurer la pleine gestion de ses revenus ;

- que la nullité de la convention ne saurait également être prononcée en application de l'article 464 du code civil qui permet d'apprécier la validité des conventions conclues dans les deux années précédant la mise sous protection, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

- qu'aucun élément ne permet de remettre en cause la régularité de la convention de prêt ;

- que si la société Sofinco a parfaitement rempli ses obligations pré-contractuelles en informant Mme [T] sur les conséquences de ce crédit et en vérifiant la solvabilité de cette dernière par la communication d'une fiche de renseignements et par la vérification sur le FICP, cet organisme prêteur ne justifie cependant pas aux débats que l'offre préalable qu'elle a remise à l'emprunteuse et qui comportait l'ensemble des mentions imposées par l'article L 311-10 du code de la consommation, présentait bien un bordereau de rétractation, facilement détachable, l'exemplaire présenté aux débats en étant totalement dépourvu, ce qui justifie la déchéance du droit aux intérêts ;

- que l'indemnité conventionnelle de 8 % sera réduite à la somme de 50 euros sur le fondement de l'article 1152 du code civil dans sa rédaction en vigueur lors de la conclusion du contrat, dès lors que cette demande est manifestement excessive au regard du préjudice réellement subi par l'organisme prêteur.

- que si Mme [T] conteste les conditions dans lesquelles elle a été amenée à signer l'attestation de fin de travaux ainsi que l'appel de fonds du 6 mars 2014 et la qualité des travaux réalisés par la société Logic Eco Conseil, seule la responsabilité de cette société doit se voir rechercher ; que le caractère abusif de l'instance n'est au surplus pas démontré.

* * * * *

Madame [S] [Z] Veuve [T] et Mme [O] [N] es qualité de curatrice de Mme [T] font appel par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel le 9 décembre 2019 en ce que :

- Mme [T] a été déclarée irrecevable en sa demande de nullité du contrat de commande de travaux du 6 janvier 2014 avec la société Logis Eco Conseil à défaut d'avoir attrait régulièrement cette société,

- Mme [T] a été déboutée de ses autres demandes,

- Mme [T] a été condamnée à payer à la SA CA Consumer Finance 7 461,17 euros et 50 euros avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 7 juillet 2016,

- Mme [T] a été condamnée au paiement des dépens de première instance.

Par conclusions d'intimé déposées le 14 mai 2020, la société CA Consumer Finance demande à la cour d'appel de :

' Vu l'article L.311-24 du code de la consommation,

(...)

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 octobre 2019 par le tribunal d'instance de Beaune,

En conséquence,

- Débouter Madame [S] [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Prononcer la déchéance du terme à compter de la signification de l'assignation,

- Condamner Madame [S] [T], assistée de Madame [O] [N], ès qualité de curatrice, à payer à la société CA Consumer Finance :

- au titre du contrat du 16 janvier 2014, la somme de 7.461,17 euros, outre les intérêts contractuels au taux de 7,15 % ainsi que la somme de 50 euros au titre de l'indemnité contractuelle,

- les entiers dépens de première instance,

Y ajoutant

- Condamner Madame [S] [T], assistée de Madame [O] [N] ès qualité de curateur, à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la même aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux

dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par Maître Florent Soulard, avocat, qui en a fait la demande.'

* * * * *

Par acte d'huissier du 23 août 2021 Mme [S] [T], assistée de sa curatrice, Mme [N], assigne devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Beaune la SARL Logic Eco Conseil aux fins de voir prononcer la nullité du contrat d'entreprise passé le 16 juin 2014 et entendre condamner la société défenderesse à lui payer la somme de 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre principal, la demanderesse soulève l'exception de connexité et sollicite le renvoi de l'affaire devant la cour d'appel de Dijon.

Pour sa part la Sarl Logic Eco Conseil ne comparaît pas bien que régulièrement citée à son siège social.

Par jugement du 9 décembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Beaune :

- constate la connexité entre l'affaire dont il est saisi et celle inscrite sous le n°19/1880 du répertoire général de la cour d'appel de Dijon,

- ordonne son dessaisissement au profit de la cour d'appel de Dijon,

- renvoie l'affaire devant la cour d'appel de Dijon.

- dit que les dépens de l'instance suivront le sort de ceux de l'instance pendante devant la juridiction de renvoi.

* * * * *

Les deux procédures sont jointes par ordonnance du 11 janvier 2022.

Par conclusions d'appelant III déposées le 28 juin 2022, Madame [S] [Z] Veuve [T] et Madame [O] [N] es qualité de curatrice de Mme [T] demandent à la cour d'appel de :

' Vu les pièces versées aux débats,

Vu l'ordonnance de connexité (sic) rendue le 11 janvier 2022,

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 octobre 2019 par le tribunal de proximité de Beaune,

- Prononcer la nullité du contrat de commande de travaux régularisé le 16 janvier 2014 entre la Société Logis Eco Conseil et Madame [S] [Z] veuve [T],

Vu les dispositions de l'article L. 312-55 du code de la consommation,

- Prononcer la nullité du contrat de prêt du 16 janvier 2014,

Vu les articles L. 312-48, L. 312-55, L.311-10 du code de la consommation,

Vu la jurisprudence constante en matière de créance de restitution aux termes de laquelle le

prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y est tenu, de la régularité formelle

du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution,

Vu les manquements patents de la société CA Consumer Finance dans la vérification de la régularité du contrat principal, de l'attestation de travaux et des capacités financières de Madame [T],

- Juger que les fautes commises par la société CA Consumer Finance la privent intégralement de sa créance de restitution,

- Juger que Madame [T] n'a pas à payer à la société CA Consumer Finance une quelconque somme au titre du contrat de prêt du 16 janvier 2014,

- Condamner la société CA Consumer Finance à payer à Madame [T], qui a dû faire face à des frais irrépétibles importants dans le cadre de cette affaire, la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du C.P.C.

- Condamner la société CA Consumer Finance aux entiers dépens de première instance et d'appel.'

Par conclusions 'de partie intervenante forcée' déposées le 10 juin 2022, la Sarl Logis Eco Conseil demande à la cour de :

' Vu le jugement rendu le 10 octobre 2019 par le tribunal d'instance de Beaune,

Vu l'appel interjeté par Madame [T] et sa curatrice,

Vu l'ordonnance de connexité rendue le 11 janvier 2022,

Vu les pièces versées aux débats,

A titre principal,

Vu les articles 122 et suivants du code de procédure civile,

Vu les articles 554 et 555 du même code,

- Constater que la SARL Logic Eco Conseil n'a pas été partie en première instance,

- Dire et juger de ce fait, irrecevable la procédure d'appel à l'encontre de la Sarl Logic Eco Conseil,

A titre subsidiaire,

Vu les articles 414-1 et 2224 du code civil,

- Dire et juger Madame [T] prescrite de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la SARL Logic Eco Conseil,

A titre extrêmement subsidiaire,

- Constater que Madame [T] a déjà été indemnisée pour le préjudice réclamé (jugement correctionnel du tribunal de Dijon rendu le 20 février 2017),

En tout état de cause

- Condamner Madame [S] [Z] veuve [T] et sa curatrice aux dépens.'

L'ordonnance de clôture est rendue le 19 juillet 2012.

En application des articles 455 et 634 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIVATION

- Sur la recevabilité de la procédure à l'encontre de la Sarl Logis Eco Conseil

S'il n'est pas contesté que la Sarl Logis Eco Conseil n'était pas partie à la procédure ayant donné lieu au jugement du tribunal d'instance de Beaune du 10 octobre 2019 objet de la présente procédure d'appel, cette société a régulièrement été assignée devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Beaune par Madame [T] et sa curatrice par acte d'huissier du 23 août 2021.

Contrairement à ce que cette société soutient, elle n'a donc par été privée du premier degré de juridiction dès lors que c'est elle qui a fait le choix de ne pas comparaître devant ce magistrat, lequel a rendu le 9 décembre 2021 un jugement à l'encontre duquel aucun recours n'a été formé.

La présence de la Sarl Logis Eco Conseil dans la procédure d'appel résulte en conséquence du jugement du 9 décembre 2021 qui a ordonné le dessaisissement du tribunal de proximité de Beaune au profit de la cour de céans en admettant la connexité invoquée par les demanderesses, peu important la motivation retenue pour parvenir à cette décision.

La procédure est en conséquence régulière à l'encontre de la Sarl Logis Eco Conseil concernant sa présence dans la procédure devant la cour.

Compte-tenu de la régularisation de la procédure à l'encontre de la Sarl Logis Eco Conseil à hauteur d'appel, le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable Madame [T] en sa demande de nullité du contrat de commande de travaux du 16 janvier 2014 à défaut d'avoir attrait cette société ne peut qu'être infirmé.

- Sur la recevabilité de l'action en nullité du bon de commande du 16 janvier 2014

La Sarl Logis Eco Conseil soutient ensuite que l'action en nullité du contrat la liant à Madame [T] est prescrite par application des dispositions de l'article 2224 du code de commerce faute d'avoir été engagée dans le délai de 5 ans à compter de sa signature intervenue le 16 janvier 2014.

S'agissant de l'action en nullité pour insanité d'esprit en application de l'article 414-1 du code civil, le délai court du jour de l'acte contesté, sauf pour l'auteur de l'acte à prouver que la prescription a été suspendue en raison d'une impossibilité d'agir. Or les éléments médicaux invoqués par Madame [T], en l'espèce le certificat médical du Dr [D] du 25 juin 2015 puis la procédure ayant abouti à son placement sous curatelle par jugement du 5 septembre 2017, ont été portés à la connaissance de l'intéressée et de sa curatrice avant l'expiration du délai de prescription, et elle ne fait aucunement état d'une impossibilité d'agir en nullité sur ce fondement avant le 16 janvier 2019. Il s'en déduit que l'action en nullité du bon de commande pour insanité d'esprit est irrecevable comme étant prescrite.

Concernant l'action en nullité du bon de commande pour non respect des dispositions du code de la consommation, elle ne pouvait être engagée qu'à compter de la date à laquelle Madame [T] a eu connaissance du fait générant la prescription, et il ressort du dossier que les irrégularités qu'elle invoque n'ont été portées à sa connaissance que postérieurement à la plainte qu'elle a déposée le 21 avril 2015 à la gendarmerie de [Localité 8] par le rapport de la Direction départementale de la protection des populations du 18 août 2015.

Or il ressort du dossier que la Sarl Logis Eco Conseil avait dans un premier temps été appelée en intervention forcée devant le tribunal d'instance de Beaune par acte d'huissier du 7 novembre 2019, assignation qui a interrompue la prescription nonobstant le fait que Madame [T] s'est désistée de cette procédure accessoire puisque ce tribunal avait déjà rendu le 10 octobre précédent le jugement dont appel et n'était plus saisi de la procédure principale.

Il s'en déduit que l'action en nullité du bon de commande pour irrégularité au regard des dispositions du code de la consommation engagée par l'acte d'huissier du 23 août 2021 n'est pas prescrite.

- Sur les irrégularités du bon de commande

Le bon de commande en date du 16 janvier 2014 a déjà été examiné par le tribunal correctionnel de Dijon, lequel dans son jugement du 20 février 2017 relève dans un premier temps que la nature exacte des travaux n'y est nullement mentionnée, seules des cases génériques étant cochées et l'estimation gratuite faite le même jour ne pouvant suppléer à cette lacune, et retient ensuite que le bon de résiliation figurant au bas de ce bon n'est pas plus conforme aux dispositions légales dès lors qu'il ne comporte pas l'adresse à laquelle il doit être renvoyé, et déclare les prévenus coupables du délit de remise d'un contrat non conforme au client lors d'un démarchage à domicile.

Si Madame [T] n'invoque pas l'autorité de chose jugée, elle fait néanmoins état de ce jugement. Par ailleurs l'examen du bon de commande produit par Madame [T] confirme le bien fondé de ces constatations qui au surplus ne font l'objet d'aucune contestation que ce soit de la part de la Sarl Logis Eco Conseil ou de la SA CA Consumer Finance.

Il s'en déduit que le contrat conclu par la signature du bon de commande du 16 janvier 2014 est nul , nullité qui entraîne la nullité de plein droit du contrat de prêt souscrit pour financer les travaux de rénovation ainsi commandés.

Infirmant le jugement, il convient de prononcer ces deux nullités.

- Sur les conséquences des nullités

Dès lors qu'un contrat est annulé, les parties doivent être remises dans la situation dans laquelle elles se trouvaient avant l'acte annulé.

En l'espèce, Madame [T] ne demande pas la condamnation de la société Logis Eco Conseil à lui rembourser le prix payé, vraisemblablement en raison de la condamnation déjà prononcée à son profit par le tribunal correctionnel.

Quant à la SA CA Consumer Finance, elle conclut expressément à la seule confirmation du jugement qui avait fait application des dispositions contractuelles après avoir rejeté la demande d'annulation du contrat de prêt, et ne sollicite pas à titre subsidiaire en cas d'annulation du contrat la restitution du capital prêté. Or la cour est tenue par les seules prétentions des parties telles que formulées dans le dispositif de leurs dernières conclusions par application de l'article 954 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable la procédure d'appel à l'encontre de la Sarl Lopgis Eco Conseil,

Infirme le jugement du tribunal d'instance de Beaune en ce qu'il a déclaré irrecevable Madame [T] en sa demande de nullité du contrat de commande de travaux du 16 janvier 2014 à défaut d'avoir attrait cette société,

Statuant à nouveau de ce chef,

Déclare irrecevable comme étant prescrite l'action en nullité du bon de commande de travaux du 16 janvier 2014 pour insanité d'esprit,

Déclare recevable l'action en nullité du bon de commande de travaux du 16 janvier 2014 pour irrégularités au regard des dispositions du code de la consommation,

Infirme le jugement du tribunal d'instance de Beaune en ce qu'il a débouté Madame [T] de ses demandes d'annulation du contrat la liant à la Sarl Logis Eco Conseil et du contrat de prêt la liant à la SA CA Consumer Finance, condamné Madame [T] à verser à la SA Consumer Finance les sommes de 7 461,17 euros et 50 euros, et débouté la SA Consumer Finance de ses autres demandes,

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité du contrat de commande de travaux régularisé le 16 janvier 2014 entre la société Logis Eco Conseil et Madame [S] [Z] veuve [T],

Prononce la nullité subséquente du contrat de prêt du 16 janvier 2014 conclu entre Madame [S] [Z] veuve [T] et la société Sofinco aux droits de laquelle vient la SA CA Consumer Finance,

Constate que la SA CA Consumer Finance ne formule aucune demande au titre de la restitution du capital prêté,

Confirme le jugement du tribunal d'instance de Beaune en ses seules dispositions concernant les dépens de première instance,

Condamne Madame [S] [Z] Veuve [T] aux dépens de la procédure d'appel dont distraction au profit de Maître Florent Soulard, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Madame [T] et la SA CA Consumer Finance de leurs demandes respectives de ce chef.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 2 e chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/01880
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;19.01880 ?
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