La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/07/2022 | FRANCE | N°21/01351

France | France, Cour d'appel de Dijon, 1re chambre civile, 19 juillet 2022, 21/01351


MW/IC















[J] [I]



[O] [I]



C/



[R] [M]



























































































expédition et copie exécutoire

délivrées aux avocats le





r>




COUR D'APPEL DE DIJON



1ère chambre civile



ARRÊT DU 19 JUILLET 2022



N° RG 21/01351 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FZUT



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé rendue le 05 octobre 2021,

par le Président du tribunal judiciaire de Mâcon - RG : 21/00070











APPELANTS :



Monsieur [J] [I]

né le 12 Novembre 1980 à [Localité 11]

[Adresse 4]

[Localité 8]



Monsieur [O] [I]

né le 11 Décembre 1...

MW/IC

[J] [I]

[O] [I]

C/

[R] [M]

expédition et copie exécutoire

délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

1ère chambre civile

ARRÊT DU 19 JUILLET 2022

N° RG 21/01351 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FZUT

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé rendue le 05 octobre 2021,

par le Président du tribunal judiciaire de Mâcon - RG : 21/00070

APPELANTS :

Monsieur [J] [I]

né le 12 Novembre 1980 à [Localité 11]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Monsieur [O] [I]

né le 11 Décembre 1954 à [Localité 7] (03)

[Adresse 9]

[Localité 8]

représentés par Me Géraldine GARON, membre de la SCP GAVIGNET ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 53

INTIMÉ :

Monsieur [R] [M]

né le 11 Juillet 1960 à [Localité 6] (71)

[Adresse 5]

[Localité 1]

assisté de Me Yves CHEVASSON, membre de la SCP GERIGNY & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES, plaidant, et représenté par Me Isabelle QUOIZOLA, avocat au barreau de MACON, postulant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 juin 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Michel WACHTER, Conseiller, chargé du rapport, et Sophie DUMURGIER, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Michel PETIT, Président de chambre, Président,

Michel WACHTER, Conseiller,

Sophie DUMURGIER, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 19 Juillet 2022,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Michel WACHTER, Conseiller, en remplacement du Président empêché, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Par acte du 5 juin 2020, M. [R] [M] a fait l'acquisition auprès de la société Morin de diverses parcelles sises à [Localité 8] (71), dont notamment celle cadastrée section A n° [Cadastre 3].

Un litige est survenu entre M. [M] et M. [J] [I], auquel le premier a reproché d'occuper la parcelle A [Cadastre 3] lui appartenant, d'y entreposer divers matériaux et de puiser l'eau d'un étang.

Par exploit du 30 mars 2021, M. [M] a fait assigner M. [J] [I] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Mâcon aux fins de condamnation, sur le fondement de l'article 809 alinéa 1 du code de procédure civile, à retirer sous astreinte les différents éléments déposés sur son terrain et à remettre en état les sols à leur état d'origine. Il a réclamé par ailleurs le paiement d'une somme provisionnelle de 5 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance et de son préjudice moral.

Par exploits des 9 et 30 juin 2021, M. [M] a fait respectivement assigner M. [J] [I] et M. [O] [I] devant le même juge et aux mêmes fins.

M. [M] a sollicité la jonction des procédures engagées par les trois assignations successives, et a exposé :

- que, lors de l'acquisition des terrains, le représentant de la société Morin avait indiqué devant notaire que le nécessaire avait été réalisé auprès de M. [J] [I] pour qu'il retire les différents éléments présents sur une des parcelles du fait d'une simple tolérance ; qu'il avait été envisagé que la parcelle ainsi occupée soit acquise par les consorts [I], mais qu'en l'absence de réponse de ceux-ci, ce projet n'avait pas été finalisé ; que la construction d'un bâtiment et l'installation de la pompe à eau avaient été réalisées sans aucune autorisation préalable, ce que M. [J] [I] pouvait d'autant moins ignorer qu'il était maire de la commune de [Localité 8] ;

- qu'un trouble manifestement illicite était constitué du fait de l'occupation sans droit ni titre de son terrain par les défendeurs, qui y avaient amassé des matériaux, réalisé un bâtiment et installé une pompe à eau ; que la caractérisation d'un trouble manifestement illicite permettait de prendre les mesures nécessaires pour le faire cesser, malgré l'existence d'une contestation sérieuse ;

- que les défendeurs étaient mal fondés à invoquer la prescription acquisitive, dès lors que des photographies aériennes démontraient l'absence de toute construction et occupation avant 2007 ;

- qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner une expertise pour évaluer la valeur de la parcelle, dès lors qu'il ne souhaitait plus la vendre aux défendeurs.

Les consorts [I] ont soulevé l'irrecevabilité des demandes formées contre M. [J] [I], ont conclu au rejet des demandes de M. [M], et, à titre reconventionnel, ont sollicité la mise en oeuvre d'une mesure d'expertise. Ils ont fait valoir :

- que M. [J] [I] devait être mis hors de cause, les dépôts et constructions étant le fait de M. [O] [I] ;

- que M. [M] avait acquis le terrain en l'état, alors même que les éléments dont il demandait le retrait étaient déjà présents ; que ce terrain était entretenu depuis 1964 par la famille [I], et qu'ils en jouissaient notamment par la mise en place de certains éléments comme les portails, installés en 1981 ; qu'ils allaient engager une action au fond en reconnaissance de la prescription acquisitive de la bande de terrain occupée et de la servitude de puisage sur l'étang ;

- que l'éventuel préjudice de jouissance devait être supporté par le vendeur, et non par eux-mêmes, puisque le fonds avait été acquis en connaissance de cause des éléments présents ;

- qu'une expertise permettrait de déterminer depuis quand les éléments étaient présents sur la parcelle litigieuse, et fournirait une estimation du coût de la parcelle.

Par ordonnance rendue le 5 octobre 2021, le juge des référés a :

- débouté M. [J] [I] de sa demande de jonction de la procédure portant le n° de RG 21/103 avec les procédures portant les n°de RG 21/00070 et 21/00113 ;

- ordonné la jonction des affaires inscrites sous les numéros RG 21/00070 et 21/00113, la procédure étant poursuivie sous le numéro RG 21/00070 ;

- débouté M. [I] de sa demande d'irrecevabilité des prétentions de M. [R] [M] formulées à son encontre ;

- condamné solidairement M. [J] [I] et M. [O] [A] [I], si cela n'a déjà été réalisé, à retirer de la parcelle de M. [R] [M] sise lieudit [Localité 10] à [Localité 8] cadastrée section A n°[Cadastre 3], sous astreinte provisoire quotidienne de 100 euros pendant trois mois passé un délai de 31 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, les différents matériaux et construction présents et relevés notamment lors des deux procès verbaux de constat de Me [W] [Z] des 5 et 22 octobre 2020 :

* les piles de dalles de gravillons lavés, les blocs de ciment creux, les armatures métalliques, les tubes plastiques, les plaques ondulées, les poteaux en béton, les plaques de tôle ondulée, les pierres de taille ;

* les plaques de béton représentant une surface d'environ 22 m² ;

* le bâtiment constitué de tôles métalliques de 21m² entouré de plaques de gravillons lavés constituant également le sol ;

* les déchets végétaux représentant plusieurs mètres cubes ;

* les deux petites cases contenant du gravillon ;

* les deux bacs contenant, l'un du sable l'autre du sable mélangé à des gravillons ;

* le tuyau rigide sortant de l'étang d'une section de 5 à 6 centimètres environ ;

* le tuyau en plastique gris présentant un diamètre d'une dizaine de centimètres environ et la gaine plastique d'un diamètre d'environ deux centimètres, tous deux orientés en direction de l'étang ;

* le portillon métallique au niveau de la borne BA sur la limite séparative des parcelles cadastrées section A n°[Cadastre 3] et section A n°[Cadastre 2] ;

* le grand portail double battant au nord de la borne BA sur la limite séparative des parcelles cadastrées section A n°[Cadastre 3] et section A n°[Cadastre 2] ;

* à remettre en état d'origine les sols de la partie de parcelle de M. [R] [M] sise lieudit [Localité 10] à [Localité 8] cadastrée section A n°[Cadastre 3] ayant supporté le bâtiment constitué de plaques de gravillons pavés et ayant accueilli les tuyaux et les gaines plastiques enterrés ;

- dit n'y avoir lieu à référé concernant la demande de provision de M. [R] [M] ;

- rejeté la demande expertale formulée par M. [J] [I] et M. [O] [A] [I] ;

- condamné solidairement M. [J] [I] et M. [O] [A] [I] à verser à M. [R] [M] la somme totale de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté le surplus des demandes ;

- condamné solidairement M. [J] [I] et M. [O] [A] [I] aux entiers dépens ;

- rappelé que la présente ordonnance est exécutoire par provision.

Pour statuer ainsi, le juge des référés a retenu :

- que l'instance était diligentée à l'encontre des personnes que M. [M] considérait comme responsables des désordres, et non à l'encontre des propriétaires de la propriété voisine de la sienne ; qu'il ressortait du procès verbal d'audition du 4 février 2020 que M. [J] [I] indiquait notamment qu'il avait l'habitude d'utiliser la parcelle n° [Cadastre 3], et qu'il y avait entreposé des choses ; que l'irrecevabilité soulevée concernant M. [J] [I] apparaissait prématurée en l'état et au regard des éléments portés au débat, notamment de l'imprécision quant à la détermination exacte de l'auteur des faits allégués par le demandeur, et qu'il appartiendrait le cas échéant au juge du fond de se prononcer sur tous les aspects du litige ;

- qu'il résulte du titre de propriété de M. [M] qu'aucune mention de l'existence d'une servitude de puisage ou de passage au profit des défendeurs n'y était évoquée, et que ce titre de propriété n'avait pas été contesté par les consorts [I] antérieurement à la présente instance, et alors même qu'ils se prévalaient de l'existence d'un entretien continu de la partie de la parcelle litigieuse et d'un droit de puisage depuis plusieurs années ; qu'à l'inverse, à plusieurs reprises, les défendeurs avaient fait part de leur intention d'acheter le terrain litigieux ; que l'existence d'une contestation sérieuse ne faisait pas obstacle à ce que soit reconnu un trouble manifestement illicite, comme en disposait l'article 835 alinéa 1 du code procédure civile, de sorte qu'il convenait d'écarter le moyen des défendeurs fondé sur la prescription acquisitive et sur la présence d'une servitude de puisage ;

- que l'occupation sans droit ni titre d'un immeuble appartenant à autrui constituait un trouble manifestement illicite ; que la présence des éléments évoqués par M. [M] était établie par deux procès-verbaux de constat d'huissier ; que, dans un courrier récapitulatif du 23 février 2021, M. [C] [S] notait que M. [O] [I] s'était engagé à retirer le bâtiment édifié sur la partie litigieuse de la parcelle ainsi qu'à arrêter le pompage de l'eau de l'étang, et que par LRAR du 4 mai 2021, la Direction départementale des territoires de Saône et Loire avait indiqué à M. [O] [I] la nécessité de régulariser la construction sans permis du bâtiment ou de l'enlever ; que les défendeurs utilisaient la parcelle acquise par M. [M], ce que confirmait leurs propres aveux ;

- qu'il y avait dès lors lieu de faire droit à la demande de retrait des éléments et de remise en état des sols ;

- que M. [M] mentionnait la mise en danger de la faune et de la flore de l'étang, mais ne versait aucun document permettant de démontrer une baisse de la hauteur de l'eau ni la mise en péril de moules d'eau douce ; que, de même, aucun élément ne permettait de démontrer l'existence d'un projet de M. [M] sur sa propriété qui serait empêché du fait de la présence de matériaux ou d'une construction sur une partie de sa parcelle ; qu'il convenait en outre de noter que M. [M] avait pris possession de la parcelle litigieuse en l'état ; que la demande de provision n'était ainsi nullement étayée ;

- que les défendeurs ne démontraient pas détenir un motif légitime pour voir ordonner une expertise.

MM [J] et [O] [I] ont relevé appel de cette décision le 19 octobre 2021, sauf en ses dispositions relatives à la jonction.

Par ordonnance du 4 janvier 2022, la première présidente de la cour d'appel de Dijon a débouté MM [I] de leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

Par conclusions n°4 notifiées le 17 juin 2022, les appelants demandent à la cour :

Vu les articles 760 et suivants du code de procédure civile,

Vu les articles 122 et 123 du code de procédure civile,

Vu l'article 145 du code de procédure civile,

- de dire et juger MM [J] et [O] [I] recevables et bien fondés en leurs appels ;

- d'infirmer l'ordonnance rendue le 5 octobre 2021 et statuant de nouveau :

- de constater l'absence de trouble illicite ou de dommage imminent ;

- de débouter M. [M] de sa demande de faire débarrasser les lieux sous astreinte ;

A titre subsidiaire,

- de condamner tout au plus, MM [J] et [O] [I] à retirer de la parcelle A n°[Cadastre 3] :

* les piles de dalles, blocs de ciments, etc ;

* les déchets verts ;

* les gravillons, le sable ;

- de condamner M. [O] [I] uniquement à retirer de la parcelle A n°[Cadastre 3] :

* le cabanon en tôles métalliques ;

- de débouter M. [M] de ses demandes au titre du retrait :

* du portillon et du grand portail ;

* des tuyaux qui sortent de l'étang ;

* des aménagements de la berge ;

* de la remise en état des sols 'en état d'origine' ;

- d'ordonner une expertise de la parcelle litigieuse et de désigner tel expert afin de se rendre sur les lieux et :

* faire le constat des éléments ce qui se trouvent sur la parcelle ou en bord de parcelles comme :

- les tuyaux enterrés et éléments pour faire venir l'eau sur les parcelles voisines appartenant aux [I]-[K] ;

- les grillages et portails ;

- le cabanon ;

* dater de manière la plus précise possible les éléments listés et l'origine de leur construction ;

* métrer et chiffrer le coût de la parcelle utilisée ;

- de débouter M. [M] de toute demande contraire ;

- de déclarer irrecevable la demande de liquidation d'astreinte ;

A titre subsidiaire,

- de débouter M. [M] de sa demande de liquidation d'astreinte ;

- de dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de dire et juger que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Par conclusions n°5 notifiées le 20 juin 2022, M. [M] demande à la cour :

Vu les articles 66 et 367 du code de procédure civile,

Vu les articles 544 et 545 du code civil,

Vu l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile,

Vu les articles 131-2, 131-3 du code de procédure civile,

- de déclarer non fondé l'appel formé par MM [I] [J] et [I] [O] à l'encontre de l'ordonnance déférée ;

- de débouter MM [I] [J] et [I] [O] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- reconventionnemment (sic), de liquider l'astreinte provisoire quotidienne de 100 euros fixée par ordonnance de référé de M. le président du tribunal judiciaire de Mâcon du 5 octobre 2021 pour la période du 13 novembre 2021 au 13 février 2022 à la somme de 9 200 euros ;

- de prononcer au titre de l'ordonnance déférée pour les mêmes causes aux fins d'exécution à l'égard de MM [I] [J] et [I] [O] une astreinte définitive quotidienne de 300 euros à compter du 14 février 2022 ;

- de dire et juger que le juge des référés du tribunal judiciaire de Mâcon restera compétent pour la liquidation de l'astreinte définitive ;

- de condamner solidairement MM [I] [J] et [I] [O] à payer à M. [M] [R] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

A titre liminaire, il y a lieu de confirmer l'ordonnance déférée s'agissant des jonctions, et en ce qu'elle a rejeté la demande de paiement d'une provision formée par M. [M], ces dispositions n'étant pas remises en cause à hauteur d'appel.

Le premier juge a rappelé à bon droit que le fait pour une partie d'occuper sans droit ni titre la propriété d'autrui constituait en lui-même un trouble manifestement illicite qu'il appartenait au juge des référés de faire cesser.

Pour contester en l'espèce l'existence d'un trouble manifestement illicite, les consorts [I] font valoir en premier lieu qu'ils n'étaient pas dépourvus de droit ou de titre, dès lors qu'ils étaient fondés à invoquer à leur profit la prescription acquisitive concernant la partie de la parcelle A [Cadastre 3] sur laquelle sont entreposés les matériaux litigieux.

Force est cependant de constater qu'en l'état des pièces produites, l'usucapion alléguée n'est étayée que par des attestations dépourvues de valeur probante particulière comme émanant de proches liés aux appelants par une communauté d'intérêt évidente. Elle est en revanche contredite par les photographies aériennes versées par l'intimé, qui ne révèlent la présence de dépôts sur le fonds aujourd'hui propriété de M. [M] que depuis 2009 au plus tôt, mais aussi par diverses déclarations faites par les consorts [I] aux services de gendarmerie ou encore aux services préfectoraux, par lesquelles ils confirment eux-mêmes n'avoir jamais été propriétaires de la parcelle A [Cadastre 3]. Par ailleurs, il a été à juste titre souligné que la proposition faite par les consorts [I] au précédent propriétaire de la parcelle A [Cadastre 3] d'acquérir la partie occupée de ce fonds est elle-aussi incompatible avec l'argumentation développée par les appelants, dès lors que ceux-ci n'avaient manifestement aucun intérêt à proposer l'achat d'un terrain dont ils se seraient d'ores et déjà estimés propriétaires du fait de la prescription.

Les consorts [I] soutiennent ensuite qu'il ne saurait y avoir trouble manifestement illicite dès lors qu'ils disposeraient sur le fonds voisin d'une servitude de puisage et d'une servitude de passage. Outre le fait que l'argument tiré de la servitude de passage semble difficilement conciliable avec l'affirmation par ailleurs d'une usucapion, il sera rappelé que les servitudes invoquées s'analysent en des servitudes discontinues qui ne s'acquièrent que par titre. Or, il n'est ni démontré, ni même allégué qu'il existe en l'espèce un quelconque titre constatant les servitudes invoquées, pour la démonstration desquelles les appelants ne proposent que des attestations dont il a au surplus déjà été souligné le caractère non probant.

Enfin, les consorts déduisent l'absence de trouble manifestement illicite du fait que M. [M] avait acquis la parcelle A [Cadastre 3] en l'état, et que les dépôts litigieux étaient préexistants à la vente, alors que cette mention, qui régit les relations entre le vendeur et l'acquéreur, ne prive aucunement ce dernier de poursuivre la libération des lieux par un occupant sans droit ni titre. C'est également vainement que les consorts [I] prétendent voir rejeter la demande de M. [M] par application de la règle selon laquelle 'en fait de meubles, possession vaut titre', alors que l'intimé n'a jamais prétendu être propriétaire des matériaux dont il réclame l'évacuation.

C'est ainsi à bon droit que le premier juge a retenu l'existence d'un trouble manifestement illicite du fait de la présence sur le fonds de M. [M] de divers matériaux.

Le moyen tiré par les appelants d'une distinction entre les auteurs des dépôts, qui s'opposerait à ce qu'ils soient solidairement condamnés à l'enlèvement des biens, a été à juste titre écarté par le juge des référés, compte tenu de la confusion engendrée à cet égard par les déclarations des intéressés eux-mêmes, qui, si elles confirment l'intervention de chacun d'eux dans l'occupation de la parcelle voisisne, ne permettent pas, en l'état, de distinguer l'étendue précise de leurs agissements respectifs.

Il y a également lieu de rejeter le moyen tiré par les consorts [I] de la circonstance que certaines des installations dont il est demandé le retrait auraient été mises en place, non par eux-mêmes, mais par leurs auteurs, alors qu'il est constant qu'à ce jour ce sont eux qui occupent les lieux et utilisent ces équipements, peu important dès lors qu'ils soient ou non personnellement à l'origine de leur mise en place.

L'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a condamné solidairement les consorts [I] à retirer les divers matériaux et équipements listés au dispositif de la décision, sauf s'agissant du portillon métallique et du grand portail. La cour observe en effet, à la lecture des pièces produites, notamment les constats d'huissiers, que la formulation de ceux-ci est ambiguë s'agissant de la localisation précise des portails sur le fonds de M. [M] ou sur celui, voisin, de M. [I], alors que les photographies produites sont à cet égard sans enseignement particulier. L'infirmation s'impose donc sur ce point.

La décision entreprise sera également infirmée en ce qu'elle a ordonné la remise des sols en état d'origine, cette formulation manquant de précision en l'absence de descriptif de référence, et aucune pièce ne permettant de déterminer l'état exact dans lequel se trouvaient les sols avant l'intervention des consorts [I].

C'est ensuite à bon droit que le juge des référés a rejeté la demande d'expertise formée à titre subisidiaire par les consorts [I]. La cour observe en effet que cette prétention est formée au visa de l'article 145 du code de procédure civile, et a pour objet de fournir des éléments d'appréciation s'agissant de la prescription acquisitive que les appelants invoquent à leur profit. Or, une expertise in futurum ne peut plus être ordonnée sur ce point, dès lors que le litige est né, les consorts [I] ayant en effet d'ores et déjà saisi le juge du fond de leur demande de reconnaissance de la prescription acquisitive.

Les demandes de liquidation de l'astreinte prononcée par le premier juge, et de fixation d'une astreinte définitive formées par M. [M] sont irrecevables, comme n'ayant pas été formulées dans les premières écritures d'appel de l'intimé, notifiées le 17 février 2022, étant ajouté qu'elles sont en tout état de cause mal fondées, dès lors que le premier juge ne s'est pas réservé la liquidation de l'astreinte, laquelle relève dès lors de la seule compétence du juge de l'exécution.

L'ordonnance querellée sera confirmée s'agissant des frais irrépétibles et des dépens.

Les consorts [I] seront condamnés aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à M. [M] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

Infirme l'ordonnance rendue le 5 octobre 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Mâcon en ce qu'elle a condamné solidairement M. [J] [I] et M. [O] [I] :

* à retirer :

- le portillon métallique au niveau de la borne BA sur la limite séparative des parcelles cadastrées section A n°[Cadastre 3] et section A n°[Cadastre 2] ;

- le grand portail double battant au nord de la borne BA sur la limite séparative des parcelles cadastrées section A n°[Cadastre 3] et section A n°[Cadastre 2] ;

* à remettre en état d'origine les sols de la partie de parcelle de M. [R] [M] sise lieudit [Localité 10] à [Localité 8] cadastrée section A n°[Cadastre 3] ayant supporté le bâtiment constitué de plaques de gravillons pavés et ayant accueilli les tuyaux et les gaines plastiques enterrés ;

Statuant à nouveau de ces chefs :

Rejette les demandes formées par M. [M] à ce titre ;

Confirme l'ordonnance déférée pour le surplus ;

Y ajoutant :

Déclare irrecevables les demandes formées par M. [M] aux fins de liquidation d'astreinte et de fixation d'une astreinte définitive ;

Condamne M. [J] [I] et M. [O] [I] à payer à M. [M] la somme de 1 500 euros  en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [J] [I] et M. [O] [I] aux dépens d'appel.

Le Greffier,Le Conseiller

en l'absence du Président empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01351
Date de la décision : 19/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-19;21.01351 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award