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07/07/2022 | FRANCE | N°20/01445

France | France, Cour d'appel de Dijon, 2 e chambre civile, 07 juillet 2022, 20/01445


FV/IC















[C] [S]



C/



[U] [T] épouse [D]

































































































Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL

DE DIJON



2ème chambre civile



ARRÊT DU 07 JUILLET 2022



N° RG 20/01445 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FSN4



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : au fond du 06 novembre 2020,

rendue par le tribunal paritaire des baux ruraux de Chalon sur Saône

RG : 51-19-08







APPELANT :



Monsieur [C] [S]

né le 16 Décembre 1954 à [Localité 5] (71)

domicilié :

[Adresse 3]

[Localité 8]



non comparant, représenté par...

FV/IC

[C] [S]

C/

[U] [T] épouse [D]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

2ème chambre civile

ARRÊT DU 07 JUILLET 2022

N° RG 20/01445 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FSN4

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 06 novembre 2020,

rendue par le tribunal paritaire des baux ruraux de Chalon sur Saône

RG : 51-19-08

APPELANT :

Monsieur [C] [S]

né le 16 Décembre 1954 à [Localité 5] (71)

domicilié :

[Adresse 3]

[Localité 8]

non comparant, représenté par Me Vincent BARDET, membre de la SELARL BARDET LHOMME, avocat au barreau de MACON

INTIMÉE :

Madame [U] [T] épouse [D]

née le 13 Mars 1932 à [Localité 7] (71)

domiciliée :

[Adresse 1]

[Localité 2]

non comparante, représentée par Me Jean-Michel BROCHERIEUX, membre de la SCP BROCHERIEUX - GUERRIN-MAINGON, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 24

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 mai 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, Président, ayant fait le rapport,

Sophie DUMURGIER, Conseiller,

Michel WACHTER, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 07 Juillet 2022,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Sylvie RANGEARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Madame [U] [D] est propriétaire d'une parcelle de terre cadastrée en section ZI n°[Cadastre 4] lieu dit [Adresse 6]) pour une surface totale de 1 hectare 19 ares et 80 centiares.

Selon bail verbal, cette parcelle est donnée en exploitation à Monsieur [C] [S], à la suite de son père et de son grand père.

Monsieur [C] [S] rejoint l'Earl Bardoux par acte du 2 mars 2017, et une convention de mise à disposition des parcelles exploitées par Monsieur [C] [S], dont celle de Madame [D], est régularisée entre celui-ci et l'Earl Bardoux le 2 mars 2017, à effet le 1er mars 2017.

Par acte d'huissier du 6 février 2019, Madame [D] fait délivrer un congé à effet au 11 novembre 2019 au visa des dispositions de l'article L. 411- 64 du code rural à Monsieur

[S] [C] qui a atteint l'âge de la retraite.

Par requête reçue au greffe le 3 juin 2019, Monsieur [C] [S] saisit le tribunal paritaire des baux ruraux de Chalon sur Saône aux fins de contester la validité de ce congé.

Aucune conciliation n'intervient entre les parties à l'audience du 9 septembre 2019.

Après plusieurs renvois, l'affaire est retenue à l'audience du 7 septembre 2020.

Monsieur [C] [S] demande alors au tribunal, aux visas des articles L. 411-64 et L. 732- 39 du code rural de :

- dire et juger qu'il est recevable et bien fondé à conserver et à poursuivre la mise en valeur de la parcelle dépendant de la propriété de Madame [D] au titre de l'exploitation de subsistance,

- dire et juger nul et de nul effet le congé signifié le 6 février 2019,

- condamner Madame [D] à lui régler une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de l'instance.

Il fait notamment valoir à l'appui de ses demandes que le congé délivré par Madame [D] est nul du fait qu'il porte sur une parcelle de subsistance, en application des articles L. 411- 64 et L. 732 -39 du code rural ; qu'il a déposé sa demande de retraite le 23 décembre 2019, pour une prise d'effet au 1er juillet 2020; que pour apprécier la condition de superficie prévue par la loi, il faut se placer à la date d'effet du congé ; qu'en tout état de cause, il sera en mesure, à compter du 1er juillet 2020, de justifier par la production d'une attestation de la Caisse Régionale de Mutualité Sociale Agricole de Bourgogne qu'il n'exploite directement qu'une superficie inférieure à 2,5 hectares, comprenant la parcelle querellée, et qu'enfin, l'existence d'une fraude aux droits du bailleur ne peut être déduite du seul fait que le preneur décide de conserver pour sa subsistance les terres données à bail et non celles dont il est propriétaire.

Madame [U] [D] demande au tribunal, aux visas de l'article L. 411- 64 du code Rural, de :

- débouter Monsieur [S] de ses demandes,

- le condamner à lui verser une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire.

Elle soutient que Monsieur [S] ne justifie aucunement avoir fait valoir ses droits à la retraite ; qu'il exploite toujours en qualité d'associé exploitant de l'Earl Bardoux des parcelles d'une superficie totale de 60 ha 17a et 71ca, soit une superficie bien supérieure au seuil de 2,5 ha retenu pour définir la superficie de subsistance pouvant être exploitée et mise en valeur par un agriculteur à la retraite, et qu'en tout état de cause il est de parfaite mauvaise foi et agit en fraude des droits de la bailleresse en souhaitant poursuivre l'exploitation de l'unique parcelle de cette dernière alors qu'il dispose de parcelles similaires plus proches de son domicile.

Par jugement du 6 novembre 2020, le tribunal :

- Déclare valable le congé signifié par Madame [U] [D] à Monsieur [C] [S] le 6 février 2019 à effet au 11 novembre 2020 pour cause d'atteinte par celui-ci de l'âge de la retraite, en application de l'article L. 411-64 du code rural,

-Condamne Monsieur [C] [S] à verser à Madame [U] [D] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- Condamne Monsieur [C] [S] aux entiers dépens,

- Constate l'exécution provisoire de plein droit de cette décision.

Pour statuer ainsi, le tribunal retient :

- que pour l'application des articles L. 411- 64 et L. 732- 39 du code rural, doivent être prises en considération les parcelles réellement exploitées et mises en valeur par le preneur ayant atteint l'age de la retraite ;

- que Monsieur [C] [S] aura atteint l'âge de la retraite au 11 novembre 2020 ;

- que s'il verse aux débats un formulaire renseigné de demande de retraite personnelle daté du 23 décembre 2019 pour prise d'effet le 1er juillet 2020, cette demande n'a fait l'objet d'aucun accusé de réception et n'est pas visée par la MSA, et qu'il n'est produit aucune pièce permettant d'établir qu'il a fait valoir ses droits à la retraite à effet au 1er juillet 2020 et qu'il a cessé son activité d'exploitant agricole à cette date ;

- qu'il doit en conséquence être considéré qu'il est toujours exploitant agricole et associé exploitant de l'Earl Bardoux à la disposition de laquelle il a mis depuis le 1er mars 2017 les parcelles qu'il exploite pour une superficie totale de 60 hectares 17 ares et 71 centiares ;

******

Monsieur [C] [S] fait appel par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel le

7 décembre 2020.

Par conclusions reçues au greffe le 28 avril 2022 auxquelles 18 pièces sont annexées, il demande à la cour d'appel de :

' Vu l'acte introductif d'instance,

Vu les écritures des parties et les pièces produites aux débats,

Vu les jugements rendus par le tribunal paritaire des baux ruraux de Chalon sur Saône les 9 novembre 2018 et 2 août 2019,

Vu e congé signifié le 6 février 2019,

Vu le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Chalon sur Saône le 6 novembre 2020,

Vu les articles L 411-64 et L 732-39 du code rural,

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Chalon sur Saône le 6 novembre 2020,

Statuant à nouveau,

- Constater que Monsieur [C] [S] a fait valoir ses droit à la retraite à compter du 1er mai 2020,

- Constater que Monsieur [C] [S] a quitté l'Earl Bardoux à compter du 30 juin 2020,

- Constater que Monsieur [C] [S] remplissait bien toutes les conditions prévues par l'article L 411-64 du code rural au 11 novembre 2020, date d'effet du congé,

En conséquence,

- Prononcer la nullité du congé signifié le 6 février 2019,

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,

- Condamner Madame [D] à régler à Monsieur [S] une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Mme [D] aux entiers dépens de première instance et d'appel.'

Le conseil de Monsieur [S] dépose le 4 mai 2022 de nouvelles conclusions auxquelles sont annexées 3 pièces complémentaires.

Par conclusions déposées le 4 mai 2022 et développées à l'audience, Madame [U] [T] épouse [D] demande à la cour de :

' Confirmer le jugement dont appel,

Vu les dispositions de l'article 939 du code de procédure civile,

- Ecarter des débats les prétentions, moyens et pièces communiquées tardivement le 4 mai 2022 par Monsieur [C] [S],

Vu les dispositions de l'article L 411-64 du code rural,

- Débouter Monsieur [S] de ses demandes et contestations.

- Déclarer valable le congé signifié par Madame [U] [D], propriétaire de la parcelle ZI [Cadastre 4] au lieu-dit [Adresse 6] à Monsieur [C] [S] le 6 février 2019.

- Ordonner l'expulsion de Monsieur [C] [S], ainsi que de tout occupant de son titre ou de son chef.

- Condamner Monsieur [C] [S] à verser pour la procédure suivie devant la cour d'appel de Dijon une indemnité de 3.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner Monsieur [C] [S] aux entiers dépens.'

A l'audience du 5 mai 2022, le conseil de Monsieur [S] développe les écritures déposées le 28 avril 2022.

Sur interrogation de la cour il précise que Monsieur [S] n'a effectivement pas déposé la déclaration prévue par l'article L 330-5 du code rural, en ajoutant qu'elle n'a selon lui pas de caractère obligatoire en l'espèce. Il ajoute que les parcelles dont il est propriétaire sont données bail à l' Earl Bardoux.

MOTIVATION :

Sur les dernières écritures et les pièces annexées déposées pour le compte de Monsieur [C] [S] :

Aux termes de l'article 939 du code de procédure civile, 'Lorsque l'affaire n'est pas en état d'être jugée, son instruction peut être confiée à un des membres de la chambre. Celui-ci peut être désigné avant l'audience prévue pour les débats. Le magistrat chargé d'instruire l'affaire organise les échanges entre les parties comparantes dans les conditions et sous les sanctions prévues à l'article 446-2.'

L'article 446-2 du code de procédure civile prévoit en son dernier alinéa que 'Le juge peut écarter des débats les prétentions, moyens et pièces communiquées sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense.'

En l'espèce, alors que Monsieur [C] [S] a fait appel du jugement le 5 décembre 2020, aucune écriture n'a été déposée avant le 15 mars 2022, date à laquelle le dossier a été appelé à une audience de conférence du président.

A cette audience, et avec l'accord des conseils des parties, il a été fait injonction à l'appelant de conclure avant le 22 mars 2022, et à l'intimée de répliquer avant le 15 avril 2022, la date de l'audience de plaidoiries étant fixée au 5 mai 2022.

Il ressort du dossier que, sans faire état de la moindre difficulté, le conseil de Monsieur [S] n'a déposé ses premières conclusions d'appelant au greffe que le 28 avril 2022 après les avoir adressées à son adversaire par courriel du 26 avril et lui avoir communiqué ses pièces par le même mode de communication le 27 avril 2022.

Le conseil de Madame [D] ayant répliqué par conclusions déposées au greffe de la cour le 29 avril 2022, celui de Monsieur [S] lui adresse de nouvelles écritures le 4 mai 2022, conclusions comportant 3 pages de plus que les précédentes, et auxquelles trois nouvelles pièces sont annexées.

A l'évidence la tardiveté des dernières écritures déposées pour le compte de l'appelant porte atteinte aux droits de la défense de Madame [D].

Ces écritures et nouvelles pièces ne peuvent qu'être écartées des débats, et la cour statue au vu des conclusions déposées le 28 avril et des 18 pièces qui y sont annexées.

Sur le fond du dossier :

Monsieur [S] expose que le 25 octobre 2017, Madame [D], par l'entremise de Me [V], notaire, lui a notifié un projet de vente de la parcelle litigieuse au regard de son droit de préemption ; qu'il a contesté les modalités de cette vente et son prix ; que par jugement du 9 novembre 2018, le tribunal paritaire des baux ruraux a ordonné une expertise pour déterminer la valeur vénale de la parcelle ; que l'expertise a eu lieu le 24 janvier 2019, et que soudain Mme [D] a indiqué qu'elle renonçait à son projet de vente, ce dont le tribunal a pris acte par jugement du 2 août 2019.

Il ajoute que contre toute attente le tribunal, reprenant l'argumentation de la bailleresse, a considéré qu'il ne justifiait pas avoir fait valoir ses droits à la retraite, alors qu'à plusieurs reprises lors de l'audience du 7 septembre 2020 il a fait valoir que la clôture des débats semblait prématurée, les démarches de départ à la retraite étant en cours d'accomplissement puisqu'il avait déposé sa demande le 23 décembre 2019 pour une retraite au 1er juillet 2020.

Il estime que Mme [D] ne peut pas sérieusement lui opposer le fait que, lors de la précédente procédure, il avait indiqué être exploitant agricole associé de l'Earl Bardoux.

Il rappelle que pour apprécier la condition de superficie, il faut se placer à la date d'effet du congé, soit en l'espèce au 11 novembre 2020 ; que s'il a effectivement mis à la disposition de l'Earl les parcelles qu'il louait, cette mise à disposition devait, selon la convention, cesser le jour de son départ à la retraite, et qu'au moment de son départ à la retraite, il a cessé d'exploiter ces parcelles sauf celle de Mme [D] qu'il conserve au titre de la subsistance ; qu'il justifie par une attestation M.S.A. du 30 juillet 2020 du fait qu'il bénéficie d'une retraite non salarié agricole droit propre depuis le 1er mai 2020, et que lors de son assemblée générale du 20 octobre 2020, l' Earl a acté son retrait à effet au 30 juin 2020, les statuts étant modifiés en conséquence.

Il ajoute que la jurisprudence admet que le bailleur ne peut déduire l'existence d'une fraude du seul fait que le preneur décide de conserver pour sa subsistance les terres données à bail et non celles dont il est propriétaire.

Madame [D], qui précise que Monsieur [S] est son cousin, expose qu'il était également preneur d'une parcelle voisine appartenant à son frère ; que son frère et elle ont décidé de vendre leurs parcelles respectives, et que Monsieur [S] a accepté d'acheter celle de son frère sur la base de 7 000 euros l'hectare, mais a contesté le prix de la sienne pourtant calculé sur la même base ; que devant le tribunal, elle a signalé qu'elle ne comprenait pas son attitude alors qu'il avait déclaré qu'il arrêtait son activité et prenait sa retraite ; qu'il a alors affirmé le contraire dans ses écritures .

Elle ajoute qu'elle a préféré arrêter la première procédure et lui notifier un congé pour âge de la retraite, et qu'il a attendu le dernier jour du délai pour le contester en invoquant une exploitation de subsistance ; que devant le tribunal, dans le cadre de la procédure sur le droit de préemption, il a justifié mettre à disposition de l'Earl 60 ha 71 a 71 ca dont 30 ha 45 a 70 ca lui appartenant, et qu'il est également propriétaire sur la commune de Saunières d'une parcelle de 1 ha 50 a.

Elle souligne qu'en première instance, Monsieur [S] n'a pas justifié de la réception par la M.S.A. de sa demande de retraite et que les statuts de l'Earl n'étaient pas modifiés, alors qu'il avait largement le temps de le faire et que l'attestation de la M.S.A. qu'il produit devant la cour remonte au 30 juillet 2020 ; qu'en tout état de cause, si la cour lui donne raison, il devra supporter les dépens et être condamné sur le fondement de l'article 700.

Invoquant les dispositions de l'article L 330-5 du code rural, elle soutient que pour bénéficier du régime dérogatoire de l'article L 732-39 du code rural, l'agriculteur a l'obligation de déclarer les parcelles qu'il exploite au titre de la superficie de subsistance ; que cette déclaration imposée par l'article L 330-5 du code rural est la déclaration d'intention de cessation d'activité (DICAA) prévue par le formulaire CERFA 14453 02, et que la demande de conservation d'une parcelle de subsistance doit être signalée lors du renvoi de ce formulaire ; que la demande est alors transmise à la Direction Départementale du Territoire ; que Monsieur [S] ne justifie pas avoir respecté ce formalisme et surtout avoir déclaré auprès des services de l'administration la parcelle de Madame [D] comme étant une parcelle de subsistance pour pouvoir bénéficier du régime dérogatoire de l'article L 732-39 du code rural.

Elle ajoute que Monsieur [S] n'apporte aucunement la preuve du devenir du parcellaire important dont il est propriétaire, et ne s'explique par sur son choix de reprendre uniquement la parcelle de sa cousine d'une superficie de 1ha 19a 80 ca, alors qu'il dispose de parcelles similaires proches de son domicile et qu'elle même n'est propriétaire que de cette parcelle ; que le droit du preneur en place à conserver une parcelle a une limite de principe qui est la mauvaise foi, voire l'intention de nuire afin de porter atteinte aux droits du bailleur, propriétaire d'une unique parcelle de terre.

Pour apprécier la condition de superficie permettant au preneur de conserver après son départ à la retraite une parcelle louée au titre de la subsistance par application de l'article L 732-39 du code rural, il faut se placer à la date d'effet du congé, soit en l'espèce au 11 novembre 2020.

Il ressort des pièces produites par Monsieur [S] devant la cour qu'à cette date il bénéficiait d'une retraite de la M.S.A. à effet au 1er mai 2020, et s'était retiré de l'Earl Bardoux à effet au 30 juin 2020.

La cour, tout comme Madame [D], ne peut que constater qu'aucune explication cohérente n'est fournie par l'appelant M. [S] concernant l'absence de production lors de l'audience du 7 septembre 2020 de l'attestation justifiant de sa mise à la retraite datée du 30 juillet 2020, et le délai de régularisation de sa situation vis-à-vis de l'Earl alors que son admission à la retraite remontait au 1er mai 2020, ce dont il ne pouvait qu'avoir été informé. C'est donc à tort qu'il reproche aux premiers juges d'avoir déclaré valable le congé 'contre toute attente'.

Monsieur [C] [S], qui ne conteste pas être propriétaire sur la commune de [Localité 8] de parcelles pour une superficie totale de 30 ha 45 a 70 ca et sur la commune de [Localité 7] d'une parcelle de 1 ha 50 ca, soutient à l'audience de la cour avoir donné à bail à l'Earl la totalité des parcelles qu'elle exploitait auparavant dans le cadre de la convention de mise à disposition, mais n'en justifie pas.

Ainsi, il n'est pas établi devant la cour qu'il n'exploite plus aucune parcelle autre que celle propriété de Madame [D] et remplit ainsi la condition liée à la superficie pour bénéficier des dispositions de l'article L 732-39 du code rural.

D'autre part, l'article L 330-5 du code rural dispose que: 'Sauf en cas de force, trois ans au moins avant leur départ en retraite, les exploitants agricoles font connaître à l'autorité administrative leur intention de cesser leur exploitation et les caractéristiques de celle-ci et indiquent si elle va devenir disponible ('). Cette notification est nécessaire pour bénéficier éventuellement à la date prévue de l'autorisation de poursuivre la mise en valeur de l'exploitation ou d'une partie de celle-ci dans les conditions prévues aux articles L 732-39 et L 732-40.'

Il ressort clairement de ces dispositions, qui ne distinguent pas les hypothèses selon lesquelles le preneur partant à la retraite entend bénéficier des dispositions de l'article L 732-39 du code rural ou de l'article L 732-40, que cette déclaration est un préalable qui s'impose à lui.

Monsieur [C] [S] par la voix de son conseil a reconnu lors de l'audience de la cour qu'il n'avait pas déposé une telle déclaration.

D'autre part, s'il ne peut pas être déduit l'existence d'une fraude du seul fait que le preneur décide de conserver pour sa subsistance les terres données à bail et non celles dont il est propriétaire, les conditions et circonstances dans lesquelles ce choix est fait peuvent permettre de retenir l'existence d'une telle fraude.

En l'espèce, il ressort des éléments produits par Madame [D], et notamment du plan sur lequel figurent des parcelles propriété de Monsieur [S] et la parcelle litigieuse, que l'appelant est propriétaire sur le même secteur géographique de parcelles similaires à celle appartenant à l'intimée et présentant au surplus l'avantage d'être plus proches de son domicile, ce qu'il ne conteste pas. Il ne justifie pas par ailleurs d'une impossibilité de ne donner à bail à l' Earl Bardoux qu'une partie de ses parcelles.

Enfin, Monsieur [S] ne conteste pas qu'il a acquis une parcelle propriété du frère de Madame [D] et voisine de la propriété de cette dernière sur la base de 7 000 euros l'hectare alors qu'il a contesté cette valeur pour l'achat de la parcelle de l'intimée. Si une telle contestation ressortait de son droit de preneur, l'absence d'explications de l'appelant sur cette différence de traitement permettent se soupçonner un conflit de personne entre lui et Madame [D].

L'ensemble de ces éléments établissent que Monsieur [S] entend abuser de son droit en revendiquant le maintien du bail sur l'unique parcelle propriété de sa cousine.

L'ensemble de ces éléments justifient la confirmation du jugement du tribunal paritaire des baux ruraux.

PAR CES MOTIFS

Ecarte des débats les conclusions déposées le 4 mai 2022 par Monsieur [C] [S] et les pièces n° 19 à 21 qui y sont annexées,

Confirme le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Chalon sur Saône en date du 6 novembre 2020 en toutes ses dispositions,

Condamne Monsieur [C] [S] aux entiers dépens,

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [C] [S] à verser à Madame [U] [T] épouse [D] 2 000 euros pour ses frais de procédure liés à l'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 2 e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01445
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;20.01445 ?
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