ASD/IC
[H] [V]
C/
[Y] [U] épouse [V]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
3ème chambre civile
ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022
N° RG 22/00332 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F46P
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : Ordonnance d'orientation et de mesures provisoires du 27 janvier 2022,
rendue par le juge aux affaires familiales du juge tribunal judiciaire de Dijon
RG N°21/02598
APPELANT :
Monsieur [H] [V]
né le 08 Mars 1968 à [Localité 5] (Maroc)
domicilié :
[Adresse 2]
[Localité 4]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/001293 du 05/04/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Dijon)
représenté par Me Lylia NOURANI, membre de la SCP ARGON-POLETTE-NOURANI- APPAIX AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 33
INTIMÉE :
Madame [Y] [U] épouse [V]
née le 19 Mai 1998 à [Localité 7] (Maroc)
domiclilié chez Maître Anne-Lise LUKEC Avocat,
[Adresse 3]
[Localité 1]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/001721 du 21/04/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Dijon)
représentée par Me Anne-Lise LUKEC, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 64.1
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Septembre 2022 en audience tenue en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Anne SEMELET-DENISSE, Conseiller, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :
Frédéric PILLOT, Président de chambre,
Anne SEMELET-DENISSE, Conseiller,
CENDRA LEBLANC, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Sylvie RANGEARD, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 27 Octobre 2022,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Frédéric PILLOT, Président de chambre, et par Sylvie RANGEARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE':
M. [H] [V] et Mme [Y] [U] se sont mariés le 14 novembre 2019 à [Localité 7] (Maroc), sans contrat de mariage préalable.
L'acte de mariage a été transcrit sur les actes français d'état civil le 22 février 2021.
De leur union est issue une enfant': [K], née le 4 mai 2021 à [Localité 8] (75).
Par acte du 30 novembre 2021, Mme [Y] [U] a assigné M. [H] [V] en divorce devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Dijon (21).
L'huissier de justice mandaté n'a pu remettre la citation à M. [H] [V] et a dressé un procès-verbal de recherches infructueuses en application de l'article 659 du code de procédure civile.
Par ordonnance d'orientation et de mesures provisoires du 27 janvier 2022, le magistrat a notamment':
- constaté que l'enfant est trop jeune pour être entendue ;
- dit que les époux résident séparément ;
- dit que l'autorité parentale sur l'enfant sera exercée exclusivement par la mère ;
- fixé la résidence de l'enfant au domicile maternel ;
- accordé au père, à défaut d'autre accord amiable, un droit de visite s'exerçant 2 heures tous les 15 jours en fonction des disponibilités du service dans les locaux de LARPE ;
- dit que si M. [H] [V] ne contacte pas les services de LARPE dans le mois suivant le jugement, sans avoir prévenu au préalable, Mme [Y] [U] sera alors dispensée de se rendre à [Localité 6] et le droit de visite et d'hébergement paternel sera suspendu ;
- condamné M. [H] [V] à verser à Mme [Y] [U] les sommes suivantes': une pension alimentaire au titre de sa contribution aux frais d'entretien et d'éducation de [K] s'élevant à la somme mensuelle de 150 euros, une pension alimentaire au titre du devoir de secours s'élevant à la somme mensuelle de 150 euros, outre indexations.
Par déclaration du 17 mars 2022 enregistrée le lendemain, M. [H] [V] a interjeté appel de cette décision sur l'exercice de l'autorité parentale et sur les pensions alimentaires mises à sa charge au titre de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant ainsi qu'au titre du devoir de secours entre époux.
La clôture a été ordonnée le 25 août 2022 et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 8 septembre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES':
Par ses conclusions du 27 avril 2022, M. [H] [V], appelant, demande à la cour :
- de le recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondé ;
Y faisant droit,
- de réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a accordé à Mme [Y] [U] l'exercice exclusif de l'autorité parentale et a condamné M. [H] [V] à verser à son épouse une pension alimentaire au titre du devoir de secours ainsi qu'une pension alimentaire pour l'entretien et l'éducation de l'enfant ;
en conséquence':
- de dire que l'autorité parentale sera exercée conjointement par les père et mère ;
- de constater son état d'impécuniosité ;
- de dire qu'il n'y a pas lieu à versement d'une pension alimentaire au profit de Mme [Y] [U] au titre du devoir de secours, et ce rétroactivement à compter du 30 novembre 2021 (date de délivrance de l'assignation) ;
- de dire qu'il n'y a pas lieu à versement d'une contribution alimentaire paternelle pour l'entretien et l'éducation de l'enfant, et ce rétroactivement à compter du 30 novembre 2021 (date de délivrance de l'assignation) ;
- de confirmer l'ordonnance entreprise pour le surplus ;
- de condamner Mme [Y] [U] aux dépens.
M. [H] [V] soutient qu'il est très attaché à sa fille et qu'il souhaite pouvoir faire partie de la vie de cette dernière, participer à son éducation et être associé à toutes les décisions importantes la concernant. Il considère qu'il est de l'intérêt de [K] que l'autorité parentale soit exercée conjointement par ses deux parents.
L'appelant prétend en outre qu'il est sans emploi et qu'il ne dispose d'aucun revenu hormis le RSA.
Il considère donc que sa situation est des plus précaires et que les situations financières respectives des parties ne justifient pas en l'espèce le versement d'une pension alimentaire au titre du devoir de secours, ni d'une contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant.
Par ses conclusions du 25 mai 2022, Mme [Y] [U], intimée, demande pour sa part à la cour :
- de confirmer l'ordonnance entreprise dans l'ensemble de ses dispositions ;
- de rejeter toutes demandes plus amples ou contraires ;
- de condamner M. [H] [V] aux dépens.
Mme [Y] [U] soutient que M. [H] [V] ne justifie d'aucune charge et qu'elle ne connaissait pas la situation financière de celui-ci dans la mesure où durant leur mariage il lui aurait tout caché. L'intimée indique être dans l'attente d'un logement.
Mme [Y] [U] prétend que l'appelant ne s'est jamais préoccupé de l'intérêt de leur fille et que lorsqu'il a commis des violences à son encontre, elle portait [K] dans ses bras. Elle rappelle qu'il a été condamné pour des violences conjugales à une peine d'emprisonnement délictuel de six mois assortis du sursis probatoire pendant deux ans, dans le cadre duquel il a interdiction d'entrer en contact avec elle.
Elle conclut qu'il est donc dans l'intérêt de l'enfant qu'elle exerce seule l'autorité parentale, cela lui permettant d'agir pour [K] sans avoir à contacter le père.
Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION':
Sur l'exercice de l'autorité parentale':
Il ressort de l'article 373-2 du code civil que «'La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale. Chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent'».
L'article 373-2-1 du même code dispose cependant que': «'Si l'intérêt de l'enfant le commande, le juge peut confier l'exercice de l'autorité parentale à l'un des deux parents'»et que «'Le parent qui n'a pas l'exercice de l'autorité parentale conserve le droit et le devoir de surveiller l'entretien et l'éducation de l'enfant. Il doit être informé des choix importants relatifs à la vie de ce dernier. Il doit respecter l'obligation qui lui incombe en vertu de l'article 371-2'».
L'article 373-2-11 du code civil précise que «'Lorsqu'il se prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, le juge prend notamment en considération':
1° La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu'ils avaient pu antérieurement conclure ;
2° Les sentiments exprimés par l'enfant mineur dans les conditions prévues à l'article 388-1 ;
3° L'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre ;
4° Le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l'âge de l'enfant ;
5° Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l'article 373-2-12 ;
6° Les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l'un des parents sur la personne de l'autre'».
L'exception au caractère conjoint de l'autorité parentale doit certes demeurer réservée aux cas dans lesquels l'un des parents représente une menace pour l'enfant au regard de son équilibre physique ou psychique ou se désintéresse de lui, ou en cas de refus de collaborer mettant en péril l'intérêt de l'enfant.
M. [H] [V] a été condamné par jugement du tribunal correctionnel de Paris du 20 août 2021 à une peine d'emprisonnement de six mois assortie d'un sursis probatoire pendant 2 ans pour des faits de violence suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, commis sur Mme [Y] [U]. Il a notamment dans le cadre du sursis probatoire obligation de s'abstenir d'entrer en relation avec Mme [U].
Dans ces conditions, bien que les violences n'aient pas concerné sa fille et qu'il puisse légitimement vouloir exercer ses droits de père, il est de l'intérêt de l'enfant, au moins durant le temps de la procédure de divorce. que Mme [U] puisse prendre toutes les décisions concernant sa fille sans avoir à devoir solliciter l'avis ou l'accord de M. [V] et à devoir prendre contact avec lui.
L'ordonnance d'orientation et de mesure provisoire sera confirmée sur ce point.
Sur la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant :
Les dispositions de l'article 371-2 du code civil prévoient que 'chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent ainsi que des besoins de l'enfant. Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur.'
L'article 373-2-2 du code civil ajoute que «'en cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l'enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d'une pension alimentaire versée, selon le cas, par l'un des parents à l'autre, ou à la personne à laquelle l'enfant a été confié'».
Les pensions alimentaires dues à titre de contribution aux frais d'entretien et d'éducation des enfants, outre le fait qu'elles ne cessent pas automatiquement à la majorité de ces derniers, ne peuvent être modifiées qu'en cas de changement significatif survenu dans la situation financière des parties ou dans les besoins des enfants depuis la date à laquelle ces pensions ont été fixées.
Il ressort de l'examen des écritures et pièces du dossier que la situation des parties est la suivante':
M. [H] [V] justifie qu'il est bénéficiaire du RSA depuis juillet 2021. Selon l'attestation CAF du 12 avril 2022, il a perçu pour le mois de mars 2022 la somme de 520,11 euros au titre du RSA outre une APL d'un montant de 310 euros.
Mme [Y] [U] produit une attestation CAF dont il résulte qu'elle a perçu pour le mois de février 2022 des prestations familiales et sociales (ASF ' allocation de base PAJE ' RSA) pour un montant total de 911, 78 euros.
Au vu de ces situations respectives, la cour constate l'impécuniosité de M. [H] [V].
L'ordonnance sera infirmée sur ce point et M. [V] sera dispensé de toute contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant à compter de l'assignation du 30 novembre 2011.
Sur le devoir de secours :
En application de l'article 212 du code civil, les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance.
Aux termes de l'article 255 6° du code civil, le juge aux affaires familiales peut fixer la pension alimentaire que l'un des époux devra verser à son conjoint dans le besoin.
Cette pension est l'expression du devoir de secours pendant l'instance en divorce.
Le devoir de secours s'entend comme l'expression de la solidarité entre époux dans son aspect alimentaire et matériel.
La pension versée en exécution du devoir de secours n'a pas pour objet de compenser la seule disparité entre les ressources des époux, mais doit permettre de pallier l'état de besoin et d'impécuniosité dans lequel se trouve l'un des époux, et son montant est fixé en tenant compte des ressources du conjoint débiteur et des besoins du conjoint créancier, la notion de besoin s'appréciant en fonction des niveaux de vie respectifs des époux. Les besoins du créancier se définissent notamment en fonction de ses revenus personnels et de son aptitude à faire face lui-même à ses besoins.
La situation financière de M. [H] [V] examinée ci-dessus ne permet pas de mettre à sa charge une pension alimentaire en faveur de son épouse au titre du devoir de secours.
Il en sera dispensé et l'ordonnance sera infirmée en ce qu'elle l'a condamné à verser une pension alimentaire de 150 euros à son épouse au titre du devoir de secours à compter de l'assignation.
Sur les dépens':
L'équité justifie de partager les dépens d'appel par moitié entre les parties.
PAR CES MOTIFS':
La cour,
Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a confié l'exercice de l'autorité parentale sur [K] [V] exclusivement à sa mère Mme [Y] [U],
Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné M. [H] [V] à verser à Mme [Y] [U] une pension alimentaire d'un montant de 150 euros au titre de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de leur fille, ainsi qu'une pension d'un montant de 150 euros au titre du devoir de secours,
Statuant à nouveau,
Constate l'impécuniosité de M. [H] [V] et le dispense du paiement de toute pension à titre de contribution à l'entretien et à l'éducation de sa fille et au titre du devoir de secours,
Y ajoutant,
Partage les dépens d'appel par moitié entre les parties, qui seront recouvrés comme il est prescrit en matière d'aide juridictionnelle.
Le Greffier,Le Président,