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07/07/2022 | FRANCE | N°20/01398

France | France, Cour d'appel de Dijon, 2 e chambre civile, 07 juillet 2022, 20/01398


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COUR D'APPEL DE DIJON



2ème chambre civile



ARRÊT DU 07 JUILLET 2022



N° RG 20/01398 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FSHZ



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : au fond du 06 novembre 2020,

rendue par le tribunal paritaire des baux ruraux de Chalon sur Saône - RG : 18/000007













APPELANTE :



Madame [L] [C] épouse [R]

née le 29 Janvier 1957 à [Localité 11] (90)

domiciliée :

[Adres...

SD/IC

[L] [C] épouse [R]

C/

[Y] [C]

[H] [C]

[O] [C]

[P] [C]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

2ème chambre civile

ARRÊT DU 07 JUILLET 2022

N° RG 20/01398 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FSHZ

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 06 novembre 2020,

rendue par le tribunal paritaire des baux ruraux de Chalon sur Saône - RG : 18/000007

APPELANTE :

Madame [L] [C] épouse [R]

née le 29 Janvier 1957 à [Localité 11] (90)

domiciliée :

[Adresse 7]

[Localité 8]

non comparante, représentée par Me Sophie LITTNER-BIBARD, membre de la SCP LITTNER-BIBARD, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

INTIMÉS :

Madame [Y] [C] née [N]

née le 07 Février 1967 à [Localité 13] (71)

domiciliée :

[Adresse 2]

[Localité 10]

Monsieur [H] [C]

né le 24 Janvier 1989 à [Localité 12] (39)

domicilié :

[Adresse 1]

[Localité 9]

Monsieur [O] [C]

né le 15 Septembre 1993 à [Localité 12] (39)

domicilié :

[Adresse 3]

[Localité 14]

Mademoiselle [P] [C]

née le 28 Juillet 2001 à [Localité 12] (39)

domiciliée :

[Adresse 2]

[Localité 10]

représentés par Me Vincent BARDET, membre de la SELARL BARDET LHOMME, avocat au barreau de MACON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 mai 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, Président,

Michel WACHTER, Conseiller,

Sophie DUMURGIER, Conseiller, qui a fait le rapport sur désignation du Président,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 07 Juillet 2022,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Sylvie RANGEARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon prêt à usage, M. et Mme [F] [C] ont mis à la disposition de leur fils [U] [C] des parcelles en nature de pré situées sur la commune de [Localité 10], cadastrées section ZK n°[Cadastre 4] pour une superficie de 2 ha 18 a 51 ca, section ZK n°[Cadastre 5] pour une superficie de 4 ha 37 a 3 ca et section ZK n°[Cadastre 6] pour une superficie de 8 ha 98 a 28 ca, soit une superficie totale de 15 ha 53 a 82 ca.

Les époux [C] sont décédés les 25 juillet 2009 et 14 novembre 2010, et, en vertu d'un acte de partage reçu le 18 mai 2013 par Me [A], notaire à [Localité 14], Mme [L] [C] épouse [R] est devenue propriétaire des parcelles mises à la disposition de son frère.

M. [U] [C] a réglé un fermage à sa soeur et le prêt à usage s'est ainsi transformé en bail rural.

M. [U] [C] est décédé le 19 octobre 2017, laissant pour lui succéder son épouse, Mme [Y] [C], et leurs trois enfants, M. [H] [C], M. [O] [C] et Mme [P] [C].

Par acte d'huissier du 15 février 2018, Mme [L] [C] a notifié à Mme [Y] [C], M. [H] [C], M. [O] [C] et Mme [P] [C] la résiliation du bail à effet du 11 novembre 2018, portant sur l'intégralité des parcelles données à bail, au visa de l'article L 411-34 du code rural.

Par requête reçue au greffe le 7 mai 2018, Mme [C] [Y] et ses enfants ont saisi le Tribunal paritaire des baux ruraux de Chalon sur Saône aux fins de voir autoriser la poursuite du bail au profit de Mme [Y] [C], au visa de l'article L 411-34 du code rural, et de voir prononcer la nullité de la notification de la résiliation du bail au motif du décès du preneur.

Le tribunal a constaté l'impossibilité de concilier les parties le 25 juin 2018 et a renvoyé l'affaire à une audience de jugement.

A l'audience du 9 juin 2020, les consorts [C] ont demandé au tribunal de :

- dire et juger que Mme [C] [Y] justifie remplir les conditions de participation effective à l'exploitation,

- autoriser la poursuite du bail à son profit,

- prononcer la nullité du congé délivré le 15 février 2018,

- débouter Mme [R] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Mme [R] à leur verser une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

lls se sont prévalu d'une participation de Mme [C] [Y] à l'exploitation agricole de son défunt mari au cours des cinq années précédant son décès, confirmée par une attestation de la MSA de Bourgogne du 9 mars 2018 et par les témoignages précis et circonstanciés de ses enfants et des partenaires habituels de l'exploitation, en précisant que l'intéressée souhaitait poursuivre l'exploitation dans le cadre de l'EARL Des deux étangs, constituée le 28 février 2019 avec M. [X], bénéficiaire d'une autorisation d'exploiter accordée le 17 avril 2020.

Mme [L] [C] a demandé au tribunal de :

- dire et juger que Mme [C] [Y] ne satisfait pas aux conditions prévues pour bénéficier du transfert du bail de son mari décédé faute de participation effective et suffisante à l'exploitation,

- dire et juger que Mme [C] [Y] ne justifie pas d'une autorisation d'exploiter les terres objet du congé,

- dire et juger, qu'en conséquence, le congé signifié le 15 février 2018 est totalement régulier et parfaitement fondé en droit,

- dire et juger que le bail rural la liant à [C] [U] est résilié au 11 novembre 2018, suite au décès du preneur,

En conséquence,

- ordonner à Mme [C] [Y] et aux consorts [C] de libérer les lieux loués de tous biens, animaux ou occupants de leur chef dans le mois de la notification du jugement et sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai, le Tribunal se réservant la faculté de liquider l'astreinte,

- condamner solidairement les consorts [C] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La défenderesse a soutenu que l'épouse du preneur qui a exercé, de 2003 à fin 2014, l'activité professionnelle de serveuse, puis, à compter du 4 juillet 2016, celle de retoucheuse itinérante, ne justifiait pas avoir participé aux travaux de l'exploitation de manière effective et permanente au cours des cinq années précédant le décès de son époux, ni au moment dudit décès, l'attestation MSA ne procédant que d'une simple déclaration.

Elle ajoutait que l'absence de participation de Mme [C] [Y] aux tâches de l'exploitation était constatée par plusieurs témoins et confirmée par l'intervention du service de remplacement 71 sur l'exploitation, pendant un arrêt maladie de [U] [C].

Par jugement rendu le 6 novembre 2020, le tribunal paritaire des baux ruraux de Chalon sur Saône a :

- constaté que Mme [Y] [C] remplit les conditions de participation effective à l'exploitation des parcelles affermées permettant la poursuite du bail à son profit en application des dispositions de l'article L 411-34 du code rural et de la pêche maritime,

- fait droit en conséquence à la demande présentée par Mme [Y] [C], M. [H] [C], M. [O] [C] et Mme [P] [C] aux fins de continuation au profit de Mme [Y] [C] du bail dont M. [C] [U] était titulaire,

- dit n'y avoir lieu en conséquence à résiliation du bail consenti à M. [U] [C] aux droits duquel viennent Mme [Y] [C], M. [H] [C], M. [O] [C] et Mme [P] [C] par M. [C] [F] et Mme [C] [M] aux droits desquels vient Mme [C] [L] épouse [R] et portant sur les parcelles cadastrées section ZK n°[Cadastre 4] pour une superficie de 2 ha 18 a 51 ca, section n°[Cadastre 5] pour une superficie de 4 ha 37 a 3 ca et section n°[Cadastre 6] pour une superficie de 8 ha 98 a 28 ca sises sur la commune de [Localité 10],

- débouté en conséquence Mme [C] [L] épouse [R] de la demande présentée à cette fin ainsi que de sa demande subséquente aux fins de libération des lieux dans le mois de la notification du jugement et sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé (sic),

- condamné Mme [C] [L] épouse [R] à verser à [Y] [C], M. [H] [C], M. [O] [C] et Mme [P] [C] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné Mme [C] [L] épouse [R] aux entiers dépens,

- constaté l'exécution provisoire de la présente décision.

Mme [L] [C] a relevé appel de ce jugement, par déclaration reçue au greffe le 26 novembre 2020.

Par conclusions déposées à l'audience le 5 mai 2022 et soutenues oralement, l'appelante demande à la Cour de :

Rejetant toutes conclusions contraires,

Vu le jugement rendu le 6 novembre 2020,

Vu les chefs critiqués du jugement aux termes de la déclaration d'appel en date du 25 novembre 2020,

- réformer la décision critiquée en ce qu'elle a :

' constaté que Mme [Y] [C] remplit les conditions de participation effective à l'exploitation des parcelles affermées permettant la poursuite du bail à son profit en application des dispositions de l'article L 411-34 du code rural et de la pêche maritime,

' fait droit en conséquence à la demande présentée par Mme [Y] [C], M. [H] [C], M. [O] [C] et Mme [P] [C] aux fins de continuation au profit de Mme [Y] [C] du bail dont M. [C] [U] était titulaire,

' dit n'y avoir lieu en conséquence à résiliation du bail consenti à M. [U] [C] aux droits duquel viennent Mme [Y] [C], M. [H] [C], M. [O] [C] et Mme [P] [C] par M. [C] [F] et Mme [C] [M] aux droits desquels vient Mme [C] [L] épouse [R] et portant sur les parcelles cadastrées section ZK n°[Cadastre 4] pour une superficie de 2 ha 18 a 51 ca, section n°[Cadastre 5] pour une superficie de 4 ha 37 a 3 ca, et section n°[Cadastre 6] pour une superficie de 8 ha 98 a 28 ca sises sur la commune de [Localité 10],

' débouté en conséquence Mme [C] [L] épouse [R] de la demande présentée à cette fin ainsi que de sa demande subséquente aux fins de libération des lieux dans le mois de la notification du jugement et sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé,

' débouté Mme [C] [L] épouse [R] de sa demande tendant à la validation du congé signifié le 15 février 2018 et à voir constater que le bail rural qui profitait à M. [U] [C] est résilié à la date du 11 novembre 2018,

' débouté Mme [C] [L] épouse [R] de sa demande eu autre (sic) des frais irrépétibles à hauteur de 2 000 euros,

' condamné Mme [C] [L] épouse [R] à verser à Mme [Y] [C], M. [H] [C], M. [O] [C] et Mme [P] [C] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

' condamné Mme [C] [L] épouse [R] aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

Vu le congé signifié le 15 février 2018,

Vu les articles L 411-34 et L 331-2 du code rural,

- juger que Mme [Y] [C] ne satisfait pas aux conditions prévues pour bénéficier du transfert du bail de son mari décédé faute d'avoir participé de manière effective et suffisante à l'exploitation de son mari décédé,

- juger que Mme [Y] [C] ne justifie pas d'une autorisation d'exploiter les terres objet du congé,

- juger qu'en conséquence le congé signifié le 15 février 2018 est totalement régulier et parfaitement fondé en droit,

- juger que le bail rural la liant à M. [U] [C] est résilié au 11 novembre 2018, suite au décès du preneur,

En conséquence,

- ordonner à Mme [Y] [C] et aux consorts [C] de libérer les lieux loués de tous biens, animaux ou occupants de leur chef dans le mois de la signification du jugement (sic) et sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai,

Ajoutant,

- condamner les consorts [C] et solidairement entre eux à lui verser une indemnité de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles,

- condamner les consorts [C] aux entiers dépens de la présente instance.

Au terme de conclusions déposées au greffe le 29 avril 2022, les consorts [C] demandent à la cour de :

Rejetant toutes écritures contraires,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Chalon sur Saône le 6 novembre 2020,

Y ajoutant,

- condamner Mme [L] [R] à leur verser la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'intimée (sic) aux entiers frais et dépens de la présente instance.

La clôture de la procédure est intervenue le 5 mai 2022.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE

Il apparaît nécessaire de rappeler, à la lecture du dispositif des conclusions de l'appelante, que les demandes de dire et/ou juger ne constituent pas une prétention mais des moyens et ne saisissent la cour d'aucune demande.

Il résulte de l'article L 411-34 du code rural et de la pêche maritime qu'en cas de décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint et de ses descendants participant ou ayant participé à l'exploitation et que le bailleur peut le résilier dans les six mois du décès lorsque le preneur ne laisse pas d'ayant droit réunissant ces conditions.

En l'espèce, Mme [L] [C] a notifié la résiliation du bail aux ayants droit du preneur le 15 février 2018, dans les six mois du décès de ce dernier.

Le tribunal a considéré que les consorts [C] s'étaient valablement opposés à cette résiliation au motif que Mme [Y] [C] démontrait sa participation effective à l'exploitation de son mari en justifiant avoir été inscrite en qualité de conjointe collaboratrice du 1er janvier 1999 au 11 septembre 2002 à titre principal, du 12 septembre 2002 jusqu'au 31 décembre 2014 à titre secondaire et du 1er janvier 2015 au 19 octobre 2017 à titre principal, et en justifiant avoir participé de manière régulière et suivie, pendant un temps suffisant, au cours des cinq dernières années précédant le décès de son époux, à la traite, au velage et aux soins des animaux, aux fenaisons et à l'entretien des installations, ainsi qu'aux tâches administratives, comme l'attestaient ses enfants mais également des voisins de la ferme et plusieurs professionnels partenaires habituels de l'exploitation et régulièrement présents sur place.

Il a estimé que les activités professionnelles de serveuse puis de retoucheuse itinérante exercées par l'intéressée n'étaient pas de nature à exclure sa participation effective et suivie à l'exploitation des parcelles affermées et que l'intervention du service de remplacement 71 sur l'exploitation, pendant un arrêt maladie du preneur du 21 mars au 30 avril 2016, n'excluait aucunement la participation de son épouse sur cette même période.

Il a enfin retenu que Mme [Y] [C] présentait une situation régulière par rapport à la législation sur le contrôle des structures des exploitations agricoles, ayant le statut d'exploitante agricole au sein de l'EARL Les Deux Etangs, laquelle bénéficie d'une autorisation d'exploiter selon arrêté préfectoral du 17 avril 2020.

La participation effective du conjoint à l'exploitation du preneur implique une participation réelle, pendant un temps suffisant, qui ne peut se limiter à des travaux ponctuels et occasionnels.

Au soutien de son appel, Mme [L] [C] prétend que la preuve de la participation effective de la veuve de [U] [C] à l'exploitation de ce dernier au cours des cinq années antérieures au décès n'est pas rapportée, faisant valoir que, de 2003 à fin 2014, [Y] [C] a été salariée comme serveuse de l'hôtel-restaurant « La Croix Blanche » à [Localité 10] et ne disposait que de peu de temps libre, étant de service le matin, le midi et le soir, et, qu'à compter du 4 juillet 2016, elle a exercé la profession de retoucheuse itinérante, les dates de ses passages dans les différentes communes démontrant qu'elle ne pouvait pas participer « de façon réelle et suivie pendant un temps suffisant » à l'exploitation de son mari et ses propres déclarations révélant qu'elle travaillait tous les jours et ne prenait qu'un dimanche sur deux.

Elle ajoute que différents témoins attestent qu'elle ne participait pas de manière réelle et suivie pendant un temps suffisant à l'exploitation de son conjoint et rappelle, qu'en première instance, elle avait demandé à l'intéressée de produire son relevé de carrière, qui aurait permis d'éclairer la juridiction sur l'activité de l'épouse du preneur, et qu'il n'a pas été satisfait à cette demande sans qu'il soit tiré de conséquence de ce défaut de production.

Elle remet en cause la force probante des attestations émanant des enfants d'[Y] [C], qui ne sont pas objectives et relève que, lors d'un arrêt maladie de [U] [C], au printemps 2016, c'est le service de remplacement 71 qui a effectué le travail sur l'exploitation pendant 38 jours, alors, qu'à cette période, son épouse était censée travailler à temps complet sur l'exploitation, dont la petite taille ne nécessitait pas l'intervention de deux personnes.

Les intimés affirment que l'appelante sait pertinemment qu'[Y] [C] a toujours participé à l'exploitation agricole de son mari et prétendent démontrer sa participation effective à l'exploitation au cours des 5 années antérieures au décès, notamment par l'attestation de la MSA, dont les éléments déclaratifs correspondent nécessairement à une réalité car ils sont générateurs de cotisations, en relevant que les attestations produites par l'appelante émanent de personnes qui n'habitaient pas sur place, qu'elles ne concernent pas la totalité de la période d'exploitation et qu'elles ne sont pas circonstanciées, alors que les nombreuses attestations qu'ils produisent justifient de la participation d'[Y] [C] à l'exploitation du preneur décédé.

Ils indiquent que cette dernière ayant cessé son activité de serveuse en 2014 et n'ayant commencé son activité de retoucheuse qu'en juillet 2016, elle a travaillé non stop sur l'exploitation pendant près de 2 ans en soulignant que, si la cour de cassation exige que la participation à l'exploitation soit réelle, il n'est pas nécessaire qu'elle ait été continue pendant 5 ans ni que cette participation soit exclusive de toute autre activité professionnelle, et en précisant que, tant pendant la période où elle était serveuse que pendant celle où elle était retoucheuse itinérante, [Y] [C] a toujours participé à l'exploitation.

Comme le soutient à juste titre l'appelante, l'attestation établie le 9 mars 2018 par la MSA, qui mentionne que Mme [C] a été déclarée conjoint collaborateur du 1er janvier 1999 au 11 septembre 2002 à titre principal, du 12 septembre 2002 au 31 décembre 2014 à titre secondaire, et du 1er janvier 2015 au 19 octobre 2017 à titre principal, a un caractère purement déclaratif et ne démontre pas, en soit, la participation effective de l'intimée aux travaux de l'exploitation agricole.

Les témoignages des enfants de Mme [C], eux-mêmes parties à la procédure, sont dépourvus de valeur probante, en raison de leur manque d'objectivité.

Si les intimés produisent plusieurs attestations de personnes, voisins, ouvrier agricole, vétérinaire, indiquant que Mme [C] participait aux travaux tels que la traite, le suivi des troupeaux, la distribution des rations, le curage des locaux et les travaux administratifs, force est de constater que les faits rapportés par le vétérinaire ne sont pas datés, pas plus que ceux rapportés par Mme [D] et M. [S], de sorte que ces témoignages ne permettent pas de déterminer la période de la participation de l'intéressée à ces travaux, alors que, par ailleurs, il n'est pas contesté, qu'avant la fin de l'année 2014, elle travaillait à temps plein comme serveuse pour un hôtel restaurant, et, qu'à compter du 4 juillet 2016, elle exerçait une activité de retoucheuse itinérante, dans 21 communes de Bresse, tous les jours de la semaine, excepté deux dimanches par mois, ce qui rend peu plausible sa participation réelle, pendant un temps suffisant, à l'exploitation agricole de son mari à compter de cette date.

Par ailleurs, s'il est constant que, de la fin de l'année 2014 au 4 juillet 2016, soit pendant dix-huit mois, Mme [C] n'a pas exercé d'activité professionnelle, aucun des éléments du dossier ne confirme, qu'à cette période, elle participait effectivement aux travaux de l'exploitation alors que, comme le relève justement l'appelante, son mari a fait appel à un service de remplacement au printemps 2016, pendant plus d'un mois durant son arrêt maladie, et que la taille de l'exploitation agricole ne nécessitait pas la présence de deux emplois.

C'est donc à tort que le tribunal a considéré que les consorts [C] apportaient la preuve d'une participation effective de Mme [Y] [C] à l'exploitation agricole de son mari au cours des cinq dernières années précédant le décès de celui-ci.

Comme le fait légitimement valoir l'appelante, devant le notaire qui a établi l'attestation de notoriété, Mme [Y] [C] s'est présentée comme gérante et non comme exploitante agricole, et, lors de la constitution de l'EARL Des deux étangs, elle a déclaré exercer une activité d'entrepreneur individuel commercial et relever de l'URSSAF au titre de l'assurance maladie.

Si Mme [C] a été contrainte de travailler sur l'exploitation après le décès de son mari, il n'est pas démontré qu'elle participait effectivement à l'exploitation au moment du décès de celui-ci.

Enfin, ainsi que le rappelle Mme [R], Mme [Y] [C] était tenue de se conformer à la législation sur le contrôle des structures dans le cadre de la transmission du bail à cause de mort de l'article L 411-34 du code rural et de la pêche maritime.

Or il n'est pas contesté que l'intimée n'est titulaire d'aucun diplôme agricole et qu'elle devait donc détenir une autorisation d'exploiter à la date du congé délivré par la bailleresse, l'expérience professionnelle de plus de 5 ans au cours des 15 dernières années dont elle se prévaut n'ayant pas été démontrée.

Il résulte des éléments du dossier que Mme [C] ne s'est associée au sein de l'EARL Des deux étangs que le 28 février 2019 et, qu'à cette date, la société n'était pas détentrice d'une autorisation d'exploiter, laquelle n'a été obtenue que le 17 avril 2020, près de trois ans après le décès du preneur.

Mme [C] ne réunissant pas les conditions prévues par l'article L 411-34 du code rural et de la pêche maritime, il convient de valider la résiliation du bail pour cause de décès notifiée le 15 février 2018 par Mme [L] [R], à effet du 11 novembre 2018, et de débouter les consorts [C] de leur demande aux fins de continuation du bail dont était titulaire [U] [C] au profit de sa veuve, le jugement entrepris méritant d'être infirmé en toutes ses dispositions.

Les consorts [C] seront ainsi condamnés à libérer les lieux loués de tous biens, animaux ou occupants dans le délai de deux mois suivant la signification de l'arrêt, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé ce délai, pendant six mois.

Les intimés, partie perdante, seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.

Il est par ailleurs équitable de mettre à leur charge une partie des frais de procédure exposés par l'appelante et non compris dans les dépens.

Ils seront ainsi condamnés in solidum à lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 novembre 2020 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Chalon sur Saône,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Mme [Y] [C], M. [H] [C], M. [O] [C] et Mme [P] [C] de leur demande aux fins de continuation du bail rural dont était titulaire [U] [C] au profit d'[Y] [C],

Constate la résiliation du bail à ferme consenti à M. [U] [C], aux droits duquel se trouvent Mme [Y] [C], M. [H] [C], M. [O] [C] et Mme [P] [C], portant sur les parcelles cadastrées section ZK n°[Cadastre 4] pour une superficie de 2 ha 18 a 51 ca, section n°[Cadastre 5] pour une superficie de 4 ha 37 a 3 ca, et section n°[Cadastre 6] pour une superficie de 8 ha 98 a 28 ca sises sur la commune de [Localité 10], à compter du 11 novembre 2018,

Ordonne à Mme [Y] [C], M. [H] [C], M. [O] [C] et Mme [P] [C] de libérer les lieux loués de tous biens, animaux ou occupants dans le délai de deux mois suivant la signification de l'arrêt, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé ce délai, pendant six mois,

Condamne in solidum Mme [Y] [C], M.[H] [C], M. [O] [C] et Mme [P] [C] à payer à Mme [L] [C] épouse [R] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Mme [Y] [C], M. [H] [C], M. [O] [C] et Mme [P] [C] aux dépens de première instance et d'appel et dit que les dépens pourront être recouvrés directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par la SCP Cabinet Littner Bibard, avocat, pour ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 2 e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01398
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;20.01398 ?
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