LC/IC
S.A. MDSA
C/
S.A. AXA FRANCE IARD
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
1ère chambre civile
ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2022
N° RG 21/00904 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FXVL
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : jugement du 28 juin 2021,
rendu par le tribunal de commerce de Chalon sur Saône - RG : 2020 001952
APPELANTE :
S.A. MDSA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social :
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Anne-Line CUNIN, membre de la SCP du PARC - CURTIL - HUGUENIN - DECAUX - GESLAIN - CUNIN - CUISINIER - BECHE - GARINOT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 91
INTIMÉE :
S.A. AXA FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Anne-Virginie LABAUNE, membre de la SELARL BLKS & CUINAT AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de MACON
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 septembre 2022 en audience publique devant la cour composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, Président,
Sophie DUMURGIER, Conseiller,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller, qui a fait le rapport sur désignation du Président,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 25 Octobre 2022,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
La société MDSA, qui a pour activité le commerce de détail d'habillement en magasin spécialisé, est locataire, selon bail commercial en date du 6 février 2018, d'un local commercial situé au rez-de-chaussée d'un immeuble sis [Adresse 2].
Le 2 octobre 2018, le magasin a subi un important dégât des eaux provenant d'un appartement situé à un étage supérieur de l'immeuble et ayant conduit les pompiers à couper l'arrivée générale d'eau, et interdire l'accès au magasin.
La société MDSA dispose d'un contrat d'assurance multirisque professionnelle conclu le 3 novembre 2011 et d'un contrat pertes d'exploitation, auprès de la compagnie AXA France conclu le 2 août 2011.
Après plusieurs expertises amiables, la compagnie AXA France a proposé le 21 mai 2019 à la société MDSA une indemnisation de 7 816,51 euros au titre des dommages matériels et une indemnisation de 12 032 euros au titre de la perte d'exploitation.
Par courrier du 13 juin 2019, la société MDSA a fait savoir, par le biais de son conseil, qu'elle n'acceptait pas la proposition d'indemnisation de sa perte d'exploitation.
Au terme de quelques échanges, la société MDSA et la compagnie AXA France ne sont finalement pas parvenues à s'entendre pour trouver une solution à l'amiable au litige qui les opposaient.
Par acte d'huissier du 5 juin 2020, la société MDSA a saisi le tribunal de commerce de Chalon sur Saône afin d'obtenir l'indemnisation du préjudice subi du fait de la faute qu'aurait commise la compagnie AXA dans le traitement du sinistre du 2 octobre 2018.
Par jugement du 28 juin 2021, le tribunal de commerce de Chalon sur Saône a :
- dit qu'il n'est pas démontré que la compagnie AXA France a commis 'une faute dans l'exécution du contrat de gestion du dossier d'indemnisation' de la société MDSA,
- débouté la société MDSA de sa demande en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de manquement de la compagnie AXA à ses obligations ;
- condamné la société MDSA à payer à la compagnie AXA France la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la société MDSA aux entiers dépens.
La SA MDSA a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 8 juillet 2021, appel limité aux chefs de dispositif du jugement l'ayant débouté de l'ensemble de ses demandes et l'ayant condamné au paiement des dépens.
Au terme de ses conclusions notifiées le 20 janvier 2022, l'appelante demande à la cour, au visa des articles 1147 du Code civil et L.113-5 du Code des assurances, de :
- déclarer recevable et bien fondé son appel,
- réformer le jugement du tribunal de commerce de Chalon sur Saône du 28 juin 2021 en ce qu'il :
+ a dit qu'il n'est pas démontré que la compagnie AXA France a commis 'une faute dans l'exécution du contrat de gestion de son dossier d'indemnisation'
+ l'a déboutée de sa demande en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de manquement de la compagnie AXA à ses obligations ;
+ l'a condamnée à payer à la compagnie AXA France la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
+ l'a condamnée aux entiers dépens.
En conséquence,
- juger que la société AXA France Iard a manqué à ses obligations contractuelles,
En conséquence,
- condamner la Société AXA France Iard à lui payer la somme de 82 191 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi,
- condamner la Société AXA France Iard à payer à la société MDSA la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au terme de conclusions d'intimé notifiées le 21 octobre 2021, la SA AXA France Iard demande à la cour, au visa de l'ancien article 1134 du code civil et de l'ancien article 1147 du code civil, de :
Rejetant toutes conclusions contraires,
A titre principal,
- débouter la société MDSA de l'intégralité de ses demandes,
- confirmer le jugement rendu le 28 Juin 2021 par le tribunal de commerce de Chalon sur Saône en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
- condamner la société MDSA à lui payer une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société MDSA aux entiers dépens de l'appel.
A titre subsidiaire, en cas de réformation du jugement,
- débouter la société MDSA de toute demande excédant la somme de 12 032 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte d'exploitation,
En tout état de cause :
- condamner la société MDSA à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société MDSA aux entiers dépens et en ordonner distraction au profit de la Selarl BLKS & Cuinat, avocats, qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci dessus.
La clôture de la procédure a été prononcée le 19 mai 2022. L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 6 septembre 2022, date à laquelle la décision a été mise en délibéré pour être rendue le 25 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La société MDSA entend voir rechercher la responsabilité contractuelle de son assureur sur le fondement des articles 1147 ancien du code civil et L113-5 du code des assurances soutenant que la compagnie AXA a commis une faute en ne gérant pas correctement et dans un délai raisonnable son dossier d'indemnisation.
Elle précise que le premier chiffrage de l'expert était incomplet comme ne concernant que la partie immobilière, ce qui ne permettait pas d'exécuter les travaux, et qu'il ne comportait pas l'indemnisation de la perte d'exploitation'; qu'elle n'a pourtant pas cessé de relancer l'expert et l'assureur afin de procéder aux travaux de remise en état du local et de pallier la perte d'exploitation.
Elle sollicite ainsi la condamnation de son assureur au paiement d'une somme de 82 191 euros correspondant à 11 mois de marge brute en réparation du préjudice lié à la faute de ce dernier.
La compagnie d'assurance AXA conteste cette position estimant avoir accompli sa mission dans un délai raisonnable reprenant à son actif la motivation du premier juge.
Si les contrats liant les parties ont été conclus avant la réforme du droit des contrats introduites par l'ordonnance du 10 février 2016 applicable aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016, les contrats renouvelés ou tacitement reconduits à compter du 1er octobre 2016 sont soumis au droit nouveau.
Il en résulte que l'article 1231-1 du code civil trouve à s'appliquer au présent litige. Il prévoit que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
L'article L113-5 du code des assurances dispose que lors de la réalisation du risque ou à l'échéance du contrat, l'assureur doit exécuter dans le délai convenu la prestation déterminée par le contrat et ne peut être tenu au-delà.
Lorsque, comme en l'espèce, aucun délai n'est contractuellement convenu, l'assureur est tenu, dans la gestion du sinistre déclaré par son assuré, d'agir avec diligence et dans un délai raisonnable au regard de l'urgence de la situation.
En l'espèce, il est observé par la cour qu'en suite du sinistre survenu le 2 octobre 2018 dans les locaux loués à la société appelante, l'expert désigné par l'assureur, M. [N], a organisé une première réunion contradictoire dès le 11 octobre suivant puis deux autres réunions les 13 et 21 décembre 2018 afin de déterminer et d'examiner les désordres.
Comme l'a retenu le premier juge, alors que la désignation de l'expert est intervenue rapidement, il ne saurait être reproché à celui-ci l'écoulement d'un délai de deux mois entre les réunions susvisées compte tenu du nombre d'intervenants à convoquer, le sinistre impliquant également le propriétaire de l'appartement du 1er étage, le syndic de copropriété et le propriétaire des locaux renfermant le commerce exploité par l'assuré.
Par suite, il convient de relever que dès le mois de novembre 2018, la société MDSA a transmis à l'expert les devis de réfection des locaux, le bilan comptable et compte de résultat sur les deux dernières années ainsi qu'un relevé de chiffres d'affaires mensuels sur les 36 derniers mois précédant le sinistre et que le 21 décembre 2018, l'expert a adressé à l'assuré une estimation des dommages matériels qu'il a fixée à 6 041,40 euros, vétusté déduite.
Il s'est avéré à ce stade, ce dont la société MDSA s'est plainte auprès de son assureur par courriel du 28 décembre 2028, que l'expert n'était pas missionné pour l'évaluation de la perte d'exploitation ce que l'assureur n'a rectifié qu'un mois après, soit le 28 janvier 2019, en suite de quoi, après de nouvelles réunions contradictoires le 21 mars 2019 puis le 17 avril 2019, l'expert a finalement déposé son rapport définitif le 24 avril 2019 tandis que l'assureur n'a formulé sa proposition d'indemnisation qu'un mois après, soit le 21 mai 2019, à hauteur de 12 032 euros au titre de la perte d'exploitation et 9 291,59 euros au titre de l'indemnité hors perte d'exploitation, proposition qui a été acceptée par l'assuré seulement en sa partie indemnisation des dommages matériels.
Le 27 juin 2019, une lettre chèque a été adressée à la société MDSA d'un montant de 6 316,51 euros, déduction faite d'un acompte de 1 500 euros et d'une somme de 1 475,04 euros devant être réglée en différé sur présentation des factures.
De nouveau devis de travaux ont été établis le 22 mai 2019 concernant la réfection notamment des plafonds et les travaux permettant la réouverture du magasin ont été réalisés en septembre 2019.
Contrairement à ce qui a été jugé en première instance, alors que le premier chiffrage de l'expert transmis le 21 décembre 2018 ne constituait aucunement une proposition d'indemnisation de l'assureur et que celui-ci s'est abstenu de verser une provision substantielle (seuls 1 500 euros ayant été versés), il ne pouvait être exigé de l'assuré qu'il fasse l'avance du coût des travaux de façon à envisager une ouverture du magasin anticipée.
Dans ces conditions, les opérations d'expertise ont manifestement été ralenties par le retard de l'assureur pris pour missionner l'expert afin d'évaluer la perte d'exploitation. En outre, l'absence d'accord de l'assuré quant à l'indemnisation proposée au titre de la perte d'exploitation n'interdisait pas à AXA, qui disposait d'une estimation faite par son propre expert des travaux de nature à permettre la réouverture du magasin, de verser une provision suffisante à son assuré, ce qu'elle s'est abstenue de faire malgré les multiples relances de celui-ci l'alertant sur l'urgence de la situation.
Il en résulte que l'assureur a commis une faute en manquant à son devoir de répondre à la demande d'indemnisation de son assuré avec diligence et célérité et que cette faute a nécessairement contribué à une aggravation de la perte d'exploitation en raison du report des travaux ayant permis l'ouverture du magasin.
Il convient donc d'infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Chalon sur Saône en ce qu'il a dit que la compagnie AXA n'avait pas commis de faute dans la gestion du dossier d'indemnisation de la société MDSA.
Sur l'indemnisation, la société MDSA, au regard d'une marge brute de 89 663,17 euros, entend voir fixer son préjudice comme suit': (89 663/12) x 11 = 82 191 euros, précisant qu'elle n'a pu rouvrir pour les soldes de l'hiver 2019 et de l'été 2019, les travaux n'ayant pu avoir lieu que la deuxième quinzaine de septembre 2019.
La compagnie AXA conclut au débouté de toute demande excédant la somme de 12 032 euros à titre de dommages-intérêts concernant la perte d'exploitation soutenant que la perte d'exploitation alléguée par l'appelante n'est pas prouvée alors qu'elle ne démontre pas qu'elle a rouvert l'enseigne commerciale BAYARD qui se trouvait au [Adresse 2] et qu'en tout état de cause, elle n'a pas déduit les économies sur les charges semi-variables (salaires, énergies').
Il est précisé par l'assureur que la perte d'exploitation estimée à 13 101 euros, avant déduction de la franchise de 3 jours de 1 069 euros a été calculée sur la période comprise entre les mois d'octobre 2018 à février 2019, tenant compte d'une autorisation de travaux à compter du 1er janvier 2019 et d'un délai de 2 mois pour réaliser les travaux et que l'expert a fondé son calcul sur une perte de chiffre d'affaires de 56 306 euros assortie d'un taux de marge brute (assurance) de 64,05% tout en retirant 40'% d'économies sur les charges semi-variables.
Il convient de relever que la société MDSA produit un extrait de son compte d'exploitation sur la période du 01/08/17 au 31/07/18 dont la véracité est attestée par son expert comptable, le cabinet E.C.A, qui permet de vérifier sur cette dernière période un chiffre d'affaires de 138 484,70 euros contre des consommations stocks de 48 821 euros, soit une marge brute de 89 663,17 euros, élément non contredit par l'assureur qui ne fournit pas le détail des calculs de l'expert missionné par lui.
Rien ne prouve qu'au moment du sinistre, la société MDSA avait l'intention de cesser son activité sous l'enseigne BAYARD de sorte que l'argument de l'assureur sur ce point est inopérant.
Par contre, la société MDSA, à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre pas, comme elle le prétend, avoir continué à rémunérer partiellement sa salariée durant la période de fermeture et ne produit pas ses factures d'énergie qui ont été nécessairement réduites en l'absence d'activité dans le magasin.
Aussi, il convient de tenir compte d'une économie de 40% de ce chef de sorte que la marge brute doit être fixée à 53 797,90 euros (89 663,17 x 40%).
Par suite, il est observé que l'action de la société MDSA n'est pas une action en exécution du contrat mais une action en responsabilité pour manquement de son assureur AXA à ses obligations de sorte qu'elle ne peut valablement réclamer sur ce fondement l'indemnisation d'un préjudice sur la période allant du mois d'octobre 2018 au mois de février 2019 dès lors que le retard d'ouverture du magasin en lien avec la faute de l'assureur n'intervient qu'à compter de cette dernière date.
En outre, alors qu'elle disposait des fonds en juin 2019 pour faire réaliser les travaux de remise en état du local commercial et que la faute de l'assureur est sans lien sur le retard pris dans l'exécution des travaux à partir de cette date, l'indemnisation réclamée par l'assuré ne se justifie que sur une période de cinq mois tenant compte d'une période de deux mois pour l'exécution des travaux, soit allant de mars à juillet 2019.
En conséquence, il convient de fixer l'indemnisation à laquelle peut prétendre la société MDSA en suite de la faute commise par AXA à la somme de': 53 797,90/ 250 (nb de jours ouvrés fixés par convention forfaitairement) x 150 jours = 32 278,74 euros.
Il convient donc de condamner l'assureur au paiement de cette somme.
Succombant en ses prétentions, la société AXA France Iard doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel et au paiement d'une indemnité de 3 000 en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Chalon sur Saône le 28 juin 2021 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Condamne la SA Axa France Iard à payer à la SAS MDSA la somme de 32 278,74 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice,
Condamne la SA Axa France Iard aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la SAS Axa France Iard à payer à la SAS MDSA une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le Greffier,Le Président,